Tribunal de première instance, 16 juin 2016, Mme ri. MA. c/ Mme BU. épouse GR. et autres

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Abstract🔗

Procédure civile - Principe de l'immutabilité du litige - Action en délivrance de legs - Nullité du testament (non) - Caducité du testament pour violation de la réserve - Révocation du testament - Annulation ou réduction de la donation

Résumé🔗

Toutes les prétentions des défendeurs sont destinées à faire échec à l'action initiale en délivrance de legs et lui sont rattachées par un lien suffisant. C'est donc à tort que le demandeur à cette action invoque le principe de l'immutabilité du litige à l'encontre des demandes en annulation et réduction de la donation, qui sont donc recevables.

Si le testateur est de nationalité uruguayenne, les conditions de forme de son testament peuvent être soumises au droit de la Principauté où ce testament a été établi. Ce droit reconnaît le testament olographe et les dispositions litigieuses sont parfaitement régulières en la forme sans que puisse être invoqué le droit interne uruguayen. La demande en nullité doit donc être rejetée.

Le legs est réglé par des dividendes soumis à la loi uruguayenne et les défendeurs à l'action invoquent le droit monégasque pour faire valoir que leur droit à réserve a été violé mais ils n'expliquent cependant pas en quoi ce droit devrait être appliqué de ce chef. Il convient donc de réouvrir les débats sur ce point et également d'inviter les intéressés à justifier de la teneur précise des dispositions légales uruguayennes relatives à la réserve.

Les parties défenderesses prétendent qu'une telle donation emporte révocation du testament établi antérieurement mais ne s'expliquent cependant pas sur la loi applicable au soutien d'une telle demande. Les débats devront donc être également réouverts sur ce point afin de recueillir les observations des parties et que ces dernières produisent aux débats l'éventuelle loi étrangère applicable.

L'une des parties défenderesses sollicite l'annulation de la donation contestée pour insanité d'esprit et sa réduction à la quotité disponible sur le fondement respectif des articles 769 d'une part et 787, 788 d'autre part du Code civil monégasque. Or, elle ne s'explique cependant pas sur l'applicabilité de ces textes et doit justifier de toute loi étrangère éventuellement applicable.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

N° 2013/000204 (assignation du 30 octobre 2012)

JUGEMENT DU 16 JUIN 2016

En la cause de :

  • Mme ri. MA., née le 26 mars 1951 à PARME (Italie), de nationalité italienne, demeurant « X1 », X1 à Monaco ;

DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

  • 1. Mme Valérie Hermine Marie-Louise BU. épouse GR., née le 13 janvier 1957 à Montevideo (Uruguay), de nationalité française, sans profession, demeurant X2 à Montmorency (France), décédée le 25 mars 2016 soit postérieurement à la clôture des débats ;

  • 2. Madame Claude Pierrette Camille Philippa BU. divorcée PA., née le 16 février 1958 à Montevideo (Uruguay), de nationalité française, sans profession, demeurant « X3 » X3 à Bastia (France), placée sous le régime de la curatelle par jugement du Tribunal d'Instance de Bastia, assistée par son curateur l'Association E, dont le siège social est situé X11 à Bastia (France) prise en la personne de Mme h. AR. ;

Bénéficiaire de l'assistance judiciaire par décision n° 24-BAJ-13 en date du 15 novembre 2012,

  • 3. Mme Flavie Marie Délia Fausta BU. épouse BE., née le 6 janvier 1960 à Montevideo (Uruguay), de nationalité française, sans profession, demeurant X4 à Montmorency (France) ;

  • 4. Mme Sabina Nicole Raffaella Marina BU. épouse RO., née le 26 février 1961 à Monaco, de nationalité suisse, sans profession, demeurant X5 à Genève (Suisse) ;

  • 5. Mme Flaminia Adriana Tacita Aurelia BU. divorcée PO., née le 26 juillet 1968 à Monaco, de nationalité française, fonctionnaire européen, demeurant X6 à Bruxelles (Belgique) ;

DÉFENDERESSES ayant élu domicile en l'étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

  • 6. Mme Domitilla Livia Octavia Victoria BU., née le 14 janvier 1970 à Monaco, de nationalité française, sans profession, demeurant X7 à Monze (France) ;

Bénéficiaire de l'assistance judiciaire par décision n° 91-BAJ-13 en date du 2 octobre 2015,

DÉFENDERESSE ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

  • 7. M. Donatello Leonardo Lorenzo Luigi BU., né le 19 juillet 1973 à Monaco, de nationalité française, consultant indépendant, demeurant X8 à Antibes (France) ;

DÉFENDEUR ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

  • 8. M. Raffaello André Charles Werner BU., né le 7 mai 1976 à Monaco, de nationalité française, contrôleur de gestion, demeurant X9, à la Celle Saint Cloud (France) ;

DÉFENDEUR ayant élu domicile en l'étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 30 octobre 2012, enregistré (n° 2013/000204) ;

Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 9 avril 2015 ayant rejeté la demande de communication de pièces formée par ri. MA. et renvoyé l'affaire à l'audience du 7 mai 2015 pour les conclusions au fond de ri. MA. ;

Vu les conclusions de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de ri. MA., en date des 10 juin 2015 et 30 janvier 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de Valérie BU. épouse GR., Claude BU. assistée de sa curatrice Mme h. AR., Flavie BU. épouse BE., Sabina BU. épouse RO., Flaminia BU., Raffaello BU., en date du 11 novembre 2015 ;

Vu les conclusions de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de Domitilla BU., en date du 9 décembre 2015 ;

Vu les conclusions de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de Donatello BU., en date du 9 décembre 2015 ;

À l'audience publique du 17 mars 2016, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 19 mai 2016 et prorogé au 16 juin 2016, les parties en ayant été avisées par le Président ;

EXPOSÉ :

M. Germano BU., de nationalité uruguayenne, domicilié à Monaco, est décédé le 17 juillet 2011 au l'Etablissement public de droit monégasque I.

