Tribunal de première instance, 20 septembre 2016, La Société A et B c/ Mme m. CU. née RA.

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Abstract🔗

Agent immobilier – Responsabilité – Fautes (oui) – Préjudice (oui) – Perte de chance

Assurance – Appel en garantie (oui)

Résumé🔗

La Loi n° 1.252 du 12 juillet 2002 sur les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce prévoit, en son article 12 alinéa 1er, qu' « à la demande du client, le titulaire de l'autorisation administrative doit établir un mandat par lequel il est habilité à négocier ou à s'engager à l'occasion d'opérations spécifiées à l'article premier. Ce mandat doit être écrit et limité dans le temps ». Il résulte de ces dispositions que la conclusion d'un mandat entre l'agent immobilier et le client ne constitue pas une exigence légale mais une simple faculté, ouverte aux parties à la demande du client.

La société A reproche à son mandataire d'avoir commis certaines fautes dans l'exécution de ce mandat. L'agent immobilier est un mandataire rémunéré, chargé d'intervenir dans la conclusion d'actes juridiques tels que le contrat de vente ou de location portant sur des biens immeubles ou des fonds de commerce. Le mandataire est tenu, conformément à l'article 1830 du Code civil, d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts résultant de son inexécution. En application de l'article 1831 de ce même Code, le mandataire répond non seulement du dol mais des fautes qu'il commet dans sa gestion. En sa qualité de mandataire, l'agent immobilier doit exécuter la mission qui lui est confiée avec diligence, compétence et remplir son devoir de conseil à l'égard de son mandant. Au cas d'espèce, Madame m. CU. née RA. conteste avoir commis une faute dans l'exécution du mandat que lui a confié la société A. Il convient dans ces circonstances de reprendre les griefs invoqués par cette dernière et de les analyser eu égard aux obligations de l'agent immobilier.

Le bail a été conclu avec une société personne morale qui de ce fait ne peut occuper personnellement les lieux loués. L'agent immobilier, dans le cadre de son obligation de conseil, aurait dû ainsi proposer à son mandant la caution des occupants réels de l'appartement, à savoir les représentants de la société locataire. Madame CU. née RA. a ainsi commis une faute dans l'exécution de son mandat.

Il convient de rappeler que l'agent immobilier doit exécuter la mission qui lui est confiée avec diligence, compétence et remplir son devoir de conseil à l'égard de son mandant. Il n'est produit aucun élément démontrant que Madame CU. née RA. a informé son mandant des diligences par elle accomplies, pas plus que des procédures à mettre en place pour obtenir non seulement le recouvrement des loyers impayés mais également la mise en jeu de la clause résolutoire. En sa qualité de professionnel et tenant le mandat de gestion qui lui était confié, Madame CU. née RA. devait attirer l'attention de la société A en application de son devoir d'information et de conseil. Elle soutient que le bailleur lui avait demandé de rester inactif mais n'en rapporte pas la preuve. Cette faute sera dans ces circonstances retenue à l'encontre de l'agent immobilier.

La société A fait également grief à l'agent immobilier d'avoir accepté et encaissé 2 chèques émis par une société étrangère tierce déjà en redressement judiciaire, lesquels se sont avérés sans provision. Madame CU. née RA. se justifie en soutenant que ces chèques devaient permettre de diminuer, voire apurer l'arriéré locatif. Néanmoins, il s'agit de chèques émis par une personne étrangère à la location litigieuse et il appartenait à l'agent immobilier de vérifier si le tireur des chèques les avait émis en toute connaissance de cause. Cette faute sera dès lors retenue contre l'agent immobilier.

La société A fait en outre grief à l'agent immobilier d'avoir Laissé renouveler le bail à son échéance à défaut d'avoir sollicité la remise des clés et l'état des lieux de sortie et d'avoir mis en demeure le locataire devenu occupant sans droit ni titre d'avoir à quitter les lieux postérieurement à l'échéance du bail. L'agent immobilier soutient qu'il n'a pas agi pour se conformer à la demande du bailleur mais il ne démontre pas ses allégations. En sa qualité de professionnel et compte tenu de la responsabilité pesant sur elle à ce titre, Madame CU. née RA. ne pouvait ignorer que son inaction pourrait entraîner des conséquences financières pour son mandant, susceptibles d'engager sa responsabilité du fait de son inaction. Par jugement de ce siège en date du 20 février 2014, condamnant la société C à la somme de 673.858,70 euros, il est précisé que :

« Attendu que le bail du 1er juin 2008 ne contenait pas de mentions quant à une reconduction tacite ou pas ; Que le bail est arrivé à échéance le 31 mai 2011, ainsi que l'a rappelé la représentante de l A. I. qui s'occupait de gérer le bien de la société A dans son courrier de relance en date du 31 mars 2011 ; Que cependant, les occupants se sont maintenus dans les lieux à expiration du bail sans qu'il ne leur soit délivré mise en demeure ou sommation de quitter les lieux ou qu'il ait été engagé de procédure d'expulsion ; Qu'ainsi, il y a lieu de considérer que les parties ont souhaité maintenir le bail de manière tacite, de sorte que la société C est restée dans un lien contractuel avec la société A ; ».

La carence de l'agent immobilier est démontrée par cette décision. Madame CU. née RA. n'a pas exécuté sa mission avec diligence et n'a pas rempli son devoir d'information et de conseil à l'égard de son mandant.

