Tribunal de première instance, 28 janvier 2016, M. a. TE. et Mme p. MO. TI. c/ Mme o. VL.
Abstract🔗
Procédure civile - Nullité des pièces - Péremption d'instance (non) - Interruption de l'instance - Reprise de l'instance
Régime matrimonial - Loi applicable - Application de la loi italienne - Nature des biens contestés
Résumé🔗
Il y a lieu d'écarter les attestations litigieuses dès lors qu'elles ne satisfont pas à l'ensemble des conditions posées par l'article 324 du Code de procédure civile ou sont incomplètes.
En l'absence de toute instance en cours et de toute sanction en cas de non-respect du délai alloué par l'ordonnance du juge conciliateur pour assigner l'ex-épouse en vue principalement, avant dire droit sur la liquidation des intérêts communs, d'obtenir une expertise permettant l'évaluation du bien immobilier situé à Monaco et du montant de l'indemnité d'occupation pouvant être due au titre de cet appartement, ainsi que celle des parts sociales de la société détenant un yacht, le moyen de péremption de l'instance doit être écarté, compte tenu également de l'absence de texte prévoyant cette sanction dans ce cas précis.
Par ailleurs, la reprise d'instance ne souffre d'aucune irrégularité dès lors que le décès de l'ex-mari a entraîné de plein droit l'interruption de l'instance et que l'assignation en reprise d'instance respecte les conditions de l'article 392 du Code de procédure civile. L'enfant mineur, issu du troisième mariage de son père décédé, a qualité à reprendre l'instance engagée par le défunt, de sorte que l'action engagée par sa mère, en qualité de représentante légale de son fils, est recevable.
Les époux étaient tous deux de nationalité italienne, se sont mariés à Milan en Italie, n'ont conclu aucun contrat de mariage, et ont vécu en Italie plus d'une année après leur mariage avant de venir s'installer à Monaco. L'ensemble de ces éléments établit leur volonté d'adopter le régime matrimonial légal italien. En application de l'article 179 f du Code civil italien toutes les parts sociales de la SCI détenue par les ex-époux doivent être considérées comme des biens propres de l'ex-épouse puisqu'elles été acquises avec des fonds propres provenant de la succession de son père.
La mère de l'enfant mineur, agissant en qualité de représentante légale de son fils, ne peut en conséquence réclamer ni la moitié du produit de la vente des parts sociales de la SCI, ni la moitié de la valeur locative de l'immeuble détenu par cette SCI..
En l'absence de déclaration expresse de l'ex-épouse selon laquelle les parts de la société propriétaire d'un yacht étaient de nature personnelle, il n'y as pas lieu de faire application des dispositions de l'article 179 f du Code civil italien précité. Ces parts sont donc des biens communs. L'ex-épouse indique que le navire a été cédé mais ne produit pas l'acte de cession. Le tribunal ne peut donc déterminer si le navire a été cédé, ni, s'il a été cédé, son état lors de la vente et le prix obtenu. En outre, il n'est pas précisé si le navire était le seul actif de la société et l'ex-épouse n'indique pas davantage si la société existe encore, et avec quels actifs, ou si elle a été dissoute et au bénéfice de quelles personnes le ou les actifs ont été répartis. Le tribunal ordonne ainsi une expertise et la production de tout document relatif au navire et à la société.
En application de l'article 177 b du Code civil italien, les fonds déposés sur les comptes bancaires ouverts au nom de l'ex-épouse sont des biens communs en ce qu'ils constituent des fruits de son patrimoine propre perçus et non consommés au jour de la dissolution du mariage. En conséquence, la somme de 24.088,43 euros correspondant à la moitié des avoirs bancaires doit être considérée comme un bien commun et il convient d'ordonner la mainlevée de l'immobilisation ordonnée afin que les fonds soient transférés au notaire chargé des opérations de partage.
À l'exception de quelques meubles dont l'épouse établit le caractère de bien propre, l'ensemble des meubles garnissant le domicile conjugal, mentionné dans un inventaire notarié, sont des biens communs dont la moitié de la valeur revient à l'enfant mineur.
En ce qui concerne les fruits provenant des revenus de l'ex-épouse en qualité de bénéficiaire du trust constitué par son père, le tribunal ordonne la production des relevés du ou des comptes joints pour la période allant du 15 octobre 1983 au 22 juin 1995 ainsi que de tous autres comptes détenus par elle pendant cette période. Un expert est désigné afin de déterminer les sommes qui lui ont versées, celles dépensées par le couple, et les sommes non consommées et/ou investies par elle.
L'ex-épouse réclame à la mère de l'enfant mineur, en sa qualité de représentante légale de ce dernier, le paiement de sommes correspondant à des prélèvements effectués par son père sur ses fonds propres mais n'en justifie pas. Elle réclame également des montants correspondant à l'acquisition de parts sociales, à la distribution du prix d'éléments de fonds de commerce et aux frais de stationnement du navire mais n'établit pas détenir une créance certaine et ne produit aucune facture relative aux frais de stationnement. Ces demandes sont donc rejetées. Enfin, ses demandes relatives dommages et intérêts non réglés et aux frais et dépens avancés sont irrecevables en ce que ces sommes résultent de dispositions résultant de décisions judiciaires constituant des titres d'ores et déjà exécutoires.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
JUGEMENT DU 28 JANVIER 2016
N° 2011/000079 (assignation du 11 août 2010)
En la cause de :
M. a. TE., né le 26 novembre 1940 à Palerme (Italie), de nationalité italienne, retraité, demeurant X, 29660 Nueva Andalacia, Malaga (Espagne) ;
Bénéficiaire de l'assistance judiciaire suivant décision du bureau n° 44 BAJ 09 du 10 juillet 2009
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
d'une part ;
Contre :
Mme o. VL., née le 28 juillet 1939 à Lausanne (Suisse), de nationalité italienne, sans profession, demeurant X à Monaco ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
d'autre part ;
N° 2013/000061 (assignation du 5 septembre 2012)
Mme p. MO. TI., agissant ès-qualités de représentant légal de son fils mineur f. c. TE. MO., né le 23 juin 1999 à Madrid (Espagne), de nationalité espagnole, domicilié Urbanizacion Senorio de Gonzaga Bloque 15, 2°A, 29660 Nueva Andalucia Malaga (Espagne), agissant en sa qualité d'héritier de feu a. TE., son père, décédé le 3 février 2011, aux fins de poursuite de l'instance initiée par ce dernier suivant exploit d'assignation en date du 11 août 2010 ;
Bénéficiaire de l'assistance judiciaire suivant décision du bureau n° 148 BAJ 12 du 1er juin 2012
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
d'une part ;
Contre :
Mme o. VL., née le 28 juillet 1939 à Lausanne (Suisse), de nationalité italienne, sans profession, demeurant X à Monaco ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
En présence de :
Mme a. TE., née le 23 juillet 1964 à Parma (Italie), de nationalité italienne, domiciliée Via X 43100 Parma, Italie ;
M. g. TE., né le 16 février 1963 à Parma (Italie), de nationalité italienne, domicilié Via X, 43123 Parma (Italie) ;
Maître Henry REY, Notaire, demeurant X1 à Monaco (98000) ;
NON COMPARANTS ;
d'autre part,
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 11 août 2010, enregistré (n° 2011/000079) ;
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 5 septembre 2012, enregistré (n° 2013/000061) ;
Vu les conclusions de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom d o. VL., en date des 13 février 2013, 20 mars 2014 et 10 décembre 2014 ;
Vu les conclusions de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de p. MO. TI. agissant ès-qualités de représentant légal de son fils mineur, f. c. TE. MO., en date des 9 octobre 2013 et 26 juin 2014;
À l'audience publique du 29 octobre 2015, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 21 janvier 2016 et prorogé au 28 janvier 2016, les parties en ayant été avisées par le Président ;
I. FAITS ET PROCÉDURE
Le 15 octobre 1983 à Milan (Italie), Monsieur TE., divorcé en premières noces de Madame r. LU., a épousé en secondes noces Madame o. VL., ce sans contrat de mariage. Aucun enfant n'est issu de cette union.
Suite à une requête en divorce introduite par Madame VL. le 31 janvier 1994, la non-conciliation a été constatée le 13 avril 1994.
Par jugement du 22 juillet 1994, le Tribunal de première instance de Monaco a autorisé Madame VL. à résider seule au domicile conjugal situé X à Monaco, et l'a condamnée à payer à Monsieur TE. une somme mensuelle de 60.000 francs, soit 9.146 euros, à titre de pension alimentaire.
