Tribunal de première instance, 17 décembre 2015, La Société B. SA et la Société A. c/ Les Sociétés C.

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Abstract🔗

Contrat – Assurance – Sinistre – Indemnisation – Immeuble – Meubles – Perte de loyer – Œuvres d'art

Résumé🔗

La société A. est propriétaire de la Villa X située X1 à Monaco et la société B. est elle propriétaire de la collection d'art se trouvant dans cet immeuble. Elles ont (avec d'autres sociétés) et par l'intermédiaire du courtier E. souscrit auprès de la compagnie C. une assurance couvrant l'immobilier, le mobilier et les œuvres d'art dont les conditions générales Casa Arte et l'Avenant n° 5 sont produits au dossier. Le 5 octobre 2006, un incendie s'est déclenché dans la gaine de l'ascenseur installé dans la villa ayant nécessité l'intervention des pompiers lesquels ont constaté « murs, plafond, mobilier et objets d'art noircis par la fumée » (pièce n° 40 des demanderesses).

L'immeuble a été assuré pour 5.000.000 d'euros ; sa valeur de reconstruction après sinistre a été fixée à 8.200.000 euros selon rapport du 15 novembre 2006, étant précisé que les travaux de la maison venaient juste d'être achevés lorsque l'incendie s'est déclenché. Il n'avait donc pas été assuré à sa valeur réelle, ce qui n'est pas discuté par la société propriétaire du bien qui, par la suite, a continué de l'assurer pour la valeur expertale. Le montant des dégâts est évalué à 1.569.050,77 euros. La compagnie d'assurance à calculé l'indemnité en ajoutant à la valeur du bien la clause de sur assurance prévue à l'Avenant n° 5 soit 6.250.000 euros et appliqué la règle proportionnelle : 1.569.050,77 x 6.250.000 / 8.200.000 = 1.195.922,84 euros dont elle a déduit la franchise contractuelle de 1.250 euros. La société A. demande à être indemnisée à hauteur des dommages subis dès lors qu'ils sont inférieurs à la valeur assurée. Aux termes de l'article 2.8 de la police Casa Arte « comme valeur assurée vaudront les montants tels que mentionnés dans la police sous l'en-tête « base de l'assurance » et ainsi évalués et fixés avec approbation réciproque ». Les parties ont convenu que les dommages seront fixés en concertation mutuelle ou par expert (article 4.2) et que s' « il s'avère que la valeur d'habitation est plus élevée que le montant fixé, le montant assuré fixé à la dernière échéance de la prime pour le règlement des dommages est alors majoré de 25 % » (article 4.4 sur-couverture). L'avenant n° 5 prévoit pour l'immeuble de Monaco un montant assuré de 5.000.000 euros sans plus de précision, il n'y est pas fait référence à une fixation par approbation réciproque et le bien n'a pas fait l'objet d'une expertise avant assurance. Il contient une clause d'indexation permettant de réviser le montant assuré annuellement et en cas de dommages si le montant assuré est inférieur « à la valeur réelle de reconstruction avant les dommages, le montant assuré sera augmenté jusqu'à la valeur réelle de reconstruction mais pas plus de 125 % du dernier montant assuré convenu ». Aux termes de l'article 7 : 958 du Code Civil néerlandais, « Lorsque la somme assurée est inférieure à la valeur servant de base de calcul des dommages, l'indemnisation prévue aux paragraphes 2 et 4 est diminuée à due proportion du rapport entre la somme assurée et la valeur ». Il pose le principe d'application de la règle proportionnelle (semblable au droit français) en cas de sous-assurance constatée au jour du sinistre, ce qui est le cas en l'espèce. En droit néerlandais cette disposition n'est pas d'ordre public et les parties peuvent y déroger. La société A. soutient qu'il en est ainsi dans l'espèce, l'article 2.8 des conditions générales s'analysant en une assurance au premier risque en conséquence de laquelle dans l'hypothèse d'un sinistre partiel l'assureur a accepté de couvrir son assurée dans la limite de la somme garantie. L'article 2.8 de la police Casa Arte ne contient aucune dérogation conventionnelle expresse à l'application de la règle proportionnelle qui gouverne le caractère indemnitaire du droit des assurances dommages de choses. Il ne peut donc pas en être déduit qu'elle s'analyse en une clause de premier risque, ni par interprétation du contrat, que les parties aient entendu lui donner cette valeur. La référence de l'avis du professeur J.H. Wansink n'est pas probante alors qu'il indique que cette clause ne peut pas être interprétée « comme une pure » clause de premier risque. Cet expert estime en revanche qu'il n'y aurait pas eu sous-assurance car les parties auraient convenu d'un commun accord de la valeur du bien, ce qui excluerait l'application de la règle proportionnelle ; or si, comme rappelé ci-dessus, cette évaluation avec approbation réciproque figure à l'article 2.8, elle n'est pas mentionnée dans l'avenant dont les clauses priment, en application du paragraphe « Détermination des priorités » (page 2 de l'avenant). La demande présentée sera en conséquence rejetée.

Le mobilier de la villa X a été assuré pour une valeur de 200.000 euros alors que sa valeur est de 467.658 euros. Les dégâts sont chiffrés à la somme de 130.254,37 euros. Les conditions générales de la police Casa Arte s'appliquent au mobilier dont l'article 2.8. Il n'existe pas de clause de sur couverture (article 4-4) pour le mobilier. L'Avenant n° 5 contient lui pour le mobilier une clause d'indexation semblable à celle afférente à l'immobilier. Si l'article 2.8 des conditions générales fait état d'une fixation de la valeur d'assurance « avec approbation réciproque », cette mention (comme pour l'immeuble) n'est pas reprise dans l'avenant dont les clauses priment. Il ne résulte d'aucune pièce produite au dossier que le montant assuré de 200.000 euros ait été fixé par les parties, le mobilier n'ayant pas fait l'objet d'une expertise. Les documents contractuels, comme pour le bien immobilier, ne contiennent pas de dérogation expresse à l'application de la règle proportionnelle et il n'est produit aucun élément permettant de dire que les parties ont convenu qu'en cas de sinistre le montant des dommages serait intégralement remboursé dès lors qu'il n'est pas supérieur à la valeur assurée. L'évaluation de l'assureur comme suit par application de la clause proportionnelle 130.254,37 x 250.000 / 467.658 = 69.627,19 euros est conforme aux dispositions régissant l'assurance. La demanderesse sera déboutée de sa demande.

