Tribunal de première instance, 29 septembre 2015, M. c. SE. c/ M. j-p. d. SE. et autres
Abstract🔗
Legs – Droit réservataire – Quotité disponible – Réduction (oui)
Immeuble – Estimation – Expertise (oui)
Résumé🔗
Le legs profitant à c. SE. portant sur les droits de la défunte dans ce bien, soit un quart en pleine propriété, prive j-p. d. SE. de sa part de réserve. En application de l'article 787 du Code Civil, les dispositions, soit entre vifs, soit à cause de mort, qui excèderont la quotité disponible, seront réductibles à cette quotité lors de l'ouverture de la succession. Pour s'opposer à la demande de réduction formée par j-p. d. SE. aux droits duquel vient p. SE., c. SE. argue d'une prétendue irrecevabilité tirée de l'intervention de son frère à l'acte du 4 mars 1985. Il ressort de cet acte que j-p. d. SE. a donné son agrément à la vente et consenti, en tant que de besoin, à renoncer à toute demande d'imputation et de rapport dans les termes prévus à l'article 785 du Code Civil. Cependant, cet argument est inopérant dès lors que la vente portait comme dit plus haut sur la part communautaire de m. DA. et non pas sur sa part dans la succession de son époux, seule aujourd'hui concernée par le legs consenti par elle à c. SE.. Au vu de ces considérations, il convient d'ordonner la réduction dudit legs à hauteur d'un tiers.
Les estimations de l'immeuble versées aux débats ne suffisent pas pour évaluer la récompense due en vertu de ce dernier texte. En outre et selon l'article 795 du Code civil « Le donateur restituera les fruits de ce qui excédera la portion disponible, à compter du jour du décès du donateur, si la demande en réduction a été faite dans l'année ; sinon, du jour de la demande. ». Or, les parties sont en discussion sur ce point et le Tribunal n'est pas en mesure en l'état de trancher cette question. Il est dès lors indispensable de désigner un expert dont la mission sera précisée au dispositif de la présente décision.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
JUGEMENT DU 29 SEPTEMBRE 2015
En la cause de :
M. c. SE., né le 11 juillet 1941 à MONACO, de nationalité française, demeurant à MONACO, X ;
Bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision du Bureau n° 19 BAJ 13 en date du 13 décembre 2012 ;
DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
1. M. j-p. d. SE., né le 13 mars 1931 à MONACO, de nationalité française, retraité, demeurant à MENTON en France, X, représenté par M. p. SE., né le 4 octobre 1957, de nationalité française, demeurant à MENTON en France, X, suivant jugement rendu par le Juge des Tutelles du Tribunal de Menton le 25 janvier 2011 ;
Bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision du Bureau n° 134 BAJ 13 en date du 28 mai 2014 ;
2. M. p. SE., né le 4 octobre 1957, de nationalité française, demeurant à MENTON en France, X, en sa qualité de tuteur de M. j-p. d. SE. ;
Bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision du Bureau n° 135 BAJ 13 en date du 28 mai 2014 ;
3. M. p. SE., né le 4 octobre 1957, de nationalité française, demeurant à MENTON en France, X, intervenant volontaire à la présente procédure ;
Bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision du Bureau n° 135 BAJ 13 en date du 28 mai 2014 ;
DÉFENDEURS, ayant tous élu domicile en l'Étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 23 avril 2013, enregistré (n° 2013/000533) ;
Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 12 février 2015 ayant ordonné la réouverture des débats à l'audience du 26 février 2015 afin de recueillir les observations des parties sur la nécessité de procéder à la liquidation préalable de la communauté de biens ayant existé entre les époux SE. ainsi que de la succession de v. SE. et les modalités d'exercice de l'action en réduction et notamment les articles 789, 791 et 795 du Code civil ;
Vu les conclusions de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de c. SE., en date du 26 mars 2015 ;
Vu les conclusions de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de p. SE., ès-qualités d'héritier de j-p. d. SE. et d'intervenant volontaire, en date des 26 mars 2015 et 13 mai 2015 ;
À l'audience publique du 11 juin 2015, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 22 septembre 2015 et prorogé au 29 septembre 2015, les parties en ayant été avisées par le Président ;
EXPOSÉ :
v. SE., de nationalité française, marié avec m. DA., de nationalité italienne naturalisée française, est décédé le 10 novembre 1981 à Monaco, laissant pour lui succéder cette dernière ainsi que leurs deux fils j-p. d. SE. et c. SE..
