Tribunal de première instance, 7 juillet 2016, Mme e. DE. épouse BR. c/ La Société A et M. r. BO.
Abstract🔗
Procédure civile - Déclaration de tiers - Nullité de l'attestation (non) - Attestation de la sœur de la demanderesse travaillant pour son mari - Absence d'incidence - Respect des dispositions du Code de procédure civile - Accident de la circulation - Mise hors de cause de l'assureur de la victime (oui) - Garantie due (non) - Assureur interlocuteur de la victime pendant les discussions amiables dans le cadre de la convention inter-assurances - Absence d'incidence - Évaluation du préjudice corporel - Indemnisation en fonction des besoins de la victime - Indemnisation de la solidarité familiale - Perte de gains professionnels actuels (oui) - Preuve rapportée d'une activité rémunérée au sein de l'entreprise du mari - Déficit fonctionnel temporaire (oui)
Résumé🔗
La demanderesse, victime d'un accident de la circulation, verse aux débats une attestation rédigée par sa sœur, laquelle travaille pour son mari. Sans appréciation à ce stade de la force probante de cette déclaration de tiers, il n'y a pas lieu d'annuler cette attestation qui respecte les dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile.
S'agissant de la mise en cause de son propre assureur, la demanderesse l'a fait citer sans préciser le fondement juridique de ses demandes. Si la responsabilité civile délictuelle de l'auteur de l'accident et de son assureur est logiquement recherchée, il n'est pas démontré que l'assureur de la victime devrait, en Principauté de Monaco, de quelque manière que ce soit, sa garantie. Peu importe qu'elle ait pu être son interlocuteur unique au cours de discussions amiables menées dans le cadre de la convention IRSA (Convention d'Indemnisation directe de l'assuré et de Recours entre Sociétés d'Assurance automobiles). Il convient donc de prononcer la mise hors de cause de l'assureur de la demanderesse.
Victime d'un accident de la circulation, la demanderesse, âgée de 59 ans au jour du dommage et 60 ans au jour de la consolidation, peut prétendre à l'indemnisation du préjudice résultant du traumatisme crânien et de la fracture claviculaire droite qu'elle a subi. Au titre de frais divers, alors qu'elle sollicite 350 euros pour l'indemnisation de son blouson, l'assureur du responsable estime qu'il n'est pas démontré que sont anorak ait été totalement détériorée. Cependant, même si la victime ne verse aucune photographie aux débats, elle produit, d'une part, la facture d'achat de ce vêtement et, d'autre part, l'attestation d'un témoin direct de l'accident et de sa chute sur la chaussée précisant que le manteau de type doudoune qu'elle portait semblait s'être déchiré à l'impact au vu des morceaux de duvet répandus sur la chaussée. Il convient donc de faire droit à sa demande. S'agissant de l'indemnisation au titre de l'assistance par une tierce personne, elle est contestée par l'assureur qui estime, en l'absence de production de factures, que la victime se borne à tenir un raisonnement théorique. Cependant, les demandes sont formulées dans la mesure où la victime était incapable, pendant la période considérée, de préparer ses repas et de réaliser un entretien ménager, ce qui engendre un coût supplémentaire. Il convient encore de préciser que l'indemnisation de ce poste de préjudice doit être réalisée en fonction des besoins, et non au regard de la dépense, afin d'indemniser la solidarité familiale. Il sera donc retenu une indemnisation sur une base horaire de 20 euros. S'agissant de l'indemnisation au titre de la perte de gains professionnels actuels, la victime indique qu'elle travaille auprès de son époux, dirigeant de société, qu'elle n'est ni salariée, ni conjoint collaborateur, statut inexistant en Principauté de Monaco, mais qu'elle perçoit pourtant régulièrement des sommes de la société au titre de cette activité. La preuve étant rapportée, d'une part, de la réalité de son travail au sein de ladite société et, d'autre part, d'un nombre significatif de transferts de fonds des comptes de la société à son profit, il convient de l'indemniser dès lors qu'elle a été privée de ces revenus à la suite de l'accident, quelles qu'en soient la qualification et la forme. S'agissant du déficit fonctionnel temporaire, la gêne dans les actes de la vie courante sera indemnisée sur la base de 26,60 euros par jour. S'agissant des souffrances endurées, évaluées par l'expert à 2/7, il sera accordé à la victime la somme de 3 000 euros. Quant au déficit fonctionnel permanent, résultant d'une limitation de la mobilité de l'épaule droite chez une droitière avec des phénomènes algiques épisodiques, évalué à 4 % par l'expert, il sera indemnisé sur la base de 1 200 euros du point eu égard à l'âge de la victime.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