Le préjudice du bailleur résultant directement du manquement de Madame CU. née RA. à son devoir de conseil, ne saurait s'analyser autrement qu'en une perte de chance. Son préjudice correspond au fait d'avoir été privé de la possibilité de reprendre possession de son bien rapidement du fait de la carence du locataire dans le paiement des loyers et de pouvoir ainsi le relouer. En l'état des manquements relevés et de l'absence totale d'information reçue, cette perte de chance est certaine. Cependant, la réparation d'une perte de chance, qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; elle ne peut pas plus correspondre aux loyers impayés que le bailleur n'a pu recouvrer directement auprès de son débiteur. L'évaluation de ce préjudice ne saurait ainsi correspondre ni au montant du prix de location outre les charges, ni au remboursement de l'intégralité des frais engagés pour obtenir l'expulsion des occupants et encore moins des frais de remise en état de l'appartement loué. En l'espèce, compte tenu des circonstances de la cause, l'intégralité du préjudice subi par la société A sera justement indemnisée par l'allocation d'une somme de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts.

La réticence ou la fausse déclaration intentionnelle doit s'apprécier à la date de souscription du contrat ou de la remise en vigueur des garanties par un nouveau contrat. Il convient de se placer au 26 mai 2014 pour apprécier si Madame CU. née RA., en dissimulant à la compagnie Z le litige l'opposant à la société A a faussé l'appréciation de tous les risques par l'assureur. Aux termes des dispositions de l'article L113-2, 3° du Code des assurances : « L'assuré est obligé : 3° De déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l'assureur, notamment dans le formulaire mentionné au 2° ci-dessus ». Ainsi si l'évolution consiste en une aggravation du risque, l'assuré a l'obligation d'en informer l'assureur conformément à ces dispositions ; l'article L. 113-4, alinéa 1er, complète la définition des circonstances dont la déclaration incombe à l'assuré en cours de contrat qui sont des circonstances telles que, si l'assureur en avait été informé au moment de la conclusion du contrat, « il n'aurait pas contracté ou ne l'aurait fait que moyennant une prime plus élevée ». Madame CU. née RA. devait dans ces circonstances alerter son assureur sur l'existence de cette réclamation lors de la souscription de l'avenant le 26 mai 2014 et ce, en application de la clause contenue dans le contrat et des dispositions visées supra. L'obligation de déclarer une aggravation du risque couvert relève de l'obligation de bonne foi qui s'impose en matière contractuelle. Madame CU. née RA. s'est ainsi rendue coupable d'une réticence dans ses déclarations en application des dispositions de l'article L113-8 du Code des assurances en ce qu'elle change l'objet du risque pour l'assureur. La réticence et la fausse déclaration intentionnelle sont définies par référence aux objectifs poursuivis par leur auteur. En effet, par son silence, l'assurée a tenté d'obtenir une augmentation du plafond de garantie eu égard à la réclamation présentée à son encontre par la société A alors que le risque était déjà réalisé. Elle ne pouvait ignorer qu'en informant Z de la réclamation présentée par la société A, elle s'exposait avec une quasi-certitude à un refus d'assurance ou à de nouvelles conditions plus sévères pour elle. Il résulte de ces éléments que la fausse déclaration de Madame CU. née RA. a été intentionnelle et la nullité de l'avenant en date du 26 mai 2014 doit être prononcée. En effet, la nullité du contrat d'assurance ne prend effet qu'à la date de la fausse déclaration intentionnelle qu'elle sanctionne. La réticence intentionnelle reprochée à Madame CU. née RA. a eu lieu à l'occasion d'un avenant postérieur au sinistre litigieux. Jusqu'à ce manquement, la situation était régulière, et il n'y a pas matière à sanction. Le contrat ne disparaîtra que pour l'avenir. Dans ces circonstances, la compagnie Z sera condamnée à garantir le sinistre déclaré par Madame CU. née RA. dans les limites du plafond de garantie initialement fixé à la somme de 160.000 euros.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

N° 2015/000220 (assignation du 2 décembre 2014)

N° 2015/000587 (assignation du 14 avril 2015)

JUGEMENT DU 20 SEPTEMBRE 2016

En la cause de :

  • La société de droit étranger dénommée « A », société de droit panaméen dont le siège social est sis à Panama (République du Panama) C/o X, Urbanizacion Marbella - Panama City, agissant poursuites et diligences de son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

DEMANDERESSE au principal,

DÉFENDERESSE sur appel en garantie, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

  • 1. Mme m. CU. née RA., agent immobilier à l'enseigne « A. I. », domiciliée X1 à Monaco (98000) ;

DÉFENDERESSE au principal,

DEMANDERESSE sur appel en garantie, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et substituée lors des plaidoiries par Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat près la même Cour ;

  • 2. La société anonyme de droit français B, venant aux droits de la compagnie d'assurances V, société anonyme au capital de 938.787.416 €, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le n° 542 110 291, dont le siège social est sis X2, 75002 Paris, prise en la personne de son Président Directeur général en exercice, domicilié en cette qualité audit siège et ladite société prise en la personne de son Agent général en Principauté de Monaco, M. Michel GRAMAGLIA, demeurant X1 à Monaco ;

DÉFENDERESSE sur appel en garantie, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître David BERNARD, avocat au barreau d'Aix en Provence ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 2 décembre 2014, enregistré (n° 2015/000220) ;

