Tribunal de première instance, 27 septembre 2016, Pôle emploi PACA et autres c/ La SAM BMB et j.-p. SA.

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Abstract🔗

Faillites - Admission des créances - Organismes sociaux

Résumé🔗

L'accord entre la Caisse de Garantie des Créances des Salariés (CGCS) et le syndic, s'il est favorable aux salariés, ne saurait avoir un effet sur les créances des tiers et ne peut donc en lui-même avoir une influence sur la nature juridique des créances des organismes sociaux consécutives aux licenciements. Les créances trouvent leur source dans un évènement postérieur au jugement d'ouverture de la procédure collective et ne peuvent donc être considérées comme faisant partie de la masse définie par les articles 451 et suivants du Code de commerce.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

JUGEMENT DU 27 SEPTEMBRE 2016

LE TRIBUNAL,

Statuant en application des articles 465 et 472 du Code de commerce, dans le cadre de la liquidation des biens de la société anonyme monégasque BMB,

  • PÔLE EMPLOI PACA,

ADMISE au passif, sous réserve des droits non encore liquidés, non comparante,

  • LA CAISSE DE COMPENSATION DES SERVICES SOCIAUX (C. C. S. S.),

  • La CAISSE AUTONOME DES RETRAITES (CAR),

ADMISES au passif, sous réserve des droits non encore liquidés, ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

  • La société anonyme monégasque BMB dont le siège social se trouve 2, boulevard Charles III à Monaco,

  • M j.-p. SA., syndic, demeurant 9 avenue des Castelans à Monaco,

Vu les admissions, sous réserve des droits non encore liquidés enregistrées respectivement sous les n° 2014/000200, 2014/000202 et 2014/000203 de PÔLE EMPLOI, la CCSS et la CAR au passif de la société BMB, dont la cessation des paiements a été judiciairement constatée le 6 janvier 2011 et la liquidation des biens ultérieurement prononcée le 29 mars 2012 ;

Vu le dépôt de l'état des créances en date du 20 septembre 2013 et sa publication au Journal de Monaco du 29 septembre 2013 ;

Vu l'ordonnance du juge commissaire en date du 15 octobre 2013 ayant arrêté l'état des créances ;

Vu les lettres recommandées avec demande d'avis de réception en date du 15 octobre 2013 émanant du greffe général et relatives à la présente instance ;

Vu les conclusions de Monsieur j.-p. SA., syndic de la liquidation des biens de la SAM BMB en date des 22 novembre 2013, 5 février 2016, 15 avril 2016 et 3 juin 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur au nom de la CAR et de la CCSS en date des 8 janvier 2016, 4 mars et 6 mai 2016 ;

À l'audience publique du 15 juillet 2016, le syndic j.-p. SA., Maître Frank MICHEL pour la CAR et la CCSS, et le ministère public ont été entendus en leurs observations, nul n'ayant comparu pour la société BMB ni pour PÔLE emploi et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 27 septembre 2016 ;

CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :

Attendu que dans le cadre de l'arrêté des créances de la liquidation des biens de la SAM BMB, la CAR a été admise pour un montant de 86.401,86 euros à titre privilégié, la CCSS pour un montant de 132.627,41 euros à titre privilégié et PÔLE Emploi pour un montant de 30.6787 euros à titre chirographaire ; Que ces admissions correspondaient aux productions de ces organismes sociaux et étaient prononcées, en application de l'article 465 du Code de commerce, sous réserve des droits non encore liquidés ;

Attendu que trois instances afférentes étaient en conséquences enrôlées devant le Tribunal de Première instance en application de l'article 472 du Code de commerce, sous les numéros 2014/200, 2014/202 et 2014/203 ;

Qu'au cours des années 2014 et 2015, des instances étaient en cours devant le Tribunal du travail s'agissant de salariés licenciés de la SAM BMB, si bien que la fixation définitive des créances des Caisses Sociales étaient impossible en l'état et que les trois instances suscitées faisaient l'objet de plusieurs renvois ;

Par conclusions en date du 8 janvier 2016, communes aux trois dossiers, les Caisses Sociales de Monaco (la CCSS agissant désormais au titre des contributions d'assurance chômage), sollicitaient la jonction des dossiers et à titre principal l'admission de la CCSS pour un montant de 132.092,93 euros à titre privilégié et de la CAR pour un montant de 88.442,61 euros à titre privilégié.

À titre subsidiaire, s'il devait être considéré que les cotisations et contributions d'assurance chômage pour la période des mois d'avril à août 2012 constituaient des dettes dans la masse, les Caisses Sociales entendaient qu'il leur soit donné acte de qu'elles se réservaient de produire leur créances privilégiées pour les sommes suivantes : 223.203,84 euros à titre privilégié pour la CCSS (190.037,84 euros au titre des cotisations et 33.166 euros au titre des contributions chômage) et 140.522,64 euros pour la CAR.