Il n'est pas discuté que M. RE. occupait le bien (sans qu'il soit nécessaire de savoir combien de jours par an il y résidait) et qu'il n'était pas loué. Les termes du contrat sont clairs et ne nécessitent pas qu'il soit procédé à leur interprétation. L'indemnisation de la perte de loyers suppose que l'immeuble soit donné en location et le contrat ne laisse pas à l'assuré le choix de l'indemnisation qu'il souhaite recevoir : soit il loue les lieux et il est remboursé de la perte de loyer dans les limites contractuelles, soit il habite le bien assuré et dans cette hypothèse il est remboursé des frais d'hôtel et/ou de pension engagés. La demanderesse ne produit aucune facture d'hôtel ou de pension ; elle sera en conséquence déboutée de ce chef de demande.

Il apparaît nécessaire au regard des documents contraires produits au dossier, d'ordonner une mesure d'expertise afin de rechercher si les œuvres d'art ont perdu leur valeur, laquelle sera confiée à un expert choisi par le Tribunal. Cette mesure d'expertise sera limitée aux œuvres d'art se trouvant dans l'immeuble sinistré et il n'y a pas lieu de l'étendre à celles se trouvant dans d'autres immeubles assurés à l'étranger et n'ayant pas été endommagées. Cette mission se fera par référence à l'article 2.2 du contrat sans que l'évolution globale du marché y soit intégrée pour ne pas être contractuellement prévue. La mesure aura lieu aux frais avancés de la société B..


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

JUGEMENT DU 17 DÉCEMBRE 2015

En la cause de :

  • La société de droit des Iles Vierges Britanniques dénommée « B. SA », dont le siège social se trouve X1 à Tortola (VG 1110) aux Iles Vierges Britanniques, agissant poursuites et diligences de son Administrateur en exercice, la société F. SA, elle-même représentée par son Administrateur M. Edgar RE., domicilié ès-qualités audit siège, propriétaire d'une collection d'art sise à Monaco, la Villa X, X1 ;

  • La société de droit des Iles Vierges Britanniques dénommée « A.. », dont le siège social se trouve X1 à Tortola (VG1110) aux Iles Vierges Britanniques, agissant poursuites et diligences de son Administrateur en exercice, M. Louis RE., domicilié ès-qualités audit siège, propriétaire d'un immeuble sis à Monaco, X1 ;

DEMANDERESSES, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Louis DEGOS, avocat au barreau de Paris,

d'une part ;

Contre :

  • 1 - La société de droit allemand dénommée « C. », immatriculée au registre de commerce de Cologne sous le n° X, dont le siège social se trouve X2 à Cologne en Allemagne, prise en la personne de son Administrateur en exercice y demeurant en cette qualité ;

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Jean-Dominique TOURAILLE, avocat au barreau de Paris,

  • 2 - La société dénommée « C. », prise en son établissement aux Pays-Bas sis X3 aux Pays-Bas, prise en la personne de son administrateur en exercice, y demeurant en cette qualité ;

  • 3 - La société dénommée « C. », prise en son établissement en Belgique, la SA G., agent de souscription dont le siège social se trouve X4 à Bruxelles en Belgique, prise en la personne de son administrateur en exercice, y demeurant en cette qualité ;

DÉFENDERESSES, NON COMPARANTES ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 1er mars 2011, enregistré (n° 2011/000466) ;

Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 7 mars 2013 ayant renvoyé la cause et les parties à l'audience du mercredi 24 avril 2013 ;

Vu les conclusions de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de la société C., en date des 22 mai 2013, 15 janvier et 17 juin 2014, 14 janvier, 10 juin et 22 septembre 2015;

Vu les conclusions de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de B. SA, en date des 5 juillet et 9 octobre 2013, 27 mars 2014, 8 avril et 28 juillet 2015 ;

À l'audience publique du 29 octobre 2015, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 17 décembre 2015 ;

FAITS

La société A. est propriétaire de la Villa X située X1 à MONACO dans laquelle se trouve, outre le mobilier, une collection d'œuvres d'art propriété de la société B. SA.

Ces sociétés, par l'intermédiaire du courtier E., ont souscrit à compter du 11 octobre 2003, un contrat d'assurances CASA ARTE n° 66 0379, couvrant l'immeuble et les œuvres d'art, avec les modifications résultant de l'avenant n° 5 du 25 août 2006, et ce auprès de la société C.

Le 5 octobre 2006 un incendie s'est déclaré dans la villa causant des dommages à l'immeuble et aux biens mobiliers.

Le cabinet H. a été désigné comme expert en exécution de dispositions contractuelles.

La société d'assurances a procédé au versement d'indemnités jugées insuffisantes par les sociétés assurées.

RAPPEL DE PROCÉDURE

Ce Tribunal par jugement du 7 mars 2013 a :

  • « Constaté que la compagnie d'assurances C. a renoncé à son exception d'incompétence territoriale ;

  • Dit que le droit néerlandais régit les règles de prescription du contrat d'assurances conclu entre les parties ;

  • Dit que l'action engagée par les sociétés dénommées B. SA et A. n'est pas prescrite ;

  • Débouté la société C. ou D. de sa demande de dommages- intérêts ;

  • Ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience du MERCREDI 24 AVRIL 2013 à 9 heures et invité la société D. à conclure au fond et à s'expliquer sur sa dénomination ;

  • Réservé les dépens en fin de cause ; »

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Les sociétés B. SA et A. exposent :

  • que la police d'assurance couvrait le risque incendie pour l'immobilier, le mobilier et une collection d'art contre tout risque de dommage matériel ou de perte de valeur ;

  • que les valeurs assurées en vertu de l'avenant n° 5 du 25 août 2006 étaient les suivantes :

    • Villa X : 5.000.000 euros ;

    • mobilier : 200.000 euros ;

    • œuvres d'art dans ladite villa : 37.866.725 euros ;

  • que l'incendie qui s'est déclaré dans la Villa X a généré de grandes quantités de fumée et de suie et que les pompiers ont dû faire usage d'eau et d'additif ;

  • qu'il a causé des dégâts considérables aux biens dont les œuvres d'art et par extension à la collection dans sa totalité, et rendu la villa inhabitable pendant plusieurs mois ;

  • que le 5 juin 2008, la société C. a présenté l'offre d'indemnisation suivante :

    • immeuble : 1.569.050,77 euros ;

    • mobilier : 130.254,37 euros ;

    • art : 208.851,87 euros ;

    • perte de loyers : 1.162.500 euros ;

    • vols supplémentaires : 69.660 euros ;