Vu l'exploit d'assignation de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 14 avril 2015, enregistré (n° 2015/000587) ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de m. CU. née RA., agent immobilier à l'enseigne « A. I. », en date des 14 octobre 2015, 28 janvier 2016 et 20 avril 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la compagnie B, en date des 14 octobre 2015 et 25 février 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de A SA, en date des 3 décembre 2015 et 25 février 2016 ;

À l'audience publique du 2 juin 2016, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 20 septembre 2016 ;

CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :

Par assignation du 2 décembre 2014, la SA A (la société A) expose que :

  • elle est propriétaire d'un appartement situé dans l'immeuble Résidence X1, dont elle a confié la gestion à Madame m. CU. née RA., agent immobilier à l'enseigne « A. I. »,

  • ce bien a été loué à la société C à compter du 1er juin 2008, laquelle a cessé le règlement des loyers le 1er juin 2010, sans que l'agent immobilier ne lui ait adressé de mise en demeure,

  • Mme CU. a accepté sans son accord, deux chèques de règlement de l'arriéré de loyer émis par une société en redressement judiciaire qui n'ont pas été honorés,

  • elle n'a accompli aucune diligence pour éviter le renouvellement du bail à son échéance.

Elle sollicite la condamnation de Madame m. CU. née RA. à lui payer la somme de 672.222,65 euros à titre de dommages et intérêts.

Avant toute défense au fond, Madame CU. née RA. a demandé l'autorisation d'appeler en garantie son assureur la société V devenue Z.

Le Tribunal lui a accordé cette autorisation par jugement en date du 2 avril 2015.

Par acte d'huissier en date du 14 avril 2015, Madame m. CU. née RA. a assigné devant le Tribunal de première instance la SA de droit français B venant aux droits de la compagnie d'assurances V et la société A SA, afin de voir la SA B condamnée à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient intervenir à son encontre au bénéfice de la société A, ainsi que la jonction de l'appel en garantie avec l'instance principale initiée par cette dernière société.

La société A soutient à l'appui de ses prétentions que :

  • alors que les occupants ont cessé tout paiement le 1er juin 2010, Madame CU. née RA. a attendu le 14 novembre 2011 pour adresser un courrier recommandé avec accusé de réception non pas au locataire, la société C, mais à Monsieur BA.,

  • au mois de janvier 2012, Madame CU. née RA. a accepté en règlement de l'arriéré locatif deux chèques de 150.000 euros chacun établis par une société de droit français C France en redressement judiciaire depuis le 28 octobre 2010,

  • celle-ci a commis les fautes suivantes :

    • présenter à son mandant pour locataire d'un appartement à usage d'habitation une société commerciale étrangère sans même s'assurer des raisons de la conclusion d'un bail au nom d'une telle société,

    • négliger de s'assurer de la solvabilité dudit locataire,

    • s'abstenir de recommander la souscription de garanties supplémentaires destinées à assurer le recouvrement des loyers au vu des circonstances et notamment de la durée du bail,

    • s'abstenir de faire diligence dès l'apparition d'impayés pour mettre en demeure le locataire, lui faire signifier commandement voire conseiller l'introduction d'une action en expulsion rapidement,

    • accepter et encaisser deux chèques émis par une société étrangère tierce déjà en redressement judiciaire, lesquels se sont avérés sans provision,

    • laisser renouveler le bail à son échéance à défaut d'avoir sollicité la remise des clés et l'état des lieux de sortie et d'avoir mis en demeure le locataire devenu occupant sans droit ni titre d'avoir à quitter les lieux postérieurement à l'échéance du bail,

  • elle n'a reçu des rapports de gestion de la part de Madame CU. née RA. que durant les deux premières années pendant lesquelles les loyers étaient payés,

  • Monsieur BA. occupait l'appartement litigieux avec sa petite amie, A. GO. ; la fille de Madame CR. n'avait aucune relation avec celui-là,

  • s'agissant du refus de garantie opposé par la compagnie Z, elle indique qu'à la date de l'avenant, le risque n'était pas réalisé puisque Madame CU. née RA. n'a été assignée en responsabilité que par acte du 2 décembre 2014,

  • en tout état de cause, seule la validité de l'avenant pourrait être remise en cause,

  • les agissements de l'agent immobilier ne sauraient constituer une faute dolosive,

  • elle n'a eu connaissance du bail qu'après son enregistrement, ce qui l'a privée de toute chance de pouvoir éviter la totalité du préjudice finalement subi,

  • il n'a pas été établi d'état des lieux d'entrée avec le locataire. La quasi-totalité de son préjudice consiste en la perte des loyers et indemnités d'occupation visés au jugement du 20 février 2014,

  • elle a multiplié les mesures conservatoires et d'exécution afin de recouvrer les loyers impayés.

Dans le dernier état de ses écritures, la société A sollicite la condamnation de Madame CU. née RA. à lui payer la somme de 648.858,70 euros à titre de dommages et intérêts.

Elle demande encore que Madame CU. née RA. soit relevée et garantie par la compagnie Z de toutes condamnations à intervenir dans la limite du plafond de 500.000 euros stipulé à l'avenant au contrat d'assurances, voire subsidiairement dans la limite du plafond de 160.000 euros stipulé au contrat d'assurances initial.

Madame CU. née RA. s'oppose aux prétentions émises à son encontre et sollicite reconventionnellement la condamnation de la société A à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Subsidiairement, elle demande à être relevée et garantie par la compagnie Z.