À l'appui de leurs demandes, qu'elles maintenaient par conclusions en date des 4 mars 2016 et 6 mai 2016, les Caisses Sociales de Monaco indiquent qu'un problème existait sur la nature des sommes dues au titre des cotisations et assurance chômage pour la période d'avril à août 2012. En effet, par jugement en date du 29 mars 2012, le Tribunal de Première Instance avait prononcé la liquidation des biens de la SAM BMB et avait autorisé la poursuite de l'activité de la SAM pour une durée de trois mois à compter du 6 avril 2012, pour les seuls besoins de la liquidation.

Les Caisses Sociales considèrent que les cotisations afférentes à cette période doivent être considérées comme des dettes de masse, devant être payées à l'échéance, dans la mesure où les cotisations ont été générées par la poursuite de l'activité de la SAM BMB.

Au demeurant, suite au jugement prononçant la cessation des paiements de la SAM BMB, en date du 6 janvier 2011 et dans le cadre des poursuites d'activité judiciairement autorisées, les cotisations afférentes aux salaires payés aux employés de la SAM BMB depuis cette date l'avaient bien été à l'échéance.

Aux termes de l'article 451 du Code de commerce, seuls constituent la masse, les créanciers dont le droit est antérieur au jugement prononçant la cessation des paiements, ce qui ne serait pas le cas s'agissant donc de cotisations postérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective. A titre comparatiste, la jurisprudence française rendue sous l'empire de la loi du 13 juillet 1967, comparable au droit positif monégasque, serait en ce sens.

Par conclusions en date des 5 février, 15 avril et 3 juin 2016, communes aux trois instances, j.-p. SA., ès-qualités de syndic de la liquidation des biens de la SAM BMB sollicitait l'admission définitive de la CCSS pour la somme totale de 223.203,84 euros à titre privilégié et de la CAR pour une somme totale de 140.522,64 euros à titre privilégié.

Le syndic indique qu'à son sens les cotisations litigieuses d'avril à août 2012 devaient être considérées comme des créances dans la masse et donc devraient être comprise dans l'admission au passif des Caisses Sociales. Il serait important de relever, selon lui, que les créances salariales résultant de la rupture des contrats de travail, suite au prononcé de la liquidation des biens, ont fait l'objet d'une demande d'avance auprès de la Caisse de Garantie des Créances des Salariés, laquelle a en conséquence fait l'objet d'une admission au passif de la SAM BMB à titre privilégié.

Il serait dès lors incohérent que les cotisations relatives auxdites créances soient considérées comme des dettes de masse dont le paiement serait prioritaire aux créances salariales auxquelles elles se rapportent.

La comparaison opérée avec la législation française ne serait pas pertinente.

SUR QUOI :

Attendu que les trois instances présentent un lien de connexité évident, caractérisé par des conclusions communes des parties dans chacune d'elle et par le même problème juridique ;

Qu'il convient donc d'ordonner leur jonction, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ;

Attendu que le montant des créances des Caisses Sociales n'est pas contesté en tant que tel mais que demeure seulement litigieuse la question de la nature de cotisations et contributions d'assurance chômage, pour une période postérieure à avril 2012 ;

Attendu que, comme rappelé, la procédure collective de la SAM BMB a débuté avec le prononcé de sa cessation des paiements par jugement du 6 janvier 2011, suivi par plusieurs autorisations judiciaires de poursuite d'activité ; Que par jugement en date du 29 mars 2012, le Tribunal de Première Instance prononçait la liquidation des biens de cette société et, en application des dispositions de l'article 531 du Code de commerce, autorisait la poursuite de l'activité, pour les besoins de la liquidation des biens, pour une durée de trois mois ;

Qu'au cours de cette dernière période, le syndic devait procéder au licenciement des derniers salariés de la SAM BMB ;

Qu'il est capital en l'espèce de noter que dans cette procédure collective, dès après le jugement du 6 janvier 2011, la question de la poursuite de l'activité a été posée et avec elle le sort des 75 salariés de la société ;

Qu'en effet, l'avenant n° 15 du 13 juin 1978 à la convention collective nationale du travail, (généralisé par arrêté ministériel n°79-39 du 19 janvier 1979) prévoit en son article 5 le domaine de la subrogation de la Caisse de Garantie des Créances des Salariés (CGCS) en cas de procédure collective ;

Que ce texte précise notamment qu'en cas de poursuite d'activité ou de rupture de contrat de travail postérieure au jugement précité, sont garanties les créances relatives aux rémunérations dues pendant deux mois suivant immédiatement le jugement, dans la limite d'un plafond et les créances résultant de la rupture du contrat de travail, si celle-ci intervient dans les deux mois suivant immédiatement le jugement, avec un plafonnement également ; Qu'en cas de mise en œuvre de la garantie, la CGCS, subrogée, est inscrite au passif ;