Le 21 novembre 2011 a été déposé au rang des minutes de Maître Henry REY, un testament olographe fait par le défunt le 27 octobre 2008 à Monaco aux termes duquel :

  • - il laisse tous ses biens à ses enfants, Flaminia BU., Valérie BU. épouse GR., Flavie BU. épouse BE., Raffaello BU., Sabina BU. épouse RO., Claude BU., Domitilla BU., Donatello BU., Michelangelo BU. et Raffaello BU. ;

  • - et lègue à ri. MA. la somme de 1.000.000 euros.

Par acte d'huissier délivré le 30 octobre 2012, ri. MA. a, sur le fondement de l'article 869 du Code Civil, assigné Flaminia BU., Valérie BU. épouse GR., Flavie BU. épouse BE., Sabina BU. épouse RO., Claude BU., Domitilla BU., Donatello BU. et Raffaello BU. aux fins d'obtenir :

  • la délivrance de son legs ;

  • la condamnation de chacun des défendeurs à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Il est exposé que :

  • en vertu du droit international monégasque et d'après son statut personnel, la succession du défunt est régie pour les meubles par sa loi nationale, soit la loi monégasque laquelle renvoie au droit monégasque ;

  • M. Germano BU. a voulu gratifier ri. MA., sa fidèle secrétaire et dame de compagnie qui l'a assisté de 2008 jusqu'à sa mort en accomplissant de très nombreuses heures de travail ;

  • les défendeurs, par cupidité, contestent la validité du testament au motif que celui-ci ne respecterait pas les conditions de forme prescrites par le droit uruguayen ;

  • toutefois, et en vertu de la règle « locus regit actum » appliquée par les juridictions monégasques, les actes juridiques privés sont régis quant à leur forme par la loi du lieu où ils sont passés, en l'occurrence Monaco ;

  • le testament olographe étant conforme au droit de ce pays dans lequel Germano BU. était domicilié depuis de très nombreuses années, ri. MA. est fondée, en application de l'article 869 du Code Civil à solliciter la délivrance de son legs.

Par jugement rendu le 9 avril 2015, le Tribunal a rejeté la demande de communication de pièces formée par ri. MA..

Dans leurs conclusions en défense déposées les 13 février 2013 et 11 novembre 2015, Flaminia BU., Valérie BU. épouse GR., Flavie BU. épouse BE., Raffaello BU., Sabina BU. épouse RO. et Claude BU. assistée de sa curatrice h. AR. demandent au Tribunal de :

À titre principal :

  • dire que le testament ne concerne que des biens meubles situés en Uruguay ;

  • dire en conséquence que la loi uruguayenne est applicable audit testament ;

  • prononcer la nullité de celui-ci pour non-respect des conditions de forme prescrites par les articles 830 et suivants du Code Civil Uruguayen ;

À titre subsidiaire, si le testament devait être considéré comme valable :

  • dire que l'ensemble des dispositions du testament sont caduques car excédant la quotité disponible conformément aux articles 780 et 792 du Code Civil monégasque ;

À titre infiniment subsidiaire :

  • dire en application des articles 890 et 891 du Code Civil monégasque que la donation en date du 6 juin 2011 emporte révocation du testament du 27 octobre 2008 ;

Ils affirment au préalable que :

  • ils sont déçus du comportement de ri. MA. en qui ils avaient confiance ;

  • ils ne se sont jamais opposés au souhait de leur père de la récompenser ;

  • en réalité celle-ci en apparence dévouée a manipulé Germano BU. et n'était intéressée que par l'argent.

Les défendeurs reviennent ensuite sur les libéralités consenties par leur père.

Ils indiquent d'abord, s'agissant du testament du 27 octobre 2008 que :

M. Germano BU. était un homme d'affaires averti, malgré son grand âge, qui a géré ses affaires jusqu'à sa mort ;

  • ainsi, chaque année il avait pour habitude d'envoyer à ses enfants un mémo sur ses activités afin que ceux-ci soient pleinement informés de l'évolution du patrimoine familial ;

  • le 23 juin 2008 il les a ainsi avisés qu'il souhaitait faire un testament chez Maître REY à Monaco et craignant de finir ses jours seul, donner une somme « modeste » à la personne qui l'assistera jusqu'à la mort ;

  • dès le 27 octobre 2008, il a testé au profit de ri. MA. qu'il venait de recruter au début de l'année, « monétisant » ainsi son dévouement ;

  • il lui a remis en mains propres le testament afin qu'elle puisse s'en prévaloir en cas de décès brutal ;

  • toutefois le testament se contredit sur les biens légués puisque Germano BU. donne à la fois tous ses biens à ses enfants et la somme de 1.000.000 d'euros à ri. MA. en violation du principe « nemo dat quod non habet » ;

  • Germano BU. ne s'est pas fait aider d'un notaire pour rédiger ce testament, et notamment par Maître REY ;

  • cet acte était en quelque sorte une garantie provisoire qui devait être officialisée en temps voulu.