  • qu'elles n'ont pas acceptée, notamment en raison du caractère lacunaire du poste œuvres d'art ;

  • qu'elles ont sollicité le 31 janvier 2009 une indemnisation à hauteur de 10.698.510,98 euros dont 9.000.000 euros pour la dévalorisation de la collection ;

  • qu'elles ont pris attache avec M. CORCORAN qui a évalué le dommage subi par les œuvres d'art à la somme de 12.264.190 euros (pièce n° 7) ; qu'il a établi un rapport d'expertise complémentaire en août 2014 (pièce n° 37) portant cette somme à 35.729.779 euros à laquelle il convient d'ajouter la perte totale de la valeur de la collection, soit la somme totale de 37.397.009,58 euros ;

font valoir :

  • qu'elles acquiescent, à la demande d'expertise, présentée à titre infiniment subsidiaire par la compagnie d'assurance ;

  • que le rapport de M. M. K. (le cabinet H.) ne saurait lier définitivement les parties en ce que l'avenant n° 5 prévoyant sa désignation a été acceptée dans la méconnaissance de l'existence des liens unissant M. K et la société C. et de l'absence d'indépendance de l'expert ;

  • que M. KOK n'était pas l'expert des assurés mais celui d'la société C. laquelle l'a rémunéré et qu'ils ont même procédé à l'élaboration conjointe de certains projets (pièce n° 18) ;

  • que l'expertise ne s'est pas déroulée dans le respect du contradictoire puisque M. K ne communiquait des éléments aux assurés qu'après l'accord de l'assureur ;

  • qu'ils n'ont demandé sa nomination qu'en raison du fait que le courtier leur avait indiqué qu'il était un expert fréquemment nommé par la société C. dans le domaine des œuvres d'art ;

  • que l'assureur lui a demandé ses réactions concernant le rapport complémentaire de M. CORCORAN (pièce adverse n° 25), que M. K s'est exécuté sans que les concluantes aient été informées ;

  • qu'un expert indépendant n'aurait pas accepté de donner suite à une lettre de mission adressée par une seule des parties, de manière non contradictoire alors qu'une procédure judiciaire est en cours ;

  • que dès lors M. K ou le cabinet H. ne peuvent pas être désignés en qualité d'expert ;

  • que M. K a fait trancher certains points par un avocat de la société C. sur la prétendue sous-assurance et la perte de loyer ;

  • qu'elles sont en droit de contester le rapport d'expertise amiable sauf à être privées de tout recours au juge, alors que la police d'assurance ne l'interdit pas ;

  • que M. K a exclu sans raison l'évaluation de la perte de valeur des toiles endommagées et de la collection ; qu'une collection endommagée par un incendie, puis restaurée n'a pas la même valeur qu'avant le sinistre ;

  • que l'incendie est nécessairement connu des professionnels du marché dont l'une des fonctions est de se tenir informés de l'état des différentes collections ;

  • qu'il existe généralement un lien direct entre l'ancienneté d'une œuvre d'art et l'importance de la perte de valeur résultant de sa restauration ;

  • que l'association américaine des experts, référence mondiale dans le domaine, a publié un ouvrage en 2013 sur l'estimation des œuvres d'art et notamment sur la perte de valeur ; que M. CORCORAN en est un membre éminent et qu'il énonce une position partagée par les plus grands experts selon laquelle et quelle que soit la qualité de la restauration, le marché de l'art en tient compte ;

  • que la limitation de la mesure d'expertise à trois œuvres ne saurait être acceptée et que celle-ci doit s'étendre à l'ensemble des œuvres de la collection ou a minima de celles qui étaient présentes dans la villa ;

  • que la défenderesse ne conteste pas le principe d'une couverture de la perte de valeur et que ce débat est de nature technique et non juridique ;

  • qu'à défaut d'expertise, elles réitèrent leurs demandes pécuniaires ;

  • que la perte de valeur est couverte par le contrat (article 2-1 ; 2-2) ;

  • que lorsqu'une substance salissante s'attache ou se colle à un objet on peut parler de détérioration (pièces n° 42 et n° 43) ;

  • que le dépôt de suie grasse et les conséquences de l'incendie relèvent du champ d'application des articles susvisés ;

  • qu'ainsi que l'indique une étude de la Commission Européenne « Les indemnités de dépréciation constituent une grande partie des indemnités versés par les compagnies d'assurances d'objet d'art » ; que l'affaire Stephen WYNN confirme ce point ;

  • que le rapport Corcoran établit la perte de valeur des œuvres assurées ; que l'évolution du marché de l'art a une incidence sur la valeur d'une œuvre ;

  • qu'appel a été interjeté de la décision du Tribunal de Grande Instance de Paris du 24 mai 2013 ayant condamné le vendeur de l'œuvre de Max Ernst à payer à la société B. la somme de 652.883 euros car ce tableau serait un faux ;

  • qu'en tout état de cause, cet argument n'est pas valable puisque seule importe la différence de valeur avant et après la restauration ;

  • qu'il existe une perte de valeur de la réputation de la collection ;

  • que c'est la société C. qui a informé la maison de vente Sotheby's de l'incendie (pièces n° 28 et n° 29) ;

  • que la villa X était le domicile de la famille RE. qui a le statut de résident privilégié qui n'est accordé qu'aux personnes ayant résidé six mois par an à Monaco au cours des dix années précédentes ;

  • que l'incendie a rendu la maison inhabitable pendant sept mois et demi et que la valeur locative de la villa est de 155.000 euros

  • que l'article 2.2.1 des conditions générales n'impose pas que l'immeuble soit effectivement loué ;

  • qu'à supposer que cette stipulation manque de précision, il faudrait se reporter aux règles néerlandaises d'interprétation des contrats qui préconisent une méthode objective ;

  • que les clauses d'assurances prévoient généralement une indemnisation lorsque le propriétaire réside dans l'immeuble ;

  • que la référence à l'article 7 : 960 du Code Civil néerlandais est sans pertinence alors que du fait de l'incendie, la société A. a été privée de la jouissance de son bien ;

  • qu'à la lecture de la première phrase de l'article 2.8 du contrat, l'assuré peut obtenir une indemnisation à hauteur des montants mentionnés dans la police, ce qui exclut l'application de la règle proportionnelle ;

  • que la référence à des valeurs fixées par accord entre les parties est assimilable à une clause de premier risque (pièce n° 31) ;

  • que l'application de cette clause ne peut pas être entravée par l'article 7:958 alinéa 5 qui n'est pas d'ordre public, les parties pouvant renoncer à la règle proportionnelle ;