Qu'ainsi, une longue poursuite d'activité pourrait dans l'absolu être préjudiciable au salarié au sens où un licenciement au-delà de ce délai de deux mois ne lui permettrait pas de bénéficier de la subrogation de la CGCS et en cas d'absence de trésorerie disponible pour payer les dettes de masse constituées par ses indemnités afférentes à la rupture du contrat de travail, il pourrait se retrouver impayé ;

Qu'en l'espèce, pour pallier ce risque, la CGCS était sollicitée par le syndic et aux termes d'un courrier en date du 8 février 2011, elle indiquait qu'elle avait décidé d'accorder, à titre dérogatoire et exceptionnel, la garantie des indemnités de rupture de contrat de travail des salariés présents à la date du jugement de cessation des paiements, si celle-ci était autorisée à poursuivre son activité, et ce, jusqu'aux deux mois qui suivront l'éventuelle échéance de cette poursuite d'activité ;

Attendu en conséquence que suite aux licenciements intervenus après la liquidation des biens prononcée le 29 mars 2012, les salariés ont pu bénéficier de la subrogation de la CGCS ;

Que le syndic indique que les cotisations sociales afférentes résultent de la rupture des contrats de travail et non de la poursuite d'activité ; que ladite rupture découle elle-même de la liquidation des biens et serait intervenue dans les mêmes conditions si aucune poursuite d'activité n'était intervenue ;

Qu'en conséquence il a été pratiqué comme en cas d'application stricte de l'article 5 de l'avenant n°15 du 13 juin 1978 à la convention collective nationale du travail et la CGSC, subrogée, a produit au passif ; Que dès lors, les cotisations sociales afférentes devraient suivre le même régime ;

Mais attendu cependant que l'accord entre la CGCS et le syndic, s'il est favorable aux salariés, ne saurait avoir un effet sur les créances des tiers et ne peut donc en lui-même avoir une influence sur la nature juridique des créances des organismes sociaux consécutives aux licenciements ;

Que ces créances trouvent leur source dans un évènement postérieur au jugement d'ouverture de la procédure collective et ne peuvent donc être considérées comme faisant partie de la masse définie par les articles 451 et suivants du Code de commerce ;

Attendu en conséquence que la situation peut être résumée de la manière suivante, les montants n'étant pas discutés par les parties :

Créances

Actualisées

Complémentaires, postérieures à avril 2012

TOTAL

CCSS

128.187,93

61.849,91

190.037,84

CCSS (pôle emploi)

7.905

25.261,00

33.166,00

Sous-total CCSS

136.092,93

87.110,91

223.203,84

CAR

88.442,61

52.080,03

140.522,64

Attendu en conséquence que la CCSS sera donc admise au passif pour un montant de 136.092,93 euros à titre privilégié (cette demanderesse ayant simplement commis une erreur dans l'addition des sommes de 128.187,93 euros et 7.905 euros) et la CAR sera admise pour une somme de 88.442,61 euros ;

Que s'agissant des montants de 87.110,91 euros pour la CCSS et de 52.080,03 euros pour la CAR, il s'agit donc de créances de masse qui n'ont pas figurer au passif de la procédure collective ;

Qu'enfin, les dépens du présent jugement doivent être laissés à la charge de la CCSS et de la CAR à raison du caractère provisionnel de leur production initiale ayant seul motivé la présente instance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, par jugement contradictoire en premier ressort,

Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les numéros 2014/200, 2014/202 et 2014/203 ;

Prononce l'admission définitive de la CAISSE DE COMPENSATION DE SERVICES SOCIAUX au passif de la liquidation des biens de la SAM BMB pour la somme de 136.092,93 euros à titre privilégié, soit 128.187,93 euros au titre des cotisations et 7.905 euros au titre des contributions d'assurance chômage ;

Prononce l'admission définitive de la CAISSE AUTONOME DES RETRAITES au passif de la liquidation des biens de la SAM BMB pour la somme de 88.442,61 euros à titre privilégié ;

Dit que les cotisations et contributions postérieures au mois d'avril 2012 constituent des dettes de masse qui n'ont pas à figurer au passif de la procédure collective ;

Ordonne qu'il en sera fait mention en marge de l'état des créances de ladite liquidation des biens à la diligence du greffier en chef ;

Laisse les dépens de l'instance à la charge de la CAISSE DE COMPENSATION DES SERVICES SOCIAUX et de la CAISSE AUTONOME DES RETRAITES ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge faisant fonction de Président, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge, Madame Patricia HOARAU, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés lors des débats seulement, de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier stagiaire ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 27 SEPTEMBRE 2016, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge faisant fonction de Président, assisté de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier stagiaire, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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