N° 2015/000375 (assignation du 13 février 2015)
JUGEMENT DU 7 JUILLET 2016
En la cause de :
Mme e. DE. épouse BR., née le 31 mars 1953 à Decazeville (12), de nationalité monégasque, demeurant X1 à Monaco (98000),
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Audrey MASSEI, avocat au barreau de Nice,
d'une part ;
Contre :
La Société Anonyme de droit français dénommée A, au capital de 109.817.739 euros, inscrite au RCS de Paris sous le n° X, dont le siège social est à Paris - X (75383 Cedex 08), prise en la personne de son Directeur Général demeurant en cette qualité audit siège et représentée en Principauté de Monaco par son Agent Général, M. JO., demeurant en cette qualité à Monaco - X1 (98000),
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Pierre-Paul VALLI, avocat au barreau de Nice,
M. r. BO., né le 26 août 1946 à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant X1 à Monaco (98000),
La Société Anonyme de droit français dénommée B, inscrite au RCS de Nanterre sous le n° X, dont le siège social se trouve au X3 à Nanterre (92727) en France, prise en la personne de son Directeur général et administrateur demeurant en cette qualité audit siège et représentée en Principauté de Monaco par la Société Anonyme de droit monégasque dénommée C, dont le siège social se trouve X2 à Monaco, elle-même représentée par son Président délégué en exercice, y demeurant en cette qualité,
DÉFENDEURS, ayant élu domicile en l'étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 13 février 2015, enregistré (n°2015/000375) ;
Vu les conclusions de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de r. BO. et de la SA B, en date des 7 mai 2015 et 10 décembre 2015 ;
Vu les conclusions de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, au nom de la compagnie A, en date du 25 juin 2015 ;
Vu les conclusions de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom d e. DE. épouse BR., en date des 11 novembre 2015 et 10 février 2016 ;
À l'audience publique du 12 mai 2016, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 23 juin 2016 et prorogé au 7 juillet 2016, les parties en ayant été avisées par le Président ;
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 18 janvier 2013, e. BR. qui circulait sur un scooter boulevard du Larvotto a été percutée par l'arrière par l'automobile conduite par r. BO.. Elle était admise aux urgences de l'établissement public de droit monégasque I et un certificat médical initial lui était délivré faisant état d'une fracture claviculaire droite et d'une ITT de 30 jours.
Dans le cadre d'une tentative de règlement amiable du litige, le docteur B était mandaté par la compagnie A, assureur d e. BR. et rédigeait un rapport en date du 8 octobre 2013 dont les conclusions étaient les suivantes :
« Accident du 18 janvier 2013
Gêne temporaire totale : du 18.01.2013 au 19.01.2013
Hospitalisation : 24 heures
Gêne temporaire partielle classe III du 20.01.2013 au 28 .02.2013
Gêne temporaire partielle classe II du 01.03.2013 au 28.04.2013
Gêne temporaire partielle classe I du 29.04.2013 au 03.06.2013
Interruption des activités professionnelles du 18.01.2013 au 28.05 203
Consolidation : le 3 juin 2013
AIPP : 4% (quatre pour cent)
Souffrances endurées : 2/7
Dommage esthétique : absence
Pas de retentissement professionnel
Pas de retentissement sur les activités d'agreement
Pas de frais futurs certains prévisibles
Aide humaine post traumatique nécessaire non spécialisée par l'entourage familial deux heures par jour du 20.01.2013 au 28.02.2013
Pas d'autre préjudice indemnisable ».
Au titre de la convention IRSA ( Convention d'Indemnisation directe de l'assuré et de Recours entre Sociétés d'Assurance automobile), la compagnie A, assureur de la victime allait formuler plusieurs propositions d'indemnisation : le 10 décembre 2013, pour 7.080 euros, le 7 février 2014 pour 8.301,20 euros, le 19 février 2014 pour 8.651,20 euros et enfin le 12 novembre 2014, pour une somme de 10.436,20 euros. Toutes étaient refusées par e. BR..
