Tribunal de première instance, 27 septembre 2016, j. PI-CA. veuve LA. VAN RO. c/ L'État de Monaco et la SAM A

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Abstract🔗

Responsabilité de l'État - Travaux de démolition et d'aménagement - Exécution d'une convention d'expropriation - Désordres affectant le tréfonds - Exonération de responsabilité contractuelle (non) - Bien-fondé (oui).

Résumé🔗

Dans le cadre du réaménagement d'anciens terrains ferroviaires, l'État de Monaco a entrepris au cours des années 2000, une importante opération d'urbanisme et d'aménagement de voierie visant notamment à l'édification de plusieurs immeubles d'habitation et d'un établissement scolaire. Il y était notamment convenu, du fait d'une loi d'expropriation, une cession de parcelle de terrain par une société, celle-ci en conservant toutefois le tréfonds, et la prise en charge par l'État de Monaco d'un certain nombre de travaux de mise en conformité de l'immeuble au regard des chantiers qui allaient être entrepris.

La responsabilité de l'État est en l'espèce une responsabilité de nature contractuelle, du fait de l'existence de la convention du 9 juin 2012 lui imposant l'obligation générale de délivrer des locaux en bon état d'usage conformes à une destination donnée (l'arrière- boutique d'un commerce).

Le contrat ne comporte aucune clause limitative ou exonératoire de responsabilité. En l'espèce, la nature de l'activité, soit la réalisation de travaux sans difficulté technique particulière, selon des techniques connues et sans caractère exceptionnel, ne doit pas amener à exonérer l'État de Monaco d'une responsabilité, ou à exiger une faute qualifiée pour engager sa responsabilité. Par conséquent, l'État de Monaco sera reconnu pleinement responsable des désordres survenus dans les locaux litigieux.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

N° 2015/000438 (assignation du 18 mars 2015)

N° 2016/000090 (assignation du 22 juillet 2015)

JUGEMENT DU 27 SEPTEMBRE 2016

  • j. PI-CA. veuve LA. VAN RO., née à Monaco, le 9 avril 1933, de nationalité monégasque, domiciliée à « X1 », X1, 98000 MONACO ;

DEMANDERESSE au principal, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Alice PASTOR, avocat-stagiaire en cette même Cour ;

d'une part ;

Contre :

  • L'ÉTAT DE MONACO, représenté, conformément à l'article 139 du Code de procédure civile, par M. le Ministre d'État demeurant au Ministère d'État, X Ville (Service des Travaux Publics) ;

DÉFENDEUR au principal,

DEMANDEUR sur appel en garantie, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

  • La société anonyme de droit français dénommée A, inscrite au RCS de Nanterre sous le n° 722 057 460, dont le siège social est sis X2 à Nanterre (92727 Cedex), prise en la personne de son représentant en Principauté de Monaco, la Société anonyme monégasque B, ayant son siège social X1 à Monaco, ladite société elle-même prise en la personne de son Président administrateur délégué en exercice, M. Hervé HUSSON, domicilié en cette qualité audit siège ;

DÉFENDEUR sur appel en garantie, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 18 mars 2015, enregistré (n° 2015/000438) ;

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 22 juillet 2015, enregistré (n° 2016/000090) ;

Vu les conclusions de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de l'ÉTAT DE MONACO, en date des 9 décembre 2015, 9 mars 2016 et 20 avril 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI avocat-défenseur, au nom de j. PI-CA. veuve LA. VAN RO., en date du 28 janvier 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, au nom de la SA A, en date du 9 mars 2016 ;

À l'audience publique du 23 juin 2016, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 27 septembre 2016 ;

CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :

Dans le cadre du réaménagement d'anciens terrains ferroviaires, l'État de Monaco a entrepris au cours des années 2000, une importante opération d'urbanisme et d'aménagement de voierie visant notamment à l'édification de plusieurs immeubles d'habitation et d'un établissement scolaire.