Par ordonnance du 25 mars 1994, le Président du Tribunal de première instance de Monaco a autorisé Monsieur TE. à faire procéder à l'immobilisation de la moitié des avoirs (24.088,43 euros) figurant au crédit de deux comptes ouverts au nom de Madame VL. auprès de la société B venant aux droits de la Banque générale de commerce.
Par ordonnance du 3 mars 2004, confirmée par arrêt de la cour d'appel du 22 février 2005, le juge des référés saisi par Madame VL. en mainlevée de cette mesure, a rejeté la demande de cette dernière.
Par jugement du 22 juin 1995, le Tribunal de première instance de Monaco a :
- prononcé le divorce des époux à leurs torts réciproques,
- fixé au 31 janvier 1994 les effets de la résidence séparée des époux,
- ordonné la liquidation des intérêts communs ayant pu exister entre les époux, commis Maître Rey, notaire, pour procéder à cette liquidation,
- dit que l'attribution du domicile conjugal relevait de la liquidation des intérêts communs ayant existé entre les époux,
- dit n'y avoir lieu à ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt portant sur la moitié des avoirs bancaires déposés par Madame VL. dans les livres de la banque générale de commerce à Monaco.
Par arrêt du 23 juin 1996, la Cour d'appel de Monaco a confirmé le jugement. Par arrêt du 20 décembre 1996, la Cour de révision a rejeté le pourvoi de Monsieur TE..
Madame VL. et Monsieur TE. étaient propriétaires de parts sociales d'une SCI dénommée « SCI D » qui détenait les droits d'un ensemble immobilier constituant le domicile conjugal. Madame VL. a fait assigner Monsieur TE. devant le Tribunal de première instance de Monaco aux fins d'obtenir la dissolution de la SCI D et de se voir attribuer en nom propre l'actif de cette société.
Par jugement du 9 juillet 1998, confirmé par arrêt de la cour d'appel du 4 janvier 2000, le Tribunal de première instance de Monaco a :
- dit que Madame VL. était seule cessionnaire de l'ensemble des parts cédées et unique propriétaire,
- constaté l'inexistence d'un contrat de société entre les parties,
- ordonné avec toutes conséquences de droit la dissolution de la SCI D, constituée par acte de Maître Crovetto notaire,
- et dit que le patrimoine social sera transféré à Madame VL..
Le 4 juin 1999, Monsieur TE. a épousé en troisièmes noces Madame p. MO. TI.. Le 23 juin 1999, est né de cette union f. c. TE. MO..
Par jugement du Tribunal de première instance de Marbella du 1er février 2005, a été prononcée la séparation de corps de Monsieur TE. et de Madame p. MO. TI..
Le 17 octobre 2000, Maître Rey notaire commis afin de procéder à la liquidation des intérêts communs ayant pu exister entre les époux, a dressé un procès-verbal de difficultés entre Madame VL. et Monsieur TE..
Suivant autorisation du 15 décembre 2000 du juge conciliateur, Monsieur TE., estimant que les biens communs sont l'appartement situé dans l'immeuble « Hersilia », le navire « A », les meubles meublant le domicile conjugal et les avoirs sur les comptes bancaires, a par acte du 11 août 2010, fait assigner Madame VL. devant le Tribunal de première instance de Monaco à l'effet d'obtenir sur le fondement des dispositions des articles 915 et suivants du Code de procédure civile :
- principalement, avant dire droit sur la liquidation des intérêts communs, une expertise permettant l'évaluation du bien immobilier situé X à Monaco (appartement, terrasses privatives, cave et parking), du montant de l'indemnité d'occupation pouvant être due à compter du 22 juillet 1994 au titre de cet appartement, et des parts sociales de la société L (ayant à son actif le yacht dénommé « A »),
- subsidiairement, en application de la loi italienne applicable :
qu'il soit ordonné le partage du bien immobilier et des parts sociales de la société L, avec condamnation de Madame VL. au paiement de l'indemnité d'occupation du bien immobilier, attribution d'une part, de la moitié des meubles meublants du domicile conjugal à Monsieur TE., et d'autre part, des avoirs figurant au crédit des deux comptes ouverts au nom de Madame VL. dans les livres de la société B, soit la somme de 24.088,43 euros,
que soit désigné un notaire pour y procéder,
que ses effets personnels lui soient restitués sous astreinte.
Cette affaire a été inscrite sous le n° 2011/000079.
Monsieur TE. est décédé le 3 février 2011 à Marbella (Espagne).
Par acte du 5 septembre 2012 (instance 2013/000061), Madame p. MO. TI. agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur f. c. TE. MO. né le 23 juin 1999, ayant qualité d'héritier de Monsieur a. TE. décédé, a fait assigner devant le Tribunal de première instance de Monaco Madame VL., ce en présence de Madame a. TE. et de Monsieur g. TE., enfants de Monsieur TE. issus de son premier mariage, ainsi que de Maître Rey notaire ;
Ce à l'effet de :
- reprendre l'instance engagée par Monsieur TE. et interrompue par son décès,
- obtenir en application de la loi italienne (article 159 et 177 et suivants du Code civil italien), le partage des biens communs constitués par le bien immobilier situé 33 rue du Portier à Monaco, les parts sociales de la société L, l'attribution aux héritiers de la moitié des meubles meublants du domicile conjugal, l'attribution des avoirs sur les comptes bancaires et les fruits et revenus de la communauté, l'attribution d'une récompense sur les fruits des biens propres de Madame VL. perçus et non consommés à la dissolution de la communauté, ainsi que la restitution à son enfant des objets personnels ayant appartenu à Monsieur TE.,
- et avant-dire droit, la désignation d'un expert à l'effet de reconstituer le patrimoine de la communauté et d'évaluer le bien immobilier situé X (appartement formé par la réunion de trois appartements désignés au cahier des charges sous les lots n° 209, 210 et 211, les Terrasses privatives couvrant ledit appartement avec un accès par un escalier intérieur, et formé par la réunion des lots n° 215 et 216 du cahier des charges, une cave formant le lot n° 93 et un emplacement de parking formant le lot n° 95), le montant de l'indemnité d'occupation afférente à cet appartement pouvant être due depuis le 22 juillet 1994, les parts sociales de la société L et les fruits des biens propres de chacun des conjoints perçus et non consommés à la dissolution de la communauté.
- ce avec exécution provisoire.
