Tribunal de première instance, 10 mars 2016, M. g. GR. (nom d'usage PA.) c/ M. p. GR.
Abstract🔗
Contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants - Procédure abusive - Dommages et intérêts (oui)
Résumé🔗
Les différents documents produits par le père sur son insolvabilité ne peuvent suffire à masquer la réalité de sa situation, qui n'a pas évolué défavorablement par rapport à celle prise en compte par la Cour d'appel de la Principauté de Monaco le 13 février 2012, fixant à 200 euros par mois, avec indexation, le montant de sa contribution mensuelle. Il est établi que la mère du jeune majeur paie de nombreuses factures, prend en charge son fils lors de ses séjours à Monaco et règle les frais de scolarité. Par ailleurs, ce jeune majeur poursuit désormais des études d'ingénieur à Caen, exposant ainsi des frais supérieurs à ceux qui avaient été pris en compte en 2012 par la Cour d'appel de la Principauté de Monaco. Il convient dans ces circonstances de fixer la somme due par le père à la somme de 300 euros par mois.
L'attitude persistante du père à cacher la réalité de ses revenus caractérise une résistance abusive, ouvrant droit à l'allocation de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
JUGEMENT DU 10 MARS 2016
En la cause de :
M. g. GR. (nom d'usage PA.), né le 19 avril 1995 à Monaco, Étudiant, demeurant X à Monaco ;
Bénéficiaire de l'assistance judiciaire par décision du bureau n° 149 BAJ 13 en date du 13 juin 2013,
DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
M. p. GR., né le 16 février 1951 à Bordeaux (Gironde), de nationalité française, demeurant X à 06400 Cannes ;
Bénéficiaire de l'assistance judiciaire par décision du bureau n° 80 BAJ 15 en date du 19 mars 2015,
DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 16 janvier 2015, enregistré (n° 2015 /000357) ;
Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de M. p. GR., en date des 28 juillet 2015, 29 octobre 2015 et 13 janvier 2016 ;
Vu les conclusions de Maître Frank MICHEL avocat-défenseur, au nom de M. g. GR., en date des 1er octobre 2015 et 26 novembre 2015 ;
À l'audience publique du 28 janvier 2016, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 10 mars 2016 ;
MOYENS ET PRÉTENTIONS
g. GR. est né le 19 avril 1995 à Monaco de p. GR. et s. PA..
À la suite de la séparation du couple PA. al, p. GR. a été condamné par la Cour d'appel d'Aix en Provence le 31 mai 1999 à verser au titre de sa contribution à l'entretien et l'éducation de g. la somme de 500 francs par mois (76,22 euros) avec indexation, l'enfant résidant chez la mère.
La Cour d'appel de Monaco, par arrêt en date du 13 février 2012, statuant sur appel d'une décision rendue par le juge tutélaire suppléant le 13 juillet 2010, fixait à la somme de 200 euros par mois avec indexation, la part contributive de p. GR. à l'entretien et l'éducation de g..
Ce dernier devenait majeur le 19 avril 2013 et p. GR. cessait à compter de cette date de verser la somme mise à sa charge visée ci-dessus.
Les mises en demeure à lui adressées étant restées sans effet, g. GR. assignait p. GR. devant le tribunal de première instance de Monaco par acte en date du 16 janvier 2015 afin de le voir condamner, au titre de son devoir de secours, à lui verser la somme mensuelle de 800 euros, et ce avec indexation, jusqu'à ce qu'il ait acquis sa pleine autonomie financière, à compter de la date de l'assignation, outre celle de 5.000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers et moral subis.
g. GR. soutient à l'appui de ses prétentions que :
la défaillance durable de p. GR. contraint s. PA. à assumer seule la charge financière et l'entretien de leur fils commun, étudiant,
il poursuit ses études à l'ESICT Caen (école supérieure d'ingénieur de la construction) et il doit faire face à de multiples frais,
il lui reste encore à suivre 3 ou 4 ans d'études supérieures s'il veut se spécialiser, qu'il ne pourra mener à terme sans le soutien financier de ses PA. s,
p. GR. a dissimulé une partie de ses revenus, ce qui se vérifie à la lecture de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Monaco le 13 février 2012,
p. GR. a toujours déclaré des revenus très faibles (RMI, RSA) lui permettant de limiter sa part contributive à l'entretien et l'éducation de g. alors qu'il payait 200 euros voire 400 euros à son fils aîné je. âgé de 15 ans en 2005,
pendant ce temps, p. GR. devenait propriétaire d'un appartement à E., d'un bien en Belgique et d'un catamaran,
suite à un sinistre, la compagnie B. a versé à p. GR. la somme de 480.000 euros en 2008. La somme de 75.000 euros serait encore bloquée à la Caisse des dépôts et consignations ; sur ce montant, il devrait récupérer 55.000 euros, le solde devant être versé à s. PA. qui s'était portée caution de son époux en 1994,
en 2012, p. GR. a remanié la SCI A., dont le siège social est fixé à Bordeaux chez sa tante, Marie Thérèse (dite Maïté) GR. avec comme associés, je. GR. pour 30 % des parts et p. GR. pour 70 % des parts, Nadia ZE. apparaissant en qualité de gérante,
l'objet social de cette SCI est l'achat, la vente, l'échange, la location ou sous location, en nu ou en meublé, d'immeubles bâtis ou non bâtis l'achat de parts sociales et de tous matériels flottants, navigants, volants ou roulants,
p. GR. apparaît également en tant que dirigeant de la SCI C., de "D." à Cannes et de la SCI E., et non pas les prête-noms (mesdames CA. FI., PA. et ZE.),
celui-ci a versé la somme de 200 euros mise à sa charge par la Cour d'appel par arrêt du 13 février 2012, du mois d'avril 2012 au mois de mars 2013 dans la mesure où il était sous contrôle judiciaire, mais il n'a pas versé ce montant pour les mois de mars 2012 et avril 2013. Il aurait fait une donation de 131.000 euros à son fils aîné, je., ce qui correspond à 800 euros par mois pendant 13 ans,
pour un retraité percevant officiellement 471 euros par mois, p. GR. parvient à investir en bourse, laisse le soin à ses interlocuteurs de « trader » pour lui puisqu'il n'a pas le temps de s'en occuper et déclare 2 lignes téléphoniques,
contrairement à ce qui est évoqué par p. GR., il n'a rien perçu de la succession de Luc LE. et justifie avoir renoncé à ladite succession.