Les défendeurs énoncent ensuite que sachant que ses jours étaient comptés, leur père a formalisé la récompense à ri. MA. par le biais d'une donation faite le 6 juin 2011 passée sous silence par elle dans son assignation et précisent que :

  • l'état de santé de Germano BU. s'étant fortement dégradé à la fin de l'année 2010, il s'est rapproché de son notaire habituel Maître Pablo FERREIRA en Uruguay ;

  • plusieurs solutions ont été envisagées et Germano BU. a finalement décidé de céder par donation à ses enfants la nue-propriété de ses parts dans les sociétés uruguayennes R et G, composant l'essentiel de son patrimoine, avec réserve d'usufruit pour ri. MA. durant 27 et 24 mois de sorte qu'elle puisse encaisser l'équivalent d'un million de dollars américains ;

  • ils ont fait état de l'existence de cette donation au notaire monégasque chargé de régler la succession et ont été particulièrement surpris de voir resurgir le testament de 2008 que ri. MA. a volontairement déposé après la mort de Germano BU. et en laissant croire à ce dernier qu'il avait été volé lors d'un cambriolage de sorte qu'elle a pu obtenir une nouvelle libéralité ;

  • ils ne se sont pas non plus opposés à l'exécution de la donation qui se trouve conditionnée par l'accord de tous les héritiers mais c'est Donatello BU. qui refuse de prendre position.

À l'appui de leur demande principale tendant à la nullité du testament, les défendeurs font valoir que :

  • selon l'acte de notoriété du 22 décembre 2011, la succession du défunt est régie par sa loi nationale pour les meubles, soit la loi uruguayenne qui renvoie au lieu de situation des biens, à savoir la loi monégasque pour les meubles situés en Principauté ; et pour les immeubles par la loi du pays où ils sont situés ;

  • en effet, l'Uruguay a adopté le principe de l'unité en matière de succession, de sorte que la loi applicable à une succession pour une personne uruguayenne est la loi de situation des biens tant meubles qu'immeubles (article 2040 du Code Civil) ;

  • la succession de Germano BU. ne comporte aucun immeuble en Principauté ;

  • il importe donc de déterminer où se trouvent les biens visés par le testament ;

  • à cet égard, cet acte prévoit que l'argent légué à ri. MA. sera payé :

  • à l'aide des fonds de la société K déposés sur un compte ouvert à la société T à Monaco ;

  • et à défaut, avec les dividendes des sociétés R SRL et G INC ;

  • le compte bancaire de la société K a été clôturé dès avant le décès de Germano BU. car il entendait dissoudre cette entité ;

  • ainsi le legs est, en vertu de l'article 897 du Code Civil monégasque, frappé de caducité concernant le compte de la société T puisqu'il a été clôturé, la chose léguée ayant donc disparu du fait de la volonté du testateur ; et ri. MA. ne peut sérieusement arguer de la fongibilité des sommes d'argent, alors que le testateur a énuméré des modalités précises de règlement du legs ;

  • les sociétés R SRL et G INC ont leur activité en Uruguay, lieu de naissance des dividendes de sorte que le testament se trouve régi par la loi de ce pays ;

  • le droit uruguayen exige « ad solemnitatem » la présence aux côtés du testateur de témoins et du notaire (articles 794, 801, 802 et 830 du Code Civil) ;

  • en conséquence, le testament olographe de Germano BU. n'est pas valable ;

  • la jurisprudence citée sur ce point en demande est inopérante et vient confirmer que les résidents étrangers peuvent choisir de tester selon les formes prescrites en Principauté ou dans leur pays d'origine ;

Germano BU. n'a pas fait de choix de sorte qu'en vertu des développements supra, c'est la loi uruguayenne qui est applicable.

À titre subsidiaire, les défendeurs estiment au visa des articles 780 et 792 du Code Civil monégasque que :

  • Germano BU. a laissé pour lui succéder neuf enfants légitimes bénéficiaires de la réserve à hauteur des trois-quarts de l'actif successoral ;

  • la réserve se calcule séparément sur chacune des masses soumises à une loi différente, conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation ;

  • le legs consenti à ri. MA. concernant uniquement des comptes bancaires monégasques régis par les lois monégasques, la réserve s'apprécie uniquement en fonction de l'actif existant en Principauté ;

  • selon l'état des forces et charges de la succession monégasque l'actif net s'élève à 777.101,51 euros, et ne saurait inclure la SCI V domiciliée en France et propriétaire de biens immobiliers exclusivement situés dans ce pays ;

  • le legs consenti à ri. MA. excède donc l'actif successoral et à fortiori la quotité disponible et se trouve donc caduc.