Dans ce cadre, une nouvelle voie publique était créée, dénommée allée Lazare Sauvaigo, qui allait longer la façade nord-ouest de l'immeuble dénommé « maison Campora », lequel donne dans sa partie inférieure sur la rue de la Turbie. Le 9 juin 2009, un protocole d'accord était conclu entre l'État de Monaco et j. PI-CA., propriétaire à cette date de l'entier immeuble. Il y était notamment convenu, du fait d'une loi d'expropriation, une cession de parcelle de terrain par j. PI-CA. à l'État de Monaco, celle-ci en conservant toutefois le tréfonds, et la prise en charge par l'État de Monaco d'un certain nombre de travaux de mise en conformité de l'immeuble au regard des chantiers qui allaient être entrepris. En particulier, la desserte de l'immeuble donnant sur la nouvelle allée Lazare Sauvaigo était concernée par la création d'une nouvelle entrée, avec emprise sur les parties privatives ainsi que la destruction et la reconstruction des locaux en sous-sol.

Il n'est pas contesté qu'au mois de novembre 2011, près de deux années après la reconstruction des lieux et leur mise à disposition, des désordres consistant en des infiltrations d'eau sont intervenus, dans les locaux situés côté Nord de l'immeuble, en sous-sol de l'avenue Lazare Sauvaigo.

Suite à une assignation de j. PI-CA. en date du 3 février 2012, M. R. FE. était désigné en qualité d'expert par Ordonnance de référé en date du 14 mars 2012 avec pour mission de :

  • 1/ Entendre contradictoirement les parties, prendre connaissance de tous documents utiles, recueillir les informations de toutes les personnes et l'avis de tout sachant,

  • 2/ Se rendre sur les lieux « Maison Campora », X3 à Monaco et les décrire,

  • 3/ Rechercher, décrire les désordres et déterminer leur origine ainsi que leur cause, en apportant toute précision technique,

  • 4/Fournir au Tribunal les éléments techniques permettant de statuer sur les responsabilités des désordres constatés,

  • 5/ Définir les travaux à effectuer pour remédier aux infiltrations d'eau et remettre les lieux à l'état neuf dans lequel ils se trouvaient avant le sinistre, en préciser la durée et évaluer le préjudice subi,

  • 6/ Répondre aux dires écrits des parties, proposer un pré-rapport et tenter de les concilier, si faire se peut, sinon déposer le rapport définitif dans les deux mois de sa saisine.

L'expert déposait son rapport le 25 avril 2014, en concluant notamment que les travaux qu'a fait réaliser l'État de Monaco étaient à l'origine des désordres constatés.

  • Instance n°2015/438 :

Par acte en date du 18 mars 2015, j. PI-CA. faisait citer l'État de Monaco devant le Tribunal de Première Instance en sollicitant l'homologation du rapport de l'expert FE., qu'il soit jugé que l'État de Monaco était entièrement responsable des désordres constatés dans ce rapport et la condamnation de l'État de Monaco au paiement d'une somme de 29.561,96 euros à titre de dommages et intérêts.

Par conclusions en date du 13 mai 2015, l'État de Monaco sollicitait l'autorisation d'appeler en garantie son assureur, la compagnie A, à l'effet d'être relevée et garantie de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au profit de j. PI-CA.. La demanderesse, par conclusions du 28 mai 2015 indiquait ne pas s'opposer à cette demande et par jugement en date du 9 juillet 2015, ce Tribunal autorisait cet appel en garantie. (voir instance n°2016/90).

j. PI-CA. a conclu par la suite le 28 janvier 2016 en maintenant ses demandes initiales. Tant au sein de son exploit introductif d'instance que par ces conclusions elle fait valoir les arguments suivants :

Elle indique qu'après le début des opérations d'expertise, l'expert FE. avait préconisé un certain nombre de travaux et que l'État avait ainsi fait procéder à la réfection du sol des locaux touchés, avec incorporation d'une barrière d'étanchéité, des cloisons et doublages en matériaux hydrofuges appropriés ainsi qu'à des reprises d'étanchéité sur l'allée Lazare Sauvaigo au droit de l'immeuble.

