Tribunal de première instance, 6 octobre 2016, M. m. D c/ Mme s. D épouse S

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Divorce - Liquidation des intérêts communs - Application du régime légal français - Récompense due par la communauté à l'un des époux

Résumé🔗

Les époux, mariés sous le régime légal français de la communauté réduite aux acquêts ont divorcé à leurs torts et griefs réciproques. L'ex-épouse sollicite la récompense par la communauté de deux lots dépendant de la copropriété d'un immeuble, lots dont le caractère commun a été définitivement établi. A la suite d'une instance introduite par la seule ex-épouse, l'acte d'acquisition a été annulé et l'Etat de Monaco lui a versé la somme de 222 674,17 euros, déduction faite des dépens. Cette somme doit s'analyser de la même manière que l'aliénation prévue par l'article 1469 du Code civil français, s'agissant d'un bien qui ne se retrouve pas, au jour de la liquidation dans le patrimoine de la communauté emprunteuse. Pour calculer la récompense due par la communauté à l'ex-épouse, le Tribunal se base sur le prix d'acquisition des lots (134 460 euros) et la somme déjà obtenue par l'épouse (65 044 euros au titre du remboursement de l'emprunt immobilier), de sorte que la récompense s'élève donc à la somme de : (65 044,57/134 460) x 222 674,17 = 107 717,87 euros.

Les comptes de récompenses, au sens de l'article 1468 du Code civil français, peuvent ainsi être clôturés, les parties ne présentant plus d'autres demandes. Les causes à l'origine du procès-verbal de difficultés établi par le notaire ont été purgées. Le Tribunal renvoie en conséquence les parties devant ce dernier pour l'établissement de l'acte liquidatif et le compte entre les parties.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

N° 2002/000275 (assignation du 3 janvier 2002)

JUGEMENT DU 6 OCTOBRE 2016

En la cause de :

  • M. m. D, né à Marseille le 7 juillet 1954, de nationalité française, responsable technique, demeurant X1 à Monaco ;

DEMANDEUR, ayant primitivement élu domicile en l'étude de Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Stéphane MEGYERI, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

  • Mme s. D épouse S, née à Monaco le 19 août 1957, de nationalité monégasque, demeurant à MONACO, X3 ;

DÉFENDERESSE, ayant primitivement élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu le jugement de ce Tribunal en date du 18 juillet 2000, enregistré, ayant prononcé le divorce des époux s. D m. D ;

Vu le procès-verbal de difficultés en date du 24 juillet 2001, enregistré, dressé par Maître Magali CROVETTO-AQUILINA, notaire commis par le jugement précité du 18 juillet 2000 ;

Vu l'ordonnance du Juge commis à la surveillance des opérations de liquidation des intérêts communs ayant pu exister entre les époux en date du 30 octobre 2001, enregistrée, ayant autorisé m. D à assigner s. D à l'audience du Tribunal de première instance du 22 novembre 2001 ;

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 3 janvier 2002, enregistré (n° 2002/000275) ;

Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 25 mars 2004, rectifié le 22 avril 2004, ayant prescrit une mesure d'expertise et désigné pour y procéder M. Christian BOISSON et M. Jacques ORECCHIA ;

Vu le rapport de M. Christian BOISSON, régulièrement déposé au greffe général le 10 décembre 2004 ;

Vu le rapport de M. Jacques ORECCHIA, régulièrement déposé au greffe général le 17 décembre 2004 ;

Vu l'ordonnance du magistrat chargé de suivre l'expertise en date du 3 janvier 2005 ayant ajourné la cause et les parties à l'audience du Tribunal du 20 janvier 2005 ;

Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 19 février 2009, rectifié le 26 mars 2009, ayant notamment ordonné le placement de la cause au Rôle Général ;

Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 23 février 2012, ayant notamment ordonné le placement de l'affaire au Rôle Général ;

Vu les conclusions de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de s. D, en date des 13 janvier 2016 et 20 avril 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur, au nom de m. D, en date des 9 mars 2016 et 1er juin 2016 ;

À l'audience publique du 9 juin 2016, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour le 20 septembre 2016 et prorogé au 6 octobre 2016, les parties ayant été avisées par le Président;

CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :

m. D et s. D se sont mariés le 26 mars 1977 par devant l'officier de l'état civil de Monaco sans contrat de mariage préalable en déclarant se soumettre au régime légal français, à savoir la communauté de biens réduite aux acquêts ;

Par jugement du 18 juillet 2000, ce Tribunal a prononcé le divorce des époux à leurs torts et griefs réciproques, fixé au 21 juin 2000 les effets de leur résidence séparée, ordonné la liquidation de leurs intérêts communs et commis Maître CROVETTO-AQUILINA, notaire, pour procéder à cette liquidation et Melle BITAR-GHANEM, Juge au siège, pour suivre ces opérations et faire rapport en cas de difficultés ;

Suivant procès-verbal du 24 juillet 2001, le notaire désigné, saisi sur difficultés de liquidation, a constaté l'impossibilité d'accomplir à l'amiable la liquidation des intérêts communs ;

Par ordonnance de non conciliation du 30 octobre 2001, le magistrat désigné pour suivre lesdites opérations a autorisé m. D à assigner s. D pour être statué sur la liquidation des intérêts communs ayant existé entre les ex-époux ;

Suivant exploit du 3 janvier 2002, m. D a fait assigner s. D à l'effet de voir effectuer la liquidation des intérêts communs ayant existé entre les ex-époux et pour ce faire de désigner tel expert qu'il appartiendra aux fins :

  • d'évaluation des biens communs à la date du 21 juin 2000 soit l'entreprise A qui était exploitée à Monaco, X3 et immatriculée au RCI sous le n° X et l'appartement sis à MONACO, X2, à sa valeur vénale de reprise par le service des Domaines telle que notamment indiquée dans l'acte d'acquisition ;

  • d'établissement des comptes entre les parties, en tenant compte notamment des apports personnels effectués par chacun des ex-époux avec ses fonds propres, de l'indemnité d'occupation due par s. D pour l'appartement conjugal qu'elle occupe seule depuis le 29 février 1996, et de l'indemnité de licenciement due à m. D ;

  • et de dire que les honoraires de l'expert seront supportés par moitié par chacune des parties ;

Par jugement du 25 mars 2004, rectifié par le jugement du 22 avril 2004, auquel il convient de se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions à ce stade, le Tribunal de Première instance a déclaré recevable la demande formée par m. D, dit et jugé que le la loi française a vocation à régir la liquidation du régime matrimonial des époux D D, dit et jugé que l'entreprise A (A) et l'appartement situé au X2 au B sont des biens communs et avant dire droit au fond sur la liquidation des intérêts communs des époux, ordonné une mesure d'expertise aux frais avancés de m. D en désignant respectivement pour y procéder :

M. Christian BOISSON à l'effet de dire si le fonds de commerce A a dégagé entre le 21 juin 2000 et le 1er juillet 2001, un bénéfice d'exploitation et lequel, s'il existe à la date de cessation d'activité, soit le 1er juillet 2001, un solde de liquidation relatif à l'exploitation de l'entreprise,

M. Jacques ORECCHIA à l'effet d'évaluer l'appartement situé au X2 à Monaco, immeuble « Le B », eu égard à la valeur vénale de reprise par le service de l'Administration des Domaines, tout en chiffrant également le montant de l'indemnité d'occupation afférente à cet appartement pouvant être due depuis le 29 février 1996 ;

Par jugement en date du 19 février 2009, le Tribunal a notamment :

  • - Dit que la communauté doit récompense à s. D pour le paiement de la somme de 65.044,57 euros en remboursement de l'emprunt immobilier.

  • - Sursis à statuer, dans l'attente du caractère définitif de la décision dans l'affaire opposant l'État de Monaco à s. D et m. D, sur la fixation du montant de la récompense.

  • - Débouté s. D de sa demande de récompense fondée sur le taux d'emprunt.

  • - Sursis à statuer, dans l'attente du caractère définitif de la décision dans l'affaire opposant l'État de Monaco à s. D et m. D, sur la fixation de la valeur du bien immobilier.

  • - Débouté s. D de sa demande de récompense envers la communauté au titre des charges et travaux de l'immeuble durant le mariage.

  • - Débouté m. D de sa demande d'indemnité d'occupation de l'immeuble pour la période du 29 février 1996 au 21 juin 2000.