p. GR. s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient que :
malgré les dispositions de l'ordonnance tutélaire du 21 avril 2010 lui accordant un droit de visite et d'hébergement sur g. ainsi que les recommandations des experts et professionnels désignés dans le cadre des procédures diligentées à ce titre préconisant que l'enfant devait entretenir des relations avec son père, g. a volontairement cessé tout contact avec son père depuis le mois de septembre 2010,
le demandeur ne justifie aucunement de l'intégralité des frais auxquels il prétend devoir faire face dans le cadre de ses études,
Madame PA. est à l'origine de cette procédure,
celle-ci avait sollicité son accord pour l'acceptation de la succession de monsieur LE. ; g. a perçu un certain nombre d'effets mobiliers d'une valeur non négligeable,
le demandeur ne communique pas ses relevés bancaires ; une telle communication démontrerait que le requérant, bien qu'étudiant, se trouve dans une situation financière nettement plus confortable que celle de son père,
g. reste silencieux sur la situation financière et professionnelle de sa mère, laquelle réside dans la Principauté en s'acquittant d'un loyer dans le secteur privé,
il est aujourd'hui âgé de 65 ans et perçoit une retraite de 471,66 euros par mois,
il doit faire face aux dépenses de la vie courante avec cette somme,
il a été expulsé de son appartement en juillet 2013 et il a été temporairement hébergé par le centre communal d'action sociale de Cannes. Il a dû se rendre pendant plus d'un an à l'espace alimentaire du centre pour se nourrir,
il ne dispose d'aucune faculté contributive pour participer à l'entretien et l'éducation de son fils, g.,
l'appartement de la FOUX D'ALLOS a été vendu aux enchères le 15 octobre 2015, la SCI F. n'étant ainsi propriétaire d'aucun bien,
le bien en Belgique a été saisi par la banque G. pour une mise en vente aux enchères,
la SCI A. n'est propriétaire d'aucun bien de sorte qu'il ne perçoit aucun dividende ni aucun revenu de cette SCI,
« D. » n'est pas une société mais une dénomination lors de son enregistrement en tant qu'auto-entrepreneur, sur initiative du service pénitentiaire d'insertion et de probation, dans le cadre des démarches entreprises pour une mise en liberté sous bracelet électronique ; il ne tire aucun revenu de cette activité consistant à vendre des concepts alimentaires.
MOTIFS
Sur la demande de contribution :
Aux termes des dispositions de l'article 300 du Code civil, « chacun des PA. s contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, et de celles de l'autre PA., ainsi que des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur ».
L'argumentation de p. GR. concernant s. PA. a trait au conflit persistant entre le père et la mère et ce, depuis la séparation du couple. L'action en justice ayant pour objet la fixation d'une obligation alimentaire, il n'y a pas lieu de s'étendre sur ces dissensions familiales.
Pour apprécier l'obligation alimentaire de p. GR. à l'égard de son fils g., il y a lieu d'apprécier d'une part la situation de besoin de l'enfant et d'autre part la façon dont l'autre PA. s'acquitte de cette même obligation à l'égard du jeune majeur, chacun contribuant à proportion de ses ressources respectives.
La contribution alimentaire due par le père pour l'entretien et l'éducation de g., né le 19 avril 1995, a été fixée à la somme de 200 euros, par l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Monaco le 13 février 2012.
Il apparaît que g. a été inscrit pour l'année scolaire 2013/2014 au lycée international de Valbonne, ainsi que pour l'année suivante 2014/2015.
Il justifie également d'une inscription à l'école supérieure d'ingénieurs de Caen pour 2015/2016, en cycle ingénieur 1ère année, ainsi que des nombreux frais qu'il doit assumer dans le cadre de sa scolarité.
p. GR. soutient qu'il ne peut verser une quelconque somme à son fils, ne disposant d'aucune ressource.