Elle expose que :

  • la bénéficiaire économique et présidente de la société A, Madame Ilda RA. CR., était domiciliée dans l'immeuble « X1 » et passait régulièrement à l A. I. pour faire le point sur la gestion de l'appartement,

  • ce n'est que deux ans après la prise d'effet du bail que le locataire a cessé tout paiement,

  • elle en a informé immédiatement la société bailleresse, laquelle ne pouvait ignorer les impayés puisqu'elle ne recevait plus aucun paiement depuis le 1er juin 2010,

  • Madame RA. CR. lui a demandé verbalement de ne pas engager de procédure, sa fille fréquentant un des occupants de l'appartement, Monsieur Enrico BA.,

  • elle a adressé une lettre de relance aux occupants le 12 novembre 2010, puis les 3 janvier et 31 mars 2011, sans résultat ; il leur était rappelé dans le dernier courrier que le bail venait à échéance le 31 mai 2011 et qu'ils devaient quitter les lieux à cette date,

  • le 14 novembre 2011, elle adressait une nouvelle relance par lettre recommandée avec accusé de réception,

  • au mois de janvier 2012, la société C lui a adressé deux chèques de 150.000 euros chacun, qui ont été refusés pour défaut ou insuffisance de provision,

  • elle a consulté alors son conseil qui a adressé trois courriers recommandés avec accusé de réception, sans plus de résultat,

  • par jugement du 20 février 2014, la société C a été condamnée à payer à la société A la somme de 673.585,70 euros, outre celle de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts. Cette décision est définitive,

  • elle n'a commis aucun manquement à ses obligations dans le cadre de l'exécution du mandat de gestion,

  • l'appartement a été loué pour un usage d'habitation bourgeoise à la société C, la jouissance en étant accordée à ses dirigeants, Enrico BA. et sa mère, M. LI.,

  • rien n'empêche une personne morale de conclure un bail à usage d'habitation dès lors qu'elle respecte la destination donnée par le bail,

  • elle a effectué l'ensemble des vérifications d'usage concernant la solvabilité du preneur,

  • la solvabilité de ce dernier ne faisait aucun doute et elle doit être dissociée de sa mauvaise foi dans l'exécution du contrat, laquelle ne saurait être mise à la charge de l'agent immobilier,

  • il n'existe aucune pratique dans le secteur libre tendant à privilégier des baux d'un an au lieu de trois ans,

  • c'est sur instruction du bailleur qu'elle n'a pas exigé la remise des clés par les occupants au terme du bail,

  • elle n'était tenue que d'une obligation de moyen,

  • le bailleur ne peut justifier d'un préjudice susceptible d'engager la responsabilité de l'agent immobilier,

  • le mandataire ne saurait garantir les dégradations commises par les occupants, par ailleurs non démontrées par le bailleur,

  • le bailleur tente d'obtenir la réfection à neuf de l'appartement à ses frais,

  • Sur la garantie de la compagnie Z :

    • il ne peut lui être reproché de ne pas avoir déclaré le sinistre au mois de mai 2014, lors de la conclusion de l'avenant augmentant le plafond de la garantie, dans la mesure où elle a été assignée au mois de décembre 2014 et elle ne s'est jamais considérée comme responsable,

    • le courrier de déclaration de sinistre adressé à l'assureur est en date du 20 février 2015,

    • l'assureur ne démontre pas qu'elle aurait fait une fausse déclaration à la conclusion de l'avenant au mois de mai 2014,

    • en toute hypothèse, si la nullité devait être prononcée, elle ne pourrait concerner que l'avenant et non le contrat en son entier,

    • si elle a commis des fautes, elles ne peuvent être considérées comme des fautes dolosives,

    • pour retenir la faute dolosive de l'assuré, il faut que ce dernier ait voulu commettre l'action ou l'omission génératrice du dommage et provoquer le dommage.

La SA B conteste devoir sa garantie à Madame m. CU. née RA..

Elle estime que cette dernière a commis une réticence intentionnelle lors de la souscription de l'avenant signé le 26 mai 2014 portant date d'effet au 1er avril 2014, qui doit entraîner la nullité du contrat d'assurance.

En tout état de cause, elle invoque l'absence d'aléa lors de la souscription de cet avenant, le sinistre étant avéré et la réclamation ayant été portée à la connaissance de l'assurée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 avril 2014, confirmée par celle en date du 16 avril 2014.

Elle soutient ainsi que Madame m. CU. née RA. avait parfaitement connaissance des manquements qui lui étaient reprochés par la société A et du montant de sa réclamation à concurrence de la somme de 759.781,70 euros au moment de la signature de l'avenant le 26 mai 2014.

Elle estime que cette réticence a diminué son opinion du risque. Il faut se placer au moment où la déclaration est effectuée par l'assuré. L'avenant formant un tout avec le contrat, l'article L113-8 du Code des assurances prévoit la nullité de l'ensemble du contrat et non seulement de l'avenant.

Subsidiairement, elle soutient que les manquements reprochés à Madame m. CU. née RA. constituent une faute dolosive devant entraîner une exclusion de garantie.

Elle considère que celle-ci s'est volontairement abstenue d'effectuer toute diligence dans les intérêts de sa mandante, créant volontairement le dommage et supprimant ainsi tout aléa au contrat d'assurance.

