Tribunal de première instance, 10 mars 2016, Mme i. LO. ou LO. épouse AY. c/ M. l. AY.

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Abstract🔗

Procédure civile - Mariage - Contribution aux charges du mariage - Fin de non-recevoir - Sursis à statuer (non)

Mariage - Contribution aux charges du mariage

Résumé🔗

Il n'y a pas lieu de surseoir sur la demande de contribution aux charges du mariage présentée par l'épouse dès lors que le mari a été débouté en appel de sa demande en nullité du mariage par une cour d'appel russe. Le mariage est ainsi parfaitement valide et doit produire tous ses effets, parmi lesquels l'obligation légale de contribuer aux charges de celui-ci.

L'obligation de contribuer aux charges s'applique pendant toute la durée du mariage, y compris après une séparation de fait. L'obligation de contribuer aux charges du mariage a donc existé jusqu'au prononcé du divorce. La demande de l'épouse est recevable pour la période antérieure au divorce, elle s'avère irrecevable pour la période postérieure à son prononcé.

Faute pour l'épouse de justifier de ses ressources et charges, elle ne peut qu'être intégralement déboutée de sa demande.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

JUGEMENT DU 10 MARS 2016

En la cause de :

  • Mme i. LO. ou LO. épouse AY., née le 21 janvier 1978 à Taganrog (Russie), de nationalité russe, sans profession, domiciliée X1 à Monaco,

DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

  • M. l. AY., né le 12 mars 1949 à Vank (Azerbaïdjan), de nationalité russe, Administrateur de société, domicilié X1 à Monaco,

DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Laurent ROTGE, avocat au barreau de Nice,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 25 avril 2013, enregistré (n° 2013/000466) ;

Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 9 janvier 2014 ayant notamment renvoyé la cause et les parties à l'audience du 12 février 2014

Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 5 juin 2014 ayant notamment renvoyé la cause et les parties à l'audience du 26 juin 2014 ;

Vu les conclusions de constitution et de déconstitution de Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur, au nom d i. LO. en date des 26 juin 2014 et 12 novembre 2014 puis celles de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, pour cette même partie, en date du 9 décembre 2015 ;

Vu les conclusions de déconstitution de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, au nom de l. AY., en date du 26 novembre 2014 puis celles de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, pour cette même partie, en date du 16 avril 2015 ;

À l'audience publique du 21 janvier 2016, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 10 mars 2016 ;

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 21 décembre 2010, l. AY. et i. LO. ont contracté mariage devant l'officier d'état civil de la ville de Moscou (Russie), sans contrat préalable.

Aucun enfant n'est issu de cette union.

Par acte sous seing privé en date du 11 juillet 2011, le couple a pris à bail un appartement à Monaco, dans l'immeuble X1.

Le 29 juin 2012, l. AY. s'est par ailleurs porté acquéreur de deux appartements sis dans le même immeuble.

l. AY. et i. LO. se sont séparés de fait et, par acte d'huissier du 6 décembre 2012, i. LO. épouse AY. a fait délivrer à son mari sommation d'avoir à lui régler la somme totale de 50.000 euros, à titre de contribution aux charges de mariage pour les mois de novembre et décembre 2012.

Faute de paiement, elle l'a fait assigner, par exploit d'huissier délivré le 25 avril 2013, aux fins de le voir condamner, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement d'une somme mensuelle de 25.000 euros au titre de sa contribution aux charges du mariage, et ce à compter du jour de l'assignation.

Tel est l'objet de la présente instance.

Liminairement, l. AY. a soulevé l'incompétence de la présente juridiction au profit des juridictions russes, au motif qu'il résidait à Moscou.

Par jugement avant dire droit en date du 9 janvier 2014, le tribunal a rejeté cette exception et s'est déclaré compétent, sur le fondement de l'article 3, 2° du Code de procédure civile, considérant que le critère de compétence était le lieu d'exécution de l'obligation alimentaire, à savoir le lieu de résidence de l'épouse, en Principauté de Monaco.