La position des parties est la suivante :
Madame p. MO. TI. agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur f. c. TE. MO., agissant en qualité d'héritier de Monsieur Antonio TE. :
1. Sa demande principale :
Sur la procédure :
les pièces n° 11, 30 et 38 doivent être rejetées, la première pour violation des dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile, et les deux autres pour leur caractère incomplet ;
l'instance n'est pas périmée du fait de l'absence d'action de Monsieur TE. dans le délai indiqué dans l'ordonnance de non-conciliation du 15 décembre 2000, dès lors qu'aucune instance n'était en cours entre le 15 décembre 2000 et le 11 août 2010, date à laquelle Monsieur TE. a fait assigner Madame VL. ; le moyen de péremption d'instance est irrecevable ;
l'instance introduite au-delà du 1er février 2001, délai fixé par l'ordonnance du 15 décembre 2000 pour assigner, est recevable, car ladite ordonnance n'a pas prévu la date à peine de forclusion de la procédure et la loi n'impose aucun délai pour saisir le tribunal d'une demande de partage de la communauté des biens ;
f. c. TE. MO. est recevable à reprendre l'instance engagée par a. TE. et transmissible aux héritiers, et ce même sans le concours de ses co-indivisaires pourvu que ceux-ci soient présents à la procédure ; en effet, la présente procédure concerne la liquidation du régime matrimonial et des intérêts communs ayant pu exister entre les époux TE. VL. et non la liquidation de la succession de Monsieur TE., qui n'a aucune incidence sur la procédure en cours ;
Sur le fond :
la règle monégasque de conflit de lois commande qu'en matière de liquidation du régime matrimonial, soit recherchée la volonté des époux au moment de la célébration du mariage, celle-ci résultant du lieu de célébration du mariage, de la nationalité commune des époux et surtout du lieu du premier domicile conjugal ; en l'espèce, Monsieur TE. et Madame VL. étaient tous deux de nationalité italienne, se sont mariés en Italie, n'ont conclu aucun contrat de mariage, ont vécu en Italie avant leur mariage de 1970 à 1983, plus d'une année après leur mariage avant de venir s'installer à Monaco ainsi que cela ressort du registre d'état civil spécial des Italiens résidents étrangers ;
la loi applicable en l'espèce est donc la loi italienne, l'article 159 du Code civil italien disposant qu'en l'absence de convention contraire arrêtée par acte public, le régime légal est la communauté des biens (d'acquêts) ; les époux TE. VL. étaient donc mariés sous le régime légal italien de la communauté, régi par les articles 177 à 197 du Code civil italien, selon lesquels sont communs par parts égales les biens acquis par les conjoints durant le mariage, même si l'acquisition est accomplie par un seul époux en son nom propre, les biens acquis pendant le mariage avec des biens propres à défaut de déclaration expresse dans l'acte d'acquisition attestant du remploi de biens propres (article 179 f du Code civil italien), ainsi que les fruits des biens propres perçus et non consommés à la dissolution de la communauté, les revenus de l'activité séparée de chacun des conjoints si à la dissolution de la communauté, ils n'ont pas été consommés ;
Madame VL. ne peut soutenir que la loi monégasque s'applique, alors que :
- les décisions de justice rendues auparavant ont reconnu l'application du régime légal italien (arrêt de la cour d'appel du 25 juin 1996 déboutant Madame VL. de sa demande de mainlevée de la saisie-arrêt portant sur la moitié de ses avoirs dans les livres de la banque U, jugement du tribunal de première instance du 22 juin 1995 ayant ordonné la liquidation des intérêts communs, jugement du tribunal de première instance du 9 juillet 1998 confirmé par arrêt de la cour d'appel du 4 janvier 2000, reconnaissant le droit de Monsieur TE. de faire valoir ses prétentions sur l'appartement détenu par la SCI constituant le domicile conjugal des époux),
- son avocat a les 1er avril et 3 juin 1998 reconnu que le régime matrimonial était celui de la communauté légale italienne (aveu judiciaire selon l'article 1203 du Code civil monégasque, ou à tout le moins aveu extrajudiciaire opposable à Madame VL.),
- elle-même a fait un aveu judiciaire irrévocable mentionné dans le jugement du 9 juillet 1998 ; elle produit un avis de droit d'un avocat italien irrecevable, dépourvu de texte et de jurisprudence ;
le lieu de situation des biens matrimoniaux n'a aucune incidence sur les droits des parties, de même que le fait que les parties ont passé la majeure partie de leur vie conjugale à Monaco : le rattachement à la loi applicable est permanent et ne saurait varier avec les changements de domicile ou de nationalité des époux ;
en conséquence, les héritiers de Monsieur TE. ont droit à la moitié des biens et valeurs ayant composé la communauté des biens ayant existé entre les époux ;
les biens et valeurs communs sont les suivants :
- l'appartement, sur lequel Monsieur TE. conserve des droits nonobstant l'arrêt du 4 janvier 2000, qui l'a transféré dans le patrimoine de Madame VL., car tout bien immobilier acquis pendant le mariage par l'un des époux constitue un bien commun sauf déclaration de remploi dans l'acte authentique, ce qui n'a pas été fait le 22 février 1990, date de l'acquisition ; de plus, le jugement du 22 juin 1995 a dit que l'attribution du domicile conjugal relevait de la liquidation des intérêts communs ayant existé entre les époux ; l'appartement ayant été cédé par Madame VL. aux prix de 4 millions d'euros le 16 avril 2003, les héritiers TE. ont droit à 2 millions d'euros outre intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2003 ;
- la moitié de la valeur locative pour la période allant du 22 juillet 1994 au 16 avril 2003, durant laquelle Madame VL. a occupé seule le bien immobilier ; aucune prescription quinquennale ne peut être opposée en l'état de l'indétermination du montant des loyers ou de l'indemnité d'occupation ;
- la moitié de la valeur du navire « A », car Monsieur TE. possédait la moitié des actions de la société L propriétaire du yacht ; Madame VL. qui indique que ce dernier a été vendu, doit communiquer l'acte de vente du navire ;
- la moitié des meubles meublant le domicile conjugal conformément à l'inventaire dressé le 21 avril 1994 selon procès-verbal de Maître Aureglia, Madame VL. ne justifiant pas que la totalité des meubles lui appartient exclusivement ;
- la moitié des avoirs se trouvant sur les 2 comptes bancaires, soit la somme de 24.088,43 euros ;
- en application des dispositions de l'article 177b du Code civil italien, la récompense sur les fruits et revenus des biens propres des époux perçus et non consommés à la dissolution de la communauté, étant démontré que Monsieur TE. ne travaillait pas et que la vie commune était intégralement financée par Madame VL. qui apportait en moyenne 400.000 francs par mois pour la vie commune, recevait au moins 1 million de francs par mois du trust constitué par son père b. VL., armateur très fortuné ;
- la communauté devra être reconstituée par un expert, dont elle demande la désignation et qui devra aux frais avancés de Madame VL., reconstituer le patrimoine de la communauté et évaluer le montant de l'indemnité d'occupation afférente à l'appartement situé au X à Monaco due à compter du 22 juillet 1994 jusqu'au 16 avril 2003, les parts sociales de la société L et les fruits des biens propres de chacun des conjoints perçus et non consommés à la dissolution de la communauté ;
- Madame MO. TI. agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur f. c. TE. MO. sollicite également la restitution des objets personnels de Monsieur TE. sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir (montre Rolex modèle Daytona, appareil photo, caméra vidéo, vélo d'appartement, photos personnelles, permis bateau, divers matériels de sport de ski et de tennis) ;
2. Sur la demande reconventionnelle de Madame VL. :
soutenant que Monsieur TE. aurait prélevé sur les comptes joints une somme de 850 millions de lires outre 10 millions de lire, Madame VL. réclame 950 millions de lires (soit 100 millions de plus que le total des sommes précédentes), mais sans rapporter la preuve de cette créance ; cette demande doit donc être rejetée.
Madame MO. TI. agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur f. c. TE. MO. sollicite enfin d'une part, la condamnation de Madame VL. lui payer la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts en raison de sa mauvaise foi, de sa résistance abusive et injustifiée et de l'ancienneté du litige, et d'autre part, l'exécution provisoire.
