Tribunal de première instance, 22 septembre 2015, Monsieur p. IK. c/ L'Établissement de droit public dénommé A
Abstract🔗
Tiers payeur – Obligation de mise en cause (non)
Chefs de préjudice – Définitions – Évaluation
Résumé🔗
Aucune disposition du droit monégasque n'impose ni ne sanctionne l'absence de mise en cause de l'organisme social, contrairement au droit français.
L'incapacité temporaire partielle comprend un double aspect, patrimonial et extra-patrimonial. Dans son aspect patrimonial, ce chef de préjudice correspond à la perte de gains professionnels « actuels », c'est-à-dire entre la date du dommage et la date de consolidation. L'évaluation en est faite par la comparaison entre le montant des revenus déclarés avant la survenance du dommage et celui des revenus déclarés pendant la période d'incapacité temporaire. C'est dire que la fixation par l'expert d'un taux d'incapacité partielle pendant une ou plusieurs périodes n'est, à lui seul, pas suffisant pour ouvrir droit à indemnisation ; encore faut-il que le demandeur rapporte la preuve d'une perte de revenus avérée pendant lesdites périodes. Les revenus considérés sont les revenus nets et non bruts. S'agissant en l'espèce d'une demande provisionnelle concernant une victime non consolidée, il convient d'examiner la perte de revenus alléguée par p. IK. depuis la date de connaissance de sa maladie jusqu'à ce jour.
Le fait qu'il n'ait pas pu développer son activité, de sorte que le montant de ses revenus serait aujourd'hui inférieur au revenu moyen d'un kinésithérapeute libéral, ne relève pas d'une indemnisation au titre de l'incapacité temporaire partielle mais, le cas échéant, au titre de l'incidence professionnelle.
Le fait qu'ainsi que le relève l'expert BOTTINI, la maladie ait pour répercussions une pénibilité accrue dans l'exercice professionnel, ne relève pas d'une indemnisation de l'incapacité temporaire partielle au titre de la perte de gains mais, le cas échéant, au titre du déficit fonctionnel temporaire. Ce second chef de préjudice, extra-patrimonial, correspond à la gêne dans les actes de la vie courante.
La perte de revenus du foyer, telle qu'alléguée par p. IK., est par définition constituée, d'une part, par la perte de revenus de la victime directe - laquelle se trouve indemnisée par ailleurs, au titre de l'incapacité temporaire partielle et, le cas échéant, de l'incidence professionnelle - et, d'autre part, par la perte de revenus de son conjoint. Or « nul ne plaide par procureur » et le conjoint, victime indirecte du dommage, a la faculté de demander lui-même réparation de sa perte de revenus. Madame IK. n'étant pas partie à la présente instance, la demande d'indemnisation formée au titre de sa perte de revenus doit être déclarée irrecevable.
La perte de chance dont p. IK. demande ici l'indemnisation correspond à l'incidence professionnelle. Ce poste de préjudice se définit comme la dévalorisation sur le marché du travail et, plus généralement, comme toute perte de chance de promotion, de gains espérés, ou d'accession à certaines catégories d'emploi. La perte de chance existe et présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable.
En page 21 de son rapport du 12 juin 2014, le docteur BOTTINI a inclus les souffrances psychiques de la victime dans le poste de préjudice « souffrances endurées », pour lequel p. IK. réclame par ailleurs l'allocation d'une somme de 6.000 euros. Le même préjudice ne pouvant donner lieu à une double indemnisation, la demande formée au titre du préjudice moral et d'anxiété doit être rejetée.
Le préjudice d'agrément est l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs.
Le préjudice allégué est en l'espèce lié à l'acte sexuel et corroboré par les conclusions de l'expert qui fait état, en page 20 de son rapport, d'une « discrète diminution de la libido ». Eu égard au jeune âge de la victime lors de sa contamination et en l'absence de toute proposition chiffrée de la part de l'auteur du dommage, il sera intégralement fait droit à ce chef de demande et alloué à p. IK. la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice sexuel.