Par la suite, l. AY. a soulevé une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité ou d'intérêt à agir, au motif que par jugement du 24 juin 2013, confirmé en appel le 30 janvier 2014, les tribunaux russes avaient, à sa demande, prononcé la nullité de son mariage avec i. LO..

Cette dernière ayant, en cours de délibéré, fait savoir que le Praesidium du Tribunal de Moscou, instance de cassation, avait annulé les deux décisions susmentionnées, le tribunal a, par jugement avant dire droit en date du 5 juin 2014, ordonné la réouverture des débats et invité l. AY. à présenter ses observations sur ce nouvel élément.

Parallèlement l'instance en nullité de mariage s'est poursuivie en Russie et, par jugement du 6 mars 2015, le Tribunal d'arrondissement de Moscou a débouté l. AY. de sa demande en annulation de son mariage avec i. LO..

i. LO. épouse AY. a par ailleurs saisi les juridictions russes d'une demande en divorce et, par jugement du 13 mars 2015, non frappé de recours, le Juge de Paix de l'arrondissement d'Ostankino à Moscou a prononcé la dissolution du mariage, sans toutefois statuer sur les conséquences de celle-ci.

Enfin, après avoir introduit la présente procédure en contribution aux charges du mariage, i. LO. épouse AY. a, le 17 septembre 2013, déposé une requête en séparation de corps devant la juridiction monégasque.

Par ordonnance du 6 décembre 2013, le Juge conciliateur a renvoyé l'examen des mesures provisoires devant le Tribunal de première instance et, très provisoirement, accordé à l'épouse la jouissance gratuite de l'un des appartements de l. AY. à Monaco.

Par exploit d'huissier délivré le 6 janvier 2014, i. LO. épouse AY. a fait assigner l. AY. en séparation de corps.

Par jugement du 11 juin 2015, le Tribunal de première instance s'est déclaré incompétent pour statuer sur cette demande et subséquemment sur les demandes formées au titre des mesures provisoires.

C'est en l'état que se présente aujourd'hui l'action en contribution aux charges du mariage.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Dans le dernier état de ses conclusions, i. LO. maintient sa demande et ce à compter non plus du jour de l'assignation mais du jour de la sommation de payer, soit le 6 décembre 2012.

À l'appui de ses prétentions, elle expose que :

  • - son époux l'a délaissée et a cessé de contribuer aux charges du ménage depuis le mois de novembre 2012 ;

  • - il a vidé le compte joint le 12 novembre 2012 et résilié le bail du domicile conjugal le 14 juillet 2013, sans la consulter ;

  • - il n'a pas déféré à la sommation de payer qui lui a été délivrée le 6 décembre 2012.

En défense, l. AY. demande au tribunal de surseoir à statuer sur la demande de contribution aux charges du mariage, dans l'attente d'une décision définitive à intervenir en Russie dans l'instance en nullité de mariage.

Il indique en effet avoir interjeté appel du jugement du 6 mars 2015, par lequel le Tribunal d'arrondissement de Moscou l'a débouté de sa demande en annulation du mariage contracté avec i. LO. et il précise que l'appel est pendant devant les tribunaux russes.

Il soutient que sa demande a toutes les chances d'aboutir en appel en raison d'un fait nouveau survenu le 10 mars 2015 : le tribunal d'arrondissement de Montgomery (État du Maryland - États Unis d'Amérique) a, en effet, rétracté son jugement du 25 juin 2004, qui avait prononcé le divorce entre lui-même et sa précédente épouse t. CH..

Ce divorce ayant ainsi été mis à néant, l. AY. se trouvait encore uni à t. CH. lorsqu'il s'est marié avec i. LO., ce qui a pour effet de rendre cette union nulle et de nul effet.

La nullité ayant un effet rétroactif, il ne serait alors tenu envers i. LO. d'aucune obligation de contribuer aux charges du mariage.