Il dépendait de la communauté existant entre les époux, un appartement sis à Monaco, X.
Le 8 septembre 1982, ont été déposés au rang des minutes de Maître AUREGLIA, Notaire :
un testament olographe daté du 8 juin 1979 aux termes duquel le défunt décidait de léguer avec son épouse l'appartement susdit à leur petit-fils p. SE. ;
un deuxième testament olographe du 25 avril 1980 par lequel le de cujus, en accord avec son épouse léguait :
la nue-propriété du rez-de-chaussée d'un chalet à Colmars à p. SE., l'usufruit revenant au père de celui-ci j-p. d. SE. ;
la propriété de l'appartement du 1er étage de ce chalet à c. SE. ;
un local situé à Beausoleil à c. SE.,
la nue-propriété d'une maison avec cave et garage située rue X à Colmars à p. SE., l'usufruit étant attribué à j-p. d. SE..
Par déclaration faite au Greffe général le 28 juin 1982, j-p. d. SE. a renoncé à la succession de v. SE..
Suivant acte du 22 août 1984 reçu par Maître AUREGLIA, Notaire, substituant Maître CROVETTO, Notaire, p. SE. a renoncé aux legs qui lui avaient été consentis par son grand-père paternel.
Le 30 août 1984, c. SE. et p. SE. ont conclu une convention aux termes de laquelle :
p. SE. s'engageait à renoncer à tous les droits qui lui étaient octroyés par les testaments des 8 juin 1979 et 25 avril 1980 ;
c. SE., en contrepartie, s'engageait à payer à son neveu la somme de 5.000 euros et à lui arranger la carrosserie de son véhicule de marque A.
Le 31 août 1984, p. SE. a déclaré devant notaire rétracter la renonciation aux legs qui lui avaient été consentis par son grand père paternel effectuée le 22 août 1984.
Par acte authentique du 4 mars 1985, m. DA. veuve SE. a vendu la nue propriété pour y réunir l'usufruit à son décès de « tous ses droits, soit la moitié » dans l'appartement de Monaco à son fils c. SE..
j-p. d. SE. a déclaré consentir à cette cession et renoncer à toute demande d'imputation et de rapport conformément à l'article 785 du Code civil.
Le 12 novembre 1997 a été déposé au rang des minutes de Maître AUREGLIA un troisième testament olographe daté du 5 janvier 1981, aux termes duquel v. SE. :
instituait ses deux fils légataires universels et procédait au partage entre eux de ses biens, en attribuant notamment à c. SE. l'appartement sis en Principauté ;
mais précisait : « Toutes fois ces legs universels ne jouera que dans le cas où mon épouse décèderait avant moi si mon épouse survit je lui lègue alors la plus forte quotité disponible entre époux prévue par la loi au jour de mon décès. Elle aura le choix de cette quotité, elle pourra notamment si elle le désire la totalité de mes biens. sic ».
Le 25 décembre 1998, m. DA. veuve SE. est décédée à Gorbio alors que la succession de son époux n'était pas réglée.
Le 29 janvier 1999 a été déposé au rang des minutes de Maître CROVETTO, un testament olographe de m. DA. daté du 5 mars 1984, aux termes duquel elle léguait :
à j-p. d. SE., ses droits sur la maison située rue X à Colmars Les Alpes ;
à c. SE., ses droits sur le chalet de Colmars les Alpes, le magasin situé X à Beausoleil et l'appartement de Monaco ;
ses bijoux à ses petites filles.
Après avoir considéré que la renonciation par p. SE. aux legs de v. SE. n'était pas valable et que celui-ci avait donc qualité à agir, le Tribunal a, par jugement rendu le 22 juin 2006, dit que le testament du 5 janvier 1981 était un faux et qu'en conséquence les deux testaments des 8 juin 1979 et 25 avril 1980 devaient sortir leur plein et entier effet.