La responsabilité de l'État, telle que l'expert l'aurait retenue, ne ferait pas de doutes. Les dégâts au plafond seraient la conséquence d'écoulements d'eau provenant de deux gaines extérieures. L'infiltration serait due à la défaillance du complexe d'étanchéité mis en ¿uvre lors des travaux réalisés par l'État de Monaco au-dessus de la dalle de couverture des arrières magasins. Les dégâts au sol et aux pieds des cloisons seraient quant à eux la conséquence des remontées d'eau telluriques, lesquelles sont dues à l'absence de barrière d'étanchéité sous les revêtements de sol.

En outre, en faisant reprendre, à ses frais exclusifs, les malfaçons constatées et en faisant réaliser les travaux nécessaires, l'État aurait donc nécessairement reconnu sa responsabilité, sauf à effectuer alors une gestion hasardeuse des deniers publics.

Contrairement aux allégations de l'État défendeur, la demanderesse estime que l'expert a parfaitement rempli sa mission, au regard notamment du fait que les désordres ont été réparés lors de l'expertise et que les parties s'étaient rapprochées au cours des opérations, finalement sans succès. En outre, l'ancienneté de l'immeuble et la présence alléguée mais non démontrée d'un puits sous la construction, seraient des éléments indifférents en l'espèce.

j. PI-CA. détaille son préjudice, qui n'inclut donc nullement les travaux de remise en état des lieux. Elle estime subir un préjudice locatif de deux mois, puisqu'un futur preneur devait louer les locaux dès le mois de mai 2012, or, suite aux travaux réalisés elle n'a pu reprendre possession des lieux en bon état que le 9 juillet 2012. Les postes sollicités sont les suivants :

  • - frais de justice sur procédure de référé : 580 euros,

  • - frais de l'expertise : 10.581,92 euros,

  • - Honoraires d'avocat sur procédure d'expertise : 5.000 euros,

  • - préjudice locatif : 3.700 x 2 mois = 7.400 euros,

  • - honoraires d'avocat sur présente procédure : 3.000 euros

  • - préjudice moral : 3.000 euros

  • - total : 29.561,96 euros.

L'État de Monaco a conclu sur le fond les 9 décembre 2015 et 9 mars 2016, en sollicitant le débouté de l'ensemble des demandes de j. PI-CA. et sa condamnation reconventionnelle au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts.

À l'appui de ses prétentions, l'État indique que le rapport de l'expert FE. ne saurait être homologué. En premier lieu, une demande d'homologation ne pourrait être analysée en une demande en justice et en second lieu et surtout, l'expert n'aurait donné aucun élément technique à l'appui de sa conclusion affirmant la responsabilité de l'État de Monaco. En outre, il n'aurait pas répondu à certains chefs de sa mission, s'agissant notamment du chiffrage du préjudice subi par la demanderesse.

La responsabilité de l'État ne saurait donc être retenue. Celle-ci devrait être recherchée selon les critères dégagés par la jurisprudence monégasque relatifs à la particularité de la responsabilité de la puissance publique. En l'espèce le fait générateur fautif de l'Administration ne serait pas démontré et ce d'autant moins que les bâtiments impliqués sont anciens, construits au début du XXème siècle et à même le sol sans coupure capillaire. En outre, l'État indique qu'il existerait un ancien puits sous l'immeuble, ce qui aurait manifestement majoré les phénomènes de remontées telluriques. Ces remontées devaient certainement préexister et l'exécution de travaux par l'État de Monaco, en application du protocole d'accord du 9 juin 2009 ne pourrait donc être à l'origine des désordres.

D'autre part, la prise en charge de la réalisation de travaux de réfection ne constituerait pas une reconnaissance de responsabilité de la part de l'État de Monaco. Le conseil de l'État de Monaco avait d'ailleurs adressé un courrier à l'expert le 31 mai 2012 en indiquant bien que l'État entendait prendre en charge des travaux urgents, sans que cet élément ne constitue en aucune manière une reconnaissance d'une quelconque responsabilité dans les causes du sinistre.