Par acte en date du 13 février 2015, e. BR. faisait citer la société anonyme de droit français A (son assureur), r. BO. et son assureur la société anonyme de droit français B devant le Tribunal de Première Instance en sollicitant leur condamnation solidaire, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement de la somme totale de 27.346,30 euros en réparation des préjudices qu'elle prétendait avoir subis, outre 8.000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires pour résistance abusive et les frais de justice qu'elle a été contrainte d'engager.
Se fondant sur les constatations et conclusions du docteur B, e. BR. décomposait ses demandes comme suit :
-371,50 euros au titre de divers frais,
-4.549,40 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne,
-13.578,69 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels,
-1.046,71 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
-3.000 euros au titre des souffrances endurées,
-4.800 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.
Elle maintenait ses demandes par conclusions des 11 novembre 2015 et 10 février 2016. Les moyens qu'elle développe à l'appui de chaque chef de demande seront détaillés dans les motifs de la présente décision.
Par conclusions en date du 30 juin 2015, la société A concluait à sa mise hors de cause, à ce qu'il soit jugé qu'elle n'avait commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle et qu e. BR. soit déboutée de ses demandes à son encontre. À titre infiniment subsidiaire, elle indiquait que la réparation définitive du préjudice subi par la demanderesse suite à cet accident de la circulation devait être évaluée à 10.436,20 euros, et que, déduction faite d'une somme de 1.000 euros versée à titre de provision, son offre d'indemnisation de 9.436,20 euros devait être déclarée satisfactoire.
Enfin, elle entendait que la société B soit condamnée à la relever et garantir de toutes éventuelles condamnations prononcées à son encontre.
À l'appui de ses demandes principales, la société A indiquait que dans le cadre des accords inter-compagnies, elle avait été mandatée par la société B, pour gérer le sinistre pour son compte et que, nonobstant la survenance du sinistre en Principauté de Monaco, elle avait mis en œuvre la procédure indemnitaire prévue par la loi « Badinter » en désignant un médecin expert. Cependant, dans le cadre de la présente instance judiciaire, aucun fondement juridique ne permettrait sa condamnation. En effet, d'une part, la responsabilité civile délictuelle ne pourrait s'appliquer qu'à M. BO. et son assureur et d'autre part, la responsabilité contractuelle de la SA A ne saurait être engagée, dès lors que sa garantie n'a pas à être mise en œuvre en pareille situation.
Au titre de ses demandes subsidiaires, la société A formulait des offres sur chaque chef de préjudice.
Par conclusions en date des 17 mai et 10 décembre 2015, r. BO. et son assureur la société B concluaient en sollicitant :
-la nullité des pièces produites par e. BR. sous les numéros 33,34,35,37 et 38, pour violation des dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile ;
-que soit déclarée satisfactoire l'offre d'indemnisation de 7.801,51 euros, soit déduction faite de la somme de 1.000 euros d'ores et déjà versée, l'offre de paiement de la somme de 6.801,51 euros se décomposant comme suit :
- 20.51 euros au titre de la plaque d'immatriculation,
- 981 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- 2.800 euros au titre du pretium doloris,
- 4.000 euros au titre de l'IPP
Ses moyens à l'appui de chaque chef de demande seront détaillés dans les motifs de la présente décision.