Il soulève par ailleurs l'irrecevabilité de la demande en contribution aux charges du mariage au motif que les parties seraient divorcées, et ce définitivement, en application du jugement du 13 mars 2015, non frappé d'appel et subséquemment passé en force de chose jugée depuis le 14 avril 2015.

Subsidiairement, il conclut sur le fond au rejet de la demande, en faisant valoir que :

  • les circonstances de la cause doivent conduire à priver i. LO. de tout droit à contribution aux charges du mariage, en ce que :

    • en France, la jurisprudence admet qu'en cas de séparation de fait des époux, le juge du fond peut déchoir le demandeur de son droit d'exiger une contribution aux charges du mariage au regard des circonstances de la cause ;

    • en l'espèce, l'attitude fautive d i. LO., qui a elle-même gravement manqué à ses obligations maritales, en délaissant son conjoint, contraint de fixer sa résidence en Russie en raison de sérieux problèmes de santé, commande de dispenser ce dernier de son obligation de contribuer aux charges du mariage ;

  • alors qu'il lui appartient de le faire, la partie demanderesse ne justifie pas des charges du ménage auxquelles elle entend voir son époux contribuer ;

  • elle ne justifie pas non plus de ses propres facultés contributives, alors que :

    • depuis la séparation du couple, elle mène un grand train de vie, ainsi qu'en témoignent les frais de scolarité de sa fille issue d'une précédente union, ses séjours à Moscou pour assister à des représentations de ballet, son véhicule de luxe ;

    • elle a délibérément quitté ses fonctions d'administrateur de la SARL A. à la seule fin d'organiser son appauvrissement ;

    • âgée de 36 ans et ne souffrant d'aucun problème de santé, i. LO. est en mesure d'exercer une activité professionnelle, ce qui n'est pas le cas du défendeur, son aîné de plus trente ans et malade ;

    • du reste, il ressort d'un article de presse versé aux débats qu'en réalité elle exerce des activités lucratives en Principauté de Monaco ;

  • contrairement à ce qu'allègue la partie adverse, l'époux a contribué aux charges du mariage, en ce que :

    • de décembre 2012 à mars 2013 :

      • il a réglé le loyer de l'appartement occupé par i. LO., ainsi que la facture d'électricité, pour le mois de décembre 2012 ;

      • jusqu'en mars 2013, il a alimenté le compte commun, d'une somme mensuelle moyenne de 10.000 euros, permettant de couvrir le montant du loyer ;

    • d'avril à décembre 2013 :

      • à compter d'avril 2013, i. LO. a cessé de régler le loyer de l'appartement, de sorte que le bailleur a fait procéder à la saisie-arrêt des comptes bancaires des parties, afin de garantir le paiement de la somme de 105.000 euros ;

      • dans le cadre de l'instance subséquente introduite par le bailleur à l'encontre des époux, l. AY. a accepté que les sommes saisie-arrêtées sur son compte ainsi que le montant de la garantie qu'il avait déposée soient acquis au propriétaire en règlement des loyers et charges impayés ;

    • postérieurement au 6 décembre 2013 :

      • dans son ordonnance du 6 décembre 2013, le Juge conciliateur a autorisé i. LO. et sa fille à occuper gratuitement un appartement appartenant à l. AY. ;

      • cette mise en œuvre du devoir de secours se substitue à toute obligation de contribuer aux charges du mariage.