Par arrêt rendu le 24 mars 2009, la Cour d'appel a :
fait droit à la fin de non-recevoir évoquée par c. SE. ;
dit que p. SE. était dépourvu de qualité et d'intérêt à agir dès lors que sa renonciation à legs était valable ;
infirmé le jugement du Tribunal de première instance en date du 22 juin 2006.
Le 19 mars 2010, la Cour de Révision a rejeté le pourvoi formé par p. SE. à l'encontre de l'arrêt susvisé.
Le 19 décembre 2012, Maître CROVETTO-AQUILINA a, à la requête de c. SE., dressé procès-verbal de carence après les décès de v. SE. et m. DA..
Par acte d'huissier délivré le 23 avril 2013, c. SE. a fait assigner j-p. d. SE., représenté par son tuteur p. SE. ainsi que ce dernier ès-qualités, aux fins de voir :
- ordonner le partage de l'actif successoral de m. DA. en ce qui concerne la partie monégasque de la succession ;
- nommer un notaire aux fins de procéder aux opérations de partage ;
- désigner un expert aux frais avancés de la masse successorale avec la mission habituelle et notamment celle de procéder à l' « élaboration » de la masse successorale et d'évaluer le bien immobilier situé à Monaco ;
- ordonner la licitation des parties indivises de ce bien en renvoyant à l'accomplissement des formalités de vente aux enchères par adjudication ;
- condamner j-p. d. SE. à lui payer la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 12 février 2015, le Tribunal de Première Instance a ordonné la réouverture des débats aux fins que les parties présentent leurs observations sur :
la nécessité de procéder à la liquidation préalable de la communauté de biens ayant existé entre les époux SE. ainsi que de la succession de v. SE. ;
les modalités d'exercice de l'action en réduction et notamment les articles 789, 791 et 795 du Code Civil.
M. c. SE. demande au Tribunal :
d'ordonner le partage de la communauté ayant existé entre les époux v. SE. et m. DA. ainsi que de leurs successions monégasques respectives ;
À titre principal :
dire qu'en exécution de l'acte de cession du 4 mars 1985, m. DA. détenait trois quarts en usufruit de l'appartement sis X à MONACO et que c. SE. en possédait un quart en pleine propriété et trois quarts en nue-propriété ;
dire en conséquence qu'après le décès de sa mère, c. SE. est devenu le seul propriétaire du bien et débouter par suite j-p. d. SE. de son action en réduction ;
À titre subsidiaire :
dire qu'en exécution de l'acte de vente du 4 mars 1985, m. DA. détenait un quart en pleine propriété de l'appartement outre la moitié en usufruit et c. SE. un quart en pleine propriété et la moitié en nue-propriété ;
dire qu'après le décès de leurs parents, la dévolution finale sur le bien est de 11/12ème à c. SE. et 1/12ème à j-p. d. SE. ;
attribuer l'appartement à c. SE. sous réserve de rapporter 1/12ème de la valeur du bien à j-p. d. SE. ;
En tout état de cause :
déclarer irrecevable l'intervention involontaire de p. SE. ;
condamner tout contestant à lui payer 25.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
débouter le défendeur de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Au principal, il est soulevé pour l'essentiel sur le fondement des articles 780, 949-1,785 du Code Civil que :
l'appartement objet du litige sis X à Monaco dépendant de la communauté entre époux, chacun en possédait la moitié ;
en l'état du testament de v. SE. daté du 05 janvier 1981, m. DA. bénéficiait de la quotité disponible fixée à la moitié, du fait de la renonciation de j-p. d. SE. à la succession de son père ;
en conséquence la part de communauté de v. SE. est revenue pour la moitié à son frère c. SE. et à leur mère m. DA. soit un quart chacun, celle-ci possédant en outre l'autre partie du bien au titre de ses droits dans la communauté ;
selon l'acte de vente du 4 mars 1985, la veuve a cédé à c. SE. la nue-propriété de l'intégralité de ses droits dans l'appartement, c'est-à-dire donc les trois quarts et non la moitié comme mentionné de manière erronée par le notaire ;
j-p. d. SE. a validé cette vente et renoncé à toute demande d'imputation et de rapport ;
en conséquence, après le décès de m. DA. et par l'effet du legs qui lui a été consenti dans le testament de la défunte, c. SE. a réuni l'usufruit à la nue-propriété des trois quarts cédés dans l'appartement outre le quart lui venant de son père ;
il ne peut de ce fait y avoir lieu à réduction en faveur de j-p. d. SE. et c. SE. est le seul propriétaire du bien.
