Tribunal de première instance, 14 avril 2016, M. v. GR c/ La Société A.

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Abstract🔗

Accident du travail - Taux d'incapacité permanente - Demande de nouvelle expertise - Bien-fondé (non) - Rente - Notion - Calcul

Résumé🔗

v. GR. conteste le taux d'incapacité permanente partielle de 6 % proposé par l'expert. Il verse aux débats un avis établi par le Docteur PARIENTI, faisant état d'éléments médicaux postérieurs à l'expertise, à savoir des radiographies des deux pieds et chevilles réalisées le 23 octobre 2014 et une consultation auprès d'un chirurgien orthopédique, le 23 novembre 2014. Le Docteur PARIENTI en tire la conclusion qu'il persiste des séquelles supérieures à celles retenues par l'expert judiciaire. Force est de constater que celui-ci ne fait que donner une appréciation plus favorable à la victime des mêmes séquelles que celles constatées par l'expert, sans mettre en évidence les éventuelles erreurs, lacunes ou omissions de celui-ci, alors qu'il est vérifié que l'expert s'est penché sur chacun des points énumérés par le Docteur PARIENTI, à savoir les limitations fonctionnelles du genou, de la cheville et du pied gauches, les cicatrices, la qualité de l'accroupissement, les mensurations comparatives. En conséquence, v. GR. sera débouté de sa demande de nouvelle expertise et le rapport d'expertise sera homologué avec toutes conséquences de droit.

Selon les dispositions de l'article 6 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, sous réserve des dispositions de l'article 3-1, le salaire servant de base à la fixation des rentes s'entend, pour l'employé occupé chez le même employeur pendant les douze mois qui ont précédé l'accident, de la rémunération effective totale qui a été allouée pendant ce temps. Pour les employés occupés pendant moins de douze mois avant l'accident, le salaire visé doit s'entendre de la rémunération effective totale qu'ils ont reçue depuis leur entrée chez l'employeur augmentée de la rémunération qu'ils auraient pu recevoir pendant la période de travail nécessaire pour compléter les douze mois, d'après la rémunération moyenne des salariés de la même catégorie pendant ladite période. L'article 3-1, qui prévoit un salaire minimum et institue des plafonds de prise en compte du salaire annuel dans la limite de quinze fois le montant du salaire minimum, avec un régime particulier pour les sportifs professionnels, concerne exclusivement l'incapacité permanente partielle égale ou supérieure à 10%. En cas d'incapacité permanente inférieure à 10 %, c'est l'arrêté ministériel n° 57-193 du 16 juillet 1957 précisant le mode d'évaluation du salaire annuel servant de base au calcul des rentes allouées au titre de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles qui s'applique, lequel prévoit que le salaire annuel n'entre intégralement en compte pour le calcul de la rente que s'il ne dépasse pas le double du salaire minimum, et indique en outre que dans cette hypothèse l'excédent n'est compté que pour un tiers jusqu'à la fraction de salaire égale à huit fois le montant du salaire minimum, la tranche de salaire au-delà n'étant compté que pour un huitième. Il ressort de la déclaration d'accident du travail que v. GR. a été embauché en qualité de gérant de fonds le 1er janvier 2013 par la société B., soit depuis moins de douze mois à la date de l'accident du travail survenu le 16 mai 2013. Le montant du salaire annuel brut antérieur reconstitué sur douze mois, soit 61.105,77 euros, n'est pas discuté. En revanche, v. GR. conteste le salaire de 48 110,80 euros retenu pour le calcul de la rente. Or, le mode de calcul du salaire retenu pour déterminer le montant de la rente est conforme aux dispositions de l'arrêté ministériel précité, compte tenu du taux d'incapacité permanente fixé par la présente décision à hauteur de 6 %. En conséquence v. GR. sera débouté de sa demande tendant à voir fixer le montant de la rente provisionnelle lui revenant à compter du 5 août 2013 à la somme de 1 833,17 euros.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

JUGEMENT DU 14 AVRIL 2016

N° 2016/000165 (assignation du 26 octobre 2015)

En la cause de :

  • M. v. GR., né le 31 octobre 1960 à Naples (Italie), de nationalité italienne, employé en qualité de gestionnaire de fortunes au service de la société B. (en abrégé B.), domicilié X1 à Monaco (98000),

Bénéficiaire de plein droit de l'assistance judiciaire au titre de la législation sur les accidents du travail,

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

  • La Société Anonyme de droit français dénommée A., dont le siège social est sis X2 à Paris (75009), prise en la personne du Président de son Conseil d'Administration en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, représentée par ses agents généraux en Principauté de Monaco, Messieurs J-P. M. et J. G., immatriculés ès-qualités au RCI de Monaco sous le n° X, domiciliés X3 à Monaco,

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 26 octobre 2015, enregistré (n° 2016 /000165) ;

Vu les conclusions de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, au nom de la SA A., en date du 9 décembre 2015 ;

Vu les conclusions de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de v. GR., en date du 28 janvier 2016;

À l'audience publique du 3 mars 2016, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 14 avril 2016 ;

FAITS ET PROCÉDURE :

Employé par la société B. dont l'assureur-loi est la société A., v. GR. a été victime le 16 mai 2013, d'un accident du travail régulièrement déclaré et pris en charge.

