Tribunal de première instance, 14 juillet 2016, M. F LA. c/ G DE LU.

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Abstract🔗

Prêt – Reconnaissance de dette – Commencement de preuve par écrit – Preuve (non)

Résumé🔗

Le prêt est un acte juridique dont la preuve obéit aux articles 1188 et suivants du Code civil imposant pour tout acte juridique d'un montant supérieur à 1.140 euros la production d'un écrit, sauf impossibilité de se procurer un écrit ou commencement de preuve par écrit. La preuve de la remise de fonds, laquelle est en toute hypothèse libre, ne suffit pas à justifier l'obligation pour celui qui les a reçus de les restituer. Il appartient à celui qui se prétend créancier d'apporter la preuve d'un contrat de prêt. Lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit, les articles 1194 et 1200 du Code civil permettent de recourir à la preuve par témoin et même à des présomptions de fait pourvu qu'elles soient graves, précises et concordantes. Un tel commencement est constitué par un écrit qui émane de celui contre lequel la demande est formée et qui rend vraisemblable le fait allégué. En l'espèce, M. LA. produit un document daté du 17 octobre 2013 au verso d'un ordre de virement de la même date d'une somme de 5.000 euros du compte de celui-ci sur celui de M. DE LU. et qui ne respecte en aucune manière les dispositions de l'article 1173 du Code civil aux termes desquels : « Le billet ou la promesse sous seing privé par lequel une seule partie s'engage envers l'autre à lui payer une somme d'argent ou une chose appréciable doit être écrit en entier par celui qui le souscrit, ou du moins, il faut qu'outre sa signature, il ait écrit par lui-même un bon ou un approuvé, portant en toutes lettres la somme ou la quantité de la chose ». L'écrit ne répondant pas aux exigences de l'article 1173 du Code civil peut prouver l'existence d'une obligation s'il est corroboré par des témoignages et des présomptions qu'il appartient au demandeur de rapporter. L'inobservation des formalités de l'article 1173 du Code civil prive seulement l'écrit de sa force probante, mais n'affecte pas la validité de l'acte et ne fait pas obstacle à ce qu'il constitue un commencement de preuve par écrit. Il appartient dès lors à celui qui invoque l'existence d'un prêt de compléter ce commencement de preuve en application des dispositions de l'article 1194 du Code civil, et ce par un écrit qui émane de celui contre lequel la demande est formée et qui rend vraisemblable le fait allégué. En l'espèce, M. LA. ne produit aucun élément émanant de M. DE LU., les seules pièces produites étant les ordres de virement des sommes litigieuses (avec une mention manuscrite de celui-ci sur le virement du 18 novembre 2013 portant sur une somme de 500 euros). Ces documents démontrent seulement la remise de fonds à M. DE LU. mais nullement son obligation de les rembourser dans le cadre d'un prêt. Il convient dans ces circonstances de débouter M. F LA. de sa demande principale en paiement et subséquemment de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

JUGEMENT DU 14 JUILLET 2016

En la cause de :

  • M. F LA., né le 13 avril 1965 à NAPLES (Italie), de nationalité italienne, demeurant X1 à ST JEAN CAP FERRAT (06230) ;

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part,

Contre

  • M. G DE LU., né le 27 mai 1978 à BORDIGHERA, de nationalité italienne, demeurant X2 98000 MONACO ;

DÉFENDEUR ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 3 juin 2015, enregistré (n° 2015/000611) ;

Vu les conclusions de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de M. G DE LU., en date des 14 octobre 2015, 13 janvier 2016 et 29 mars 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de M. F LA., en date des 11 novembre 2015 et 25 février 2016 ;

À l'audience publique du 19 mai 2016, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 14 juillet 2016 ;

CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :

Par acte en date du 3 juin 2015, M. F LA. a assigné devant le Tribunal de première instance M. G DE LU. afin de le voir condamner à lui payer la somme de 9.000 euros à titre de remboursement du prêt consenti le 17 octobre 2013, outre celle de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et manifestement injustifiée.

Il soutient à l'appui de ses prétentions que :

  • cette somme a été réglée de la manière suivante :

    • 5.000 euros par virement bancaire le 17 octobre 2013,

    • 500 euros en liquide en octobre 2013,

    • 1.500 euros par virement bancaire le 18 novembre 2013,

    • 2.000 euros par virement bancaire le 20 novembre 2013,

  • M. LU. a rédigé et signé une reconnaissance de dette le 17 octobre 2013,

  • il s'agit d'un commencement de preuve par écrit et M. LU. reconnaît avoir perçu la somme de 5.000 euros,

  • les parties se sont mises d'accord le 17 octobre 2013 sur le montant du prêt accordé et les fonds ont ensuite été versés en plusieurs fois sur quelques jours,

  • il appartient à M. DE LU. de démontrer qu'il n'a pas reçu les 9.000 euros visés dans la reconnaissance de dette ou qu'il les a remboursés,

  • la somme de 9.000 euros est bien inscrite à la main sur cette reconnaissance de dette,

  • la signature apposée sur ce document est identique à celle apposée par M. DE LU. sur l'acte de cession de parts produite en pièce 4 par ce dernier.

Dans le dernier état de ses écritures, M. LA. s'oppose à la demande d'expertise graphologique présentée par M. DE LU..