À titre subsidiaire, il est prétendu que :
la demande de réduction est irrecevable dès lors que l'agrément de j-p. d. SE. à la vente du 4 mars 1985 vaut renonciation par avance à demander réduction, conformément à la jurisprudence française ;
néanmoins, si cette demande est jugée recevable et s'il est considéré que dans l'acte du 4 mars 1985 m. DA. a vendu à c. SE. la nue-propriété de sa part communautaire dans l'appartement, la dévolution au décès de celle-ci s'opère comme suit :
trois quarts en pleine propriété de l'appartement à c. SE. soit le quart issu de la succession de son père et la réunion de l'usufruit et la nue-propriété des droits de sa mère ;
le quart restant en pleine propriété divisé entre les deux fils : 2/12ème à c. SE. qui bénéficie de la quotité disponible par l'effet du testament de sa mère et 1/12ème à j-p. d. SE. ;
soit au final, 11/12ème de l'appartement pour c. SE. et 1/12ème à j-p. d. SE. ;
selon l'article 791 du Code Civil, c. SE. est en droit de se voir attribuer le bien à charge pour lui de rapporter le 1/12ème qui excède la quotité disponible ;
cet appartement n'a jamais été loué depuis le décès de v. SE. mais est resté vide avant d'être occupé par c. SE. :
la sommation faite en défense est donc injustifiée et il ne saurait y avoir application de l'article 795 du Code Civil.
Enfin, c. SE. assure subir un préjudice financier tant en France qu'à Monaco ainsi qu'un préjudice moral du fait du conflit avec son frère qui a toujours cherché à créer des difficultés.
Après être intervenu volontairement à l'instance à titre personnel, p. SE. est également intervenu en reprise d'instance à la suite du décès de son père j-p. d. SE..
La partie défenderesse demande au Tribunal de :
déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts fondée sur une éventuelle procédure en France ;
lui donner acte de ce qu'il est fait sommation à c. SE. de produire tous les baux afférents à l'appartement de Monaco depuis le décès de v. SE. jusqu'à ce jour ainsi que les justificatifs des loyers perçus ;
lui donner acte de ce qu'il y a lieu de procéder à la liquidation de la communauté ayant existé entre les époux SE. ainsi que de leurs successions ;
ordonner la réduction des legs faits à c. SE. par m. DA. dans son testament ;
établir dès à présent la quote-part revenant respectivement à c. SE. et j-p. d. SE. dans la succession de leur mère ;
lui donner acte de ce qu'elle ne s'oppose pas aux demandes présentées dans l'assignation, à l'exception des dommages et intérêts, et sous réserve toutefois que Maître CROVETTO-AQUILINA ne soit pas désigné ;
nommer Maître Henry REY ou Maître Nathalie AUREGLIA-CARUSO pour procéder aux opérations successorales ;
condamner c. SE. à payer à j-p. d. SE. la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.
S'agissant de la succession de v. SE., il est observé que :
son assiette est constituée de la moitié de la communauté avec son épouse ;
en vertu de l'article 780 du Code Civil, la part réservataire de chaque enfant et d'un tiers ;
du fait de la renonciation de j-p. d. SE., deux tiers de ladite succession reviennent à c. SE., tandis que le dernier tiers échoit en pleine propriété à m. DA. ;
par conséquent, la répartition des droits dans l'appartement de Monaco est de :
un tiers pour c. SE.,
et de deux tiers pour m. DA..
Par l'effet de la vente intervenue le 4 mars 1985 :
c. SE., propriétaire du tiers de l'appartement, est également devenu nu propriétaire de la moitié communautaire de sa mère ;
celle-ci se réservant l'usufruit de cette moitié outre ses droits en pleine propriété d'un sixième.