Madame VL. :
La demande principale :
Sur la procédure :
la défenderesse soutient que l'action est irrecevable car,
l'instance est périmée : Monsieur TE. n'a pas respecté l'ordonnance du juge du 15 décembre 2000 lui accordant un délai jusqu'au 1er février 2001 pour assigner, les poursuites n'ayant pas continué pendant plus d'un an car l'assignation a été délivrée le 11 août 2010 ; étant observé que les autres ayants droit de feu Monsieur TE. ne sont assignés qu'en présence ;
la notification du décès de Monsieur TE. est nulle, car elle a été effectuée à la requête de « l'hoirie de Monsieur a. TE. décédé à Malaga (Espagne) le 3 février 2011 », alors qu'une hoirie n'a pas de personnalité juridique propre et qu'il n'est pas précisé quelles personnes la composent ; cela conditionne la régularité de l'interruption d'instance qui n'a été reprise qu'au mois de novembre 2012 ;
aucun document n'est produit valant acceptation expresse par f. c. TE. MO. de la succession de son père, le fait qu'il ait engagé la présente procédure ne peut valoir acceptation tacite de cette succession et il n'est pas établi que le droit espagnol admette une acceptation tacite de la succession : il ne justifie donc pas de sa qualité et de son intérêt à exercer les droits et actions du défunt ;
il ne peut agir qu'à titre personnel et les autres héritiers, dont il n'est pas justifié qu'ils ont été touchés par les assignations, n'ont pas repris l'instance ;
Sur le fond :
il incombe au demandeur de prouver l'application d'une loi étrangère ;
il n'existe en principauté de Monaco ni une loi spécifique de droit international privé permettant d'identifier la loi applicable dans le cas où un procès présente des éléments d'extranéité, ni une convention en matière de régime matrimonial ; en vertu de l'article 3 du Code civil, les immeubles situés à Monaco même possédés par des propriétaires étrangers, sont régis par la loi monégasque, étant observé que la SCI D a été acquise le 22 février 1990 sans précision de l'existence d'une communauté légale des biens entre époux ;
les époux ont eu la volonté commune d'adopter la loi monégasque, Monaco étant le lieu d'établissement de leur domicile conjugal depuis longue date et où se trouve concentré l'essentiel de leurs intérêts ; après une seule année passée en Italie après leur mariage, ils ont établi le domicile conjugal en Principauté et selon l'article 78 alinéa 1er du Code civil monégasque alors en vigueur, le domicile de la femme mariée est le même que celui de son mari ;
en outre, le divorce a été prononcé sur le fondement de la loi monégasque, aucun des époux n'ayant sollicité l'application de la loi italienne ; les dispositions relatives au divorce sont indivisibles ; les décisions précédentes ne préjugent pas de la décision du tribunal sur l'application du droit italien, aucune des juridictions n'ayant statué sur ce point ; elle n'a pas fait d'aveu judiciaire car les juridictions n'étaient pas saisies d'une demande d'application de la loi italienne ; la consultation établie par Maître Calapristi permet de dire que la loi qui doit régir la liquidation du régime matrimonial est la loi monégasque, soit le régime de la séparation de biens ;
subsidiairement, Monsieur TE. a le 28 septembre 1990, expressément reconnu que les 123 parts sociales de la SCI D achetées le 22 février 1990 appartenaient en réalité à Madame VL. et que le prix d'achat de ses parts avait été entièrement réglé par celle-ci en puisant dans les fonds issus de la succession de son père et il a renoncé à toute prétention relative à la SCI D et aux biens immobiliers composant son patrimoine; par suite du jugement du tribunal de première instance du 9 juillet 1998 confirmé par arrêt de la cour d'appel du 4 janvier 2000, décision passée en force de chose définitivement jugée, les héritiers de feu Monsieur TE. ne peuvent pas revendiquer la moitié de la valeur du bien ayant constitué l'actif de la SCI D ; il importe peu que le tribunal ait indiqué que l'attribution du domicile conjugal relevait de la liquidation du régime matrimonial ;
infiniment subsidiairement, s'il devait être estimé que la loi italienne s'applique, il n'existe aucun bien qui doit faire l'objet d'un partage ;
la loi italienne prescrit que le bien immobilier qui est au nom d'un seul conjoint et qui est situé sur le territoire d'un État étranger, sera exclusivement la propriété de ce dernier sauf si l'autre conjoint n'a pas participé à l'achat et ne l'a pas ratifié ; de même, le régime patrimonial des conjoints doit être mentionné dans les actes d'achat ou de vente d'un bien (article 2659 du Code civil) ;
l'ensemble des fonds ou biens, meubles ou immeubles qui ont pu être acquis pendant la durée du mariage par Madame VL. le sont directement de la succession de son père, Monsieur b. VL. (qui avait constitué un trust), et ne peuvent entrer en communauté ; en effet, en droit italien, les biens acquis après le mariage par effet de donation ou de succession n'entrent pas dans la communauté à moins que l'acte de libéralité ou le testament spécifie qu'ils sont destinés à la communauté, les intéressés étant dispensés de la déclaration expresse de la nature personnelle du bien ; en vertu de l'article 164 alinéa 2 du Code civil italien, la déclaration de Monsieur TE. est valable car établie par écrit, remise à Madame VL. qui l'a acceptée, et qui n'a jamais nié son authenticité ; de plus, Monsieur TE. n'a jamais demandé l'annulation de l'acte dans les conditions de l'article 184 du Code civil italien ; la consultation de Maître Tripet, avocat, non soumise aux dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile, et les différentes attestations produites, établissent que ses revenus proviennent de la succession de son père (décédé en octobre 1987), via un trust créé en 1971 auquel ce dernier avait transféré l'intégralité de son patrimoine, et dissous en 2004 ; la liquidation des actifs et la distribution des produits a été opérée fin 2013 ; en outre, elle n'a jamais travaillé et n'a jamais eu de revenus à ce titre ;
de même, le demandeur n'a pas droit à 50 % des meubles meublants ni aux fruits qui provenaient des revenus de Madame VL. en qualité de bénéficiaire du trust constitué par son père ; Monsieur TE. n'avait formulé devant le notaire aucune demande à ce titre, celle-ci est irrecevable et infondée ;
ayant renoncé à l'immeuble, la demande de paiement de moitié de la valeur locative de l'appartement doit être rejetée, alors que la jouissance n'a pas été accordée à titre onéreux, et que la demande est atteinte par la prescription quinquennale ;
il en sera de même pour la prétendue créance relative un travail effectué en qualité de maître d'ouvrage dont la réalité et la rémunération n'est pas établie ;
par arrêt, la cour d'appel a confirmé l'ordonnance du 3 mars 2004 déclarant irrecevable la demande de mainlevée formée par elle et les fonds sont donc toujours bloqués ; les comptes ouverts au nom de Madame VL. ont été alimentés par des fonds issus du trust de son père, et ne peuvent entrer dans la communauté des biens ; depuis le 30 mars 1994, les avoirs sont immobilisés et Monsieur TE. n'a pas demandé de validation du blocage de ces comptes ; le tribunal ordonnera la mainlevée de ce blocage ;
le yacht A a été acquis exclusivement avec des deniers provenant de l'héritage de b. VL. ; autorisé par ordonnance du 29 avril 1994, Monsieur TE. a fait pratiquer le 3 mai 1994 une saisie conservatoire mais n'a jamais acquitté les frais de stationnement ; la direction du port de Fontvieille a le 4 mai 1998 décidé de déplacer le navire, lequel s'est fortement déprécié en raison de l'absence d'entretien ; par ordonnance du 10 juin 1998, et sur demande de Madame VL. et de la société L, le président du Tribunal de première instance a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire, et par la suite le navire a été cédé ;
l'ensemble des affaires personnelles de Monsieur TE. lui a été restitué en son temps ;
l'entière demande, incluant la mesure d'expertise, doit être rejetée ;
Sa demande reconventionnelle :
la mesure d'immobilisation des avoirs des comptes 303167012 M et 3031607011 ouverts au nom de Madame VL. dans les livres de la société B, et toute saisie/blocage doivent faire l'objet d'une mainlevée ;
Madame VL. demande la condamnation de Madame p. MO. TI. agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur f. c. TE. MO., héritier de Monsieur a. TE. et/ou son hoirie à lui payer la somme de 1.009.220 euros outre intérêts au taux légal à compter du 1er avril 1998 ; cette demande correspond à des prélèvements effectués par Monsieur TE. sur ses fonds propres (environ 950.000 € évalués au 1er avril 1998), aux frais de stationnement du navire (28.186 € TTC), aux dommages et intérêts non réglés (4.573,15 euros), au frais et dépens avancés (7.964,32 euros + 6.300,53 euros + 12.196 €), ainsi que la somme de 100.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée.
II. DÉCISION
Au préalable, il convient dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction de l'instance n° 2011/000079 engagée par Monsieur TE. le 11 août 2010 à l'encontre de Madame VL. interrompue par suite du décès du demandeur, et de l'instance n° 2013/000061 en reprise de la précédente instance, engagée par Madame p. MO. TI. agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur f. c. TE. MO., à l'encontre de Madame VL..
- SUR LA DEMANDE PRINCIPALE
Sur la procédure :
En premier lieu, Madame p. MO. TI. agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur f. c. TE. MO., héritier de Monsieur a. TE. conclut au rejet des pièces n° 11, 30 et 38.
En ce qui concerne la pièce 11, consistant dans une déclaration faite par Monsieur François Tripet, elle doit être considérée comme une attestation nonobstant la qualité de son auteur qui est un avocat, dès lors qu'il atteste de faits concernant Madame VL.. Ce document ne satisfait pas à l'ensemble des exigences des dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile. En effet, si la déclaration est signée de la main de son auteur, mentionne la qualité d'avocat de ce dernier et le lieu de son cabinet, et précise qu'il a suivi régulièrement les dossiers juridiques et fiscaux de Monsieur b. VL., en revanche, elle n'est pas écrite ni datée de sa main, ne mentionne pas ses date et lieu de naissance, ne précise pas si son auteur a quelque intérêt au procès, n'indique pas qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal, et n'est pas accompagnée d'un document officiel, en original ou photocopie, justifiant de son identité et comportant sa signature. Cette attestation doit être écartée des débats.
En ce qui concerne les attestations 30 et 38 dont le caractère incomplet est certain (seule la première page de chacun de ces documents est produite), elles ne peuvent ainsi que le soutient à bon droit Madame p. MO. TI., être utilement examinées et doivent être également écartées.
En second lieu, sur la péremption de l'instance, Madame VL. soutient que celle-ci est acquise car Monsieur TE. n'a pas respecté l'ordonnance du juge du 15 décembre 2000 et n'a pas agi au 1er février 2001, date fixée pour assigner, et que les poursuites n'ont pas continué pendant plus d'un an car l'assignation a été délivrée le 11 août 2010.