Néanmoins, il résulte de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de la Principauté de Monaco le 13 février 2012 que p. GR. se livre à des activités diverses générant nécessairement des revenus « ou qu'il dispose d'un minimum de liquidités pour procéder à des investissements de ce chef ».
Le bien situé sur la commune d'Allos (04260) a fait l'objet d'une saisie immobilière mais il n'est donné aucune précision ni aucune pièce sur le sort de la somme formant le prix d'adjudication. p. GR. ne fournit pas plus le tableau d'amortissement du prêt ayant servi à l'acquisition du bien.
Il en est de même pour l'immeuble se situant à Tournais en Belgique. p. GR. verse aux débats deux courriels de la Banque Fortis du 6 décembre 2013 et du 10 juillet 2015 dans lesquels il est fait état d'impayés, sans justification d'une quelconque procédure de saisie immobilière.
Il résulte encore d'un arrêt rendu par la Cour d'appel d'Aix en Provence, le 3 avril 2015, que p. GR. a tenté de cacher la réalité de ses revenus dans le cadre du litige l'opposant à s. PA. et qu'il est le propriétaire d'un catamaran qui générait des revenus locatifs.
Bien plus, suite à la destruction du navire, il a perçu, par l'intermédiaire de Florence LAG., prête nom pour la propriété de ce bien, une somme de 480.000 euros. Il ne donne pas plus d'explication sur le sort de ladite somme.
Il est encore démontré que p. GR. n'hésite pas à spéculer en bourse malgré son insolvabilité (pièce 36 produite par g. GR.).
Ainsi, les différents documents sur l'insolvabilité de p. GR. ne peuvent suffire à masquer la réalité de sa situation eu égard aux explications développées supra, laquelle n'a pas évolué défavorablement par rapport à celle prise en compte par la Cour d'appel le 13 février 2012.
g. GR. indique que sa mère, s. PA., lui verse une somme mensuelle de 500 euros pour faire face à ses besoins, outre la prise en charge de nombreux frais.
Il apparaît en effet que de nombreuses factures ont été établies au nom de madame PA.. Pour certaines, il s'agit d'achats de meubles pour l'installation du demandeur et n'ont plus lieu d'être pour l'avenir.
Le tribunal relève qu'il n'est fourni aucun justificatif du versement de la somme de 500 euros par mois au demandeur.
Cependant, il s'évince des pièces produites que madame PA. prend en charge son fils lors de ses séjours à Monaco et règle les frais de scolarité.
Il est ainsi établi que g. GR. poursuit ses études et n'est pas, en l'état, à même de subvenir à ses besoins, de sorte que le principe d'une contribution alimentaire des PA. s ne saurait être discuté, ce alors qu'il est justifié des frais engagés et notamment en termes de trajet.
En effet, il convient de prendre en considération le changement dans la situation de g. GR. qui poursuit désormais des études d'ingénieur à Caen, exposant ainsi des frais supérieurs à ceux qui avaient été pris en compte en 2012 par la Cour d'appel de la Principauté de Monaco pour fixer la contribution de p. GR. à la somme de 200 euros par mois.
Il convient dans ces circonstances de fixer la somme due par p. GR. à ce titre à la somme de 300 euros par mois, à compter de la date de la présente décision.
Sur la demande de dommages et intérêts présentée par g. GR. :
La résistance abusive de p. GR. résulte de son attitude persistante, malgré lesdites décisions, à cacher la réalité de ses revenus.
Il en résulte nécessairement un préjudice pour le demandeur qui sera légitimement évalué à la somme de 1.000 euros.
Sur les dépens :
p. GR., qui succombe, doit supporter les dépens par application de l'article 231 du Code de procédure civile.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Fixe à la somme mensuelle de TROIS CENTS EUROS (300 euros) la part contributive de Monsieur p. GR. à l'entretien et à l'éducation de g. GR., somme payable mensuellement et d'avance au domicile de l'enfant, avant le cinq de chaque mois, à charge pour g. de justifier chaque année de la réalité des études suivies et des résultats obtenus,
Condamne Monsieur p. GR. à verser cette somme à compter de la date de la présente décision,
Dit que cette contribution sera réévaluée automatiquement par Monsieur p. GR., le 1er janvier de chaque année, et pour la première fois le 1er janvier 2017 en fonction de la dernière valeur de l'indice mensuel des prix à la consommation des ménages urbains, dont le chef est ouvrier ou employé (indice de base 100 en 1998) publié par l'INSEE selon la formule suivante :
Nouveau montant = Pension X A
B : étant l'indice à la date du jugement
A : étant le dernier indice publié lors de la réévaluation.
Condamne Monsieur p. GR. à verser à Monsieur g. GR. la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts,
Condamne Monsieur p. GR. aux dépens distraits au profit de l'administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011 ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Rose-Marie PLAKSINE, Premier Juge, Monsieur Michel SORIANO, Premier Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 10 MARS 2016, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier Stagiaire, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.