SUR QUOI :
I/ Sur la nullité des attestations objets des pièces n°33, 34, 35 37 et 38 versées aux débats par e. BR. :
Attendu que la pièce n° 33 produite par la demanderesse consiste en une attestation établie par r. DE RE. ; que les dispositions de l'article 324 3° du Code de procédure civile n'ayant pas été respectées, cette attestation est entachée de nullité ; que la demanderesse produit toutefois en pièce n° 40 une nouvelle attestation de r. DE RE. qui respecte les dispositions du Code de procédure civile ;
Attendu que la pièce n° 34 produite par la demanderesse consiste en une attestation délivrée par a. SU. ; que les dispositions de l'article 324 3° du Code de procédure civile n'ayant pas été respectées ; ce témoignage est également entaché de nullité ; que la demanderesse produit cependant en pièce n°41 une nouvelle attestation d a. SU. qui respecte les dispositions du Code de procédure civile ;
Attendu que la pièce n° 35 produite par la demanderesse consiste en une attestation rédigée par Monsieur RO. ; que les dispositions de l'article 324 3° et 4° du Code de procédure civile n'ayant pas été respectées, cette attestation doit être déclarée nulle ; que la demanderesse produit toutefois en pièce n°42 une nouvelle attestation de Monsieur RO. qui respecte les dispositions du Code de procédure civile ;
Attendu que la pièce n° 37 produite par la demanderesse consiste en une attestation établie par Madame DE. dont l'auteur indique expressément qu'elle est la sœur d e. BR. et qu'elle travaille comme matelot à bord du Bateau Bus de Monaco, exploité par Monsieur BR., mari d e. BR. ; que sans appréciation à ce stade de la force probante de cette déclaration de tiers, il n'y a nullement lieu d'annuler cette attestation, qui remplit les conditions exigées pour sa validité par l'article 324 du Code de Procédure Civile ;
Attendu que la pièce n°38 produite par la demanderesse consiste en une attestation établie par Monsieur AH. ; que les dispositions de l'article 324 3° du Code de procédure civile n'ayant pas été respectées, il y a lieu d'annuler cette attestation ; que la demanderesse produit cependant en pièce n° 43 une nouvelle attestation de Monsieur AH. qui respecte les dispositions du Code de procédure civile ;
II/ Sur la mise hors de cause de la société A :
Attendu qu e. BR. a fait citer son propre assureur, la société A, sans préciser le fondement juridique de ses demandes à son encontre ; que si la responsabilité civile délictuelle de r. BO. et de son assureur est logiquement recherchée, à la suite d'un accident de la circulation, il n'est nullement démontré, ni même allégué que la société A devrait, en Principauté de Monaco, de quelque manière que ce soit, sa garantie à e. BR. ;
Qu'il est indifférent à cet égard, dans le cadre du présent contentieux judiciaire, que la société A ait pu être l'interlocuteur unique d e. BR. au cours de discussions amiables menées dans le cadre de la convention IRSA (Convention d'Indemnisation directe de l'assuré et de Recours entre Sociétés d'Assurance automobile) ;
Attendu que la mise hors de cause de la compagnie A sera donc prononcée ;
III/ Sur les demandes principales d e. BR. en indemnisation du préjudice subi du fait de l'accident du 18 janvier 2013 :
Attendu que le rapport du docteur B, qui n'a suscité aucune critique de la part des parties, procède d'un travail complet et détaillé et constitue en conséquence une base d'évaluation sérieuse des divers chefs de préjudice subis par e. BR. qu'il y a lieu d'examiner, au vu de ses conclusions étant ici précisé, que la victime était âgée de 60 ans à la date de l'accident pour être née le 31 mars 1953 ;
A / Sur les préjudices patrimoniaux temporaires :
1/ Attendu qu e. BR. sollicite au titre de frais divers, l'indemnisation de son blouson (350 euros) et de changement de sa plaque d'immatriculation (21,50 euros) ;
Qu'au soutien de sa seule offre d'indemnisation à hauteur de 20,51 euros, la société B estime qu'il n'est pas démontré que l'anorak en duvet que portait la victime lors de l'accident ait été totalement détériorée ;
Attendu cependant que même si e. BR. ne verse aucune photographie aux débats, elle produit d'une part la facture d'achat de ce vêtement et d'autre part l'attestation non contestée de Tony GU., témoin direct de l'accident et de sa chute sur la chaussée qui précise que le manteau de type doudoune qu'elle portait semblait s'être déchiré à l'impact au vu des morceaux de duvet répandus sur la chaussée ;
Attendu en conséquence que ce chef de préjudice d e. BR. sera évalué à la somme de 371,50 euros ;