Cependant, si les dispositions de l'article 405 du Code civil disposent que toute instance sera éteinte par discontinuation de poursuites pendant un an, la demanderesse fait valoir à bon droit qu'aucune instance n'était en cours. Il convient d'ajouter que si l'ordonnance du 15 décembre 2000 était exécutoire sur minute, en revanche elle ne mentionnait aucune sanction en cas de non-respect du délai alloué et Madame VL. n'invoque aucun texte prévoyant cette sanction dans ce cas précis. En conséquence, le moyen de péremption de l'instance doit être écarté.
En troisième lieu, sur la reprise de l'instance, Madame VL. conclut à l'irrégularité de l'interruption de l'instance effectuée par la notification du décès de Monsieur TE. le 25 mars 2011. Cette pièce n'est pas versée aux débats mais Madame p. MO. TI. ne conteste pas que la notification a été effectuée à la requête de « l'hoirie de Monsieur a. TE. décédé à Malaga (Espagne) le 3 février 2011 ».
Cependant, ce moyen ne saurait être retenu dès lors que le décès de Monsieur a. TE. a de plein droit entraîné l'interruption de l'instance, la notification de son décès étant un acte de procédure ayant pour seule vocation de faire courir des délais de procédure, et dès lors surtout que l'assignation en reprise d'instance du 5 septembre 2012 respecte les conditions de l'article 392 du Code de procédure civile relatives à la reprise d'instance.
En quatrième lieu, sur la qualité d'héritier de f. c. TE. MO. et sur la recevabilité de son action, Madame VL. soutient qu'aucun document n'est produit valant acceptation expresse de la succession de son père, et que le fait qu'il ait engagé la présente procédure ne peut valoir acceptation tacite de cette succession.
En revanche, alors qu'il n'est pas contesté que la loi espagnole s'applique au règlement de la succession de Monsieur a. TE., décédé en Espagne, Madame VL. ne produit pas les textes du Code civil espagnol établissant qu'un héritier ne peut accepter tacitement une succession, notamment en reprenant une instance introduite par son ayant droit avant son décès.
En conséquence, ce moyen d'irrecevabilité doit être écarté.
En dernier lieu, sur le droit d'agir de f. c. TE. MO. représenté par Madame p. MO. TI. en sa qualité d'héritier, celui-ci ne prétend pas agir au nom des deux autres héritiers, et agit donc à titre personnel. Madame VL. ne peut en conséquence soutenir qu'elle a agi au nom et pour le compte de l'hoirie.
Par ailleurs d'une part, Madame p. MO. TI. agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur f. c. TE. MO., agissant en qualité d'héritier de a. TE., a régulièrement mis en cause devant le présent tribunal, conformément aux dispositions de l'article 150 du Code de procédure civile monégasque, Madame a. TE. et Monsieur g. TE..
En effet, l'assignation du 5 septembre 2012 de Madame VL., a été signifiée en leur présence et dûment transmise au Procureur général de Monaco le 6 septembre 2012, puis transmise par la Direction des services judiciaires de Monaco à l'autorité centrale italienne à Rome le 7 septembre 2012 et retournée le 20 novembre 2012 par le Directeur des services judiciaires de Monaco au Procureur général de Monaco, avec la mention que l'acte n'a pu être remis car il n'a pas été retiré par les intéressés ; au surplus, Maître Escaut-Marquet, huissier à Monaco a produit des accusés de réception signés le 12 septembre 2012 par Madame a. TE. et à une date illisible par Monsieur g. TE..
D'autre part, il n'est pas contesté que f. c. TE. MO. se trouve saisi de plein droit des biens de son père décédé, et à ce titre a qualité à reprendre l'instance engagée par Monsieur a. TE., ce même en l'absence de comparution de Madame a. TE. et de Monsieur g. TE., régulièrement mis en cause comme indiqué ci-dessus.
Madame VL. ne peut donc lui reprocher d'être seul demandeur à reprendre l'instance engagée par Monsieur a. TE..
Au terme de l'ensemble de ces observations, l'action de Madame p. MO. TI. agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur f. c. TE. MO., agissant en qualité d'héritier de Monsieur a. TE. doit être déclarée recevable.
Sur le fond :
Sur la loi applicable, Madame p. MO. TI. sollicite l'application de la loi italienne au présent litige lui permettant au visa des articles 159 et 177 du Code civil italien de considérer comme faisant partie de la communauté les droits immobiliers situés X à Monaco, la valeur locative de ce bien pendant la période d'occupation de Madame VL., les meubles meublant le domicile conjugal, le navire « A », les avoirs se trouvant sur les 2 comptes bancaires, et enfin, les fruits et revenus des biens propres des époux perçus et non consommés à la dissolution de la communauté.
Madame VL. répond que seule la loi monégasque est applicable en l'espèce, et que le régime matrimonial légal qu'il convient d'appliquer est la séparation des biens.
Nonobstant l'absence d'une loi de droit international privé déterminant la loi applicable dans cette matière, ou d'une convention internationale ou bilatérale applicable en la cause en matière de régime matrimonial, la règle monégasque de conflit de lois commande qu'en matière de liquidation du régime matrimonial, soit recherchée la volonté des époux au moment de la célébration du mariage, celle-ci pouvant résulter du lieu de célébration du mariage, de la nationalité commune des époux et du lieu du premier domicile conjugal ; étant par ailleurs observé que le rattachement du régime matrimonial à la loi applicable ne saurait varier avec les changements de domicile des époux ou la durée de résidence de ceux-ci dans un pays ou dans un autre, sauf pour celui qui s'en prévaut de démontrer leur volonté d'en changer.
En l'espèce, il est constant que Monsieur TE. et Madame VL. étaient tous deux de nationalité italienne, se sont mariés à Milan en Italie, n'ont conclu aucun contrat de mariage, et ont vécu en Italie plus d'une année après leur mariage avant de venir s'installer à Monaco, ainsi que le mentionne le registre de l'État civil spécial des Italiens résidant à l'étranger aux termes duquel Monsieur a. TE. s'est installé à l'étranger à compter du 10 décembre 1984.
Il résulte de ces constatations que leur premier domicile a été fixé à Milan et qu'étant de nationalité italienne, leur volonté au moment de la célébration du mariage était d'adopter le régime légal italien. Ladite volonté ne saurait être modifiée par leur installation postérieure en Principauté de Monaco, même si elle a eu lieu peu de temps après le mariage.
Au surplus, la demanderesse fait valoir à bon droit qu'il résulte des termes du jugement du Tribunal de première instance du 9 juillet 1998, que Madame VL. s'est prévalue de l'article 179 alinéa 1 b) du Code civil italien et a ainsi reconnu l'application de la loi italienne en matière de régime matrimonial.
L'observation selon laquelle le domicile de la femme mariée est le même que celui de son mari en application des dispositions de l'article 78 alinéa 1er du Code civil monégasque alors en vigueur, se trouve dépourvue d'intérêt.
Par ailleurs, l'acquisition par les deux époux des parts sociales de la SCI D, la dite société ayant comme actif un appartement situé X à Monaco et formant le domicile conjugal, ne peut non plus avoir pour effet de modifier la loi applicable. En effet, les parts sociales d'une SCI sont des biens meubles ne relevant pas des dispositions de l'article 3 alinéa 2 du Code civil aux termes duquel les immeubles, mêmes ceux possédés par des étrangers, sont régis par les lois de la Principauté.
De même, Madame VL. ne peut non plus opposer que les dispositions relatives au divorce sont indivisibles et qu'elles ne peuvent faire l'objet d'une application distributive pour le prononcé du divorce d'une part, et ses conséquences d'autre part, alors que lors du divorce, les parties n'ont pas discuté de la loi applicable, que les règles de conflit de lois sont différentes pour le divorce d'une part et pour la liquidation du régime matrimonial d'autre part, et qu'enfin, la défenderesse ne vise ni un texte de loi ni une jurisprudence constante précise établissant une telle indivisibilité.
En conséquence et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la demanderesse aux termes desquels :
- les décisions de justice rendues auparavant (arrêt de la cour d'appel du 25 juin 1996, jugement du tribunal de première instance du 22 juin 1995, jugement du tribunal de première instance du 9 juillet 1998, arrêt de la cour d'appel du 4 janvier 2000), ont reconnu l'application du droit italien,
- le conseil de cette dernière a fait un aveu extrajudiciaire de reconnaissance d'application de la loi italienne dans 2 courriers des 1er avril et 3 juin 1998,
Il convient de retenir que le régime matrimonial dont relèvent Monsieur a. TE. et Madame VL. est régi par la loi italienne.