Enfin, le préjudice de la demanderesse ne serait pas documenté et ainsi son principe non démontré.

  • Instance n°2016/90 :

Par acte en date du 22 juillet 2015, l'État de Monaco faisait citer la société A devant le Tribunal de Première Instance aux fins d'être relevé et garanti de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre dans le cadre de l'instance n°2015/438.

Par conclusions en date du 9 mars 2016, la société A concluait au débouté des demandes de j. PI-CA. présentées dans l'instance n°2015/438 et qu'il soit jugé en conséquence qu'il n'y avait pas lieu à garantie de sa part. Elle sollicitait la condamnation de j. PI-CA. au paiement de la somme de 2.000 euros de dommages et intérêts, au titre des frais engagés pour faire valoir ses droits. La société A reprenait au fond les arguments développés par l'État de Monaco.

L'État de Monaco a conclu dans cette instance le 20 avril 2016, en reprenant ses demandes présentées dans l'instance n°438/2015 et en sollicitant la jonction des deux procédures.

SUR QUOI :

  • - Sur la jonction des instances n°2015/438 et 2016/90 :

Attendu que l'instance n°2016/90 a été initiée suite au jugement du 9 juillet 2015 ayant autorisé l'appel en garantie de la société A par l'État de Monaco, le lien de connexité évident avec l'instance principale n° 2015/4338 justifie le prononcé de leur jonction ;

  • - Sur la responsabilité de l'État de Monaco dans les désordres survenus dans les locaux dépendants de l'immeuble « Villa Campora » :

Attendu que l'État de Monaco, dans le cadre d'une opération de réaménagement urbain et de voirie, a acquis de j. PI-CA. une parcelle de terrain (cadastrée parcelles 367p, 368p et 369 de la section B, d'une superficie approximative de 68.60 mètres carrés, comprise entre la cote +25.5 NGM et jusqu'à la cote + 27,5 NGM, comme il ressort du protocole d'accord du 9 juin 2009 produit aux débats) ;

Que donc sous la cote 25,5 NGM, la demanderesse demeure propriétaire, ce volume abritant les locaux arrières de deux magasins situés au rez-de-chaussée de l'immeuble sis 13 rue de La Turbie ;

Qu'aux termes du protocole, (p.5 et 6) l'État de Monaco a pris en charge les travaux de démolition, reconstruction et aménagement des locaux situés à l'arrière de l'immeuble, sous la courette amont ainsi que tous les travaux d'aménagement de l'entier local commercial situé au rez-de-chaussée sur la rue de la Turbie ; qu'il est précisé que, plus généralement, l'État de Monaco prend à sa charge toutes les interventions sur le gros ¿uvre du bâtiment (soutènement provisoire des ouvrages, démolition, consolidation des structures existantes, etc) ;

Attendu que l'expert FE. a été désigné en référé par ordonnance du 14 mars 2012 avec la mission décrite dans l'exposé du présent litige ; qu'il faut noter d'emblée que s'il n'a remis son rapport que le 25 avril 2014, alors qu'un pré-rapport a été établi le 22 novembre 2012, c'est en l'état d'un éventuel rapprochement des parties qui n'a finalement par eu lieu ;

Qu'il convient de déterminer si les travaux de l'expert constituent des éléments fiables permettant à la juridiction de tirer des conséquences juridiques de constatations techniques, sans qu'il ait lieu de statuer sur une homologation qui ne constitue pas une véritable demande en justice ;

Que l'expert a valablement constaté des désordres consécutifs à des infiltrations, visibles dans les locaux des arrières magasins du rez-de-chaussée, sur la rue de la Turbie, ceux-ci étant situés sous la nouvelle voie créée par l'État de Monaco :