2/ Attendu que sur l'assistance d'une tierce personne l'expert a indiqué : « est imputable à l'accident du 18 janvier 2013, un traumatisme crânien sans perte de connaissance et une fracture claviculaire droite. Existence d'une gêne temporaire totale de 24 heures. Gêne temporaire partielle de classe III du 20 janvier 2013 au 28 février 2013, liée aux phénomènes douloureux de l'épaule gauche immobilisée par un appareillage en « 8 », une importante douleur scapulaire droite (capsulite), entraînant une impotence de l'épaule droite chez une droitière et nécessitant l'aide de sa famille pour l'habillage, la toilette, la préparation des repas, couper la viande et l'ensemble des tâches ménagères. Cette aide peut être fixée à deux heures par jour pendant cette période. La gêne temporaire partielle sera ensuite de classe II du 1er mars au 28 avril 2013 pour la réalisation de la rééducation fonctionnelle et de l'infiltration permettant une reprise progressive de la mobilité de l'épaule droite, puis gêne temporaire partielle de classe I du 29 avril 2013 au 3 juin 2013. Interruption des activités professionnelles du 18 janvier 2013 au 28 mai 2013. » ;
Attendu que pour s'opposer à toute indemnisation de ce chef, la société B estime que les factures produites par la demanderesse, s'agissant de fourniture de repas à domicile, ne pourraient servir de base d'indemnisation puisqu'en tout état de cause, e. BR. aurait dû se nourrir ; Qu'une facture de blanchisserie ne pourrait pas plus être retenue ; Que s'agissant de l'assistance d'une tierce personne, aucune facture n'était produite, la demanderesse se bornant à tenir un raisonnement théorique ;
Attendu qu e. BR. indique que ses demandes au titre des frais de repas (2.054,40 euros) sont présentées du fait de l'impossibilité pour elle de les préparer ; que de même elle était incapable de laver son linge (facture de blanchisserie de 895 euros) ; qu'enfin, malgré l'absence de factures, la jurisprudence considère que lorsque l'assistance est effectuée par la famille, par définition non rémunérée, l'indemnisation est quand même due ; qu'elle prend pour base un tarif de 20 euros / h pendant 40 jours, à raison de 2 heures par jour soit une demande de 1.600 euros ;
Attendu que les demandes d e. BR. sont formulées dans la mesure où elle était à la fois incapable, pendant la période considérée, de préparer ses repas et de réaliser un entretien ménager, ce qui engendre un coût supplémentaire ; que les justificatifs qu'elle fournit à cet égard seront donc retenus ;
Attendu que s'agissant de l'assistance d'une tierce personne, l'indemnisation doit être réalisée en fonction des besoins et non au regard de la dépense, afin d'indemniser la solidarité familiale ;
Attendu dès lors, que le calcul de la demanderesse, fondé sur une base horaire raisonnable de 20 euros et sur une durée convenable (20 janvier 2013 au 28 février 2013, soit 40 jours) sera donc retenu et que son préjudice de ces chefs sera évalué à la somme de 2.054,40 + 895 + 1.600 = 4.549,40 euros ;
3/ Attendu, sur la perte de gains professionnels actuels, qu e. BR. indique qu'elle travaille auprès de son époux, Monsieur BR., dirigeant de la société C / D ; Qu'elle n'est ni salariée, ni conjoint collaborateur, statut inexistant en Principauté de Monaco ; qu'elle perçoit pourtant régulièrement des sommes de la société, à titre d'indemnisation de son activité, comme en atteste Monsieur G, expert-comptable de la société ; Que la réalité de son travail est démontrée par les attestations qu'elle verse aux débats, dont les défendeurs ont vainement sollicité la nullité, puisque des nouveaux témoignages, régularisés, ont été produits aux débats ;
Que les défendeurs estiment que l'éventuelle perte subie du fait de l'incapacité de travail d e. BR. impacte la seule société, rien ne prouvant que les sommes versées constituent une rémunération ; Que M. BR. aurait eu tout intérêt, si son épouse travaillait effectivement à ses côtés dans l'exploitation du fonds de commerce, à la déclarer afin qu'elle bénéficie d'une retraite ;
Attendu qu'il ressort des six attestations produites aux débats la réalité d'une présence et d'une activité d e. BR., au bénéfice de l'activité que Monsieur BR. exerce en son nom personnel, sous les enseignes commerciales « D » et « C » ;
Attendu que selon deux attestations de Monsieur G, expert-comptable en charge de la présentation des comptes des activités commerciales de Pierre BR., il ressort du compte de l'exploitant et des flux de trésorerie qu'un nombre significatif de transferts ont été effectués directement au profit d e. BR. à hauteur des sommes de 46.000 euros en 2010, 25.431 euros en 2011 et 36.400 euros en 2012 ; Que l'existence des revenus dont disposait e. BR. et dont elle a été privée suite à l'accident dont elle a été victime apparait ainsi démontrée quelles qu'en soient la qualification et la forme ;