N'ayant souscrit aucun contrat de mariage, les époux TE. VL. se sont donc mariés sous le régime légal italien de la communauté, régi par l'article 159 du Code civil italien selon lequel le régime matrimonial légal de la famille est, à défaut de conventions spéciales passées conformément à l'article 162, la communauté des biens et par les articles 177 à 197 du Code civil italien.
Selon ces textes dont les parties ne discutent pas l'énoncé, les biens acquis par les époux pendant le mariage, que ce soit individuellement ou ensemble, entrent dans le patrimoine commun (dont certains biens qui tombent dans le patrimoine commun de manière différée au jour de la dissolution du mariage), à l'exception des biens propres.
Dans le cadre du régime matrimonial légal décrit ci-dessus, les dispositions de l'article 179 du Code civil italien prescrivent que sont propres les biens acquis avant le mariage, que les biens acquis après le mariage et provenant d'une donation ou d'une succession restent des biens propres à moins qu'il n'ait été spécifié dans la libéralité ou le testament qu'ils sont attribués à la communauté (b), et que sont propres les biens acquis avec l'argent du transfert ou de l'échange des biens personnels, à condition que ce soit explicitement précisé au moment de l'acquisition(f).
Par ailleurs, les dispositions de l'article 177 b) et c) prescrivent que seront considérés comme faisant partie du patrimoine commun notamment les fruits du patrimoine propre d'un époux et de ses activités personnelles, perçus et non consommés lors de la dissolution de la communauté, à condition qu'ils existent encore au moment de la dissolution de la communauté de biens. Ces fruits rentrent dans la communauté des biens de manière différée.
En ce qui concerne l'immeuble formant l'actif de la SCI D dont les époux TE. VL. ont fait l'acquisition par acte du 22 février 1990, Monsieur TE. à concurrence de 123 parts et Madame o. VL. à concurrence de 122 parts, il est constant que cet acte ne mentionne pas que l'argent versé par les acquéreurs provenait du transfert ou de l'échange de biens propres de Madame o. VL..
Cependant, par jugement du 9 juillet 1998, confirmé par un arrêt du 4 janvier 2000 de la Cour d'appel de Monaco, le Tribunal de première instance de Monaco a ordonné la dissolution de la SCI D et dit que le patrimoine social sera transféré à Madame o. VL., ce après avoir disposé que :
- un acte établi par Monsieur TE. le 28 septembre 1990 dénommé « reconnaissance de propriété », constituait une contre-lettre conclue entre les parties en cause,
- dans les rapports des parties, cette contre-lettre rendait sans effet de droit les dispositions de l'acte de cession de parts du 22 février 1990 portant cession de 123 parts au profit de Monsieur TE. mentionnant que celui-ci en a payé le prix,
- Madame o. VL. était seule cessionnaire de l'ensemble des parts cédées et qu'elle en était l'unique propriétaire.
Il résulte des termes de la contre-lettre du 28 septembre 1990, que Monsieur TE. a déclaré reconnaître expressément que les 123 parts dont il était titulaire dans la SCI D « appartiennent en propre à son épouse, Madame o. VL., qui en a payé l'intégralité du prix avec des fonds à elle propres, lui provenant de la succession de son père Monsieur b. VL. », et « en conséquence, l'intégralité des parts formant le capital de ladite société, que nous avons acquis au terme d'un acte de Maître Auréglia, notaire à Monaco, ainsi que l'appartement avec terrasse, cave et garage qu'elle possède, doivent être considérées comme des biens propres à mon épouse en dehors de toute communauté ».
Cet acte, déclaré valable par l'arrêt définitif du 4 janvier 2000, indique de manière explicite que toutes les parts sociales de la SCI D ont été acquises avec des fonds propres à Madame o. VL. lui provenant de la succession de son père Monsieur b. VL..
En application des dispositions de l'article179. f du Code civil italien précitées, les parts sociales de la SCI D doivent être considérées comme des biens propres de Madame o. VL., ce nonobstant la disposition du jugement du 22 juin 1995 du tribunal de première instance de Monaco disant que l'attribution du domicile conjugal relevait de la liquidation des intérêts communs ayant existé entre les époux. En effet, cette disposition ne signifie pas que le domicile conjugal était un bien commun mais indiquait que dans le cadre de la liquidation des intérêts communs, la nature commune ou non du domicile conjugal restait à déterminer.
Madame p. MO. TI. agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur f. c. TE. MO. ne peut en conséquence réclamer ni la moitié du produit de la vente des parts sociales de la SCI D, réalisée par Madame o. VL. le 16 avril 2003, ni la moitié de la valeur locative de l'immeuble actif de la SCI D, pour la période allant du 22 juillet 1994 au 16 avril 2003.
Ces demandes doivent être rejetées.
En ce qui concerne le navire « A », il est constant que Monsieur TE. possédait la moitié des actions de la société L propriétaire du yacht (société au capital de 50.000 $ américains divisés en 50.000 actions de 1 dollar américain chacune ainsi que cela résulte du certificat d'actions au porteur du 12 février 1992, et située à Tortola, île vierge britannique).
La défenderesse indique que l'acquisition du yacht a été faite exclusivement grâce aux deniers provenant de l'héritage de son père. Cependant, elle ne se prévaut pas d'une déclaration expresse aux termes de laquelle ces parts étaient de nature personnelle permettant de faire application des dispositions de l'article 179 f du Code civil italien précité, et de considérer les parts détenues par Monsieur TE. comme étant des biens propres de Madame o. VL..
En conséquence, les parts détenues par Monsieur TE. dans la société L doivent être considérées comme des biens communs.
Madame o. VL. indique que la société L a cédé le navire, sans néanmoins préciser ni la date ni le montant de la cession. Le navire a été immobilisé à compter de 1994, date à laquelle le Président du Tribunal de première instance de Monaco a autorisé Monsieur TE. à procéder à son immobilisation, et ce jusqu'au 10 juin 1998, date à laquelle le Président du Tribunal de première instance de Monaco a donné mainlevée immédiate de cette mesure d'immobilisation, en l'absence d'introduction par Monsieur TE. d'une instance au fond tendant la validation de la saisie et à la vente du navire.
Madame o. VL. ne produit pas l'acte de cession dont elle se prévaut. De ce fait, le présent tribunal ne peut déterminer si effectivement le navire a été cédé, ni, s'il a été cédé, son état lors de la vente et le prix obtenu. En outre, il n'est pas précisé si le navire était le seul actif de la société L, et Madame o. VL. n'indique pas non plus si la société existe encore ce jour, avec comme actifs le prix de cession du navire ou tout autre actif, ou si elle a été dissoute et au bénéfice de quelles personnes le ou les actifs ont été répartis.
Il apparaît nécessaire dés lors d'ordonner une expertise, avec production par Madame o. VL. de l'acte de cession du navire « A », de tous documents relatifs à la société L à ce jour, et permettant d'évaluer la valeur actuelle du navire s'il n'a pas été cédé ou le montant de la cession si l'acte a été régularisé, la valeur actuelle des parts sociales de la société L si elle existe encore, ou leur valeur au jour ou ladite société a été dissoute, les bénéficiaires des répartitions des actifs de cette société.
En ce qui concerne les avoirs se trouvant sur les 2 comptes bancaires ouverts au nom de Madame o. VL. auprès de la Banque U, Madame p. MO. TI. agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur f. c. TE. MO. se prévaut à bon droit des dispositions de l'article 177 b du Code civil italien, car si les deux parties conviennent que la défenderesse n'a jamais eu d'activité professionnelle lui procurant des revenus et que ses seuls revenus proviennent du trust formé par son père Monsieur b. VL., ceux-ci déposés sur les comptes bancaires de l'intéressée constituent des fruits de son patrimoine propre perçus et non consommés au jour de la dissolution du mariage.
En conséquence, la somme de 24.088,43 euros correspondant à la moitié des avoirs bancaires doit être considérée comme un bien commun et il convient d'ordonner la mainlevée de l'immobilisation ordonnée le 25 mars 1994 afin que les fonds soient transférés à Maître Rey, notaire chargé des opérations de partage.
En ce qui concerne les meubles meublant le domicile conjugal, Madame p. MO. TI. agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur f. c. TE. MO. produit aux débats l'inventaire dressé le 21 avril 1994 selon procès-verbal de Maître Aureglia, notaire.
