Tribunal de première instance, 3 décembre 2015, Mme m-c. BI. veuve BU. c/ M. d-a. BU. et la Société A. (Monaco) S.A.

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Abstract🔗

Désistement d'instance et d'action – Effets

Résumé🔗

Le désistement d'instance et d'action exprimé dans ses conclusions en date du 13 mai 2015 par m-c. BI. Veuve BU. à l'encontre de la société A. SA répond aux exigences de l'article 410 du Code de procédure civile dans la mesure notamment où il est accompagné de la procuration spéciale donnée à cet effet par celle-ci à son avocat-défenseur. Ayant été expressément accepté dans les mêmes formes par la défenderesse, il y a lieu de déclarer ledit désistement parfait et de dire, conformément à l'article 412 du Code de procédure civile, qu'il emportera de plein droit consentement que les choses soient remises en l'état où elles auraient été s'il n'y avait pas eu de demande. Les parties, au titre des conséquences du désistement, souhaitent que chacune d'elle conserve la charge des frais et dépens qu'elle a exposés dans le cadre de la présente procédure, dérogeant ainsi à la règle posée par l'alinéa 2 de l'article 412 du Code de procédure civile. Dès lors qu'il leur est loisible de s'écarter des dispositions non impératives de ce texte, il convient de prendre acte de leur accord sur ce point et de dire que chacune d'elle conservera à sa charge ses frais et dépens. À défaut de succombance de l'une ou l'autre des parties au sens de l'article 231 du Code de procédure civile, aucune distraction au profit des avocat-défenseurs de la cause, ne sera prononcée.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

JUGEMENT DU 3 DÉCEMBRE 2015

En la cause de :

  • Mme m-c. BI. veuve BU., née le 6 décembre 1938 à Boulogne-Billancourt (France), de nationalité britannique, Consul Général de la République de Saint-Marin à Monaco, domiciliée X à Monaco, et actuellement X 1659 - Vaud (Suisse),

DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

  • 1. M. d-a. BU., né le 17 avril 1968 à Rome (Italie), de nationalité britannique, sans profession, demeurant X à Monaco,

DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

  • 2. La Société Anonyme Monégasque dénommée A. (MONACO) S. A., inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le numéro X, dont le siège social est sis X1 à Monaco prise en la personne de son Administrateur Délégué en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Richard MULLOT, Avocat-défenseur près de la Cour d'Appel de Monaco ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 3 octobre 2014, enregistré (n° 2015/000127) ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de d-a. BU., en date des 26 février 2015 et 8 juillet 2015;

Vu les conclusions de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, au nom de m-c. BI. Veuve BU., en date du 13 mai 2015 ;

Vu les conclusions de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de la Société Anonyme Monégasque A. SA, en date du 28 mai 2015 ;

À l'audience publique du 22 octobre 2015, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 3 décembre 2015 ;

FAITS ET PROCÉDURE

Le 22 septembre 2011, la société A. SA a consenti à d-a. BU. une ouverture de crédit d'un montant de 3.000.000 euros, porté à 3.500.000 euros par avenant du 11 octobre 2012.

Cette augmentation a été permise grâce à la constitution de gage de monnaie ou d'instruments financiers conclue le 11 octobre 2012 entre la société A. SA et m-c. BI. Veuve BU. aux termes de laquelle celle-ci acceptait de garantir les engagements pris par son fils d-a. BU. auprès de la banque et emportant dépossession au profit de cette dernière de l'ensemble de ses avoirs gagés.

Par acte d'huissier délivré le 3 octobre 2014, m-c. BI. Veuve BU. a fait assigner d-a. BU. et la société A. SA.

Elle demande au Tribunal de :

  • à titre principal :

    • prononcer la nullité de l'acte constitutif de gage pour vice de consentement ;

    • ordonner à la société A. SA de libérer les avoirs qu'elle a déposés en ses livres dès signification du jugement ;

    • ordonner à la société A. SA, dans l'hypothèse d'une réalisation du gage, de la rembourser de l'intégralité des sommes appréhendées, outre les frais et intérêts au taux légal ;

  • à titre subsidiaire :

    • dire que la banque a fait preuve de réticence dolosive et manqué à son obligation d'information et de conseil ;

    • prononcer la nullité de l'acte de gage ;

    • ordonner à la société A. SA de libérer la totalité de ses avoirs, et dans l'hypothèse d'une réalisation du gage, la condamner à rembourser les sommes appréhendées outre les frais et intérêts au taux légal ;

  • à titre infiniment subsidiaire :

    • l'accueillir en son action récursoire ;

    • condamner d-a. BU. à lui rembourser les sommes qu'elle pourrait devoir à la société A. SA dans l'hypothèse d'un défaut de paiement par lui, à l'échéance fixée au 9 octobre 2014, de la somme arrêtée à 2.346.532,58 euros outre intérêts et frais ;