  • que les mécanismes de la sous-assurance et de la règle proportionnelle ont été écartés par la clause de premier risque ; que la clause d'indexation contenue dans l'Avenant n° 5 n'est pas en contradiction avec ce qui précède ;

  • que le montant des dégâts subis par la Villa et son mobilier n'excèdent pas la valeur assurée et que l'indemnisation doit être totale ;

  • qu'il n'y a pas de distinction entre les biens assurés faisant l'objet d'un rapport d'expertise et les autres qui seraient exclus de la clause de premier risque ;

  • que la société A. avait intérêt à assurer la Villa à hauteur de sa valeur sans minoration ;

  • que rien ne permet de dire que l'habitation et le mobilier étaient assurés en valeur déclarée ;

  • que M. RE. a utilisé son jet privé à plusieurs reprises pour venir à Monaco avec ses fournisseurs ou architectes ;

concluent :

  • à une mesure d'expertise aux frais avancés de la compagnie d'assurance ;

  • à défaut, à la condamnation de la société C. à leur verser les sommes de :

    • 1.667.230,58 euros outre les intérêts au taux légal qu'elle reste leur devoir suite à l'offre de règlement du 5 juin 2008 ;

    • 35.729.779 euros outre intérêts au taux légal au titre de la perte de valeur totale de la collection d'art ; 100.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles 234 in fine du Code de Procédure Civile et 1229 du Code Civil ;

  • du débouté de la société C. ;

La société C. expose :

  • que les demanderesses, par l'intermédiaire du courtier E., ont souscrit un contrat d'assurance de dommage (C. Casa Arte n° 660379) entré en vigueur le 11 octobre 2003, composé de conditions générales et complémentaires ainsi que l'avenant n° 5 du 25 août 2006 ;

  • que les parties avaient convenu qu'en cas de sinistre l'expertise serait réalisée par le cabinet H. (M. M. K.) ;

  • que l'incendie du 5 octobre 2006 a causé certains dommages à l'immeuble, au mobilier et aux œuvres d'art essentiellement en raison de la propagation de fumées mais qu'aucune œuvre d'art n'a été détruite ;

  • qu'elle a procédé au règlement d'un montant total de 1.695.928,74 euros ; qu'elle a le 27 novembre 2008 offert de verser à titre transactionnel une somme additionnelle de 300.000 euros (pièce n° 6) qui a été rejetée ;

fait valoir :

  • sur l'étendue de la couverture :

    • que l'étendue de la couverture est définie par l'article 2 des conditions générales, lesquelles ont été communiquées le 29 juillet 2004 (pièce n° 12) ;

    • qu'elle a indemnisé l'ensemble des dommages matériels dont 208.851,87 euros au titre de la restauration des œuvres d'art ;

    • qu'il existe deux méthodes d'évaluation des biens assurés :

      • la valeur agréée ;

      • la valeur déclarée ;

    • qu'en application de l'article 2.8, les biens expertisés sont assurés en valeur agréée et les autres biens en valeur déclarée ; qu'en conséquence et en l'absence d'expertise, les montant assurés pour l'immeuble et les biens associés l'ont été en valeur déclarée ;

    • que les dispositions de l'article 4.4 intitulé « Sur couverture » montrent que l'article 2.8 ne peut pas s'interpréter différemment ; que cette disposition destinée à atténuer les effets de la règle proportionnelle ne peut se comprendre que si l'habitation et le mobilier étaient bien mentionnés en valeur déclarée ;

    • que l'avenant n° 5 contient une clause de sur-couverture qui permet de prendre en compte l'éventuelle différence entre la valeur assurée et la valeur réelle de reconstruction ou à neuf ;

    • que les assurées, au moment de l'expertise Troostwijk du 15 novembre 2006, ont admis que le montant de 5.000.000 euros n'était pas une valeur agréée, que dans le cas contraire l'expertise aurait été dépourvue d'intérêt en l'absence de destruction totale du bâtiment ;

    • que la valeur de l'immeuble était supérieure à la valeur assurée et que la référence a été portée de 5.000.000 euros à 6.250.000 euros ; qu'il en était de même pour le mobilier dont la valeur a été portée de 200.000 à 250.000 euros ;

    • que la police d'assurances couvre « l'éventuelle différence en valeur tout juste avant et tout juste après la restauration / réparation » ; que cette différence ne porte donc que sur les œuvres ayant fait l'objet d'une restauration laissant subsister des dommages permanents et irréparables ;

    • que d'ailleurs le décompte établie par la société E. le 29 mai 2008, ne contient aucune réclamation pour la dépréciation (pièce adverse n° 3) ;

    • qu'à fortiori la police ne couvre pas les réclamations relatives aux œuvres d'art ne se trouvant pas dans la Villa X au moment du sinistre et n'étant pas assurées en ce lieu ;

    • que la règle proportionnelle en cas de sous-assurance est énoncée par l'article 7:958 du Code Civil hollandais ; qu'elle permet (dès lors qu'elle n'a pas été écartée par le contrat) à l'assureur d'imposer à l'assuré une réduction du montant de l'indemnité de sinistre dans une proportion analogue à celle de l'insuffisance d'assurance, l'assuré étant considéré comme restant son propre assureur pour l'excèdent ;

    • que le calcul s'opère par l'application d'une règle de trois :

      • indemnité = dommage x valeur assurée / valeur qui aurait dû être assurée ;

    • que l'affirmation des demanderesses selon laquelle et par application de l'article 2.8, il s'agirait d'une clause de premier risque permettant d'écarter la règle proportionnelle est contredite par la consultation du Professeur Wansink (pièce adverse n° 45) ;

    • que la clause de premier risque permet à l'assureur, en cas de sinistre partiel, de couvrir intégralement son assuré dans la limite de la somme garantie ; qu'il s'agit d'un plafond maximum ;

    • que la clause de sur-assurance incluse dans l'avenant n° 5 n'aurait pas de sens si l'article 2.8 était une clause de premier risque, car dans une telle hypothèse, les parties ne procèdent pas à une évaluation de la valeur réelle de la reconstruction avant les dommages ;

    • que le cabinet Van Benthem & Keumen cite plusieurs hypothèses d'utilisation de la clause de premier risque lesquelles ne correspondent pas au cas d'espèce ;

    • que l'article 4.4 de la police prévoyant une majoration des dommages est propre à la règle proportionnelle, majoration qui concerne les bâtiments et le mobilier preuve que l'on se trouve bien en présence de valeur déclarée ;