  • - Sursis à statuer sur la demande de condamnation au titre des charges de l'immeuble indivis et au titre de l'indemnité d'usage privatif de l'immeuble dans l'attente du caractère définitif de la décision dans l'affaire opposant l'État de Monaco à s. D et m. D.

  • - Sursis à statuer sur la clôture du compte des récompenses, les prélèvements, la date de jouissance divise, le partage, l'attribution préférentielle et le bénéfice d'émolument dans l'attente du caractère définitif de la décision dans l'affaire opposant l'État de Monaco à s. D et m. D.

  • - Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

  • - Ordonné le placement de la cause au rôle général du Tribunal de première instance et dit qu'elle sera rappelée à la première audience utile à la demande de la partie la plus diligente.

  • - Réservé les dépens.

Par jugement en date du 9 octobre 2008, le Tribunal de Première Instance de Monaco a prononcé la nullité du contrat de vente relatif à des biens immobiliers situés dans l'immeuble le B à Monaco signé le 8 juillet 1985 et a ordonné en conséquence la remise en l'état des choses dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la vente.

Suivant arrêt en date du 2 mars 2010, la Cour d'Appel de Monaco a confirmé le jugement du 9 octobre 2008 en toutes ses dispositions.

Par jugement en date du 23 février 2012, le Tribunal de Première Instance a :

  • -constaté que les sursis à statuer ordonnés par jugement du 19 février 2009 ont perdu leur effet, de sorte que s. D était en droit de faire revenir la présente affaire pour être jugée au fond,

  • - constaté que la question de l'évaluation du bien immobilier situé « le B » X2 à Monaco est sans objet,

  • - prononcé le sursis à statuer sur la fixation des sommes utilisées par s. D sur ses fonds propres pour l'acquisition du bien immobilier et ce dans l'attente de connaître le montant et les modalités des restitutions versées par l'Etat de Monaco suite à l'annulation de l'acte de vente du 8 juillet 1985,

  • - prononcé le sursis à statuer sur l'établissement du compte de récompense dans l'attente de connaître le montant et les modalités des restitutions versées par l'Etat de Monaco suite à l'annulation de l'acte de vente du 8 juillet 1985,

  • - débouté s. D de sa demande de paiement des charges de l'immeuble indivis,

  • - débouté m. D de sa demande de paiement d'une indemnité d'occupation de l'immeuble pour la période du 21 juin 2000 au 2 mars 2010,

  • - dit que la question de l'attribution préférentielle de l'appartement situé « le B » X2 à Monaco est sans objet,

  • - sursis à statuer sur la clôture du compte d'indivision, sur les prélèvements, la date de jouissance divise, le partage, et le bénéfice d'émolument dans l'attente de connaître le montant et les modalités des restitutions versées par l'État de Monaco consécutivement à l'annulation de la vente immobilière,

  • - ordonné le maintien de la cause au Rôle Général du Tribunal de première instance et dit qu'elle sera rappelée à la première audience utile à la requête de la partie la plus diligente,

  • - réservé les dépens, y compris les frais d'expertise.

Pour statuer ainsi, le Tribunal a considéré que le bien immobilier situé X2, immeuble « le B », devait être considéré comme sorti du patrimoine des ex-époux, si bien que la question de son évaluation devait être considérée comme sans objet. S'agissant de la dépense faite au profit de la communauté, par s. D, le Tribunal a indiqué que celle-ci avait été évaluée à 65.044,57 euros, par le jugement du 19 février 2009, mais que cependant, les parties étaient dans l'attente de la somme que l'Etat de Monaco allait devoir restituer suite au prononcé de l'annulation de la vente du 5 mars 2015 et d'un profit subsistant au sens de l'article 1469 alinéa 3 du Code civil français, loi applicable en l'espèce.