S'agissant de la succession de m. DA., il est indiqué que :
la quotité disponible est d'un tiers, et la réserve globale de deux tiers, soit un tiers pour chaque enfant ;
si le testament de la défunte est appliqué, j-p. d. SE. se trouve privé de sa part réservataire ;
l'action en réduction se prescrit par 30 ans ;
contrairement à ce qui est soutenu en demande, m. DA. a vendu uniquement la nue-propriété de la moitié de l'appartement litigieux, dont elle était propriétaire du fait de son régime matrimonial, de sorte que c. SE. n'a pu réunir l'entière propriété du bien au décès de sa mère comme il le prétend dans ses écritures postérieures à l'assignation ;
l'agrément à la vente donné par j-p. d. SE. ne signifie pas qu'il ait renoncé à demander la réduction du legs.
Concernant l'occupation des lieux, le défendeur considère que c. SE. ne rapporte pas la preuve de ses allégations et qu'en tout état de cause, il devrait tout de même un loyer puisqu'il n'est pas le seul propriétaire du bien.
Enfin, la partie défenderesse s'oppose aux dommages et intérêts sollicités en arguant que :
le notaire n'a procédé qu'à une seule convocation ;
c'est l'avidité de c. SE. et la mainmise de celui-ci sur les affaires de leurs parents qui a déchiré la famille dès avant la mort de ces derniers ;
c'est p. SE. qui a subvenu aux besoins de sa grand-mère m. DA. pendant que c. SE. gérait les biens à son profit ;
c. SE. ne peut se voir indemniser à Monaco de frais de justice exposés en France au demeurant non prouvés ;
c'est au contraire j-p. d. SE. qui subit un préjudice du fait de cette procédure.
MOTIFS :
En la forme :
Les conclusions d'intervention volontaire de p. SE. sont devenues sans objet dès lors qu'il a, du fait du décès de son père survenu le 10 février 2015, fait signifier le 26 mars 2015 des conclusions de reprise d'instance.
Il convient donc en application de l'article 392 du Code Civil de dire que l'instance est reprise par p. SE. à l'égard de c. SE..
Sur le fond :
Le litige opposant les parties porte sur un appartement sis X à Monaco.
Les parties conviennent que cet appartement était un bien commun entre m. DA. de nationalité italienne naturalisée française et son époux v. SE. de nationalité française dès lors que ceux-ci s'étaient mariés le 20 janvier 1930 au consulat d'Italie à Monaco sans contrat préalable et avaient fixé leur domicile en Principauté de sorte que leur régime matrimonial était l'ancien régime légal monégasque de la communauté de meubles et acquêts.
v. SE. est décédé le 10 novembre 1981 et son épouse le 25 décembre 1998.
Il est admis par ailleurs que le seul bien successoral situé à Monaco étant l'appartement sis X à Monaco, le litige se trouve soumis au droit monégasque par application de la règle de conflit, et qu'il convient de procéder à la liquidation-partage de la communauté ayant existé entre les époux ainsi que de la succession de v. SE. et de m. DA..
Maître Henry REY sera désigné à cet effet.
Concernant la succession de v. SE., le testament olographe daté du 05 janvier 1981 déposé le 12 novembre 1997 doit seul produire ses effets en vertu de l'arrêt rendu par la Cour d'Appel le 24 mars 2009.
Il apparait que son épouse m. DA. n'a pas de son vivant expressément exercé l'option prévue à l'article 949-1 du Code Civil, entre la quotité disponible en pleine propriété ou l'usufruit portant sur la totalité des biens.
Néanmoins, les parties dans leurs écritures raisonnent comme si le conjoint survivant avait fait le choix de la quotité disponible en toute propriété.
En conséquence, ce dernier choix doit être considéré comme acquis aux débats.