En réplique, i. LO. soutient que :

  • sur l'instance en nullité du mariage introduite devant les tribunaux russes :

    • par jugement du 6 mars 2015, le Tribunal d'arrondissement Tverskoï de Moscou a débouté l. AY. de son action en nullité de mariage ;

    • le 22 juin 2015, soit postérieurement à la date de dépôt des dernières conclusions adverses, cette décision a été confirmée en appel ;

    • il s'ensuit que le mariage entre l. AY. et i. LO. a été valablement contracté et doit produire ses effets, parmi lesquels l'obligation de contribuer aux charges du mariage, résultant des dispositions de l'article 185 du Code civil monégasque ;

  • sur l'instance en divorce introduite devant les tribunaux russes :

    • le jugement du 13 mars 2015, ayant prononcé la dissolution du mariage, n'a pas statué sur les conséquences patrimoniales du divorce ;

  • sur l'instance en séparation de corps introduite devant le Tribunal de première instance de Monaco :

    • aucune pension alimentaire n'a été fixée au bénéfice de l'épouse puisque le Juge conciliateur a renvoyé l'examen des mesures provisoires au Tribunal de première instance et que celui-ci s'est finalement déclaré incompétent pour en connaître, suivant jugement du 11 juin 2015 ;

  • sur le fond :

    • la jurisprudence considère que le critère d'octroi d'une contribution aux charges du mariage n'est pas l'état de besoin de l'époux créancier mais le maintien d'un certain niveau de vie et que la fixation de son montant doit inclure les dépenses d'agrément ;

    • en l'espèce, durant la vie commune, l. AY. l'a faite bénéficier d'un train de vie fastueux ;

    • celui-ci était rendu possible par le fait que l. AY. dispose de ressources et d'un patrimoine considérables, ainsi qu'en témoignent, par exemple, ses très importantes dépenses de jeux et les achats immobiliers qu'il a réalisés en 2011 à Paris, pour un prix de 5.700.000 euros et en 2012, à Monaco, pour un prix de 14.800.000 euros ;

    • le 12 novembre 2012, l. AY. a vidé le compte commun ouvert auprès de la banque LCL en procédant au virement vers son compte personnel d'une somme de 465.000 euros ;

  • en réponse sur le prétendu train de vie de l'épouse :

    • la facture d'un montant de 20.000 euros, afférente aux frais de scolarité de sa fille n'a pas pu être réglée par ses soins ;

    • elle n'a jamais été rémunérée de ses fonctions de gérante de la SARL A. dont elle a démissionné en septembre 2013 ;

    • l. AY. s'est montré envers elle d'une particulière mauvaise foi, en tentant de lui faire croire que leur appartement parisien était donné à bail, de sorte que l'accès lui en était interdit, alors que tel n'est pas le cas et que lui-même y séjourne, ainsi qu'elle l'a découvert par la suite ;

  • en réponse sur les sommes versées par l'époux :

    • de décembre 2012 à mars 2013 :

      • le paiement du loyer par l. AY. ne suffit pas à le remplir de son obligation de contribuer aux charges du mariage, laquelle comprend également les dépenses d'agrément, au regard du train de vie du ménage et de son absence de revenu ;

    • d'avril à décembre 2013 :

      • dans ses écritures, l. AY. reconnaît avoir cessé d'alimenter le compte bancaire commun à compter d'avril 2013 ;

      • c'est pour cette raison qu'elle s'est alors trouvée dans l'impossibilité de régler le loyer ;

      • dans ces circonstances, son défaut de règlement du loyer ne saurait lui être reproché ;

      • la solidarité des dettes ménagères commandait en effet à l'époux de contribuer au paiement du loyer de l'appartement, et ce même s'il n'y résidait pas ;

      • au surplus, le paiement du loyer ne suffit pas à remplir l'obligation de contribuer aux charges du mariage ;

    • postérieurement au 6 décembre 2013 :

      • l'ordonnance du Juge conciliateur, qui n'a que très provisoirement accordé à l'épouse la jouissance gratuite d'un appartement, n'a pas mis fin à l'obligation de contribuer aux charges du mariage en ce qu'elle n'a pas fixé de pension au titre du devoir de secours puisqu'elle n'a pas statué sur les mesures provisoires, renvoyant l'examen de celles-ci devant le tribunal.