En l'état des conclusions de l'expert qui a provisoirement estimé le degré des souffrances endurées comme ne devant pas être inférieur à 3/7. Au vu du degré du préjudice subi tel qu'explicité par l'expert et en l'absence de toute proposition chiffrée de la part de l'auteur du dommage, il sera intégralement fait droit à ce chef de demande et alloué à p. IK. la somme de 6.000 euros en réparation des souffrances endurées.
Ce poste de préjudice ne peut, en l'état, faire l'objet d'une évaluation, même provisoire, faute de consolidation de l'état de la victime. Sur ce point, l'expert n'a pu que proposer une médiane entre 5 et 10 %. p. IK. sera donc débouté de sa demande de provision de ce chef.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
JUGEMENT DU 22 SEPTEMBRE 2015
En la cause de :
Monsieur p. IK., né le 5 septembre 1958, exerçant la profession de kinésithérapeute, demeurant X à AURIOL (13390) ;
DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près ladite Cour et plaidant par Maître Sarah FILIPPI, avocat en cette même Cour ;
d'une part ;
Contre :
L'Établissement de droit public dénommé A, A en abrégé, dont le siège se trouve X1 à Monaco, pris en la personne de son Directeur en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;
DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître VIALATTE, avocat au barreau de Grasse ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 16 février 2010, enregistré (n° 2010/000400) ;
Vu le jugement avant-dire-droit rendu par ce Tribunal le 20 janvier 2011 ayant notamment ordonné une mesure d'expertise médicale confiée au professeur Jill Patrice CASSUTO, octroyé à p. IK. une provision et réservé les dépens en fin de cause ;
Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Monaco, en date du 21 juin 2011, ayant confirmé la mesure d'expertise et infirmé la décision quant à la provision.
Vu le rapport d'expertise du professeur Jill Patrice CASSUTO en date du 20 juin 2011, déposé le 27 juin 2011 ;
Vu l'ordonnance du Juge chargé du contrôle des expertises en date du 19 juillet 2011 ayant ajourné la cause et les parties à l'audience du 6 octobre 2011 ;
Vu le jugement avant-dire-droit rendu par ce Tribunal le 28 février 2013 ayant notamment homologué le rapport d'expertise établi par le professeur Jill Patrice CASSUTO du 20 juin 2011, déclaré l'établissement public de droit monégasque A entièrement responsable de la contamination de p. IK. et ordonné une nouvelle expertise médicale confiée au professeur Jill Patrice CASSUTO ;
Vu l'Ordonnance du Juge chargé des expertises en date du 15 avril 2013 ayant remplacé l'expert CASSUTO par le docteur Bernard-Michel BOTTINI ;
Vu le rapport d'expertise du docteur Bernard-Michel BOTTINI en date du 6 juin 2014, déposé le 12 juin 2014 ;
Vu l'ordonnance du Juge chargé du contrôle des expertises en date du 13 juin 2014 ayant ajourné la cause et les parties à l'audience du 3 juillet 2014 ;
Vu les conclusions de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de p. IK., en dates des 1er août 2014, 18 décembre 2014 et 2 avril 2015 ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de l'établissement public de droit monégasque A, en dates des 30 octobre 2014, 11 février 2015 et 13 mai 2015 ;
À l'audience publique du 25 juin 2015, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 22 septembre 2015 ;
CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :
Le 20 juin 1981, p. IK. a été victime d'un accident de la circulation ayant nécessité son transport à l'établissement public de droit monégasque A, où il a subi deux interventions chirurgicales au cours desquelles il a été transfusé.
En 1999, des examens sanguins, qui lui ont été prescrits en raison d'un état de fatigue important, ont révélé qu'il était porteur du virus de l'hépatite C, sous une forme active et chronique.
Durant deux années, p. IK. a subi un traitement par bithérapie qui n'a pas permis d'éradiquer le virus, lequel est en sommeil depuis 2004.
Estimant que sa contamination par le virus VHC est directement liée aux transfusions de produits sanguins pratiquées par l'établissement public de droit monégasque A en 1981, p. IK., selon exploit du 16 février 2010, a fait assigner l'établissement de droit public dénommé A, afin que le tribunal ordonne une mesure d'expertise médicale visant à rechercher l'origine de sa contamination et à évaluer les préjudices qui en ont résulté.