Il incombe à Madame VL. de justifier que la totalité des meubles lui appartient exclusivement pour les avoir acquis avant le mariage, ou après le mariage avec une déclaration expresse aux termes de laquelle ils ont été acquis avec de l'argent venant de son père.
À cette fin, elle produit des factures Christofle du 28 décembre 1992, Moghadam du 28 mars 1994, de la galerie Shahnaz du 15 avril 1994 et de Djandji intérieur design, non datée, établissant l'acquisition de divers meubles pendant le cours du mariage. En l'absence de déclaration telle que précitée, les biens sont communs aux époux.
Elle produit par ailleurs une attestation de Monsieur J.G, ancien administrateur de la société J, selon lequel Monsieur b. VL. a offert à sa fille un appartement situé à Milan sis X, ainsi que tout le mobilier s'y trouvant, et que Madame o. VL. a déménagé les meubles et accessoires de cet appartement à Monaco. Cependant, cette attestation ne comporte aucune liste ni détail du mobilier dont il est fait état, et ne peut être retenue à titre de preuve.
En revanche, Madame o. VL. produit une attestation de Madame H.G veuve VL. du 17 mars 1994, listant des meubles dont elle indique qu'ils ont été institués en biens de famille par son défunt mari b. VL. et notamment à destination de ses petits-enfants. Cette attestation n'indiquant pas que ces meubles étaient tous destinés aux petits-enfants, il convient de retenir que les meubles listés figurant à la fois dans l'attestation et dans l'inventaire notarial doivent être considérés comme propres en application des dispositions de l'article 177 b du Code civil italien (font partie du patrimoine propre les biens acquis pendant le mariage par donation ou succession, sauf s'il a été précisé dans le document authentique de donation ou le testament que les biens sont attribués au patrimoine commun).
En conséquence, les biens suivants sont des biens propres de Madame VL. : le petit bureau style anglais ouvrant, quatre tiroirs devant, dessus cuir (n° 17 de l'inventaire notarial, page 2), une petite table de chevet ronde à trois tiroirs (n° 20 de l'inventaire notarial, page 3), une paire de chevet en marqueterie (n° 45 de l'inventaire notarial, page 4), un meuble acajou avec une vitrine dessus, en dessous trois tiroirs (n° 57 de l'inventaire notarial, page 4), un grand Scriban à filet de cuivre 2 portes en haut, secrétaire au centre, 2 portes en bas (n° 65 de l'inventaire notarial, page 4) et un cendrier sur pied forme chandelier d'église (n° 37 de l'inventaire notarial, page 3).
L'ensemble des biens inventoriés le 21 avril 1994, à l'exception de ceux cités ci-dessus doit être considéré comme commun, la moitié de leur valeur devant être attribuée à la part de Monsieur a. TE..
En ce qui concerne les fruits provenant des revenus de Madame VL. en qualité de bénéficiaire du trust constitué par son père, perçus et non consommés à la date de la dissolution du mariage, Madame p. MO. TI. agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur f. c. TE. MO. soutient qu'ils relèveraient des dispositions de l'article 177 b du Code civil italien et seraient de nature à entrer dans la communauté de manière différée.
Madame o. VL. soutient que cette demande est irrecevable car non formulée devant le notaire en charge de la liquidation des intérêts communs.
Cependant, il convient d'observer que sous l'empire de la loi en vigueur au 17 octobre 2000, date à laquelle Me Rey notaire a établi le procès-verbal de difficultés entre Madame VL. et Monsieur TE., aucun texte ne limitait la recevabilité des désaccords pouvant être soumis au juge. En conséquence, le moyen d'irrecevabilité doit être rejeté.
Sur le fond, Madame p. MO. TI. fait valoir que Monsieur TE. ne travaillait pas et que la vie commune était intégralement financée par Madame VL., laquelle recevait au moins un million de francs par mois du trust constitué par son père b. VL., armateur très fortuné et apportait en moyenne 400.000 francs par mois pour la vie commune.
Elle se réfère aux indications figurant dans le jugement du 22 juillet 1994 ayant notamment fixé la pension alimentaire due à Monsieur TE., selon lesquelles Madame o. VL. a versé sur le compte joint la somme de 7.053.799,60 francs pour l'année 1990, celle de 4.111.543,50 francs pour l'année 1991, celle de 5.248.325,80 francs pour l'année 1992 et 4.490.000 francs pour l'année 1993. Elle estime que Madame o. VL. recevait au moins 1 million de francs par mois du trust familial, et en déduit que, déduction faite de la somme de 400.000 francs dépensée pour le train de vie du ménage, il devait rester la somme de 600.000 francs par mois, dont les fruits à un taux de 5 % par an devraient représenter un montant de 360.000 francs par an, soit 11.160.000 francs pour la période allant du mariage à 2014. Elle évalue le tout à un montant de 1.717.000 €.
Monsieur S.M, a attesté avoir pendant une vingtaine d'années été en charge de la gestion des relations avec les bénéficiaires du trust de Monsieur b. VL. établi en 1971, et avoir pu à ce titre avoir une connaissance précise et continue des affaires de Madame VL., précisant que l'intégralité des revenus de cette dernière provenait de versements réguliers décidés par les membres du conseil d'administration de la société en charge de l'administration du trust. Il ne précise cependant pas le montant des versements dont a bénéficié la défenderesse.
En revanche, il résulte des courriers émanant de la Société Z des 19 janvier et 14 mars 1994 et adressés personnellement à Madame o. VL., qu'ont été successivement effectués le placement fiduciaire d'une somme de 952 000 dollars américains, d'une somme de 5.155.000 francs français et de celle de 320 millions de livres italiennes, ce auprès de l'établissement « K ». Il y est précisé « nous créditons les intérêts échus à votre compte NO. PO-466,168.0 ».
Ces documents ne concernent que l'année 1994 mais établissent l'existence, au demeurant non contestée, de sommes versées au bénéfice de Madame o. VL.. Il est au contraire soutenu par cette dernière que des sommes provenant du trust familial créé par son père lui ont été versées régulièrement pendant toute la période du mariage avec Monsieur TE..
En conséquence, les relevés du ou des comptes joints pour la période allant du 15 octobre 1983 au 22 juin 1995 ainsi que de toutes autres comptes détenus pendant cette période par Madame VL., devront être produits par cette dernière, un expert devant être désigné afin de déterminer les sommes versées à la défenderesse, les sommes dépensées par le couple, et les sommes non consommées et/ou investies par Madame VL..
Sur la restitution des objets personnels de Monsieur TE., l'inventaire effectué par Maître Auréglia le 21 avril 1994 mentionne effectivement comme appartenant à Monsieur TE. une montre type Rolex (n° 85 dans le coffre-fort), un vélo d'appartement (n° 71), un appareil photo (n° 30, page 3), une caméra (n° 99, page 6), objets qui ne lui ont pas été remis le 28 juillet 1994 (alors qu'il était accompagné de Maître Notari, huissier).
Le surplus n'est pas reconnu comme étant des biens personnels de Monsieur TE. (divers matériels de sport de ski et de tennis), de même que l'inventaire du 21 avril 1994 indique expressément au n° 32 que Madame o. VL. a remis au notaire, à charge par lui de les remettre à Monsieur TE., divers dossiers et papiers personnels.
En conséquence, Madame p. MO. TI. agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur f. c. TE. MO. lui-même en sa qualité d'héritier, est fondée à obtenir, à charge pour elle d'en rendre compte à la succession, que lui soient remis les biens personnels de Monsieur TE. suivants : une montre type Rolex (n° 85 dans le coffre-fort), un vélo d'appartement (n° 71), un appareil photo (n° 30, page 3), une caméra (n° 99, page 6). Il convient de condamner Madame o. VL. à restituer ces objets dans un délai de un mois à compter de la signification du présent jugement, sous peine en cas d'inexécution d'une astreinte de 20 € par jour de retard. Le surplus de la demande doit en revanche être rejeté.
Enfin, il convient de surseoir à statuer sur la demande de dommages intérêts de Madame p. MO. TI. agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur f. c. TE. MO..
- SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE MADAME VL..
En premier lieu, Madame VL. demande la condamnation de Madame p. MO. TI. agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur f. c. TE. MO., héritier de Monsieur a. TE. et/ou son hoirie à lui payer la somme de 950.000 € correspondant à des prélèvements effectués par Monsieur TE. sur ses fonds propres.