    • qu'elle n'aurait jamais accepté d'assurer le bien en valeur agréée sans rapport d'expertise ;

  • sur la mise en œuvre de l'expertise :

    • que l'Avenant n° 5 contient une clause de mise en œuvre d'une expertise amiable et que M. RE. a expressément demandé la désignation de M. K lequel n'a agi ni en qualité d'expert de l'assuré, ni de l'assureur mais d'expert unique désigné conjointement ;

    • qu'en cours d'expertise les demanderesses n'ont émis aucune critique et/ou remarque sur les qualités de l'expert ;

    • que l'expert de dommages est classiquement rémunéré par l'assureur ;

    • que l'article de presse concerne la société C. et le cabinet H. ; que l'existence des liens entre la société C. et H. étaient connue des assurés ;

    • que c'est à la suite d'une maladresse que M. K s'est présenté comme représentant des assureurs ;

    • que l'expertise s'est déroulée au contradictoire des parties ;

    • que dans le cadre de la mission il est d'usage que l'expert calcule le montant de la sous assurance ; qu'à l'époque de la consultation de Maître STADERMANN, celui-ci n'était pas l'avocat de la concluante ;

    • que l'expert a évalué le dommage comme suite :

      • immobilier : 1.569.050,77 euros ;

      • mobilier : 130.254,37 euros ;

      • frais de restauration des œuvres d'art : 208.851,87 euros ;

    • qu'il a conclu à l'absence de perte de valeur des tableaux au vu de la qualité de la restauration ; que certains des tableaux n'étaient pas en parfais état avant l'incendie ;

    • qu'elle a procédé à l'indemnisation dans les limites des prévisions contractuelles et réglé un montant total de 1.695.928,74 euros, comprenant notamment les indemnisations suivantes :

      • 1.194.607,37 euros en réparation des dommages à l'immeuble, selon le calcul suivant :

        • montant assuré après application de la clause de sur-assurance : 6.250.000 euros,

        • montant global des dégâts : 1.569.050,77 euros,

      • en application de la règle proportionnelle :

        • 1.569.050,77 x 6.250.000 / 8.200.000 = 1.195.922,84 euros,

        • 1.195.922,84 euros - 1.250 euros (franchise contractuelle) = 1.194.672,84 euros ;

        • 69.627,19 euros en réparation des dommages au mobilier, selon le calcul suivant :

          • montant assuré après application de la clause de sur-assurance : 250.000 euros,

          • montant global des dégâts : 130.254,37 euros,

      • en application de la règle proportionnelle : 130.254,37 x 250.000 / 467.658 = 69.627,19 euros ;

      • De ce montant, une somme de 31.280,40 euros fut versée par l'intermédiaire du courtier, la société E.. Le solde a été payé par la société C. ;

      • 208.851,87 euros pour les frais de nettoyage et restauration des œuvres d'art ;

      • 222.842,31 euros directement réglés à la société Belfor pour des prestations d'intervention sur les lieux après la survenance de l'incendie.

    • que la police Casa Arte n'indemnise la perte de loyer qu'en cas de sinistre touchant un immeuble loué ; que la Villa X n'était pas louée et que M. RE. n'y résidait que quelques jours par mois ;

    • que la société A. Financial, propriétaire de l'immeuble, ne peut pas réclamer de perte de loyer ; que la référence à la valeur de la location de l'habitat de l'article 2.2 de la police se justifie s'agissant de la seule base d'évaluation pertinente de la perte de loyer ;

    • que si l'assuré occupe l'immeuble et que celui-ci devient inhabitable du fait du sinistre, l'assureur prend alors en charge les frais de logement temporaire à l'hôtel ;

    • que la police n'indemnise que le préjudice effectivement subi ce qui est conforme au droit des assurances néerlandais et plus généralement au droit de ce pays (articles 9:960 et 6:95) ;

    • que le standard NBUG s'applique au risque industriel et qu'il ne contient aucune indemnisation des frais d'hôtel ;

    • que les frais de transport en jet ne sont pas couverts et que ce n'est que dans un cadre transactionnel qu'elle avait proposé de régler 300.000 euros ;

  • sur la demande d'indemnisation relative aux œuvres d'art :

    • qu'elle n'a jamais été invitée à participer aux réunions d'expertise de M. Corcoran dont elle ignorait qu'il avait été mandaté par M. RE. ;

    • que peut seule être indemnisée la perte de valeur subie par un bien en dépit d'une restauration ou d'une réparation ;

    • que plusieurs œuvres n'ont nécessité qu'un simple nettoyage sans diminution de valeur ;

    • que l'extrait d'un article du Professeur Wansink (pièce adverse n° 43) concerne l'hypothèse d'une souillure indélébile, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

    • que la valeur de référence est nécessairement celle qui a été agréée entre les parties sur la base de la devise initiale ; qu'une éventuelle baisse du marché de l'art n'aurait aucune conséquence sur le montant en valeur de la dépréciation ;

    • que certaines des œuvres avaient fait l'objet de plusieurs restaurations critiquables alors que M. Corcoran a fondé ses travaux sur le principe selon lequel les objets se trouvaient en bon état ;

    • que la concluante a accepté de prendre en charge les frais de restauration du tableau de Dali alors que celui-ci ne figurait pas dans la liste des œuvres assurées dans la villa X ;

    • qu'il n'est pas anormal de retrouver des traces de « saleté » aux joints du stabile de Calder ;

    • que la restauration effectuée par Mme Boevé est d'excellente qualité et que dans certains cas, l'œuvre se trouve en meilleur état ; qu'en l'absence de tout dommage effectivement constaté à la substance des œuvres, aucune indemnisation ne peut être réclamée ;

    • qu'il n'existe aucun consensus sur le fait qu'une œuvre d'art ayant fait l'objet d'une restauration après sinistre, enregistre nécessairement une perte de valeur ;

    • que cette évaluation portée par M. Corcoran à 50 % dans son dernier rapport décrédibilise l'ensemble de son travail ;

    • que les évolutions postérieures du marché global de l'art ne peuvent pas influer sur la valeur assurée, ni sur le montant / pourcentage de dépréciation qui est calculé en fonction de l'ampleur du dommage, des caractéristiques de l'œuvre et de son état au moment du sinistre ;

    • que la pièce adverse n° 44 n'a pas de signification particulière et ne présente pas d'intérêt dans le litige alors que la police Casa Arte ne couvre pas les évolutions futures d'un marché, sans lien avec le sinistre ;

    • que l'assuré a récupéré les œuvres fin 2007 / début 2008 ;