Par jugement avant-dire-droit du 20 Janvier 2011, ce tribunal a ordonné une mesure d'expertise, confiée au professeur Jill Patrice CASSUTO et a alloué au demandeur une provision de 10.000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices.
Par arrêt du 21 juin 2011, la Cour d'appel a confirmé la décision entreprise en ce qu'elle a fait droit à la demande d'expertise mais l'a réformée en ce qu'elle a condamné l'établissement public de droit monégasque A au paiement d'une provision.
L'expert CASSUTO a déposé son rapport le 27 juin 2011.
Par jugement du 28 février 2013, le Tribunal a :
débouté l'établissement public de droit monégasque A de sa demande de sursis à statuer jusqu'à la mise en cause de l'organisme social de p. IK. et à la consolidation de l'état de santé de celui-ci ;
homologué le rapport d'expertise du professeur Jill Patrice CASSUTO ;
déclaré l'établissement public de droit monégasque A entièrement responsable de la contamination de p. IK. par le virus de 1'hepatite C, contracté à l'occasion des transfusions sanguines qu'il a reçues dans cet établissement public lors de son hospitalisation entre le 21 juin 1981 et le 17 juillet 1981 ;
déclaré en conséquence l'établissement public de droit monégasque A tenu de réparer intégralement les conséquences dommageables qui en ont résulté pour p. IK. ;
avant-dire-droit sur l'indemnisation définitive des préjudices subis par p. IK., ordonné une nouvelle mesure d'expertise, de nouveau confiée au professeur Jill Patrice CASSUTO.
condamné l'établissement public de droit monégasque A à payer à p. IK. une indemnité provisionnelle de 10.000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices.
L'expert CASSUTO ayant fait connaître son impossibilité d'accepter la mission, il a été remplacé par le docteur Bernard-Michel BOTTINI, suivant ordonnance du 15 avril 2013.
Le docteur BOTTINI a déposé son rapport le 12 juin 2014.
Ses conclusions sont les suivantes :
« - Les opérations d'expertise ont pu être conduites à mon Cabinet le 17/09/13, en présence de Monsieur p. IK., de Maître Jean-Max VIALATTE, avocat constitué aux intérêts de la Société d'Assurances B.
Le dossier médical concernant le patient, a été considéré suffisamment contributif, pour fournir tous les éléments d'information et d'appréciation.
- Les différents tests confirment que le patient présente une hépatite chronique faiblement active, qu'il s'agisse de l'évaluation de la fibrose du foie ou de l'activité, en l'espèce l'inflammation de l'hépatite virale, sans toutefois signe d'insuffisance hépatocellulaire, sans signe d'hypertension portale, le foie apparaissant homogène avec des contours bien réguliers, sans augmentation du volume de la rate, avec une charge virale du virus notée faible (moins de 2.000.000 de copies, en l'espèce 1.730.000), sur le dernier bilan documenté et connu lors de la dernière consultation du patient, auprès de l'hématologue le 01/10/13.
- Les troubles actuellement objectivés, sont sensiblement superposables à ceux exposés lors de la précédente réunion expertale en juin 2011, s'agissant de manifestations fonctionnelles, pouvant être définies comme étant des arthromyalgies, manifestations rhumatologiques douloureuse (articulaires et musculaires), fréquentes chez les patients atteints d'une hépatite chronique virale C, associées à une asthénie (fatigue), sans traduction lors du bilan articulaire, chez un patient qui ne présente pas de neuropathie périphérique, ni de surcroit de vascularité, la réponse au traitement ayant été soutenue avec persistance à la détection, de l'ARN sérique.
Les symptômes dont dit souffrir ce patient, peuvent raisonnablement être considérés comme en liaison directe et certaine avec la contamination initiale.
- La décision de mettre le patient sous traitement s'est faite au vu de la charge virale, des transaminases et de la biopsie, compte tenu du génotype du virus qui a été de nature à conditionner la durée du traitement, avec une efficacité virologique, le patient étant qualifié répondeur au traitement mais rechuteur.