Il résulte de l'article 780 du Code Civil que :
la quotité disponible est de la moitié des biens du défunt s'il laisse un enfant, la réserve étant de l'autre moitié ;
la quotité disponible est d'un tiers des biens s'il laisse deux enfants, la réserve étant de deux tiers.
c. SE. et j-p. d. SE. sont les deux fils de v. SE., celui-ci ayant toutefois renoncé à la succession de son père par déclaration au greffe du 22 juin 1982.
Les parties divergent sur les effets de cette renonciation.
La partie défenderesse affirme, sans fournir d'explications, que la part réservataire de j-p. d. SE. a accru celle de son frère qui s'est donc vu attribuer les deux tiers de la succession de v. SE., la quotité disponible d'un tiers revenant à leur mère.
Selon cette thèse, la renonciation de j-p. d. SE. est donc sans effet sur le montant de la quotité disponible et de la réserve globale qui demeurent invariables.
Il est soutenu en demande que la part de j-p. d. SE. à laquelle celui-ci a renoncé dans la succession de son père (soit un tiers) doit être partagée entre c. SE. et m. DA. de sorte que celui-ci hérite de la moitié et que le conjoint possède l'autre moitié au titre de la quotité disponible, comme s'il n'y avait qu'un enfant.
Il convient de relever que cette dernière thèse qui est plus favorable à j-p. d. SE. est étayée par un avis du Centre de Recherche d'Information et de Documentation Notariales rédigé comme suit :
« Selon l'article 666 du Code Civil Monégasque, « l'héritier qui renonce est censé n'avoir jamais été héritier. » Cette renonciation n'a pas d'effet sur le calcul de la vocation légale du conjoint survivant, puisque celle-ci se calcule « d'après l'état des vocations héréditaires au jour du décès, nonobstant toutes renonciations » (article 640 alinéa 2 du Code Civil Monégasque).
Toutefois, en l'espèce, l'épouse est désignée légataire à titre universel par l'effet du testament. A ce titre se pose la question de la quotité disponible la plus forte qu'elle pouvait recevoir conformément aux souhaits de son époux. La quotité disponible est fixée par l'article 780 du Code Civile Monégasque et dépend du nombre d'enfants laissés au décès du disposant. Contrairement aux dispositions relatives à la vocation légale, la renonciation n'est pas exclue du calcul. Il est donc permis de penser que la fiction de l'inexistence de l'héritier renonçant a pour effet d'accroître la quotité disponible.
En l'espèce, il conviendrait de raisonner comme s'il n'existait qu'un seul enfant. ».
Cet avis n'est pas discuté par la partie adverse et doit en conséquence être suivi de sorte que la succession de v. SE. est dévolue pour moitié à son épouse au titre de la quotité disponible et pour l'autre moitié à c. SE. en sa qualité d'héritier réservataire.
Ladite succession étant composée à Monaco de la part communautaire du défunt dans l'appartement litigieux, la moitié de ce bien s'est donc trouvée dévolue à c. SE. et m. DA. pour un quart chacun.
De ce fait, la propriété en entier du bien a été répartie comme suit après le décès de v. SE. et la renonciation de j-p. d. SE. :
trois quarts pour m. DA. (soit la moitié au titre de sa part communautaire outre un quart provenant de la succession de son mari),
un quart pour c. SE. au titre de sa part réservataire.
Par acte authentique du 4 mars 1985, m. DA. a vendu à c. SE. la « nue-propriété pour y réunir l'usufruit au décès de la venderesse de tous ses droits, soit la moitié » dans l'appartement.
c. SE. prétend au vu des développements ci-dessus que c'est par erreur que le notaire a mentionné la moitié puisque les droits de m. DA. dans l'appartement étaient des trois quarts.
Toutefois la page 5 de l'acte mentionne au paragraphe « origine de propriété » que :
l'appartement a été acquis par v. SE. ;
que celui-ci est décédé en l'état de deux testaments olographes en date des 8 juin 1979 et 24 avril 1980 ;
« Et qu'en définitive, sous réserve des legs particuliers, la succession de Monsieur v. SE., par suite de la renonciation de son fils j-p. d., se trouve dévolue à Monsieur c. SE. et en conséquence des dispositions prises en faveur du petit-fils, la veuve n'ayant aucun droit à la succession, ses droits se cantonnent uniquement sur sa part de communauté dont la nue-propriété est présentement vendue ».