MOTIFS DE LA DÉCISION

  • Sur la demande de sursis à statuer :

Dans le corps de ses dernières écritures, en date du 16 avril 2015, l. AY., bien que ne le reprenant pas dans le dispositif, demande au tribunal de surseoir à statuer, dans l'attente de la décision à intervenir en Russie dans l'instance en appel du jugement du 6 mars 2015 l'ayant débouté de sa demande en nullité du mariage.

Or i. LO. justifie de ce que cette décision est intervenue le 22 juin 2015 et a confirmé le jugement susmentionné (pièce n° 36).

l. AY. n'a pas répliqué sur ce point, de sorte que le tribunal ignore si cette dernière décision a fait l'objet d'un quelconque recours.

En l'état, force est donc de considérer que, l. AY., ayant été débouté en appel de sa demande en nullité du mariage contracté le 21 décembre 2010 avec i. LO., sa demande de sursis à statuer est devenue sans objet.

Bien plus, le rejet de la demande en nullité de mariage a pour conséquence de mettre à néant le moyen de défense selon lequel i. LO. serait irrecevable à agir en contribution aux charges du mariage ; en l'état des décisions de justice russes, le mariage contracté le 21 décembre 2010 entre l. AY. et i. LO. est parfaitement valide et doit produire tous ses effets, parmi lesquels l'obligation légale de contribuer aux charges de celui-ci.

  • Sur la fin de non-recevoir tirée du prononcé du divorce :

L'obligation de contribuer aux charges s'applique pendant toute la durée du mariage, y compris après une séparation de fait.

Elle ne prend fin qu'à la dissolution du mariage et, en cas de divorce ou de séparation de corps, au moment où le magistrat conciliateur autorise la résidence séparée des époux et fixe, le cas échéant, une pension alimentaire au titre du devoir de secours.

En l'espèce, aucune pension alimentaire n'a été fixée au bénéfice d i. LO. dans le cadre de l'instance en divorce introduite en Russie ; la décision rendue le 13 mars 2015 par le Juge de paix de l'arrondissement Ostankino de Moscou a en effet prononcé la dissolution du mariage, sans statuer sur ses conséquences.

Dans le cadre de l'instance en séparation de corps introduite à Monaco, elle a bénéficié, en application du devoir de secours, d'une attribution gratuite de la jouissance d'un bien immobilier appartenant à son mari, et ce à titre extrêmement provisoire, selon ordonnance du 6 décembre 2013.

À supposer que cette jouissance gratuite d'un logement suffise à remplir l'obligation qu'avait l. AY. de contribuer aux charges du mariage - ce qui est contesté - l'attribution ainsi consentie par le juge conciliateur n'a pu que suspendre l'obligation aux charges du mariage.

Théoriquement, celle-ci aurait cependant repris ses droits, par l'effet du jugement du 11 juin 2015, par lequel le Tribunal de première instance s'est déclaré incompétent pour connaître de l'action en séparation de corps et des mesures provisoires y afférentes.

Cependant, le jugement de divorce russe - dont le caractère définitif n'est pas contesté - est intervenu entre temps, mettant fin à l'obligation de contribuer aux charges du mariage, à la date de son prononcé, soit le 13 mars 2015.

Il en résulte que la demande formée par i. LO. est irrecevable pour la période postérieure au 6 décembre 2013.

Elle est en revanche parfaitement recevable pour la période antérieure, à compter de la date de délivrance de l'assignation.

  • Sur le fond :

    • Sur le principe de la contribution et le moyen tiré de l'attitude fautive de l'épouse :

Il n'est en l'espèce pas contesté que la loi applicable au présent litige soit la loi monégasque, laquelle dispose, aux articles 185 et 186 du Code civil :

  • « À défaut de dispositions particulières de leur contrat, les époux contribuent aux charges du mariage en proportion de leurs facultés respectives ; il est éventuellement tenu compte, dans la contribution de chacun d'eux, de son activité au foyer et de son aide à l'exercice de la profession de son conjoint.