    • que le raisonnement de M. Corcoran conduirait à indemniser non une perte de valeur mais l'éventuel gain manqué par l'assuré en rapport avec les fluctuations ultérieures du marché, ce qui n'est pas l'objet du contrat ;

    • que la société B. a vendu en juin 2008, six tableaux et réalisé un gain de 6.600.000 USD par rapport aux valeurs agréées mais qu'il réclame cependant une perte totale de 12.300.000 euros pour elles, soit une somme supérieure au montant assuré ;

    • que le tableau « Le Rêve » de Picasso avait subi un dégât majeur sans commune mesure avec le cas d'espèce ; que l'indemnisation a été versée à la suite d'un accord et non d'une décision de justice ;

    • que le Docteur Paul J. Cardile ne retient pas nécessairement une dépréciation de l'œuvre en cas de dommage ;

    • que la mauvaise foi des demanderesses s'illustre particulièrement dans la réclamation fournie pour l'œuvre de Max Ernst intitulée « Tremblement de Terre » pour une perte de valeur de 53 % alors que le Tribunal de Nanterre a condamné M. De La Béraudiere et M. Spies à payer à M. RE. la somme de 652.883 euros car il s'agirait d'un faux ;

    • que la demande d'indemnisation de la perte de valeur de réputation de toute la collection n'est pas pertinente alors que la police Casa Arte ne concerne que les œuvres se trouvant dans la villa X ;

    • que ce n'est pas elle qui a informé la maison Sotheby's du sinistre ;

    • que la demande présentée au titre des dommages résiduels potentiels en raison de l'exposition aux dégagements toxiques liés à l'incendie, ne pourra pas être retenue ;

    • que la perte d'usage et de jouissance d'œuvre n'est pas couverte, pas plus que la perte de possibilité de vendre les œuvres sur le marché avec des marges importantes pendant la période de treize mois durant laquelle elles ne se trouvaient pas dans la Villa ;

    • que cette réclamation est contraire aux principes d'indemnisation du droit hollandais ;

    • qu'elle n'est pas opposée à titre subsidiaire à une mesure d'expertise mais qu'il doit être préalablement statué sur les questions de droit soumises au Tribunal ;

    • que le cabinet H. devrait être désigné ;

conclut :

  • à titre principal :

    • que l'expertise du cabinet H. s'impose aux parties et au débouté des demanderesses ;

  • à titre subsidiaire :

    • au caractère non contradictoire du rapport Corcoran, à l'absence de preuve de la perte de valeur des œuvres d'art et au débouté ;

  • à titre très subsidiaire :

    • au rejet des demandes portant sur un complément d'indemnité au titre des dommages subis par l'immeuble, les biens mobiliers, sur la perte de loyer et sur de prétendus dommages immatériels ;

    • à une mesure d'expertise des œuvres endommagées confiée au cabinet H. et à défaut tel expert désigné par le Tribunal ;

    • à la condamnation in solidum des demanderesses à lui payer la somme de 100.000 euros sur le fondement des articles 234 in fine du Code de Procédure Civile et 1229 du Code Civil ;

SUR QUOI LE TRIBUNAL :

La société A. est propriétaire de la Villa X située X1 à Monaco et la société B. est elle propriétaire de la collection d'art se trouvant dans cet immeuble.

Elles ont (avec d'autres sociétés) et par l'intermédiaire du courtier E. souscrit auprès de la compagnie C. une assurance couvrant l'immobilier, le mobilier et les œuvres d'art dont les conditions générales Casa Arte et l'Avenant n° 5 sont produits au dossier.

Les montants assurés étaient les suivants :

  • villa X : 5.000.000 euros,

  • mobilier : 200.000 euros,

  • œuvres d'art : 37.866.728 euros,

Le 5 octobre 2006, un incendie s'est déclenché dans la gaine de l'ascenseur installé dans la villa ayant nécessité l'intervention des pompiers lesquels ont constaté « murs, plafond, mobilier et objets d'art noircis par la fumée » (pièce n° 40 des demanderesses).

En application de l'Avenant n° 5 l'expertise des dommages a été confiée à « le cabinet H. (M. M. K.) » qui suivant le rapport du 21 mai 2008 les a évalués comme suit :

  • immeuble : 1.569.050,77 euros TVA comprise,

  • mobilier : 130.254,37 euros,

  • coût de restauration des œuvres d'art : 208.851,87 euros,

Les offres transactionnelles formées par la compagnie d'assurance n'ayant pas été acceptées, celle-ci a versé après application de la règle proportionnelle et déduction de la franchise (immeuble) les sommes suivantes aux assurées :

  • immeuble : 1.194.672,84 euros

  • mobilier : 69.627,19 euros

  • outre 208.851,87 euros pour les frais de nettoyage et restauration des œuvres d'art et le paiement directement à la société Belfor de la somme de 222.842,31 euros pour les frais d'intervention sur les lieux après la survenance de l'incendie.

  • Sur l'indemnité due au titre des dommages affectant l'immeuble :

L'immeuble a été assuré pour 5.000.000 d'euros ; sa valeur de reconstruction après sinistre a été fixée à 8.200.000 euros selon rapport du 15 novembre 2006, étant précisé que les travaux de la maison venaient juste d'être achevés lorsque l'incendie s'est déclenché.

Il n'avait donc pas été assuré à sa valeur réelle, ce qui n'est pas discuté par la société propriétaire du bien qui, par la suite, a continué de l'assurer pour la valeur expertale.

Le montant des dégâts est évalué à 1.569.050,77 euros.

La compagnie d'assurance à calculé l'indemnité en ajoutant à la valeur du bien la clause de sur assurance prévue à l'Avenant n° 5 soit 6.250.000 euros et appliqué la règle proportionnelle :

  • 1.569.050,77 x 6.250.000 / 8.200.000 = 1.195.922,84 euros dont elle a déduit la franchise contractuelle de 1.250 euros.

La société A. demande à être indemnisée à hauteur des dommages subis dès lors qu'ils sont inférieurs à la valeur assurée.

Aux termes de l'article 2.8 de la police Casa Arte « comme valeur assurée vaudront les montants tels que mentionnés dans la police sous l'en-tête « base de l'assurance » et ainsi évalués et fixés avec approbation réciproque ».

Les parties ont convenu que les dommages seront fixés en concertation mutuelle ou par expert (article 4.2) et que s' « il s'avère que la valeur d'habitation est plus élevée que le montant fixé, le montant assuré fixé à la dernière échéance de la prime pour le règlement des dommages est alors majoré de 25 % » (article 4.4 sur-couverture).