Attendu en conséquence que ces éléments constituent une base de calcul fiable, permettant d'établir une moyenne de revenus de 35.943,66 euros/ an ou encore de 2.995,30 euros/mois ;
Que l'interruption professionnelle de travail d e. BR. ayant duré du 18 janvier 2013 au 3 juin 2013, soit 4 mois et 16 jours, le préjudice subi par elle de ce chef sera fixé à la somme de 13.578,69 euros ;
B/ Sur les préjudices extrapatrimoniaux :
1/ Sur le préjudice extrapatrimonial temporaire, le déficit fonctionnel temporaire :
Attendu, comme indiqué que l'expert a déterminé les éléments suivants sur la gêne temporaire :
Totale : 1 jour (hospitalisation )
Classe III : du 20 janvier 2013 au 28 février 2013 : 40 jours,
Classe II : du 1 mars 2013 au 28 avril 2013 : 59 jours,
Classe I : du 29 avril 2013 au 3 juin 2013 : 36 jours
Que la base journalière de 26,60 euros est raisonnable, l'assureur se fondant sur une base de 24 euros par jour seulement, il sera fait droit aux demandes d e. BR. et ce chef de préjudice sera fixé à 1.046,71 euros ;
2/ Sur le préjudice extrapatrimonial temporaire, les souffrances endurées :
Attendu que l'expert a fixé à 2/7 les souffrances physiques et morales liées au traumatisme et à ses conséquences, entre celui-ci et la consolidation ;
Qu'il faut relever la fracture de la clavicule initiale, la mise en place et le port pendant cinq semaines d'un appareillage en 8 de maintien claviculaire, quinze séances de rééducation fonctionnelle, une infiltration en raison d'une impotence de l'épaule droite ;
Qu'au regard des lésions initiales, du suivi traumatique important et en présence d'une offre de 2.800 euros de l'assureur, il sera fait droit aux demandes d e. BR., le préjudice étant fixé à 3.000 euros de ce chef ;
3/ Préjudice extrapatrimonial permanent, le déficit fonctionnel permanent :
Attendu que l'expert a indiqué que persistait au jour de l'expertise une limitation de la mobilité de l'épaule droite chez une droitière en fin d'amplitude avec des phénomènes algiques épisodiques laissant une atteinte à l'intégrité physique et psychique de 4 % ;
Que le débat entre les parties se cantonne à la valeur du point, qui devrait être de 1.000 euros selon les défendeurs ; Qu'il est raisonnable, compte tenu de l'âge de la victime, de la fixer en l'espèce à 1.200 euros ; qu'en conséquence il sera fait droit aux demandes d e. BR. et ce chef de préjudice sera fixé à 4.800 euros ;
IV/ Condamnations :
Attendu que le préjudice total d e. BR. sera fixé à la somme de 27.346,30 euros ;
Attendu, en conséquence, que r. BO. et son assureur, la société B, seront condamnés solidairement, compte tenu d'une provision de 1.000 euros d'ores et déjà versée, à payer à e. BR. la somme de 26.346,30 euros ;
V/ Sur la demande d e. BR. en paiement d'une somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive :
Attendu que ni le principe de la défense en justice ni le comportement procédural des défendeurs ne caractérisant un dévoiement qui aurait dégénéré en abus, cette demande d e. BR. sera rejetée ;
V/ Sur les autres chefs de demande :
Attendu sur l'exécution provisoire, qu'aucune urgence ne justifie son prononcé mais qu'en revanche, au titre de la promesse reconnue, il y a lieu de l'ordonner à hauteur des offres d'indemnisation de la société B, soit 6.801,51 euros ;
Attendu que r. BO. et la société B, qui succombent, seront condamnés solidairement aux dépens, en application des articles 231 et 235 du Code de procédure civile ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort,
Déclare nulles les attestations objet des pièces n° 33, 34, 35 et 38 produites aux débats par e. BR. ;
Dit n'y avoir lieu d'annuler l'attestation objet de la pièce n° 37 produite aux débats par e. BR. ;
Prononce la mise hors de cause de la société A ;
Fixe à la somme de 27.346,30 euros le montant du préjudice subi par e. BR. à la suite de l'accident dont elle a été victime le 18 janvier 2013 ;
Condamne solidairement r. BO. et la société B à payer à e. BR. à titre de dommages et intérêts, la somme de 26.346,30 euros, déduction faite de la provision déjà allouée ;
Déboute e. BR. du surplus de ses prétentions ;
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement à hauteur de la somme de 6.801,51 euros ;
Condamne solidairement r. BO. et la société B aux dépens, avec distraction au profit de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge, Madame Patricia HOARAU, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 7 JUILLET 2016, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.