Monsieur p. IK. a donc été astreint à une bithérapie, associant Interféron Pégylé et Ribavirine,
de mars 2000 à mars 2001,
d'octobre 2002 à octobre 2003,
avec des effets secondaires peu graves, semblant avoir été dominés, comme décrits dans la bibliographie, par des troubles psychologiques ayant pu prendre la forme d'une dépression, traités par une pharmacothérapie antidépressive (Déroxat), sans effet délétère sur la fonction de la glande thyroïde du patient, le traitement étant connu pour également entraîner un dérèglement de la glande thyroïde, sans effet délétère non plus sur des troubles de la ligne sanguine, parfois décrits, en l'espèce une anémie, le traitement ayant la particularité d'être assez souvent cause de fatigue pendant la cure, même si la maladie ne provoque pas de symptôme particulier.
Les résultats du traitement ont été satisfaisants puisque le patient a été répondeur immédiatement, bien que re-chuteur à l'interruption du premier traitement, avec rechute sur le plan viral au terme du second traitement, imposant un suivi bi annuel de la fibrose.
- Au titre de l'incapacité temporaire totale :
Il peut être pris en considération les deux périodes lors desquelles le patient a dû subir une ponction biopsie hépatique,
Hospitalisation du 14 au 15/01/2000,
Hospitalisation du 14 au 15/02/2002.
Au titre de l'incapacité temporaire partielle :
Il peut être défini les périodes suivantes :
Incapacité temporaire partielle au taux chiffré de 33% : du mois de juin 1999, lors de l'émergence de la symptomatologie d'appel de l'affection virale au 13/01/2000, veille de l'hospitalisation pour ponction biopsie hépatique.
Incapacité temporaire partielle au taux chiffré de 33% : au-delà à compter du 16/01/2000 ; le lendemain de l'hospitalisation initiale, jusqu'au 16/03/2000.
Incapacité temporaire partielle au taux chiffré de 50% : du 17/03/2000 au 17/03/2001, au regard de l'astreinte à la bithérapie anti rétrovirale observée et des répercussions du traitement.
Incapacité temporaire partielle au taux chiffré de 25% : compte tenu de la bonne réponse au traitement, du 18/03/2001 au 18/04/2001.
Incapacité temporaire partielle au taux chiffré de 33% : au regard de la rechute et du traitement, du 19/04/2001 au 13/02/2002.
Incapacité temporaire partielle au taux chiffré de 33% : du 16/02/2002 au 16/10/2002, avant qu'un nouveau traitement ne soit initié.
Incapacité temporaire partielle au taux chiffré de 50% : au cours de l'année suivante, lors de la réinstauration d'une bithérapie antirétrovirale, compte tenu des répercussions thérapeutiques, du 17/10/2002 au 17/10/2003.
Incapacité temporaire partielle au taux chiffré de 25% : du 18/10/2003 au 18/01/2004.
Incapacité temporaire partielle au taux chiffré de 15% : en cours depuis le 19/01/2004 à la période contemporaine de l'expertise.
Au titre du préjudice esthétique :
Il n'est pas mis en évidence d'altération physique, de dommage esthétique.
Au titre du préjudice sexuel :
Il a été considéré représenté par une diminution discrète de la libido, sans autre atteinte, notamment des fonctions procréatives.
Au titre du préjudice d'agrément :
Il a été signalé une réduction d'une activité physique sportive, qu'il s'agisse du Vélo Tout Terrain, du kayak et de la natation, au regard des manifestations fonctionnelles précitées.
Au titre du pretium doloris :
Le degré des souffrances endurées apparaît, pour l'heure, comme ne devant pas être inférieur à 3/7 (trois sur sept), prenant en considération les souffrances physiques et psychiques dans leur globalité. Le degré des souffrances endurées apparaît justifié, au regard, de l'astreinte aux soins médicamenteux, des répercussions liées à la connaissance de la maladie, pour l'heure considérée comme non guérie mais accessible à un traitement, susceptible d'optimiser les chances de réponses virologiques soutenues au-delà de 90%.