L'affaire était rappelée du rôle général à l'initiative de s. D. Par conclusions en date des 13 janvier 2016 et 20 avril 2016, elle sollicite désormais du Tribunal :

  • - de dire que la récompense qui lui est due par la communauté est de 144.443,82 euros, outre intérêts de droit à compter du 21 juin 2000,

  • - de dire qu'elle pourra se payer pour toutes les créances qu'elle a sur la communauté, notamment celles déjà arrêtées par le Tribunal dans ses précédents jugements, par prélèvement sur les sommes qu'elle détient pour le compte de la communauté,

  • - dire que m. D est encore redevable envers elle, après règlement de sa récompense, d'une somme en numéraire à préciser au jour de la jouissance divise,

  • - d'être autorisée, pour la partie de cette somme égale à la différence entre ses prélèvements et sa récompense, à prélever ce montant à concurrence sur les biens propres de m. D,

  • - de condamner m. D au paiement de ladite somme, outre intérêts de droit à compter du 21 juin 2000, jusqu'à parfait paiement.

Au soutien de ses prétentions, Madame s. D indique que suite à l'annulation de la vente de l'appartement situé dans l'immeuble « Le B », par arrêt de la Cour d'appel du 3 mars 2010, elle avait introduit une instance en paiement à l'encontre de l'État de Monaco par acte du 7 octobre 2013. Par jugement en date du 5 mars 2015, le Tribunal de Première Instance avait condamné l'État de Monaco à lui payer les sommes suivantes :

  • - 134.460 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2013, au titre de la restitution du prix d'achat de biens immobiliers dont l'acte de vente a été annulé par arrêt définitif de la Cour d'appel du 2 mars 2010,

  • - 79.140 euros au titre des intérêts et 3.870 euros au titre de l'assurance afférente, représentant la restitution des sommes payées pour le même achat, au titre d'un paiement échelonné rémunéré consenti par l'Etat,

  • - 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

s. D indique que ce jugement est définitif et que déduction faite des dépens, elle a perçu de l'État de Monaco une somme de 222.563,67 euros. Elle ajoute que sur le prix d'achat du bien litigieux (882.000 francs) elle aurait versé, au bénéfice de la communauté, une somme de 675.333 francs (soit 102.953,85 euros).

L'annulation de la vente devrait être assimilée à une cession au sens de l'article 1469 alinéa 3 du Code civil français, applicable en l'espèce et le profit subsistant au sens de ce texte devrait être de 222.563,67 euros.

En conséquence, sur le prix d'achat initial qu'elle évalue à 158.645,40 euros, sa quote-part d'acquisition serait de 102.953,85 x 100% / 158.645,40 = 64,90%. Appliquée au profit subsistant sa récompense serait donc de 144.443,82 euros.

Elle estime que si le jugement du Tribunal de Première Instance du 19 février 2009 avait statué sur son droit à récompense, à hauteur de 65.044,57 euros, en lien avec l'emprunt immobilier réalisé pour l'acquisition du bien litigieux, il ne peut pas être considéré raisonnablement que ce qui a été jugé par cette décision aurait l'autorité de la chose jugée, puisque, postérieurement, par arrêt du 2 mars 2010, la Cour d'appel avait annulé la vente.

Dès lors, pour le calcul fondé sur la règle de trois évoquée ci-dessus, le Tribunal pourrait prendre en compte des pièces complémentaires et notamment celles prouvant qu'elle a reçu des sommes sur son compte personnel avant de payer l'Etat de Monaco quelques jours après, justifiant ainsi d'un remploi.

Aux termes de conclusions en date des 9 mars et 1er juin 2016, m. D sollicite désormais :

  • - Qu'il soit constaté que les demandes de s. D relatives aux sommes apportées par ses soins se heurtent à l'autorité de la chose jugée résultant du jugement du 19 février 2009,

  • - Qu'il soit constaté qu'il a été déjà statué définitivement sur les réclamations à ce titre à hauteur de la somme de 65.044,57 euros et qu'elle soit déclarée en conséquence irrecevable et en tout cas mal fondée en ses réclamations,

  • - que la récompense due par la communauté à s. D soit fixée à la somme de 107.717,87 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2015,

  • - qu'il soit constaté que s. D détient pour le compte de la communauté la somme de 222.674,17 euros dont il sera tenu compte par le notaire saisi et que la cause et les parties soient renvoyés devant maître CROVETTO-AQUILINA, notaire saisi, pour établir un état liquidatif et le compte entre les parties, compte tenu des décisions intervenues,

  • - que les dépens soient employés en frais privilégiés de partage après condamnation de s. D au paiement de ceux-ci.