À titre infiniment subsidiaire, sur la révocation du testament, il est prétendu que :

  • la donation de 2011 ne révoquant pas expressément le testament de 2008, il convient, en vertu des articles 890 et 891 du Code Civil monégasque, de vérifier si les deux actes sont conciliables :

  • les démarches faites par Germano BU. pour clôturer le compte T de la société K et liquider celle-ci prouvent sa volonté de révoquer le testament ;

  • la clôture de ce compte bancaire rend le legs caduc de ce chef en application de l'article 897 du Code Civil ;

  • restent les dividendes des sociétés R et G visés par le testament aux fins de payer le legs ;

  • or, précisément ils font l'objet de la donation de 2011 puisque acquis à ri. MA. sur une période de 27 et 24 mois ;

  • il est donc impossible d'exécuter à la fois le testament et la donation qui sont incompatibles ;

  • le testament et la donation portant sur la même somme et prévoyant des modalités de règlement identiques, c'est la preuve que cette dernière emporte révocation du premier ;

  • au surplus, et par l'effet de cette donation, Germano BU. n'était plus propriétaire des parts des sociétés R et G de sorte qu'il n'est plus possible de mettre en oeuvre le testament rédigé antérieurement ;

  • ri. MA. qui tente par tous les moyens de nier la réalité se contredit dans ses écritures sur les modalités de paiement du legs et de la donation et sur leur simultanéité ;

  • Maître Pablo FERREIRA dont il est établi qu'il est notaire, atteste que son client ne lui a jamais parlé du testament et que la donation invalide nécessairement tout testament antérieur portant sur les sociétés R et G ;

  • les échanges de mails entre eux démontrent que Germano BU. a préparé sa succession à partir de décembre 2010 ;

  • Germano BU. pensait en effet qu'il avait disparu au cours d'un cambriolage, comme le révèle un courrier de Donatello BU., proche de ri. MA. ;

  • il ressort d'un email adressé le 15 mai 2009 par le de cujus que celui-ci allait rédiger un testament ce qui démontre qu'il n'entendait pas faire application de celui rédigé en 2008 ;

  • la volonté de Germano BU. était de gratifier ri. MA. à hauteur de 1.000.000 d'euros en dollars uniquement et non de doubler cette somme ;

  • par ailleurs, si l'on s'en tient aux prétentions de ri. MA., il lui reviendrait environ 2.000.000 d'euros alors même que Germano BU. avait mentionné qu'il lui donnerait une somme modeste au regard de ce qui reviendrait à ses neuf héritiers, soit chacun la somme de 1.900.000 euros et donc un montant inférieur, de sorte que la thèse de la demanderesse est inexacte.

Dans ses écritures déposées le 9 décembre 2015, Donatello BU. demande au Tribunal :

  • de lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte à justice sur l'action de ri. MA. ;

  • de prendre acte avec toutes conséquences de droit qu'il n'a jamais contesté le testament de son père ;

Il fait observer que :

  • selon une étude juridique réalisée par le Cabinet SONEIRA et ASOCIADOS, ainsi que selon la déclaration d'acceptation de la succession faite en Uruguay par ses frères et soeurs, il a été exclu comme héritier ;

  • il conteste donc l'allégation selon laquelle il bloquerait l'exécution de la donation ;

  • Maître Pablo FERREIRA a été rémunéré comme avocat et il y a confusion avec sa qualité de notaire ;

  • la juxtaposition des mails entre celui-ci et Germano BU. révèle que ce dernier n'a pas donné suite au projet de testament.

Le 11 décembre 2015, Domitilla BU. a déposé des conclusions récapitulatives tendant à voir :

  • « Dire et juger que le testament du 27 octobre 2008 ne vise que les biens meubles du de cujus en Uruguay ;

  • Dire et juger que la loi uruguayenne s'applique au présent testament ;

  • Prononcer la nullité du testament du 27 octobre 2008 avec toutes conséquences de droit ;

À titre subsidiaire,

  • Dire et juger que le testament du 27 octobre 2008 ne respecte pas les dispositions de l'article 780 du Code Civil, au terme duquel la quotité disponible ne doit pas dépasser ¼ de l'actif successoral ;

  • Prononcer la nullité du testament en application des dispositions de l'article 792 du Code Civil avec toutes conséquences que de droit ;

À titre infiniment subsidiaire,

  • Prononcer la caducité du testament en application des dispositions de l'article 792 du Code Civil avec toutes conséquences que de droit ;

  • Dire et juger à tous le moins que sur un actif successoral de 777.101,51 euros la quotité disponible représente au maximum 194.275,38 euros au profit de ri. MA. en sorte que tout l'excèdent au-delà de cette somme doit donc être restitué à la masse ;

À titre infiniment subsidiaire,

  • Dire et juger que les dispositions du testament du 27 octobre 2008 et la donation du 6 juin 2011 portent sur les mêmes éléments de patrimoine du défunt ;

  • Dire et juger que les dispositions du testament du 27 octobre 2008 sont incompatibles avec les dispositions de la donation du 6 juin 2011 ;

  • Prononcer la révocation du testament du 27 octobre 2008 du fait des dispositions de la donation du 6 juin 2011, avec toutes conséquences de droit ;

À titre reconventionnel,

  • Dire et juger que la donation du 6 juin 2011 a été effectuée par Feu Germano BU. quelques semaines avant son décès et dans un état avancé de faiblesse psychologique ;

  • Dire et juger que la donation du 6 juin 2011 a été effectuée suite aux manoeuvres de ri. MA. ;