L'avenant n° 5 prévoit pour l'immeuble de Monaco un montant assuré de 5.000.000 euros sans plus de précision, il n'y est pas fait référence à une fixation par approbation réciproque et le bien n'a pas fait l'objet d'une expertise avant assurance.

Il contient une clause d'indexation permettant de réviser le montant assuré annuellement et en cas de dommages si le montant assuré est inférieur « à la valeur réelle de reconstruction avant les dommages, le montant assuré sera augmenté jusqu'à la valeur réelle de reconstruction mais pas plus de 125 % du dernier montant assuré convenu ».

Aux termes de l'article 7 : 958 du Code Civil néerlandais, « Lorsque la somme assurée est inférieure à la valeur servant de base de calcul des dommages, l'indemnisation prévue aux paragraphes 2 et 4 est diminuée à due proportion du rapport entre la somme assurée et la valeur ».

Il pose le principe d'application de la règle proportionnelle (semblable au droit français) en cas de sous-assurance constatée au jour du sinistre, ce qui est le cas en l'espèce.

En droit néerlandais cette disposition n'est pas d'ordre public et les parties peuvent y déroger.

La société A. soutient qu'il en est ainsi dans l'espèce, l'article 2.8 des conditions générales s'analysant en une assurance au premier risque en conséquence de laquelle dans l'hypothèse d'un sinistre partiel l'assureur a accepté de couvrir son assurée dans la limite de la somme garantie.

L'article 2.8 de la police Casa Arte ne contient aucune dérogation conventionnelle expresse à l'application de la règle proportionnelle qui gouverne le caractère indemnitaire du droit des assurances dommages de choses.

Il ne peut donc pas en être déduit qu'elle s'analyse en une clause de premier risque, ni par interprétation du contrat, que les parties aient entendu lui donner cette valeur.

La référence de l'avis du professeur J. H. Wansink n'est pas probante alors qu'il indique que cette clause ne peut pas être interprétée « comme une pure » clause de premier risque.

Cet expert estime en revanche qu'il n'y aurait pas eu sous-assurance car les parties auraient convenu d'un commun accord de la valeur du bien, ce qui excluerait l'application de la règle proportionnelle ; or si, comme rappelé ci-dessus, cette évaluation avec approbation réciproque figure à l'article 2.8, elle n'est pas mentionnée dans l'avenant dont les clauses priment, en application du paragraphe « Détermination des priorités » (page 2 de l'avenant).

La demande présentée sera en conséquence rejetée.

  • Sur l'indemnité due au titre des dommages affectant le mobilier :

Le mobilier de la villa X a été assuré pour une valeur de 200.000 euros alors que sa valeur est de 467.658 euros.

Les dégâts sont chiffrés à la somme de 130.254,37 euros.

Les conditions générales de la police Casa Arte s'appliquent au mobilier dont l'article 2.8.

Il n'existe pas de clause de sur couverture (article 4-4) pour le mobilier.

L'Avenant n° 5 contient lui pour le mobilier une clause d'indexation semblable à celle afférente à l'immobilier.

Si l'article 2.8 des conditions générales fait état d'une fixation de la valeur d'assurance « avec approbation réciproque », cette mention (comme pour l'immeuble) n'est pas reprise dans l'avenant dont les clauses priment.

Il ne résulte d'aucune pièce produite au dossier que le montant assuré de 200.000 euros ait été fixé par les parties, le mobilier n'ayant pas fait l'objet d'une expertise.

Les documents contractuels, comme pour le bien immobilier, ne contiennent pas de dérogation expresse à l'application de la règle proportionnelle et il n'est produit aucun élément permettant de dire que les parties ont convenu qu'en cas de sinistre le montant des dommages serait intégralement remboursé dès lors qu'il n'est pas supérieur à la valeur assurée.

L'évaluation de l'assureur comme suit par application de la clause proportionnelle 130.254,37 x 250.000 / 467.658 = 69.627,19 euros est conforme aux dispositions régissant l'assurance.

La demanderesse sera déboutée de sa demande.

  • Sur l'indemnisation de la perte de loyer :

L'offre transactionnelle faite par l'assureur n'a pas été acceptée et celui-ci ne la maintient plus.

Aux termes de l'article 2.2 des conditions générales l'assureur indemnise dans un maximum de 20 % du montant assuré :

  • « la perte de loyer sur la base de la valeur de location de l'habitat »

  • « coûts d'hôtel et/ou de pension si l'assuré utilise lui-même l'habitat et que les coûts supplémentaires sont une conséquence d'un évènement couvert ».

Il n'est pas discuté que M. RE. occupait le bien (sans qu'il soit nécessaire de savoir combien de jours par an il y résidait) et qu'il n'était pas loué.

Les termes du contrat sont clairs et ne nécessitent pas qu'il soit procédé à leur interprétation.

L'indemnisation de la perte de loyers suppose que l'immeuble soit donné en location et le contrat ne laisse pas à l'assuré le choix de l'indemnisation qu'il souhaite recevoir :

  • soit il loue les lieux et il est remboursé de la perte de loyer dans les limites contractuelles,

  • soit il habite le bien assuré et dans cette hypothèse il est remboursé des frais d'hôtel et/ou de pension engagés.

La demanderesse ne produit aucune facture d'hôtel ou de pension ; elle sera en conséquence déboutée de ce chef de demande.

  • Sur les coûts de transport :

L'offre transactionnelle non acceptée a été, comme pour l'indemnité locative, retirée par la défenderesse.

Ces frais de transport personnels de M. RE. par avion ne sont pas couverts par la police Casa Arte et il ne peut être fait droit à la demande de prise en charge de ceux-ci.

  • Sur les œuvres d'art :

Les conditions générales Casa Arte du contrat d'assurances couvrent au titre du risque incendie les œuvres d'art.

La liste des œuvres assurées à ce titre dans la villa X est annexée à l'Avenant n° 5 avec pour chacune d'elle le montant assuré suivant valeur fixée à dire d'expert pour un montant total de 37.866.728 euros.

Il est prévu au paragraphe « Expertise des dommages » de cet avenant que « le cabinet H. (M. M. K.) est désigné l'unique expert de dommages à moins qu'une des parties ait des raisons qui lui sont propres pour en dévier ».

Dans le cadre des négociations préalables à la souscription des contrats M. RE. avait spécialement demandé que M. M. K. agisse en qualité d'expert et qu'en cas de refus de l'assureur il « le désignera toujours comme contre expert » (pièce n° 10).