  • - des traces de coulures en plafond des deux locaux, provenant de deux gaines en proéminence sur la façade arrière, dans lesquelles cheminent diverses canalisations,

  • - des traces de remontées telluriques dans certains cloisonnements et doublages,

  • - des désordres sur le revêtement de sol dans l'arrière-magasin occupé par la boutique ARREDO,

  • - des contrôles à l'humitest révélant la présence d'humidité dans les cloisons et doublages ;

Que l'expert ayant émis diverses hypothèses à l'origine des désordres dès le 16 mai 2012, des travaux de première urgence ont été préconisés et réalisés aux frais de l'État de Monaco qui se sont achevés le 21 juin 2012 (démolition et évacuation du revêtement du sol) ; que l'expert ayant constaté que les désordres avaient pour origine des remontées telluriques, l'État de Monaco a envisagé des mesures (application sur la partie horizontale du dallage d'un enduit-résine d'étanchéité type curetage) susceptible de faire cesser ces remontées ; qu'en parallèle, au niveau supérieur (en profitant de l'ouverture d'une tranchée, jusqu'à l'étanchéité réalisée sur la dalle de couverture de l'arrière-boutique, allée Lazare Sauvaigo), un raccordement d'étanchéité correct a été réalisé après qu'il ait été constaté qu'une canalisation traversait ladite étanchéité, sans raccordement adéquat ;

Que le 22 novembre 2012, il était constaté, au contradictoire des parties, que les locaux litigieux, remis en l'état ne présentaient plus d'infiltrations ;

Attendu qu'il ressort de ces constatations que l'expert a réalisé un travail complet et sérieux que l'État de Monaco ne peut valablement remettre en cause ;

Que l'absence d'estimation par l'expert du préjudice de j. PI-CA. n'est pas déterminant puisque le principal poste aurait été la remise en l'état des lieux, laquelle a été réalisée par l'État de Monaco à ses frais ;

Que le fait que les locaux soient adjacents à des immeubles anciens n'est pas décisif puisqu'il n'est pas démontré que des infiltrations auraient eu lieu avant les travaux de voirie réalisés par l'État de Monaco ;

Que surtout, à l'époque cette surface n'était pas close comme c'est le cas désormais et que suite aux travaux de réfection, qui ne présentent aucune difficulté technique particulière, les infiltrations ont cessé, le temps écoulé depuis lors sans nouveau désordre démontrant d'autant plus la pertinence des conclusions de l'expert quant à l'imputabilité aux remontées telluriques de l'origine du sinistre ;

Attendu s'agissant de la responsabilité de l'État qu'il s'agit en l'espèce d'une responsabilité contractuelle, du fait de l'existence de la convention du 9 juin 2012 lui imposant l'obligation générale de délivrer des locaux en bon état d'usage conformes à une destination donnée (une arrière- boutique d'un commerce) ; que le contrat ne comporte aucune clause limitative ou exonératoire de responsabilité ;

Qu'en l'espèce, la nature de l'activité, soit la réalisation de travaux sans difficulté technique particulière, selon des techniques connues et sans caractère exceptionnel, ne doit pas amener à exonérer l'État de Monaco d'une responsabilité, ou à exiger une faute qualifiée pour engager sa responsabilité ;

Attendu en conséquence que l'État de Monaco sera reconnu pleinement responsable des désordres survenus dans les locaux litigieux ;

  • - Sur les demandes en paiement de j. PI-CA. :

Attendu qu'aucune demande n'est présentée relativement à la remise en état des lieux, j. PI-CA. ayant vu les travaux afférents réalisés par l'État de Monaco, lequel n'en réclame pas le remboursement dans le cadre de la présente instance ;

Attendu qu'au titre de son préjudice locatif la demanderesse produit uniquement un courrier faisant état d'un projet de signature de bail le 15 mai 2012 ; que cependant, aucun autre document, notamment un éventuel bail postérieur à l'été 2012 n'est fourni aux débats ; qu'en l'absence d'élément de preuve, la demanderesse sera donc déboutée de ce chef de demande ;