  • Prononcer la nullité de la donation du 6 juin 2011 avec toutes conséquences de droit ;

Enfin, et si par extraordinaire la donation du 6 juin 2011devait être considérée comme valable,

  • Dire et juger que le montant de 1.000.000 de dollars US prévu par la donation est contraire aux dispositions des articles 787 et suivants du Code Civil ;

  • Dire et juger que sur un actif successoral de 777.101.51 euros la quotité disponible représente au maximum 194.275,38 euros au profit de ri. MA. en sorte que l'excédent au-delà de cette somme devra être restitué à la masse ;

En tout état de cause,

  • Condamner ri. MA. à verser à Madame BU. Domitilla la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;

  • Débouter ri. MA. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme étant inopérantes et sans fondement ; »

Après un rappel des faits et de la procédure, Domitilla BU. fait valoir à titre principal que le testament est nul en application de la loi uruguayenne pour les mêmes motifs que ceux présentés par ses frères et sœurs.

Subsidiairement, si par extraordinaire le Tribunal venait à considérer que le testament est régi par le droit monégasque, Domitilla BU. conclut à sa caducité pour non-respect des droits réservataires des héritiers en développant des arguments identiques à ses frères et sœurs et, y ajoutant, estime que tout au plus, la quotité disponible du quart de la succession doit revenir à ri. MA..

À titre infiniment subsidiaire, sur la révocation du testament du fait de son incompatibilité avec la donation Domitilla BU. évoque les mêmes éléments que ses frères et sœurs.

Reconventionnellement, elle fait valoir en premier lieu que la donation du 6 juin 2011 est nulle :

  • pour insanité d'esprit au vu des différents documents médicaux qui établissent sans conteste que Germano BU. avait des problèmes de santé importants et était extrêmement affaibli, physiquement et psychologiquement ;

  • pour manœuvres de ri. MA. qui exerçait une grande emprise sur Germano BU., a avancé la thèse d'un vol du testament, lui a fait faire cette donation au détriment des héritiers et par un notaire uruguayen alors que Maître REY était son notaire sur place, que les enfants n'étaient pas avisés, et qu'il n'a pas pu seul envoyer de mails en Uruguay car il ne savait pas se servir d'un ordinateur.

En deuxième lieu, si la donation était tenue pour valable, elle affirme qu'elle doit être réduite à la quotité disponible en vertu de l'article 787 du Code Civil.

Enfin, au soutien de sa demande de dommages et intérêts, Domitilla BU. souligne que :

  • ri. MA. uniquement guidée par une logique financière et mercantile lui cause un préjudice moral indéniable ;

  • les nombreuses accusations de cette dernière sont infondées et notamment celle selon laquelle les héritiers, qui n'ont pas à se justifier sur leurs droits à succéder, ont perçu d'importants revenus depuis le décès de leur père.

Dans ses conclusions de synthèse déposées le 13 janvier 2016, ri. MA. demande au Tribunal de :

  • déclarer Domitilla BU. irrecevable en sa demande d'annulation de la donation ;

  • dire que Germano BU. avait la faculté de rédiger un testament olographe et qu'en conséquence celui-ci est régulier en la forme ;

  • dire que le legs n'excède pas la quotité disponible ;

  • débouter les hoirs BU. de leurs moyens et prétentions ;

  • ordonner la délivrance du legs prévu par le testament ;

  • condamner in solidum les hoirs BU., excepté Donatello BU. à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

À titre préliminaire, ri. MA. répond à ses adversaires que :

  • en établissant la donation en 2011, Germano BU. n'a pas révoqué ses dispositions testamentaires et sa volonté était donc que les deux libéralités se cumulent ;

Maître Pablo FERREIRA est également avocat et il y a un doute sur sa qualité de notaire dans cette affaire ;

  • la bonne foi des hoirs BU. qui ont exclu Donatello BU. de la succession en Uruguay est plus que sujette à caution, alors qu'ils se sont toujours opposés à la gratification ;

  • elle n'est nullement millionnaire puisqu'elle n'a rien touché de la donation ;

S'agissant des dernières volontés de Germano BU., il est soutenu pour l'essentiel que :

  • les défendeurs se contredisent en indiquant tout à la fois qu'il était un homme d'affaires averti et qu'il s'est fait manipuler par ri. MA. ;

  • le mémo du 23 juin 2008 sur lequel ils s'appuient :

  • n'exclut pas que Germano BU. ait consulté Maître Rey voire le démontre, quand il indique qu'il peut choisir entre la loi uruguayenne ou la loi monégasque ;

  • est parfaitement cohérent lorsqu'il mentionne que ri. MA. recevra une somme « modeste » au regard des héritiers, puisque l'actif successoral, tous pays confondus, est d'environ 20.000.000 d'euros ;

  • Germano BU. a ultérieurement en 2009 et 2011 fait état d'une certaine et consistante somme au profit de ri. MA. ;

  • on peut penser que, connaissant la cupidité de ses enfants, il ait voulu minimiser le legs pour éviter un régime d'incapacité ;

  • les hoirs BU. émettent des supputations qui ne sont nullement corroborées ;

  • le testament ne contient aucune contradiction ;

  • après deux versions (Germano BU. est présenté tantôt comme avisé tantôt comme affaibli) les défendeurs proposent une autre thèse, nullement étayée, selon laquelle il aurait décidé de se rapprocher de Maître Pablo FERREIRA pour coucher dans un formalisme irréprochable ses dernières volontés ;

  • la pièce 4 adverse consistant en un montage grossier des mails échangés ne démontre pas que Germano BU. voulait faire un testament mais établit seulement qu'il entendait faire donation ;

  • la pièce 7 relative à un prétendu cambriolage prouve uniquement que ri. MA. se méfiait de Donatello BU. ;

  • il était loisible à Germano BU. qui avait gardé toute sa lucidité de révoquer son testament ;

  • ri. MA. a déposé le testament après le décès de Germano BU. conformément à l'article 858 du Code Civil.