  • en toutes circonstances :

    • condamner d-a. BU. et la société A. SA à lui payer 50.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts ;

    • prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

Après avoir procédé à un rappel des faits, m-c. BI. Veuve BU. argue en premier lieu sur le fondement des articles 963, 964 et 971 du Code Civil :

  • qu'elle a été victime d'un odieux chantage de la part de son fils qui lui a extorqué la signature de l'acte de gage ;

  • qu'en effet, celui-ci conditionnait le versement à sa sœur de produit de la vente d'un appartement dans l'immeuble « C. » à Monaco, à la constitution du gage par sa mère destiné à garantir l'augmentation de crédit.

À titre subsidiaire, il est indiqué :

  • qu'elle est elle-même cliente de la société A. SA, qui s'est trouvée donc en conflit d'intérêts mais n'en tiré aucune conséquence ;

  • qu'au surplus, alors qu'elle est totalement profane, elle n'a pas été informée que le gage emportait dépossession immédiate de ses avoirs ;

  • que la préposée de la banque a laissé d-a. BU. exercer son chantage ;

À titre infiniment subsidiaire, m-c. BI. Veuve BU. :

  • fait valoir que :

    • la banque réalisera le gage litigieux pour défaut de paiement par l'emprunteur ;

    • ce dernier refuse de communiquer sur sa situation tant à Monaco qu'au Canada, et a d'ailleurs été déjà sanctionné par une juridiction dans ce pays ;

    • ainsi l'action récursoire contre d-a. BU. est bien fondée ;

  • affirme que :

    • elle a subi un préjudice du fait du comportement de d-a. BU. et de la passivité de la préposée de la banque ;

    • étant âgée de 75 ans, elle est particulièrement tourmentée par cette affaire ;

    • la société A. SA a refusé d'apaiser ses légitimes inquiétudes ;

    • l'ancienneté de l'affaire et le comportement des défendeurs justifient le prononcé de l'exécution provisoire.

Le 13 mai 2015, m-c. BI. Veuve BU. a déposé des conclusions de désistement d'instance et d'action à l'encontre de la société A. SA, chacune des parties conservant à sa charge ses frais et dépens, ainsi que les états de frais et honoraires de son avocat-défenseur.

Elle sollicite en outre la condamnation de d-a. BU. à lui payer 50.000 euros de dommages et intérêts avec exécution provisoire.

Elle souligne que :

  • d-a. BU. avait plusieurs mois à l'avance prémédité la modification statutaire de la SCP B. à l'effet d'avoir la main mise sur le produit de la vente de l'appartement « C. » à Monaco ;

  • il a fait pression sur elle ;

  • elle s'est méprise sur la portée de son engagement le 11 octobre 2012, son fils lui faisant signer l'acte de constitution de gage alors qu'elle croyait se voir offrir une proposition d'investissement par la banque ;

  • elle a été privée de ses avoirs jusqu'au 3 mars 2015, date de main levée du gage par A. SA.

Le 28 mai 2015, la société A. SA a déposé des conclusions aux fins d'acceptation de désistement d'instance et d'action, chaque partie supportant ses propres frais et dépens.

Aux termes de ses conclusions déposées les 26 février 2015 et 8 juillet 2015, d-a. BU. demande au Tribunal de :

  • constater le désistement d'instance et d'action de m-c. BI. Veuve BU. à l'encontre de la société A. SA ;

  • la débouter du surplus de ses prétentions ;

  • la condamner au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il est soutenu pour l'essentiel que :

  • d-a. BU. a désintéressé la banque ;

  • il n'a commis aucune manœuvre dolosive, m-c. BI. Veuve BU. ne rapportant nullement la preuve de ses allégations ;

  • en tant qu'administrateur de la SCP B., il avait été chargé par procuration de réaliser la vente de l'appartement « C. » à Monaco, de sorte que les fonds qui en ont été dégagés sont revenus à cette société et ne constituent nullement des fonds propres qu'il pouvait manipuler à sa guise ;

  • les modifications statutaires de la SCP B. évoquées par m-c. BI. Veuve BU. n'ont aucune incidence ;

  • le bien immobilier a été vendu comme convenu et chacun des associés a perçu le prix au prorata de ses droits ;

  • m-c. BI. Veuve BU. est familière du monde des affaires, a des connaissances certaines dans le domaine bancaire dont il n'est pas établi qu'elles aient été altérées par l'âge ;

  • m-c. BI. Veuve BU. profère des affirmations calomnieuses à l'encontre de son fils qui a été contraint d'exposer des frais et honoraires.