Enfin, elle estime que la société A, bailleresse, n'a subi aucun préjudice. Il s'agit d'une perte de chance dont l'indemnisation ne peut jamais être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. En outre, elle ne démontre pas avoir tenté d'exécuter la décision en date du 20 février 2014 condamnant les locataires à lui verser la somme de 637.858,70 euros après déduction du dépôt de garantie de 36.000 euros.

Elle conteste devoir prendre en charge certaines sommes sollicitées par la bailleresse telles que les dommages et intérêts mis à la charge des locataires, les factures de déménagement, les frais de procédure et de tentative d'expulsion et de remise en état de l'appartement.

Elle sollicite reconventionnellement la condamnation de tout succombant au paiement de la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1229 du Code civil.

SUR CE,

  • Sur la demande de jonction :

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la Justice, il convient à titre liminaire d'ordonner la jonction des instances enrôlées sous les n° 2015/000220 et n° 2015/000587 qui présentent entre elles un lien de connexité et concernent le même litige.

  • Sur le fond :

    Sur les demandes présentées par la société A :

    Sur les fautes reprochées à Madame CU. née RA.

La Loi n° 1.252 du 12 juillet 2002 sur les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce prévoit, en son article 12 alinéa 1er, qu' « à la demande du client, le titulaire de l'autorisation administrative doit établir un mandat par lequel il est habilité à négocier ou à s'engager à l'occasion d'opérations spécifiées à l'article premier. Ce mandat doit être écrit et limité dans le temps ».

Il résulte de ces dispositions que la conclusion d'un mandat entre l'agent immobilier et le client ne constitue pas une exigence légale mais une simple faculté, ouverte aux parties à la demande du client.

En l'espèce, il n'a pas été signé de contrat de mandat écrit entre Madame m. CU. née RA. et la société A.

Cependant, cette dernière ne conteste pas l'existence du mandat qui lui a été confié ; les pièces versées aux débats et les circonstances de l'espèce démontrent en tout état de cause à suffisance le mandat verbal liant Madame m. CU. née RA. à la société A.

La société A reproche à son mandataire d'avoir commis certaines fautes dans l'exécution de ce mandat.

L'agent immobilier est un mandataire rémunéré, chargé d'intervenir dans la conclusion d'actes juridiques tels que le contrat de vente ou de location portant sur des biens immeubles ou des fonds de commerce.

Le mandataire est tenu, conformément à l'article 1830 du Code civil, d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts résultant de son inexécution.

En application de l'article 1831 de ce même Code, le mandataire répond non seulement du dol mais des fautes qu'il commet dans sa gestion.

En sa qualité de mandataire, l'agent immobilier doit exécuter la mission qui lui est confiée avec diligence, compétence et remplir son devoir de conseil à l'égard de son mandant.

Au cas d'espèce, Madame m. CU. née RA. conteste avoir commis une faute dans l'exécution du mandat que lui a confié la société A.

Il convient dans ces circonstances de reprendre les griefs invoqués par cette dernière et de les analyser eu égard aux obligations de l'agent immobilier.

  • Présenter à son mandant pour locataire d'un appartement à usage d'habitation une société commerciale étrangère de l'Etat du Delaware sans même s'assurer des raisons de la conclusion d'un bail au nom d'une telle société :

    • La société A représentée par Madame m. CU. a signé un bail le 27 juin 2008 à effet du 1er juin 2008 avec la société C, portant sur un appartement sis au 32è étage de la résidence X1, X1 à Monaco et ce, à usage d'habitation bourgeoise, pour une durée de trois années et moyennant un loyer annuel de 144.000 euros.

    • Le bail prévoit encore que les lieux sont loués pour « jouissance personnelle conforme à leur destination ».

    • Madame CU. née RA. produit aux débats un détail de compte concernant la location litigieuse adressé au bailleur dès le 29 juillet 2008 faisant apparaître la société C en qualité de locataire et à la réception duquel la société A n'a émis aucune réserve ou réclamation concernant la qualité du preneur.

    • Cette dernière reconnaît dans ses écritures avoir reçu les décomptes de l'agent immobilier jusqu'au 1er juin 2010, date à partir de laquelle le preneur a cessé de régler les loyers.

    • Le Tribunal relève à ce titre que le grief tenant à la qualité du preneur (société commerciale et non personne physique) n'est apparu qu'à partir de la défaillance de celui-ci dans le règlement des loyers.

    • La société A n'ignorait pas l'identité du locataire et l'a accepté tant que ce dernier réglait les loyers.

    • Ce grief ne sera dès lors pas retenu.

  • Négliger de s'assurer de la solvabilité dudit locataire :

    • Ainsi qu'il a été rappelé supra, l'agent immobilier n'est tenu que d'une obligation de moyen.

    • En l'espèce alors que le locataire a scrupuleusement réglé les loyers jusqu'au 1er juin 2010, soit pendant une durée de deux années pour un contrat courant sur trois ans, l'agent immobilier ne disposait d'aucun élément de nature à faire naître un doute sur la solvabilité du preneur.

    • Il ne peut ainsi être reproché à l'agent immobilier une quelconque faute à ce titre.

  • S'abstenir de recommander la souscription de garanties supplémentaires destinées à assurer le recouvrement des loyers au vu des circonstances et notamment de la durée du bail :

    • Le bail a été conclu avec une société personne morale qui de ce fait ne peut occuper personnellement les lieux loués.

    • L'agent immobilier, dans le cadre de son obligation de conseil, aurait dû ainsi proposer à son mandant la caution des occupants réels de l'appartement, à savoir les représentants de la société locataire.