C'est ainsi qu'à la date de la vente le testament du 5 janvier 1981 était ignoré de sorte que m. DA. n'a pu vendre que ses droits communautaires dans l'appartement.
En conséquence et en exécution tant de cette cession que du testament daté du 5 janvier 1981, l'appartement était détenu par :
m. DA. pour moitié en usufruit et pour un quart en pleine propriété ;
c. SE. pour moitié en nue-propriété et pour un quart en pleine propriété.
m. DA. est décédée le 25 décembre 1998.
De ce fait et ensuite de l'acte de vente du 4 mars 1985, c. SE. est devenu l'entier propriétaire de la moitié de l'appartement outre le quart issu de la succession de son père, soit les trois quarts du bien, et non pas la totalité.
Le 29 janvier 1999 a été déposé un testament olographe daté du 5 mars 1984 aux termes duquel la défunte léguait notamment à c. SE. tous ses droits sur l'appartement de Monaco.
m. DA. laissant pour lui succéder ses deux fils, la quotité disponible est d'un tiers, et la réserve globale des deux tiers, en vertu de l'article 780 du Code Civil.
La réserve se calcule par masse successorale.
La masse successorale monégasque est composée uniquement de l'appartement sis X.
Ainsi, le legs profitant à c. SE. portant sur les droits de la défunte dans ce bien, soit un quart en pleine propriété, prive j-p. d. SE. de sa part de réserve.
En application de l'article 787 du Code Civil, les dispositions, soit entre vifs, soit à cause de mort, qui excèderont la quotité disponible, seront réductibles à cette quotité lors de l'ouverture de la succession.
Pour s'opposer à la demande de réduction formée par j-p. d. SE. aux droits duquel vient p. SE., c. SE. argue d'une prétendue irrecevabilité tirée de l'intervention de son frère à l'acte du 4 mars 1985.
Il ressort de cet acte que j-p. d. SE. a donné son agrément à la vente et consenti, en tant que de besoin, à renoncer à toute demande d'imputation et de rapport dans les termes prévus à l'article 785 du Code Civil.
Cependant, cet argument est inopérant dès lors que la vente portait comme dit plus haut sur la part communautaire de m. DA. et non pas sur sa part dans la succession de son époux, seule aujourd'hui concernée par le legs consenti par elle à c. SE..
Au vu de ces considérations, il convient d'ordonner la réduction dudit legs à hauteur d'un tiers.
En conséquence, et après le décès de leurs parents, la dévolution finale sur l'appartement s'est opérée comme suit :
- trois quarts en pleine propriété pour c. SE. ;
- un quart réparti pour un tiers entre j-p. d. SE. au titre de sa part réservataire, soit 1/12ème de l'immeuble et pour 2/3 à c. SE. au titre de sa réserve et de la quotité disponible soit 11/12ème.
En application de l'article 791 du Code civil, le légataire peut se faire attribuer le bien à charge de rapporter la valeur de ce qui excède la quotité disponible.
La demande formée de ce chef par c. SE. n'est pas contestée.
Il y sera donc fait droit, et la demande de licitation est donc devenue sans objet.
Aux termes de l'article 796 du Code civil, « La réduction en valeur donne lieu à récompense au profit des héritiers réservataires, à concurrence de la portion de libéralité qui excède la quotité disponible. Le montant de la récompense est calculé d'après la valeur des biens donnés ou légués au jour de l'ouverture de la succession et, pour les biens donnés, d'après leur état au jour de la donation, le donataire bénéficiant des améliorations et répondant des dégradations imputables à son fait. ».
Les estimations de l'immeuble versées aux débats ne suffisent pas pour évaluer la récompense due en vertu de ce dernier texte.
En outre et selon l'article 795 du Code civil « Le donateur restituera les fruits de ce qui excédera la portion disponible, à compter du jour du décès du donateur, si la demande en réduction a été faite dans l'année ; sinon, du jour de la demande. ».
Or, les parties sont en discussion sur ce point et le Tribunal n'est pas en mesure en l'état de trancher cette question.