Attendu que les honoraires d'avocats exposés au cours de la procédure de référé ne peuvent être indemnisés autrement que par une éventuelle condamnation à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, non soutenue en tant que telle ; qu'en conséquence, dans le cadre de la présente instance, ce chef de demande ne peut être retenu ;

Attendu que la demanderesse sollicite l'allocation d'une somme de 3.000 euros au titre d'un préjudice moral qui n'est cependant nullement documenté ; qu'en conséquence cette demande sera également rejetée ;

Que le droit monégasque ne connaît pas de dispositions relatives aux frais irrépétibles et qu'en conséquence la demande de j. PI-CA. au titre des honoraires d'avocats exposés dans la présente procédure, au demeurant non documentée, sera donc rejetée ;

Attendu, s'agissant des frais d'expertise, que ceux-ci doivent être compris dans les dépens, en application de l'article 234 du Code de procédure civile ; Que l'expertise a été nécessaire à la reconnaissance de la responsabilité de l'État de Monaco et qu'il convient donc qu'ils soient supportés par celui-ci ; qu'il en est de même s'agissant des dépens réservés par l'ordonnance de référé du 14 mars 2012 ayant ordonné l'expertise ;

  • - Sur les autres chefs de demande :

Attendu que la société A ne développant que des arguments en réponse à j. PI-CA. et ne contestant pas devoir sa garantie à l'État de Monaco en tant que telle, elle sera condamnée à relever et garantir l'État de Monaco, notamment en ce qui concerne les frais d'expertise compris dans les dépens ;

Attendu que j. PI-CA. triomphant en ses demandes tendant à voir consacrer le principe de la responsabilité de l'État de Monaco, les demandes reconventionnelles formées à son encontre en paiement d'une somme de 10.000 euros par l'État de Monaco et de 2.000 euros par la société A seront donc rejetées ;

Attendu que l'État de Monaco et la société A, succombant sur le principe de la responsabilité de l'État, il est légitime qu'ils supportent les frais d'expertise ; qu'ils seront donc condamnés in solidum (du fait de la condamnation de la société A à garantir l'État) aux dépens, en ce compris ceux réservés par jugement du 9 juillet 2015, ceux réservés par l'ordonnance de référé du 14 mars 2012 et notamment les frais d'expertise, taxés à la somme de 10.581,92 euros par ordonnance du Juge chargé du contrôle de l'expertise en date du 2 juillet 2014 ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, après jugement avant dire droit en date du 9 juillet 2015,

Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les numéros 2015/438 et 2016/090 ;

Vu le rapport de l'expert M. R. FE. déposé au greffe le 25 avril 2014 ;

Déclare l'État de Monaco pleinement responsable des désordres intervenus dans le tréfonds de la parcelle cadastrée 367p, 368p et 369 de la section B, d'une superficie approximative de 68.60 mètres carrés, compris sous la cote +25.5 NGM entre novembre 2011 et janvier 2012 ;

Déboute j. PI-CA. de ses demandes formulées au titre des frais d'avocat exposés au cours de la procédure de référé, de son préjudice locatif, des honoraires d'avocat afférents à la présente procédure et de son préjudice moral ;

Déboute l'État de Monaco de sa demande en paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Dit que la société A devra relever et garantir l'État de Monaco de toute condamnation prononcée à son égard dans la présente instance ;

Déboute la société A de sa demande en paiement de la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamne in solidum, l'État de Monaco et la société A aux dépens, en ce compris ceux réservés par jugement du 9 juillet 2015, ceux réservés par l'ordonnance de référé du 14 mars 2012 et notamment les frais d'expertise, taxés à la somme de 10.581,92 euros par ordonnance du Juge chargé du contrôle de cette mesure d'instruction en date du 2 juillet 2014 avec distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Rose-Marie PLAKSINE, Premier Juge, Monsieur Michel SORIANO, Premier Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier stagiaire ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 27 SEPTEMBRE 2016, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier stagiaire, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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