    • Madame CU. née RA. a ainsi commis une faute dans l'exécution de son mandat.

  • S'abstenir de faire diligence dès l'apparition d'impayés pour mettre en demeure le locataire, lui faire signifier commandement voire conseiller le bailleur d'introduire rapidement une action en expulsion :

    • Il n'est pas contesté ni contestable que les impayés de loyers ont débuté le 1er juin 2010.

    • La société A émet des doutes sur la réalité des appels téléphoniques et courriers simples adressés par l'agent immobilier alors qu'elle en reconnaît l'existence dans son assignation en référé en date du 11 mars 2013 :

      « Après diverses conversations téléphoniques, au cours desquelles les locataires parvenaient à convaincre l'agence immobilière INTERMEDIA, mandataire de la bailleresse, de leur bonne foi et promettaient le règlement des sommes dues, mais restées sans effet, et par application des clauses dudit bail, la société A SA lui adressait, le 12 novembre 2010, ainsi qu'à Maria Teresa LI. et Enrico BA., occupants des lieux et manifestement bénéficiaires économiques de ladite société américaine, un premier avis d'échéance pour un montant de 85.787,03 euros, correspondant aux loyers, assurances et provisions sur charges pour la période du 1er juin 2010 au 30 novembre 2010 ».

    • Il s'agit du premier courrier adressé au locataire et occupants depuis le 1er juin 2010 qui a, en réalité, été envoyé par l'agent immobilier et non le bailleur.

    • L'assignation en référé poursuit ainsi :

      « Ensuite de nombreuses relances de la part de l'agence immobilière INTERMEDIA (le 3 janvier 2011 pour un montant de 127.291,52 euros pour la période du 1er juin 2010 au 28 février 2011 et le 31 mars 2011 pour un montant de 176.618,80 euros pour la période du 1er juin 2010 au 31 mai 2011), celle-ci adressait le 14 novembre 2011 un courrier recommandé avec accusé de réception à Maria Teresa LI. et Enrico BA. afin de leur indiquer que sans règlement de leur part des loyers dus avant le 28 novembre 2011, leur dossier serait remis au contentieux. ».

    • Il apparaît ainsi que l'agent immobilier a fait diligence dès le 12 novembre 2010 pour obtenir le paiement de deux trimestres (du 01/06/2010 au 31/08/2010 et du 01/09/2010 au 30/11/2010).

    • Ce n'est pourtant que le 14 novembre 2011 qu'il adressera aux représentants de la société C une mise en demeure par la voie recommandée avec accusé de réception.

    • Il convient de rappeler que l'agent immobilier doit exécuter la mission qui lui est confiée avec diligence, compétence et remplir son devoir de conseil à l'égard de son mandant.

    • Il n'est produit aucun élément démontrant que Madame CU. née RA. a informé son mandant des diligences par elle accomplies, pas plus que des procédures à mettre en place pour obtenir non seulement le recouvrement des loyers impayés mais également la mise en jeu de la clause résolutoire.

    • En sa qualité de professionnel et tenant le mandat de gestion qui lui était confié, Madame CU. née RA. devait attirer l'attention de la société A en application de son devoir d'information et de conseil.

    • Elle soutient que le bailleur lui avait demandé de rester inactif mais n'en rapporte pas la preuve.

    • Cette faute sera dans ces circonstances retenue à l'encontre de l'agent immobilier.

  • Accepter et encaisser 2 chèques émis par une société étrangère tierce déjà en redressement judiciaire, lesquels se sont avérés sans provision :

    • Madame CU. née RA. se justifie en soutenant que ces chèques devaient permettre de diminuer, voire apurer l'arriéré locatif.

    • Néanmoins, il s'agit de chèques émis par une personne étrangère à la location litigieuse et il appartenait à l'agent immobilier de vérifier si le tireur des chèques les avait émis en toute connaissance de cause.

    • Cette faute sera dès lors retenue contre l'agent immobilier.

  • Laisser renouveler le bail à son échéance à défaut d'avoir sollicité la remise des clés et l'état des lieux de sortie et d'avoir mis en demeure le locataire devenu occupant sans droit ni titre d'avoir à quitter les lieux postérieurement à l'échéance du bail :

    • L'agent immobilier soutient qu'il n'a pas agi pour se conformer à la demande du bailleur mais il ne démontre pas ses allégations.

    • En sa qualité de professionnel et compte tenu de la responsabilité pesant sur elle à ce titre, Madame CU. née RA. ne pouvait ignorer que son inaction pourrait entraîner des conséquences financières pour son mandant, susceptibles d'engager sa responsabilité du fait de son inaction.

    • Par jugement de ce siège en date du 20 février 2014, condamnant la société C à la somme de 673.858,70 euros, il est précisé que :

      • « Attendu que le bail du 1er juin 2008 ne contenait pas de mentions quant à une reconduction tacite ou pas ;

      • Que le bail est arrivé à échéance le 31 mai 2011, ainsi que l'a rappelé la représentante de l A. I. qui s'occupait de gérer le bien de la société A dans son courrier de relance en date du 31 mars 2011 ;

      • Que cependant, les occupants se sont maintenus dans les lieux à expiration du bail sans qu'il ne leur soit délivré mise en demeure ou sommation de quitter les lieux ou qu'il ait été engagé de procédure d'expulsion ;

      • Qu'ainsi, il y a lieu de considérer que les parties ont souhaité maintenir le bail de manière tacite, de sorte que la société C est restée dans un lien contractuel avec la société A ; ».