Concernant la prétendue disparition du legs, il est répliqué à la partie défenderesse que :

  • celle-ci fait une lecture erronée de cet acte qui ne mentionne pas le compte T de la société K mais celui de ri. MA. ;

  • l'article 897 du Code Civil invoqué en défense ne s'applique qu'aux corps certains et non aux choses fongibles que sont les sommes d'argent ;

  • en tout état de cause, la fermeture du compte de la société K ne constitue pas disparition du legs mais emporte simplement disparition d'une des modalités de règlement de ce legs ;

  • le défunt avait précisé le mode de paiement pour assurer un versement rapide à la légataire ;

  • Germano BU. a clôturé le compte de la société K et transféré les fonds en provenant sur ses comptes personnels qui ont dû générer de très importants revenus au bénéfice des héritiers ;

  • au surplus, la chose léguée n'a pu disparaitre comme allégué puisqu'ont été prévus d'autres modes de règlement du legs ;

  • en outre, et contrairement à leurs écritures, les hoirs BU. ont inclus dans l'actif successoral uruguayen les actions des sociétés R, G INC et K ;

  • les jurisprudences citées dans l'exploit introductif d'instance ne confortent pas la position des défenseurs mais établissent que la validité du testament dépend de de ce que permet la loi nationale du défunt s'il en fait le choix, ou sinon de ce que permet la loi de son domicile ;

  • Germano BU. domicilié à Monaco depuis des décennies a pu valablement tester en la forme olographe.

S'agissant de la prétendue caducité du testament en raison du non-respect des quotités disponibles, ri. MA. avance que :

  • la masse de calcul de la réserve est définie à l'article 789 du Code Civil ;

  • à l'actif successoral net en Principauté, il manque un bien, la SCI V, et le passif a été surévalué par la présence de cautions non-exécutées ;

  • en outre, la quotité disponible se calcule par rapport à l'actif successoral total quelle que soit sa localisation ;

  • depuis son arrêt BALLESTRERO du 21 mars 2000, la Cour de Cassation retient qu'il faut tenir compte de la valeur des biens qui échappent à sa compétence juridictionnelle notamment pour le calcul de la réserve ;

  • cette généralité est la conséquence normale du principe de l'unité du patrimoine transmis ;

  • le Tribunal a estimé dans son jugement du 9 avril 2015, que les biens successoraux pouvaient être estimés dans leur globalité à plus de 17.000.000 euros, de sorte que le legs ne dépasse pas la quotité disponible ;

  • selon les propres calculs des hoirs BU., l'actif est de 4.000.000 euros et le legs reste donc valable.

Concernant la prétendue révocation du testament, il est indiqué que :

  • l'argent étant fongible, le legs peut être payé par n'importe quelle source ;

  • il est inexact de dire que le testament et la donation portent sur les mêmes dividendes alors que cette dernière en prévoit la perception sur une durée limitée, ce qui n'est pas le cas du testament ;

  • il est tout à fait possible d'exécuter ces deux actes puisqu'il suffit d'affecter d'abord les dividendes au paiement de la donation puis de les utiliser pour exécuter le legs ;

  • il n'y a aucune incompatibilité ;

  • Germano BU. a bénéficié de l'aide tant de Maître REY que de Maître FERREIRA, et s'il n'a pas révoqué son testament, c'est en connaissance de cause car il voulait maintenir le legs ;

  • les hoirs BU. sont incohérents et de mauvaise foi.

Enfin ri. MA. argue que la demande tendant à l'annulation de la donation :

  • est irrecevable en vertu du principe d'immutabilité du litige dès lors que l'objet de l'instance est la délivrance du legs ;

  • est subsidiairement infondée car Germano BU. n'était pas sous un régime d'incapacité des majeurs, sans que ses moments d'angoisse vis-à-vis de la mort ne permettent de démontrer qu'il n'était plus en mesure de vouloir ou de comprendre.

MOTIFS :

  • En la forme :

Le principe d'immutabilité du litige s'oppose à ce qu'une demande soit incidemment formulée par voie de conclusions lorsqu'elle porte sur un objet nouveau, la demande originale ayant fixé le litige entre les parties.

Néanmoins, l'objet de l'instance peut être modifié par une demande incidente lorsque celle-ci est connexe à la prétention originaire ; et c'est ainsi qu'en application de l'article 382 du Code de Procédure Civile sont admises les demandes reconventionnelles si elles procèdent de la même cause que la demande principale ou bien forment une défense contre cette demande, ou bien encore tendent à obtenir le bénéfice de la compensation judiciaire.