Au soutien de ses prétentions, m. D indique que le prix d'achat s'élève à 134.460 euros (882.000 francs) et non 158.645,40 euros comme mentionné à tort par s. D et d'autre part que sa contribution en propre à l'acquisition doit être fixée à 65.044,57 euros, conformément à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du Tribunal de Première Instance du 19 février 2009. Ainsi, sur un profit subsistant de 222.674,17 euros (et non pas 222.674,17 euros comme indiqué à tort par s. D) la récompense due par la communauté à s. D s'élève à la somme de 107.717,87 euros.

SUR CE :

  • - Sur la récompense sollicitée par s. D à la communauté, relative aux biens immobiliers composant les lots n°259 et 83 dépendant de la copropriété de l'immeuble « le B », X2 à Monaco :

1/ Attendu que par jugement du 25 mars 2004, la nature commune de ces biens immobiliers a été établie ;

Que suite à l'annulation de la vente du 8 juillet 1985 par arrêt confirmatif de la Cour d'appel du 2 mars 2010, une instance a été introduite par s. D, seule, à l'encontre de l'Etat de Monaco, pour voir fixer les sommes dues au titre des effets de cette annulation ;

Que par jugement du Tribunal de Première Instance en date du 5 mars 2015, désormais définitif, l'État de Monaco a été condamné à payer à s. D 134.460 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2013, 79.140 euros, 3870 euros et 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Que s. D verse aux débats un chèque de 224.393,20 euros, reçu de l'État de Monaco, daté du 22 octobre 2015 et affirme que déduction faite des dépens, s'élevant à 1.829,53 euros, elle a conservé une somme de 222.563,67 euros ;

Qu'il ressort pourtant des pièces produites aux débats (état de frais du 20 mars 2015 pour 1.706,43 euros et coût de 12,60 euros pour la rédaction de l'acte et l'expédition) que les dépens se sont élevés à 1.719,03 euros, comme l'indique m. D, si bien que s. D doit être considérée comme ayant perçu une somme nette de 222.674,17 euros au titre du jugement du 5 mars 2015 ;

Que s. D entend que la récompense due par la communauté soit calculée par rapport à cette somme, si bien qu'il faut constater que les parties ne contestent pas que la nullité de la vente d'un bien immobilier, jugé commun, n'a pas d'effet sur la nature de la somme versée à un acquéreur agissant seul contre le vendeur et qu'en conséquence, conformément à la demande de m. D, il doit être constaté que s. D détient pour le compte de la communauté telle somme de 222.674,17 euros ;

2/ Attendu comme indiqué dans les précédents jugements de ce Tribunal que la loi française a vocation à régir le fond de la liquidation des intérêts communs ayant existé entre les époux et que les parties se fondent à cet égard sur l'article 1469 du Code civil (et particulièrement son alinéa 3) qui dispose :

« La récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant.

Elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire.

Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l'aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien. »

Qu'il faut effectivement considérer valablement que les sommes auxquelles l'État de Monaco a été condamné en conséquence de la nullité d'un acte de vente ayant produit des effets pendant plusieurs années doit s'analyser de la même manière que l'aliénation prévue par ce texte, s'agissant d'un bien qui ne se retrouve pas, au jour de la liquidation, dans le patrimoine emprunteur, celui de la communauté en l'espèce ;

Attendu que le calcul de la récompense due par la communauté à s. D doit se fonder sur la quote-part de s. D dans l'acquisition des biens immobiliers ;

Qu'à cet égard, force est de constater que par jugement du 19 février 2009, il a déjà été statué à cet égard, par des dispositions revêtues de l'autorité de la chose jugée ;

Attendu en effet qu'il ne peut être considéré, comme le soutient à tort s. D, que la motivation de cette décision serait « périmée » ;

Qu'au contraire, le Tribunal s'est attaché à tenter de déterminer en quoi la communauté aurait tiré profit de biens propres au sens de l'article 1433 du Code civil français et en l'espèce il était conclu que s. D avait fait la preuve de l'utilisation d'un propre par nature pour le paiement de sommes relevant de la communauté à hauteur de 426.664,42 francs (soit 65.044,57 euros) ; Qu'outre la démonstration contenue dans les motifs de la décision, le dispositif du jugement énonce bien :

« Dit que la communauté doit récompense à s. D pour le paiement de la somme de 65.044,57 euros en remboursement de l'emprunt immobilier.