Cependant, les différents documents produits par Madame VL. (acte d'acquisition de 330 parts sociales de la société « L », ainsi que les échanges de courriers entre le conseil de Madame VL. et Maître Crovetto notaire relatifs à la distribution du prix de vente d'éléments de fonds de commerce par la SCS L) ne permettent pas de démontrer qu'elle est titulaire d'une créance certaine.
Il n'appartient pas au tribunal de se substituer à l'intéressée pour expliquer le principe et le montant de sa demande, étant observé au surplus que celle-ci est passée sans aucune explication de 950 millions de lires à 1 million d'euros. Cette demande doit être rejetée.
En second lieu sur les frais de stationnement du navire (28.186 € TTC), aucune facture ni preuve d'un paiement ne sont produites.
Cette demande doit être rejetée.
En dernier lieu sur les dommages et intérêts non réglés (4.573,15 euros), et les frais et dépens avancés (7.964,32 euros + 6.300,53 euros + 12.196 €), dispositions résultant de décisions judiciaires, celles-ci constituent des titres d'ores et déjà exécutoires rendant la demande de Madame o. VL. irrecevable.
Pour le surplus des demandes, il convient de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
Les exigences de l'article 202 du Code de procédure civile ne sont pas réunies, il convient en conséquence de rejeter la demande d'exécution provisoire.
Les dépens seront réservés.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,
ORDONNE la jonction des instances n° 2011/000079 et n° 2013/000061 ;
ÉCARTE des débats les pièces n° 11, 30 et 38 produites par Madame VL. ;
REJETTE le moyen de péremption de l'instance ;
DÉCLARE recevable Madame p. MO. TI. agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur f. c. TE. MO. à reprendre l'instance engagée par Monsieur a. TE., décédé le 3 février 2011 ;
DIT que le régime matrimonial dont relèvent Monsieur a. TE. et Madame VL. est régi par la loi italienne ;
REJETTE les demandes de Madame p. MO. TI. agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur f. c. TE. MO. relatives à la moitié du produit de la vente des parts sociales de la SCI D, et à la moitié de la valeur locative des droits immobiliers situés X à Monaco, actif de la SCI, pour la période allant du 22 juillet 1994 au 16 avril 2003 ;
DIT que la somme de 24.088,43 euros représente la part de Monsieur TE. dans les avoirs bancaires communs ;
ORDONNE la mainlevée de l'immobilisation ordonnée le 25 mars 1994 afin que les fonds soient transférés à Maître Rey, notaire chargé des opérations de partage ;
DIT que l'ensemble des biens inventoriés le 21 avril 1994 constituent des biens communs à l'exception des biens suivants qui sont propres à Madame VL. : le petit bureau style anglais ouvrant, quatre tiroirs devant, dessus cuir (n° 17 de l'inventaire notarial, page 2), une petite table de chevet ronde à trois tiroirs (n° 20 de l'inventaire notarial, page 3), une paire de chevet en marqueterie (n° 45 de l'inventaire notarial, page 4), un meuble acajou avec une vitrine dessus, en dessous trois tiroirs (n° 57 de l'inventaire notarial, page 4), un grand Scriban à filet de cuivre 2 portes en haut, secrétaire au centre, 2 portes en bas (n° 65 de l'inventaire notarial, page 4) et un cendrier sur pied forme chandelier d'église (n° 37 de l'inventaire notarial, page 3) ;
Sur la demande concernant d'une part, les parts sociales de la société L, et d'autre part, les fruits provenant des revenus de Madame VL. en qualité de bénéficiaire du trust constitué par son père, perçus et non consommés :
ORDONNE avant dire droit une expertise confiée à Monsieur I, sis X - 06700 Saint Laurent du Var (France), lequel serment préalablement prêté aux formes de droit, et assisté le cas échéant de tout sapiteur de son choix, aura pour mission de :
- entendre contradictoirement les parties et tous sachants dans le respect de l'article 354 du Code de procédure civile,
- prendre communication de tous documents utiles, au besoin traduits en langue française, et notamment :
l'acte de constitution de la société L et l'acte d'achat par celle-ci du navire « A »,
l'acte de cession de ce navire, les comptes de la société L à la date de cession, et après cette cession si celle-ci a bien eu lieu,
l'acte de constitution du trust créé par Monsieur b. VL. et tous documents relatifs aux versements effectués au bénéfice de Madame VL. du 15 octobre 1983 au 22 juin 1995 ;
tous documents justifiant des placements effectués par Madame VL. du 15 octobre 1983 au 22 juin 1995 ;
l'ensemble des relevés du ou des comptes joints existants aux noms TE. VL. ainsi que de toutes autres comptes détenus pendant cette période par Madame VL. et Monsieur TE. seuls, ce pour la période allant du 15 octobre 1983 au 22 juin 1995 ;
- fournir au tribunal tous les éléments permettant de reconstituer :
l'historique de la société L de sa création à ce jour, en s'appuyant sur tous documents comptables utiles ;
d'évaluer à la date du 22 juin 1995, la valeur de celui-ci s'il n'a pas été cédé ou le montant de la cession si un acte a été régularisé, la valeur actuelle des parts sociales de la société L si elle existe encore, ou leur valeur au jour ou ladite société a été dissoute, ainsi que les bénéficiaires des répartitions des actifs de cette société ; en cas de vente du navire, de rechercher l'identité de la personne ou de la société qui en a perçu le prix ;
- fournir au tribunal tous les éléments permettant de déterminer :
les sommes reçues en espèces, virements ou tout autre forme, par Madame VL. entre le 15 octobre 1983 et le 22 juin 1995 ;
les sommes dépensées pour l'entretien et la vie du ménage en général entre le 15 octobre 1983 et le 22 juin 1995 ;
les sommes non consommées et/ou investies par Madame VL. du 15 octobre 1983 au 22 juin 1995, ce en considération des sommes reçues et des sommes dépensées ;
le montant total des intérêts produits par ces sommes à ce jour en les détaillant année par année ;
- fournir plus généralement tous les éléments techniques permettant au tribunal de statuer sur les demandes précitées ;
- s'expliquer techniquement dans le cadre de ces chefs de mission sur les dires et observations des parties après leur avoir fait part de ses pré-conclusions ;
IMPARTIT à l'expert ainsi commis un délai de HUIT JOURS (8 jours) pour l'acceptation ou le refus de sa mission, ledit délai courant à compter de la réception par lui de la copie de la présente décision qui lui sera adressée par le greffe général ;
DIT qu'en cas d'acceptation de sa mission, ce même expert déposera au greffe général un rapport écrit de ses opérations dans les SIX MOIS (6 mois) du jour où il les aura débutées, à défaut d'avoir pu concilier les parties, ce qu'il lui appartiendra de tenter dans toute la mesure du possible ;
DIT que l'expert dressera un pré-rapport de ses opérations qu'il adressera aux parties en leur laissant un délai suffisant pour y répondre ;
CHARGE Mme Patricia HOARAU, Juge au Tribunal, du contrôle de l'expertise, qui obéira aux dispositions des articles 344 à 368 du Code de procédure civile ;
DIT qu'en cas d'empêchement du juge ainsi commis, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance ;
DIT que les frais d'expertise seront à la charge de Madame p. MO. TI. agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur f. c. TE. MO., bénéficiaire de l'assistance judiciaire ;
CONDAMNE Madame VL. à remettre à Madame p. MO. TI. agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur f. c. TE. MO., héritier de Monsieur a. TE., les biens personnels suivants de ce dernier et repris dans l'inventaire de Maître Aureglia du 21 avril 1994 : une montre type Rolex (n° 85 dans le coffre-fort), un vélo d'appartement (n° 71), un appareil photo (n° 30, page 3), une caméra (n° 99, page 6) ;
Ce dans un délai de un mois à compter de la signification du présent jugement, sous peine en cas d'inexécution d'une astreinte de 20 € par jour de retard.
REJETTE la demande reconventionnelle de Madame o. VL. en restitution de la somme de 950.000 euros, et en paiement des frais de stationnement du navire ;
DÉCLARE irrecevables les demandes de dommages et intérêts non réglés (4.573,15 euros), et de frais et dépens avancés (7.964,32 euros + 6.300,53 euros + 12.196 €) ;
SURSOIT à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise sur le surplus des demandes ;
DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
Réserve les dépens en fin de cause ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Rose-Marie PLAKSINE, Premier Juge, Madame Patricia HOARAU, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 21 JANVIER 2016, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.