M. G DE LU. a déposé des conclusions dans lesquelles il s'oppose aux prétentions émises à son encontre et réclame une somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts.

Dans le dernier état de ses écritures, il sollicite avant dire droit l'organisation d'une expertise graphologique afin d'établir l'identité de l'auteur de la mention manuscrite contestée et le sursis à statuer dans l'attente des conclusions expertales.

Il soutient que :

  • il conteste l'authenticité de la reconnaissance de dette et nie y avoir inscrit la somme de 9.000 euros. Il conteste dès lors l'existence du prêt lui-même,

  • d'autres sommes dont rien ne permet d'établir qu'il s'agit d'un prêt ont été versées postérieurement au 17 octobre 2013, date de ce document,

  • la preuve de la remise de fonds à une personne ne suffit pas à justifier l'obligation pour celle-ci de les restituer,

  • l'acte n'est pas conforme aux dispositions de l'article 1173 du Code civil,

  • les ordres de virements produits par M. LA. ne peuvent constituer la preuve complémentaire. Il n'est précisé ni les conditions ni la date à laquelle la somme de 9.000 euros aurait dû être remboursée,

  • la reconnaissance de dette ne fait nullement présumer la remise de fonds,

  • rien ne démontre que les versements effectués par M. LA. ont eu pour cause un prêt,

  • il ne conteste pas sa signature mais la mention manuscrite du chiffre de 9.000 euros portée au verso de l'ordre de virement du 17 octobre 2013,

  • la signature de ce document ne démontre nullement qu'il s'agit d'un prêt de somme d'argent. Il constitue tout au plus un reçu mais certainement pas une reconnaissance de dette au sens des dispositions de l'article 1173 du Code civil.

SUR CE :

  • Sur le fond

En application des dispositions de l'article 1162 du Code civil :

« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ».

Le prêt est un acte juridique dont la preuve obéit aux articles 1188 et suivants du Code civil imposant pour tout acte juridique d'un montant supérieur à 1.140 euros la production d'un écrit, sauf impossibilité de se procurer un écrit ou commencement de preuve par écrit.

La preuve de la remise de fonds, laquelle est en toute hypothèse libre, ne suffit pas à justifier l'obligation pour celui qui les a reçus de les restituer. Il appartient à celui qui se prétend créancier d'apporter la preuve d'un contrat de prêt.

Lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit, les articles 1194 et 1200 du Code civil permettent de recourir à la preuve par témoin et même à des présomptions de fait pourvu qu'elles soient graves, précises et concordantes.

Un tel commencement est constitué par un écrit qui émane de celui contre lequel la demande est formée et qui rend vraisemblable le fait allégué.

En l'espèce, M. LA. produit un document daté du 17 octobre 2013 au verso d'un ordre de virement de la même date d'une somme de 5.000 euros du compte de celui-ci sur celui de M. DE LU. et qui ne respecte en aucune manière les dispositions de l'article 1173 du Code civil aux termes desquels :

« Le billet ou la promesse sous seing privé par lequel une seule partie s'engage envers l'autre à lui payer une somme d'argent ou une chose appréciable doit être écrit en entier par celui qui le souscrit, ou du moins, il faut qu'outre sa signature, il ait écrit par lui-même un bon ou un approuvé, portant en toutes lettres la somme ou la quantité de la chose ».

L'écrit ne répondant pas aux exigences de l'article 1173 du Code civil peut prouver l'existence d'une obligation s'il est corroboré par des témoignages et des présomptions qu'il appartient au demandeur de rapporter.

L'inobservation des formalités de l'article 1173 du Code civil prive seulement l'écrit de sa force probante, mais n'affecte pas la validité de l'acte et ne fait pas obstacle à ce qu'il constitue un commencement de preuve par écrit.

Il appartient dès lors à celui qui invoque l'existence d'un prêt de compléter ce commencement de preuve en application des dispositions de l'article 1194 du Code civil, et ce par un écrit qui émane de celui contre lequel la demande est formée et qui rend vraisemblable le fait allégué.

En l'espèce, M. LA. ne produit aucun élément émanant de M. DE LU., les seules pièces produites étant les ordres de virement des sommes litigieuses (avec une mention manuscrite de celui-ci sur le virement du 18 novembre 2013 portant sur une somme de 500 euros).

Ces documents démontrent seulement la remise de fonds à M. DE LU. mais nullement son obligation de les rembourser dans le cadre d'un prêt.

Il convient dans ces circonstances de débouter M. F LA. de sa demande principale en paiement et subséquemment de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

  • Sur la demande en dommages et intérêts présentée par M. DE LU.

L'action en justice représente l'exercice d'un droit qui peut dégénérer en abus de droit en cas d'intention de nuire ou d'erreur équipollente au dol ; une telle démonstration n'est pas faite au cas d'espèce ;

M. DE LU. sera dès lors débouté de ce chef de demande.

  • Sur les dépens

Succombant dans ses prétentions, M. F LA. sera condamné aux dépens par application de l'article 231 du Code de procédure civile.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Déboute M. F LA. de l'intégralité de ses demandes ;

Déboute M. G DE LU. de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne M. F LA. aux dépens, distraits au profit de maître Sophie LAVAGNA, avocat défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Monsieur Michel SORIANO, Premier Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Laurie PANTANELLA, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 14 JUILLET 2016, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Carole FRANCESCHI, Greffier stagiaire, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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