Surseoit à statuer, dans l'attente du caractère définitif de la décision dans l'affaire opposant l'Etat de Monaco à s. D et m. D, sur la fixation du montant de la récompense. »

Attendu qu'il ne pouvait en être autrement, dans la mesure où, au jour du jugement du 19 février 2009, le jugement du Tribunal de Première Instance du 9 octobre 2008 prononçant la nullité de vente immobilière était frappé d'appel, que l'arrêt afférant allait intervenir le 2 mars 2010 et que le principe d'un profit subsistant au sens de l'article 1469 alinéa 3 du Code civil français n'était à cette date nullement établi si bien qu'il a été statué sur la dépense faite au sens de ce texte ;

Attendu en conséquence que les développements de s. D contenus dans ses dernières conclusions ne peuvent être reçus sans se heurter à l'autorité de la chose jugée, au sens de l'article 1198 du Code civil ;

Attendu en conséquence que m. D doit être accueilli en ses demandes s'agissant du calcul de la récompense due par la communauté à s. D ; Qu'il convient en effet de se baser sur le prix de vente fixé dans l'acte du 8 juillet 1985, soit 882.000 francs (soit 134.460 euros et non 158.645,40 euros comme affirmé, sans explications, par s. D) ;

Que la récompense due à s. D s'élève donc à la somme de : (65.044,57/134.460) x 222.674,17 = 107.717,87 euros ;

Que les intérêts sur cette somme ne peuvent commencer à courir qu'à compter du jugement ayant statué sur les conséquences de la nullité de la vente des biens immobiliers situés dans l'immeuble « Le B », soit à compter du 5 mars 2015 ;

  • Sur les autres chefs de demandes :

Attendu que les comptes de récompenses, au sens de l'article 1468 du Code civil français peuvent être désormais clôturés, que les parties ne présentent plus de demandes relatives à un bénéfice d'émolument ni à la date de jouissance divise ;

Qu'il convient de constater que les causes à l'origine du procès-verbal de difficultés établi par le notaire le 24 juillet 2001 ont été purgées ;

Que le principe est l'établissement de l'état liquidatif et son exécution sous l'égide du Notaire en charge des opérations de liquidation et seulement, en cas de nouvelle difficulté, une partie est-elle autorisée à solliciter des autorisations de prélèvements sur les sommes qu'elle détient pour le compte de la communauté ;

Qu'il y a lieu en conséquence de renvoyer les parties devant maître Magali CROVETTO-AQUILINA, Notaire saisi, pour l'établissement de l'acte liquidatif et le compte entre les parties, compte tenu des jugements des 19 juillet 2009, 23 février 2012 et de ce jour ;

Attendu que compte tenu de la nature familiale de l'affaire, il y a lieu d'ordonner la compensation totale des dépens, sauf en ce qui concerne les frais des deux expertises ordonnées par jugement du 25 mars 2004 (avec jugement rectificatif du 22 avril 2004) dont il sera fait masse et qui seront supportés par moitié par chacune des parties ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement et contradictoirement, après jugement du 25 mars 2004, rectifié le 22 avril 2004, jugement du 19 février 2009 et jugement du 23 février 2012,

Constate que s. D détient pour le compte de la communauté la somme de 222.674,17 euros ;

Dit que la communauté doit récompense à s. D au titre du profit subsistant relatif au bien immobilier situé X2, immeuble « Le B » à Monaco, à hauteur de la somme de 107.717,87 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2015, sur la base d'une dépense faite de 65.044,57 euros telle que déterminée par jugement du 19 février 2009 ;

Déboute s. D du surplus de ses demandes ;

Renvoie les parties à saisir maître Magali CROVETTO-AQUILINA pour établissement de l'acte liquidatif et du compte entre les parties, compte tenu des jugements des 19 février 2009, 23 février 2012 et de ce jour ;

Ordonne la compensation totale des dépens sauf en ce qui concerne les frais des deux expertises ordonnées par jugement du 25 mars 2004, dont il sera fait masse et qui seront supportés par moitié par chacune des parties ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Madame Léa PARIENTI, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier stagiaire ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 6 OCTOBRE 2016, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier stagiaire, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

  • Consulter le PDF