MOTIFS

  • Sur le désistement d'instance et d'action contre la société A. SA :

Le désistement d'instance et d'action exprimé dans ses conclusions en date du 13 mai 2015 par m-c. BI. Veuve BU. à l'encontre de la société A. SA répond aux exigences de l'article 410 du Code de procédure civile dans la mesure notamment où il est accompagné de la procuration spéciale donnée à cet effet par celle-ci à son avocat-défenseur.

Ayant été expressément accepté dans les mêmes formes par la défenderesse, il y a lieu de déclarer ledit désistement parfait et de dire, conformément à l'article 412 du Code de procédure civile, qu'il emportera de plein droit consentement que les choses soient remises en l'état où elles auraient été s'il n'y avait pas eu de demande.

Les parties, au titre des conséquences du désistement, souhaitent que chacune d'elle conserve la charge des frais et dépens qu'elle a exposés dans le cadre de la présente procédure, dérogeant ainsi à la règle posée par l'alinéa 2 de l'article 412 du Code de procédure civile.

Dès lors qu'il leur est loisible de s'écarter des dispositions non impératives de ce texte, il convient de prendre acte de leur accord sur ce point et de dire que chacune d'elle conservera à sa charge ses frais et dépens.

À défaut de succombance de l'une ou l'autre des parties au sens de l'article 231 du Code de procédure civile, aucune distraction au profit des avocat-défenseurs de la cause, ne sera prononcée.

  • Sur les demandes dirigées contre d. a. BU. :

m-c. BI. Veuve BU. maintient sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de son fils d-a. BU. aux motifs que :

  • le 11 octobre 2012, lorsqu'elle s'est rendue dans les locaux de la banque elle a cru que le rendez-vous portait sur ses placements mais d-a. BU. lui a présenté en milieu de réunion la convention de gage à signer ;

  • il a exercé un odieux chantage sur elle ;

  • il l'a poussée à signer l'acte de gage car sinon il refusait de verser à Michaëlla-Amélia BU. épouse MO-PR. sa quote-part sur le prix de vente de l'appartement situé au « C. » à Monaco ;

  • il avait d'ailleurs prémédité à ses agissements en faisant procéder à des modifications au sein de la SCP B. propriétaire de l'appartement ;

Toutefois la demanderesse ne rapporte pas la moindre preuve de ses allégations.

En effet, les divers échanges de correspondance qu'elle produit ne permettent en aucun cas de démontrer une quelconque manœuvre dolosive de la part de d-a. BU. pas plus que le mail adressé par la société d'expertise comptable KPMG GLD & Associés, et les décisions judiciaires rendues au Canada.

Il est seulement établi que :

  • d-a. BU. administrateur de la SCP B. dont sa mère m-c. BI. Veuve BU. et sa sœur Michaëlla-Amélia BU. épouse MO-PR. sont notamment les associées, s'est vu consentir le 25 septembre 2012 procuration aux fins de vendre l'appartement du « C. » à Monaco ;

  • celui-ci a été effectivement vendu le 27 septembre 2012 selon acte authentique auquel est annexé la procuration et un procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société en date du 25 septembre 2012 signé par d-a. BU., sa mère m-c. BI. Veuve BU. et sa sœur Michaëlla-Amélia BU. épouse MO-PR..

Ces éléments ne justifient nullement d'une quelconque faute de la part du défendeur.

m-c. BI. Veuve BU. ne peut en conséquence qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre son fils et de sa demande tendant à voir prononcer l'exécution provisoire du présent jugement.

  • Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts :

m-c. BI. Veuve BU. ne pouvait sérieusement croire au succès de ses prétentions qui sont manifestement dénuées de fondement en l'absence d'éléments probants.

Elle s'est ainsi rendue coupable d'un abus de procédure et a causé un préjudice à d-a. BU. qui s'est vu contraint d'exposer des frais pour se défendre en justice.

Il sera donc alloué à ce dernier la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts.

  • Sur les dépens :

m-c. BI. Veuve BU. succombant supportera les dépens de l'instance engagée à l'encontre de d-a. BU..

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Constate que m-c. BI. Veuve BU. s'est désistée de l'instance et de l'action introduites suivant exploit d'assignation du 3 octobre 2014 à l'encontre de la société A. SA et que celle-ci a accepté ce désistement ;

Déclare en conséquence ce désistement parfait avec toutes conséquences de droit ;

Dit que conformément à leur accord m-c. BI. Veuve BU. et la société A. SA conserveront chacun la charge de leurs frais et dépens ;

Déboute m-c. BI. Veuve BU. de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de d-a. BU. ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;

Condamne m-c. BI. Veuve BU. à payer à d-a. BU. la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne m-c. BI. Veuve BU. aux dépens de l'instance engagée à l'encontre de d-a. BU. avec distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Rose-Marie PLAKSINE, Premier Juge, Madame Sophie LEONARDI, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 3 DECEMBRE 2015, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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