Au titre de l'incapacité permanente partielle :
Le quantum ne saurait être apprécié qu'après avoir fixé la date de consolidation, laquelle n'est toujours pas acquise lors des opérations investigales, dans la mesure où il existe une accessibilité à un traitement qui pourrait être envisagé, compte tenu de la place des anciennes et nouvelles molécules dans les nouvelles stratégies du traitement du virus de l'hépatite C, traitement qui devrait être disponible vers 2015, et auquel le patient est susceptible d'adhérer, selon les recommandations du médecin hépato gastro entérologue.
À titre informatif, au regard du score Métavir, en l'état actuel, en l'absence de complication de type cirrhose, au titre du déficit fonctionnel permanent, il peut être proposé une médiane entre 5 et 10% (cinq et dix pour cent).
- Comme l'a exposé le Pr. CASSUTO, l'état de santé actuel permet, au plan physiologique et psychique, à Monsieur p. IK., d'exercer une activité professionnelle, avec une pénibilité accrue compte tenu des répercussions de sa maladie.
- La réponse soutenue au traitement est caractérisée par la normalisation de la biologie et la non détection de l'ARN C sérique. Le patient est répondeur au traitement mais rechuteur.
Il convient dans ces conditions, d'envisager la poursuite d'un suivi bi annuel de la fibrose, au regard du génotype du virus et de son génie évolutif, sans qu'il ne puisse être fourni d'autre appréciation et élément de réflexion scientifique ».
Dans le dernier état de ses écritures, Philippe IK. demande au Tribunal d'homologuer le rapport d'expertise du docteur BOTTINI et de condamner l'établissement public de droit monégasque A à lui payer les sommes suivantes à titre de dommages-intérêts :
400 euros au titre de l'incapacité totale,
124.395 euros au titre de l'incapacité partielle,
50.567 euros au titre des pertes de revenus du foyer,
10.000 euros au titre de la perte de chance,
7.186,80 euros au titre du préjudice matériel,
20.000 euros au titre du préjudice moral et du préjudice d'anxiété,
5.000 euros au titre du préjudice d'agrément,
5.000 euros au titre du préjudice sexuel,
6.000 euros au titre des souffrances endurées,
1.500 euros au titre de l'IPP (à titre provisionnel).
Il entend également se voir donner acte de ce qu'il se réserve le droit de formuler toutes nouvelles demandes d'indemnisation au jour de sa consolidation et voir constater qu'à ce jour l'établissement public de droit monégasque A n'a pas versé l'indemnité provisionnelle précédemment accordée.
En défense, l'établissement public de droit monégasque A sollicite à titre principal le sursis à statuer sur l'ensemble des demandes formulées par la partie adverse, dans l'attente de la mise en cause de l'organisme social et, en toute hypothèse, de la consolidation de l'état de santé de la victime.
Subsidiairement, il entend voir ramener à de plus justes proportions le montant des indemnités sollicitées et voir rejeter les demandes formées au titre du préjudice moral et d'anxiété, au titre de l'incapacité temporaire partielle et au titre des pertes de revenus du foyer.