Il est dès lors indispensable de désigner un expert dont la mission sera précisée au dispositif de la présente décision.
Par ailleurs, s'agissant d'un litige familial et les parties succombant pour partie et respectivement en leurs moyens et prétentions, il ne saurait y avoir lieu à l'octroi de dommages et intérêts.
Enfin, les dépens doivent être employés en frais privilégiés de partage.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Déclare l'instance reprise par p. SE. venant aux droits de j-p. d. SE. ;
Ordonne le partage de la communauté ayant existé entre v. SE. et m. DA. ainsi que de leurs successions respectives ;
Désigne pour y procéder Maître Henry REY, notaire ;
Désigne Sophie LEONARDI, Juge, pour suivre les opérations de partage et faire rapport au cas où il s'élèverait des contestations ;
Dit que le magistrat et le notaire nommés pourront être remplacés, en cas d'empêchement, dans les conditions prévues par l'article 915 du Code de procédure civile ;
Dit que la succession de v. SE. s'est trouvée dévolue pour moitié chacun à c. SE., au titre de sa part réservataire et à m. DA. au titre de la quotité disponible ;
Dit qu'en exécution du testament de v. SE. daté du 5 janvier 1981 et de l'acte authentique de cession passé le 4 mars 1985, m. DA. détenait un quart en pleine propriété et la moitié en usufruit de l'appartement sis au X à Monaco et c. SE. un quart en pleine propriété et la moitié en nue-propriété;
Dit que la succession de m. DA. revient pour un tiers chacun à j-p. d. SE. et à c. SE., outre la quotité disponible d'un tiers revenant à ce dernier ;
Ordonne la réduction du legs consenti par m. DA. à c. SE. à hauteur de la quotité disponible ;
Dit que suite au décès de leurs parents, la dévolution finale sur le bien immobilier à Monaco s'est opérée pour 11/12ème à c. SE. et 1/12ème à j-p. d. SE. ;
Attribue à c. SE. l'appartement sis X à charge pour lui de rapporter la valeur de ce qui excède la quotité disponible ;
Ordonne une mesure d'expertise et commet pour y procéder Madame Patricia MANNARINI-SEURT, demeurant 6 Place Stanislas, 06400 CANNES, laquelle, serment préalablement prêté par écrit aux formes de droit, aura pour mission, après avoir convoqué les parties, s'être fait remettre tous documents utiles et notamment tous baux portant sur l'appartement litigieux, de :
se rendre sur les lieux sis X à Monaco;
rechercher tous éléments d'appréciation pour fixer en application de l'article 796 du Code civil l'indemnité de réduction calculée d'après la valeur du legs consenti par m. DA. à c. SE. au jour de l'ouverture de la succession ;
fournir tous éléments d'évaluation des fruits procurés par le bien litigieux aux fins d'éventuelle restitution en application de l'article 795 du Code civil ;
de manière plus générale recueillir tous renseignements et faire toutes observations utiles à la solution du litige opposant les parties ;
Impartit à l'expert ainsi commis un délai de 8 jours pour l'acceptation ou le refus de sa mission, ledit délai courant à compter de la réception par lui de la copie de la présente décision qui lui sera adressée par le greffe général ;
Dit que l'avance des frais d'expertise sera effectuée conformément à la législation régissant l'assistance judiciaire, dont bénéficient les deux parties ;
Dit qu'en cas d'acceptation de sa mission, ce même expert déposera au greffe général un rapport écrit de ses opérations dans les TROIS MOIS (trois mois) du jour où il les aura débutées, à défaut d'avoir pu concilier les parties, ce qu'il lui appartiendra de tenter dans toute la mesure du possible ;
Charge Madame Patricia HOARAU, Juge, du contrôle de l'expertise, qui, conformément à l'article 917 du Code de procédure civile, obéira aux dispositions des articles 344 à 368 du Code de procédure civile ;
Dit qu'en cas d'empêchement du juge ainsi commis, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance ;
Rejette toutes demandes plus amples ou contraires ;
Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sophie LEONARDI, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 29 SEPTEMBRE 2015, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Mademoiselle Cyrielle COLLE, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.