En l'espèce, ri. MA. a fait assigner les défendeurs aux fins d'obtenir la délivrance d'un legs consenti par Germano BU. dans son testament rédigé le 27 octobre 2008.

Les défendeurs, à l'exception de Donatello BU., outre leurs contestations relatives aux conditions de cet acte et à la violation de leurs droits réservataires opposent que le testament s'est trouvé nécessairement et implicitement révoqué par une donation faite ultérieurement le 6 juin 2011 par Germano BU..

Domitilla BU. ajoute que ladite donation est nulle pour insanité d'esprit ou à tout le moins réductible pour atteinte à la réserve.

Toutes les prétentions des défendeurs y compris celles formées spécifiquement par Domitilla BU. sont destinées à faire échec à l'action initiale en délivrance de legs et lui sont rattachées par un lien suffisant.

C'est donc à tort que ri. MA. invoque le principe de l'immutabilité du litige à l'encontre des demandes en annulation et réduction de la donation formulées par Domitilla BU. qui doit donc être déclarée recevable de ces chefs.

Au fond :

  • 1) Sur la nullité du testament en date du 27 octobre 2008 :

Germano BU. de nationalité uruguayenne a le 27 octobre 2008 établi à Monaco un testament olographe aux termes duquel notamment est léguée à ri. MA. la somme de 1.000.000 d'euros.

La validité formelle de cet acte n'est pas, contrairement à ce qui est soutenu en défense, régie par la loi successorale telle que définie par le droit international privé.

En effet, selon la règle de conflit appliquée par les juridictions monégasques, (Cour d'Appel du 29 novembre 1994, et du 17 février 1998, Tribunal de Première Instance du 30 avril 1992), la loi applicable à la forme des actes est en vertu du principe « locus regis actum » celle du lieu de leur conclusion, ou bien la loi nationale du rédacteur.

Germano BU. n'a pas opté pour l'une ou l'autre loi.

Ainsi, les conditions de forme de son testament peuvent être soumises au droit de la Principauté où ledit testament a été établi.

En l'occurrence, l'article 835 du Code Civil autorise les testaments olographes.

Au surplus, il convient de relever que si l'opinion juridique de Mme Roxana CORBRAN, avocate en Uruguay sollicitée par la défense, indique certes que le testament olographe n'est pas admis en droit interne uruguayen, elle ajoute toutefois que « En tout cas, quant à la loi applicable comme ce testament [objet du présent litige] a été fait à l'étranger, il implique à la fois la loi du lieu de situation des biens héréditaires et la loi du pays où il a été consenti » ; en l'occurrence Monaco.

Dès lors, les dispositions de dernière volonté de Germano BU. sont parfaitement régulières en la forme sans que puisse être invoqué le droit interne uruguayen.

Par voie de conséquence, la demande en nullité formée de ce chef doit être rejetée ; étant ajouté que les développements de partie des défendeurs sur la disparition du legs par l'effet de la clôture du compte T de la société K sont radicalement inopérants dès lors que sont prévues d'autres modalités de règlement dudit legs.

  • 2) Sur la caducité du testament pour violation de la réserve :

La succession de M. Germano BU. présente un caractère international en ce qu'il est de nationalité uruguayenne, a rédigé un testament à Monaco où il est décédé et possédait des biens notamment en Principauté, en France et en Uruguay.

Il convient donc de déterminer la ou les lois applicables à cette succession.

À cet égard, selon le droit international privé monégasque, la succession de Germano BU. est régie pour la partie mobilière par sa loi nationale et pour les immeubles par la loi du pays où ils sont situés.

Maître Nathalie AUREGLIA-CARUSO, chargée du règlement de la succession ouverte à Monaco, rappelle dans l'acte de notoriété établi par elle le 22 décembre 2011, ces règles de droit international privé et précise que la loi uruguayenne applicable pour les meubles renvoie à la loi du lieu de situation des biens.

Cet acte de notoriété n'est pas discuté et est de surcroit invoqué à tort en défense à l'appui de la prétendue irrégularité formelle du testament.

En outre, la partie défenderesse cite également à ce titre l'article 2040 du Code Civil uruguayen selon lequel la loi applicable à la succession d'une personne de nationalité uruguayenne est la loi du lieu de situation tant des meubles que des immeubles.

En l'occurrence, à Monaco lieu d'ouverture de la succession du défunt et selon l'état des forces et charges dressé par Maître Nathalie AUREGLIA-CARUSO, il n'existe aucun immeuble et l'actif mobilier comprend divers comptes ouverts à la société T, un compte à la société U MONACO et les meubles meublant l'appartement sis XX.

Par ailleurs c'est la loi successorale qui définit tant l'existence de la réserve, que son étendue et ses bénéficiaires.

Les défendeurs, sauf Donatello BU. revendiquent en effet leur qualité d'héritiers réservataires.

Il convient donc de rechercher si les biens légués à ri. MA. dont elle sollicite la délivrance se situent en Principauté.

À cet égard, le testateur après avoir institué ses neuf enfants, légataires universels dispose :

« Et à ri. MA. qui vit avec moi à Monaco au même domicile et que je connais depuis plusieurs années et qui veut partager le reste de ma vie, je laisse la somme de 1.000.000 Euros (je dis un million d'Euros) dont 50 % en Euros et 50 % en Euros ou leur contrevaleur en dollars américains, à son choix au moment du paiement

À mon décès, le paiement sera effectué dans le respect de la loi par la société financière K, à ri. MA., sur son compte courant ouvert en les livres de la société T à Monaco.