Désigné par le juge chargé des accidents du travail aux fins de se prononcer sur les conséquences de cet accident, le Docteur TOUBOUL a, dans son rapport daté du 3 septembre 2014 et déposé le 10 septembre 2014, conclu que v. GR. avait été victime d'une chute au cours de laquelle il avait présenté une fracture déplacée du quart distal du tibia et péroné de la jambe gauche, que son état de santé justifiait une ITT du 16 mai 2013 au 4 août 2013 avec une reprise du travail le 5 août 2013, que la durée des soins s'étendait du 16 mai 2013 au 30 juin 2014, que la consolidation pouvait être fixée le 30 juin 2014, que l'IPP rattachable à l'accident du travail pouvait être évaluée à 6 %, que v. GR. a conservé son emploi sans diminution de salaire.

Par assignation du 26 octobre 2015 faisant référence à l'ordonnance de non-conciliation du 10 décembre 2014, rendue par le juge chargé des accidents du travail, v. GR. a fait citer la société A., devant le Tribunal de première instance de Monaco aux fins d'obtenir la désignation d'un nouvel expert et la fixation du montant de la rente provisionnelle lui revenant à la somme de 1.833,17 euros payable par trimestre échu à compter du 5 août 2013.

v. GR. soutient pour l'essentiel :

  • que le Docteur PARIENTI missionné à titre privé, a retenu des séquelles caractérisant un taux d'IPP de 10 % et non pas de 6 %, en se basant sur des examens médicaux postérieurs à l'expertise réalisée par le Docteur TOUBOUL, à savoir des radiographies des deux pieds et chevilles du 23 octobre 2014 et des examens pratiqués par les Docteurs Luca CAPUANO et Paolo MARTINI, qu'ainsi il est incontestable que l'expertise judiciaire souffre de lacunes et d'omissions,

  • que c'est à tort que le juge chargé des accidents du travail a fait application de l'alinéa 3 de l'article 3-1, alors qu'il n'est pas sportif de haut niveau, pour ramener son salaire brut annuel de 61.105,77 euros à 48.110,80 euros.

La société A. demande au Tribunal :

  • d'homologuer le rapport déposé par le Docteur TOUBOUL,

  • de confirmer les modalités de calcul de la rente provisoirement allouée par le juge chargé des accidents du travail.

Il est soutenu que les deux médecins ont effectué les mêmes constatations des douleurs mécaniques au niveau de la jambe gauche et d'une limitation de la flexion du genou, que le Docteur PARIENTI n'a fait état d'aucune lacune ou omission qui viendrait vicier le rapport du Docteur TOUBOUL, que l'expert judiciaire a établi un rapport minutieux et détaillé dans lequel il souligne bien que l'IPP peut être évaluée à 6 % « selon le barème AT monégasque ».

SUR CE ,

  • - Sur la demande de nouvelle expertise :

v. GR. conteste le taux d'incapacité permanente partielle de 6 % proposé par l'expert TOUBOUL sur la base des constatations médicales suivantes :

  • persistance de douleurs mécaniques au niveau de l'ensemble de la jambe gauche pénalisant les marches prolongées au-delà d'un quart d'heure,

  • minime limitation de la flexion du genou (-20°),

  • défaut d'hyperextension (nulle du côté gauche, -10° du côté opposé),

  • absence d'instabilité tant au plan frontal que sagittal,

  • mobilité sensiblement normale de la cheville gauche, à l'exception du mouvement d'inversion diminué de 10° par rapport au côté opposé.