M. K a effectivement été chargé de l'expertise et ne retient aucune perte de valeur des tableaux restaurés.

À la suite de l'incendie de la suie s'est déposée sur les œuvres d'art qui ont été consignées auprès de Helicon, laquelle a procédé au nettoyage de dessins, aquarelles et objets d'art.

La restauration, des peintures, à la demande de M. RE., a été confiée à Mme g. BO.

Le contrat d'assurance ne prévoit pas que l'expert agisse en qualité d'arbitre, les parties peuvent valablement discuter les conclusions de l'expertise et solliciter en cas de désaccord une mesure d'instruction, sans qu'il soit besoin d'analyser si M. K (dont la désignation dans la police avait été demandée par l'assuré et dont on peut penser que sa qualité de collectionneur lui permettait de disposer de toute information utile notamment sur ses liens éventuels avec des compagnies d'assurance) ait été ou non un expert impartial.

Le rapport établi par M. Corcoran n'est pas contradictoire, ce professeur ayant été unilatéralement missionné par les demanderesses.

Monaco Art a successivement évalué la dévalorisation de sa collection à :

  • 9.000.000 euros (courrier du 31 janvier 2009),

  • 12.264.190 euros (pièce n° 7),

  • 35.729.779 euros (pièce n° 37 bis),

M. James I. W. CORCORAN retient :

  • les dommages permanents,

  • les dommages de restauration,

  • les dommages de réputation,

  • les dommages à long terme résiduels,

  • la perte de valeur d'usage et de jouissance,

  • la valeur des pertes d'opportunités de marché.

La police d'assurance couvre :

  • tout dommage matériel causé aux objets assurés survenu pendant la période d'assurance notamment l'endommagement (2.1),

  • leur diminution de valeur définie comme suit « l'éventuelle différence en valeur tout juste avant et après la restauration / réparation » (2.2),

  • outre la clause de restauration, les coûts de transport ;

Il apparaît nécessaire au regard des documents contraires produits au dossier, d'ordonner une mesure d'expertise afin de rechercher si les œuvres d'art ont perdu leur valeur, laquelle sera confiée à un expert choisi par le Tribunal.

Cette mesure d'expertise sera limitée aux œuvres d'art se trouvant dans l'immeuble sinistré et il n'y a pas lieu de l'étendre à celles se trouvant dans d'autres immeubles assurés à l'étranger et n'ayant pas été endommagées.

Cette mission se fera par référence à l'article 2.2 du contrat sans que l'évolution globale du marché y soit intégrée pour ne pas être contractuellement prévue.

La mesure aura lieu aux frais avancés de la société B..

  • Sur les demandes de dommages et intérêts et les dépens :

Il sera sursis à statuer sur ces demandes jusqu'en fin de cause et les dépens seront réservés.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

  • Déboute les sociétés A. et B. de leurs demandes de paiement d'une indemnité complémentaire au titre des dommages affectant l'immeuble et le mobilier, de leurs demandes d'indemnisation de la perte de loyer et de remboursement des coûts de transport ;

  • Avant dire droit sur les demandes d'indemnisation de la perte de valeur de la collection d'œuvres d'art ;

  • Ordonne une mesure d'expertise confiée à M. Gilles PERRAULT, 4 rue de la Paix, 75002 Paris (France), avec mission dans le respect des dispositions des articles 354 et suivants du Code de Procédure Civile :

    • d'entendre contradictoirement les parties et tous sachants ;

    • de prendre communication de tous documents utiles et plus particulièrement :

      • les conditions générales de la police d'assurance Casa Arte et l'Avenant n° 5 comprenant la liste des œuvres d'art assurées se trouvant dans la Villa X,

      • les photographies, documents, avis etc. établis par Mme Gwendolyn Boevé,

      • le « rapport » Helion,

      • le rapport de M. M. K.,

      • les rapports CORCORAN,

    • de dresser la liste des œuvres d'art assurées et se trouvant dans la villa X au jour de l'incendie ;

    • de se faire communiquer tous documents permettant de déterminer le lieu où se trouvent les œuvres à la date de l'expertise ;

    • de procéder à l'examen et à la description de ces œuvres ; de dire leur état et de dresser la liste de celles qui ont été endommagées lors de l'incendie en apportant toute explication technique nécessaire sur la nature et l'étendue des dommages ;

    • d'apporter toute précision utile sur les « nettoyages » ou restaurations pratiquées ;

    • de dire si ces œuvres présentent, après restauration et / ou nettoyage, des dommages permanents,

    • dans l'affirmation les décrire,

    • de dire si après nettoyage et / ou restauration, ces œuvres ont perdu de leur valeur ;

    • dans l'hypothèse d'un dommage permanent des œuvres ou de certaines d'entre elles et de perte de valeur, fournir au Tribunal les éléments permettant de fixer :

      • les dommages permanents,

      • la perte de valeur,

    • par référence à l'article 2.2 du contrat ;

    • de fournir au Tribunal les éléments techniques et de faits le nécessaire à la solution du litige ;

  • Impartit à l'expert ainsi commis un délai de SIX JOURS pour l'acceptation ou le refus de sa mission, ledit délai courant à compter de la réception par lui de la copie de la présente décision qui lui sera adressée par le Greffe Général ;

  • Dit que l'expert devra, avant de remettre son rapport définitif, déposer un pré-rapport qui sera notifié aux parties, en leur laissant un délai raisonnable pour formuler toutes observations utiles ;

  • Dit qu'en cas d'acceptation de sa mission, le même expert déposera au Greffe Général un rapport écrit de ses opérations dans les SIX MOIS du jour où il les aura débutées, à défaut d'avoir pu concilier les parties, ce qu'il lui appartiendra de tenter dans toute la mesure du possible ;

  • Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance ;

  • Ordonne que les frais d'expertise seront avancés par la société B. qui sera tenue de verser une provision à l'expert ;

  • Charge Mme Patricia HOARAU, Juge au siège, du contrôle de l'expertise et dit qu'en cas d'empêchement de ce magistrat, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance ;

  • Dit que l'affaire sera rappelée après dépôt du rapport d'expertise, à la première audience utile du Tribunal, à la diligence du greffe des expertises qui en avisera les parties par lettre simple, sans qu'il y ait lieu à nouvelle assignation ;

  • Sursoit à statuer sur les demandes de dommages et intérêts ;

  • Réserve les dépens en fin de cause ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Patricia HOARAU, Juge, Madame Aline BROUSSE, Juge, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 17 DÉCEMBRE 2015, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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