    • La carence de l'agent immobilier est démontrée par cette décision.

    • Madame CU. née RA. n'a pas exécuté sa mission avec diligence et n'a pas rempli son devoir d'information et de conseil à l'égard de son mandant.

  • Sur le préjudice de la société A :

Le préjudice du bailleur résultant directement du manquement de Madame CU. née RA. à son devoir de conseil, ne saurait s'analyser autrement qu'en une perte de chance.

Son préjudice correspond au fait d'avoir été privé de la possibilité de reprendre possession de son bien rapidement du fait de la carence du locataire dans le paiement des loyers et de pouvoir ainsi le relouer.

En l'état des manquements relevés et de l'absence totale d'information reçue, cette perte de chance est certaine.

Cependant, la réparation d'une perte de chance, qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; elle ne peut pas plus correspondre aux loyers impayés que le bailleur n'a pu recouvrer directement auprès de son débiteur.

L'évaluation de ce préjudice ne saurait ainsi correspondre ni au montant du prix de location outre les charges, ni au remboursement de l'intégralité des frais engagés pour obtenir l'expulsion des occupants et encore moins des frais de remise en état de l'appartement loué.

En l'espèce, compte tenu des circonstances de la cause, l'intégralité du préjudice subi par la société A sera justement indemnisée par l'allocation d'une somme de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts.

  • Sur la garantie de la compagnie Z :

La demande principale de la compagnie Z porte sur la nullité du contrat d'assurance souscrit par MADAME CU. née RA..

Il convient ainsi d'apprécier si les conditions légales posées par l'article L113-8 du Code des Assurances sont remplies.

La sanction prévue par cet article n'est encourue qu'en cas de méconnaissance des prescriptions de l'article L. 113-2 du même Code, lequel impose à l'assuré de déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence, soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux.

Aux termes de l'article L. 113-8 du Code des Assurances français, premier alinéa :

« Le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre ».

L'article L113-9 du même Code dispose que :

« L'omission ou la déclaration inexacte de la part de l'assuré dont la mauvaise foi n'est pas établie n'entraîne pas la nullité de l'assurance.

Si elle est constatée avant tout sinistre, l'assureur a le droit soit de maintenir le contrat, moyennant une augmentation de prime acceptée par l'assuré, soit de résilier le contrat dix jours après notification adressée à l'assuré par lettre recommandée, en restituant la portion de la prime payée pour le temps où l'assurance ne court plus.

Dans le cas où la constatation n'a lieu qu'après un sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés ».

La réticence ou la fausse déclaration intentionnelle doit s'apprécier à la date de souscription du contrat ou de la remise en vigueur des garanties par un nouveau contrat.

En l'espèce, Madame CU. née RA. a souscrit un contrat d'assurance auprès de la compagnie V (devenue Z), le 21 avril 2008, couvrant les activités de gestion immobilière et d'administrateur de biens immobiliers dans la limite d'un plafond de garantie fixé à 160.000 euros.

Elle a signé un avenant à ce contrat le 26 mai 2014 à effet du 1er avril 2014 portant le plafond de garantie à la somme de 500.000 euros.

Il convient de se placer au 26 mai 2014 pour apprécier si Madame CU. née RA., en dissimulant à la compagnie Z le litige l'opposant à la société A a faussé l'appréciation de tous les risques par l'assureur.

Le contrat en date du 21 avril 2008, dont les « autres clauses, conditions et garanties » restent valables aux termes de l'avenant du 26 mai 2014, prévoit :

  • Clause(s) de déclaration(s)

  • Absence d'antécédents

Vous déclarez qu'au cours des 36 derniers mois précédant la souscription, vous n'avez fait l'objet :

  • d'aucune réclamation de la part de tiers au titre de la garantie de votre responsabilité civile ;

  • d'aucune résiliation pour sinistre de la part de votre(vos) assureur(s) de responsabilité civile précédent(s).

Il est en outre mentionné en caractères gras sur la page de signature :

« Vous reconnaissez avoir été informé que :

toute réticence, fausse déclaration, omission ou inexactitude dans vos déclarations peut entraîner des sanctions prévues aux articles L113-8 (nullité du contrat) et L113-9 (réduction des indemnités ou résiliation du contrat) du Code des assurances ».

Il a été remis à l'assuré une fiche d'information définissant notamment la réclamation de la manière suivante :

« Mise en cause de votre responsabilité, soit par lettre adressée à l'assuré ou à l'assureur, soit par assignation devant un Tribunal civil ou administratif. Un même sinistre peut faire l'objet de plusieurs réclamations, soit d'une même victime, soit de plusieurs victimes ».

Le 2 avril 2014, la société A a adressé à Madame CU. un courrier recommandé avec accusé de réception dans lequel elle reprend l'ensemble des griefs reprochés à l'agent immobilier pour conclure de la manière suivante :

« Compte tenu de la grave légèreté avec laquelle vous avez rédigé ce bail, ne pouvant poursuivre aucune personne physique, dès lors, nous vous tenons responsable et exigeons que ce montant de 759.781,70 euros soit sous 8 jours versé par INTERMEDIA à la société A dans son compte chez CMB, dont RIB joint ».