À l'appui de cette contestation, v. GR. verse aux débats un avis établi par le Docteur PARIENTI, faisant état d'éléments médicaux postérieurs à l'expertise du Docteur TOUBOUL, à savoir des radiographies des deux pieds et chevilles réalisées le 23 octobre 2014 et une consultation auprès du Docteur CAPUANO chirurgien orthopédique, le 23 novembre 2014. Le Docteur PARIENTI en tire la conclusion qu'il persiste des séquelles supérieures à celles retenues par l'expert judiciaire et qui sont :

  • un syndrome douloureux du genou gauche avec une limitation de la cinétique articulaire en flexion notable par rapport au côté opposé, qui peut être quantifiée entre légère et modérée, avec une hypoesthésie cicatricielle et péri-cicatricielle,

  • un syndrome douloureux de la cheville gauche avec une limitation de la cinétique articulaire qui peut être qualifiée de légère en flexion et en extension et entre légère et modérée au niveau de l'articulation sous astragalienne,

  • un syndrome douloureux du pied gauche avec une légère boiterie due aux troubles de la statique du pied gauche, confirmé par les radiographies,

  • une diminution de l'accroupissement de moitié,

  • un périmètre de marche de 300 mètres,

  • une amyotrophie légère lors des mensurations périmétriques au niveau des muscles du membre inférieur gauche (cuisse et mollet) par rapport au côté opposé et une augmentation du périmètre médio rotulien et bi malléolaire,

  • une diminution de la force musculaire de la jambe et de la cheville gauches par rapport à la droite.

Force est de constater que le Docteur PARIENTI ne fait que donner une appréciation plus favorable à la victime des mêmes séquelles que celles constatées par l'expert, sans mettre en évidence les éventuelles erreurs, lacunes ou omissions de celui-ci, alors qu'il est vérifié que l'expert TOUBOUL s'est penché sur chacun des points énumérés par le Docteur PARIENTI, à savoir les limitations fonctionnelles du genou, de la cheville et du pied gauches, les cicatrices, la qualité de l'accroupissement, les mensurations comparatives.

En conséquence, v. GR. sera débouté de sa demande de nouvelle expertise et le rapport du Docteur TOUBOUL sera homologué avec toutes conséquences de droit.

  • - Sur la rente :

Selon les dispositions de l'article 6 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, sous réserve des dispositions de l'article 3-1, le salaire servant de base à la fixation des rentes s'entend, pour l'employé occupé chez le même employeur pendant les douze mois qui ont précédé l'accident, de la rémunération effective totale qui a été allouée pendant ce temps. Pour les employés occupés pendant moins de douze mois avant l'accident, le salaire visé doit s'entendre de la rémunération effective totale qu'ils ont reçue depuis leur entrée chez l'employeur augmentée de la rémunération qu'ils auraient pu recevoir pendant la période de travail nécessaire pour compléter les douze mois, d'après la rémunération moyenne des salariés de la même catégorie pendant ladite période.

L'article 3-1, qui prévoit un salaire minimum et institue des plafonds de prise en compte du salaire annuel dans la limite de quinze fois le montant du salaire minimum, avec un régime particulier pour les sportifs professionnels, concerne exclusivement l'incapacité permanente partielle égale ou supérieure à 10%.

En cas d'incapacité permanente inférieure à 10 %, c'est l'arrêté ministériel n° 57-193 du 16 juillet 1957 précisant le mode d'évaluation du salaire annuel servant de base au calcul des rentes allouées au titre de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles qui s'applique, lequel prévoit que le salaire annuel n'entre intégralement en compte pour le calcul de la rente que s'il ne dépasse pas le double du salaire minimum, et indique en outre que dans cette hypothèse l'excédent n'est compté que pour un tiers jusqu'à la fraction de salaire égale à huit fois le montant du salaire minimum, la tranche de salaire au-delà n'étant compté que pour un huitième.

Il ressort de la déclaration d'accident du travail que v. GR. a été embauché en qualité de gérant de fonds le 1er janvier 2013 par la société B., soit depuis moins de douze mois à la date de l'accident du travail survenu le 16 mai 2013.

Le montant du salaire annuel brut antérieur reconstitué sur douze mois, soit 61.105,77 euros, n'est pas discuté. En revanche, v. GR. conteste le salaire de 48.110,80 euros retenu pour le calcul de la rente.

Or, le mode de calcul du salaire retenu pour déterminer le montant de la rente est conforme aux dispositions de l'arrêté ministériel précité, compte tenu du taux d'incapacité permanente fixé par la présente décision à hauteur de 6 %.

En conséquence v. GR. sera débouté de sa demande tendant à voir fixer le montant de la rente provisionnelle lui revenant à compter du 5 août 2013 à la somme de 1.833,17 euros.

  • - Sur les dépens :

v. GR. qui succombe dans l'ensemble de ses demandes, sera condamné aux dépens de l'instance, distraits au profit de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déboute v. GR. de sa demande tendant à voir ordonner une nouvelle expertise ;

Homologue le rapport d'expertise du Docteur TOUBOUL daté du 3 septembre 2014 avec toutes conséquences de droit ;

Déboute v. GR. de sa demande tendant à voir fixer à la somme de 1.833,17 euros le montant de la rente provisionnelle lui revenant ;

Condamne v. GR. aux dépens distraits au profit de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Madame Patricia HOARAU, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 14 AVRIL 2016, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier stagiaire, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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