Si la société K ne dispose pas de la totalité de la somme, le solde sera liquidé au fur et à mesure que la société K encaisse des intérêts sur les comptes bloqués près ladite société T à Monaco ou les dividendes des sociétés R srl et G Inc que ri. connait bien. »

Ainsi, si l'argent est un bien fongible comme le mentionne ri. MA. il n'empêche que Germano BU. a entendu régler les modalités de paiement du legs objet du litige en indiquant qu'il sera réglé par sa société financière Uruguayenne K à l'aide des capitaux placés de celle-ci, en cas d'insuffisance au fur et à mesure des revenus perçus par elle sur ses comptes à la société T de Monaco, et à défaut par les dividendes des sociétés R SRL et G INC.

Cependant, il ressort d'un mail de M. Germano BU. en date du 28 janvier 2011 que celui-ci a transféré les deux tiers des biens de la société K à ses enfants, comptant transférer le reste dans les mois à venir pour ensuite liquider cette société.

S'il n'apparait pas que ce projet ait effectivement abouti et que la société K ait été dissoute, en revanche il est démontré que le compte ouvert à la société T de Monaco a été clôturé le 20 avril 2011 et il n'est pas allégué par ri. MA. que cette société disposerait d'autres biens en Principauté.

Demeure donc le dernier mode de règlement prévu par le de cujus à savoir les dividendes des sociétés R SRL et G INC.

La première est de droit uruguayen et la deuxième a son siège social à Panama, mais il n'est pas contesté qu'elles ont toutes deux leur activité en Uruguay, lieu de naissance des dividendes.

De la sorte, et comme le mentionne dans leurs écritures l'ensemble des défendeurs sauf Donatello BU., ces dividendes sont soumis à la loi uruguayenne.

S'ils estiment certes en invoquant le droit monégasque, que leur droit à réserve a, du fait du legs portant sur ces dividendes à hauteur d'un million d'euros, été violé, ils n'expliquent cependant pas en quoi ce droit devrait être appliqué de ce chef.

Il convient donc de réouvrir les débats sur ce point et également d'inviter les intéressés à justifier de la teneur précise des dispositions légales uruguayennes relatives à la réserve.

  • 3) Sur la révocation du testament du 27 octobre 2008 par la donation du 6 juin 2011:

Il est versé aux débats l'acte de donation préparé par un notaire uruguayen et signé le 6 juin 2011 à Monaco par Germano BU. aux termes duquel celui-ci :

  • donne à ses enfants la nue-propriété de l'intégralité de ses parts dans les sociétés R SRL et G INC ;

  • donne à ri. MA. l'usufruit desdites parts durant une période de 27 mois pour la première société et 24 mois pour la seconde.

Maître Magali CROVETTO-AQUILINA a légalisé la signature du donateur et l'acte a été renvoyé au notaire uruguayen pour enregistrement.

La partie défenderesse, à l'exception de Donatello BU., prétend qu'une telle donation emporte révocation du testament établi antérieurement le 27 octobre 2008.

Elle ne s'explique cependant pas sur la loi applicable au soutien d'une telle demande.

Les débats devront donc être également réouverts sur ce point afin de recueillir les observations des parties et que ces dernières produisent aux débats l'éventuelle loi étrangère applicable.

  • 4) Sur le bien-fondé de l'annulation ou de la réduction de la donation du 6 juin 2011:

Domitilla BU. sollicite l'annulation de la donation du 6 juin 2011 pour insanité d'esprit et sa réduction à la quotité disponible sur le fondement respectif des articles 769 d'une part et 787, 788 d'autre part du Code Civil monégasque.

Elle ne s'explique toutefois pas là non plus sur l'applicabilité de ces textes et devra justifier de toute loi étrangère éventuellement applicable.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déclare Domitilla BU. recevable en ses demandes reconventionnelles tendant à l'annulation de la donation du 6 juin 2011 et à sa réduction ;

Dit que la loi monégasque est applicable à la validité formelle du testament fait le 27 octobre 2008 par Germano BU. ;

Déclare régulier en la forme ledit testament ;

En conséquence, rejette la demande tendant à voir prononcer sa nullité ;

Ordonne la réouverture des débats et renvoie l'affaire à l'audience du 5 OCTOBRE 2016 pour que Valérie BU. épouse GR., Claude BU. assistée par sa curatrice Mme h. AR., Flavie BU. épouse BE., Sabina BU. épouse RO., Flaminia BU., Raffaello BU. et Domitille BU. :

s'expliquent sur la loi applicable à chacune de leurs demandes reconventionnelles tendant à la caducité du testament du 27 octobre 2008 ou sa réduction pour atteinte à la réserve, à la révocation dudit testament par la donation du 6 juin 2011, et à la nullité ou réduction de ladite donation ;

justifient de la teneur de la ou les lois étrangères éventuellement applicables ;

Réserve les dépens en fin de cause ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Madame Sophie LEONARDI, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Laurie PANTANELLA, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 16 JUIN 2016, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Carole FRANCESCHI, Greffier stagiaire, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général Adjoint, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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