  • L'époux qui ne contribue pas aux charges du mariage, y sera contraint dans les formes de l'article 817 du Code de procédure civile ».

Il est admis qu'en cas de séparation de fait, il appartient au juge de tenir compte des circonstances de la cause, de sorte qu'un époux peut être déchu de son droit d'exiger du conjoint sa contribution aux charges du mariage lorsque la séparation lui est imputable à faute.

C'est à l'époux qui refuse sa contribution de rapporter la preuve de la rupture fautive qu'il impute au demandeur à l'action.

En l'espèce, c'est en vain que l. AY. tente de s'exonérer de son obligation de contribuer aux charges du mariage en faisant peser sur son épouse la responsabilité de leur séparation de fait, sans toutefois en rapporter la moindre preuve.

S'il est en effet établi que l'époux ne réside plus en Principauté depuis novembre 2012 - ainsi que l'avait d'ailleurs relevé le Tribunal de première instance dans son jugement d'incompétence du 11 juin 2015 - et qu'il souffre de sérieux problèmes de santé, qu'il soigne en Russie, il ne démontre pas pour autant y avoir été contraint pas d'impérieuses nécessités, pas plus qu'il ne démontre avoir été délaissé par son épouse ; aucune pièce probante n'est versée à l'appui de telles allégations.

À cet égard, le seul fait qu i. LO. ait été aperçue lors d'une représentation de ballets à Moscou le 4 octobre 2013 ne constitue pas une preuve de ce qu'elle serait à l'origine de la rupture du couple.

Ce moyen de défense sera en conséquence rejeté.

  • Sur les charges du ménage et les facultés contributives de chacun des époux :

C'est à bon droit qu'i. LO. fait valoir que chacun des époux est tenu de contribuer aux charges du ménage selon ses facultés, même si son conjoint n'est pas dans le besoin.

De même, la contribution aux charges du mariage ne se limite pas aux dépenses nécessaires à la vie familiale, elle inclut les dépenses d'agrément, au regard du train de vie du ménage.

Il n'en reste pas moins que, pour fixer le montant de la contribution aux charges du mariage, le juge doit prendre en considération l'ensemble des charges de l'intéressé.

C'est dire qu'il appartient au demandeur à l'action en contribution aux charges du mariage de justifier, non seulement de ses charges mais également de ses facultés contributives.

En l'espèce, i. LO. soutient être totalement dépourvue de ressources, sans toutefois préciser comment elle subvient à ses besoins et à ceux de sa fille issue d'une précédente union.

Surtout, elle ne justifie d'aucune des charges pour lesquelles elle ne réclame pas moins que la somme mensuelle de 25.000 euros pour y faire face.

Aucune pièce relative aux dépenses exposées par la demanderesse n'est en effet versée aux débats.

Le seul argument tiré de l'aisance financière de son conjoint et du train de vie fastueux du couple avant leur séparation de fait est, à lui seul, insuffisant à fonder la demande, tant en son principe qu'en son quantum.

À défaut de justifier de ses ressources et charges, i. LO. ne pourra qu'être intégralement déboutée de sa demande, et ce sans qu'il y ait lieu d'examiner les paiements allégués par l. AY..

  • Sur l'exécution provisoire :

Aucune des conditions prévues à l'article 202 du Code de procédure civile n'étant en l'espèce remplie, il n'y a pas lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement.

  • Sur les dépens :

La partie succombante sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déboute l. AY. de sa demande de sursis à statuer ;

Déclare i. LO. recevable en sa demande de contribution aux charges du mariage pour la période allant du 25 avril au 6 décembre 2013 ;

Déclare i. LO. irrecevable en sa demande pour la période postérieure au 6 décembre 2013 ;

Déboute i. LO. de sa demande de contribution aux charges du mariage ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;

Condamne i. LO. aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur.

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Madame Léa PARIENTI, Magistrat référendaire, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 10 MARS 2016, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier Stagiaire, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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