Une nouvelle mise en demeure était adressée à Madame CU. le 16 avril 2014 par l'entité dénommée « International Corporate Structuring » l'informant qu'un avocat allait être mandaté « afin de tout mettre en œuvre pour obtenir le paiement de cette somme ».

Madame CU. née RA., qui a accusé réception de ces deux mises en demeure le 28 avril 2014, reconnaît qu'il s'agit d'une réclamation à son encontre. Elle conteste toute responsabilité de sa part, sauf la démonstration d'un abus caractérisé ou intention de nuire.

Elle ne pouvait se méprendre sur la nature des courriers et des demandes qui ont été présentées par la société A ainsi qu'il résulte de sa réponse adressée le 28 avril 2014.

Il s'agit en effet d'une recherche de responsabilité professionnelle de l'agent immobilier dans l'exécution de son mandat et Madame CU. née RA. a contesté toute réclamation à ce titre.

Aux termes des dispositions de l'article L. 113-2, 3° du Code des assurances :

« L'assuré est obligé :

3° De déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l'assureur, notamment dans le formulaire mentionné au 2° ci-dessus ».

Ainsi si l'évolution consiste en une aggravation du risque, l'assuré a l'obligation d'en informer l'assureur conformément à ces dispositions ; l'article L. 113-4, alinéa 1er, complète la définition des circonstances dont la déclaration incombe à l'assuré en cours de contrat qui sont des circonstances telles que, si l'assureur en avait été informé au moment de la conclusion du contrat, « il n'aurait pas contracté ou ne l'aurait fait que moyennant une prime plus élevée ».

Madame CU. née RA. devait dans ces circonstances alerter son assureur sur l'existence de cette réclamation lors de la souscription de l'avenant le 26 mai 2014 et ce, en application de la clause contenue dans le contrat et des dispositions visées supra.

L'obligation de déclarer une aggravation du risque couvert relève de l'obligation de bonne foi qui s'impose en matière contractuelle.

Madame CU. née RA. s'est ainsi rendue coupable d'une réticence dans ses déclarations en application des dispositions de l'article L113-8 du Code des assurances en ce qu'elle change l'objet du risque pour l'assureur.

La réticence et la fausse déclaration intentionnelle sont définies par référence aux objectifs poursuivis par leur auteur.

En effet, par son silence, l'assurée a tenté d'obtenir une augmentation du plafond de garantie eu égard à la réclamation présentée à son encontre par la société A alors que le risque était déjà réalisé.

Elle ne pouvait ignorer qu'en informant Z de la réclamation présentée par la société A, elle s'exposait avec une quasi-certitude à un refus d'assurance ou à de nouvelles conditions plus sévères pour elle.

Il résulte de ces éléments que la fausse déclaration de Madame CU. née RA. a été intentionnelle et la nullité de l'avenant en date du 26 mai 2014 doit être prononcée.

En effet, la nullité du contrat d'assurance ne prend effet qu'à la date de la fausse déclaration intentionnelle qu'elle sanctionne.

La réticence intentionnelle reprochée à Madame CU. née RA. a eu lieu à l'occasion d'un avenant postérieur au sinistre litigieux. Jusqu'à ce manquement, la situation était régulière, et il n'y a pas matière à sanction. Le contrat ne disparaîtra que pour l'avenir.

Dans ces circonstances, la compagnie Z sera condamnée à garantir le sinistre déclaré par Madame CU. née RA. dans les limites du plafond de garantie initialement fixé à la somme de 160.000 euros.

  • Sur les autres demandes :

Madame CU. née RA. présente une demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société A qui ne saurait prospérer au motif que sa responsabilité a été retenue dans l'exécution de son mandat de gestion.

Il en est de même de la demande émise par la compagnie Z à l'encontre de Madame CU. née RA., le Tribunal ayant retenu la garantie de celle-ci au titre du contrat d'assurance de responsabilité professionnelle n°43245456, seul l'avenant du 26 mai 2014 ayant été annulé.

Chacune des parties succombe partiellement en ses demandes mais la société A a obtenu pour l'essentiel satisfaction puisque la responsabilité de l'agent immobilier dans l'exercice de son mandat de gestion a été consacrée.

Il sera donc fait masse des dépens qui seront partagés entre Madame CU. née RA. et la compagnie Z à concurrence de 2/3 pour la première et 1/3 pour la seconde.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant contradictoirement, publiquement et en premier ressort,

Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les n° 2015/000220 et n° 2015/000587 ;

Dit que Madame m. CU. née RA. a commis des fautes dans l'exécution du mandat de gestion la liant à la société A ;

Condamne Madame m. CU. née RA. à payer à la société A la somme de 250.000 euros en réparation de son préjudice ;

Prononce la nullité de l'avenant au contrat d'assurance de responsabilité professionnelle n° 43245456 en date du 26 mai 2014 pour réticence intentionnelle ;

Condamne la SA B à garantir Madame m. CU. née RA. du sinistre déclaré par cette dernière dans les limites du plafond prévu dans le contrat d'assurance de responsabilité professionnelle n° 43245456 soit la somme de 160.000 euros ;

Fait masse des dépens qui seront supportés par Madame m. CU. née RA. à concurrence de 2/3 et par la SA B à concurrence d'1/3 restant avec distraction au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens soient provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Monsieur Michel SORIANO, Premier Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés lors des débats seulement, de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier stagiaire ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 20 SEPTEMBRE 2016, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier stagiaire, en présence de Monsieur Jacques DORÉMIEUX, Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la Loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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