Il soutient que :
1) Sur le sursis à statuer :
bien qu'à la différence du droit français, le droit monégasque n'impose pas la mise en cause de l'organisme social, cette mise en cause est en l'espèce nécessaire et conforme à une bonne administration de la justice afin de permettre à l'organisme social de p. IK. de faire valoir ses droits à recours ;
dans son rapport, l'expert BOTTINI a précisé que l'état de santé de p. IK. n'était pas consolidé, en ce qu'il est accessible à un nouveau traitement, dont le résultat escompté pourrait consister en une guérison au-delà de 90 % et qui serait disponible vers 2015 ;
au demeurant, l'expert a par ailleurs relevé que p. IK. présente une hépatite chronique faiblement active ;
dans ces circonstances, les demandes d'indemnisation apparaissent prématurées en l'état ;
2) Sur le fond :
sur l'incapacité temporaire partielle : outre que les deux experts n'ont retenu aucune incidence professionnelle, en estimant que l'état de santé de p. IK. lui permettait d'exercer une activité professionnelle, celui-ci ne justifie d'aucun arrêt de travail ni réduction de son activité ayant entraîné une baisse de ses revenus ;
sur les pertes de revenus du foyer : outre que la demande formée à ce titre est irrecevable au motif que l'épouse de p. IK. n'est pas partie à l'instance, il n'est pas rapporté la preuve du lien de causalité entre la perte de revenus alléguée - laquelle n'est au demeurant pas justifiée - et la maladie de l'époux, madame IK. ayant manifestement fait le choix délibéré d'arrêter son activité professionnelle pour élever ses enfants ;
sur la perte de chance : outre que les experts n'ont retenu aucune incidence professionnelle, la demande formée de ce chef est prématurée et ce d'autant plus qu'il est avéré que le cabinet de kinésithérapie de p. IK. a toujours réalisé un chiffre d'affaires constant ;
sur le préjudice matériel : chaque partie doit conserver la charge de ses honoraires d'avocats et, pour le surplus, il appartient à p. IK. de justifier de ses frais de procédure ;
sur le préjudice moral et le préjudice d'anxiété : outre que cette demande est également prématurée au regard du projet thérapeutique dont pourrait bénéficier p. IK. à compter de 2015, ce dernier ne saurait prétendre à une double indemnisation, à la fois au titre des souffrances endurées et du préjudice moral, lequel s'y trouve inclus ;
sur le préjudice d'agrément : outre que cette demande est elle aussi prématurée, il appartient à p. IK. de justifier de la pratique antérieure des activités sportives au sujet desquelles l'expert a noté une possible réduction ;
sur le préjudice sexuel : au regard de la « discrète diminution de la libido » relevée par l'expert, la demande doit être ramenée à de plus justes proportions ;
sur les souffrances endurées : au regard de l'estimation par l'expert à 3/7, il convient, là encore, de ramener la demande à de plus justes proportions ;
sur l'incapacité permanente partielle : ainsi que l'indique l'expert, le quantum de l'IPP ne pourra être apprécié qu'une fois que la date de consolidation aura été fixée.
En réplique, p. IK. fait valoir que :
1) Sur le sursis à statuer :
le tribunal a précédemment rappelé que la mise en cause de l'organisme social n'était pas imposée par la législation monégasque, de sorte que ce point a d'ores et déjà été tranché ;
la non-consolidation de la victime ne fait pas obstacle à son indemnisation provisionnelle alors que le docteur BOTTINI a pris en considération l'ensemble de ses préjudices au jour de l'expertise, lesquels ne sont, dans leur majorité, susceptibles d'aucune modification ;
2) Sur le fond :
sur l'incapacité temporaire partielle : l'expert BOTTINI, dont les conclusions n'ont pas été contestées, a fixé avec précision les périodes d'incapacité de travail, totales et partielles, et, en tout état de cause, il est rapporté la preuve de ce que les revenus de p. IK. sont inférieurs au revenu moyen de ses confrères kinésithérapeutes ;
sur les pertes de revenus du foyer : outre que la demande est recevable, en ce qu'elle est formée par p. IK. et non par son épouse, la concordance des dates entre les interruptions d'activité de madame IK. et les périodes de traitement de son mari démontrent suffisamment que celle-ci a été contrainte de cesser ponctuellement de travailler, afin d'assumer les tâches domestiques lorsque les traitements subis par son époux ont entraîné chez lui une fatigabilité importante ;
sur la perte de chance : il est établi que la contamination de p. IK. par le virus de l'hépatite C l'a empêché de présenter sa candidature à un poste d'assistant de formation et de bénéficier de revenus équivalents au revenu moyen d'un kinésithérapeute exerçant à titre libéral ;
sur le préjudice matériel : p. IK. a dû faire l'avance des frais de la première mesure d'expertise (1.251,60 euros) et s'acquitter des honoraires d'avocats (5.935,20 euros) or le principe de la réparation intégrale du préjudice et l'inexistence en droit monégasque de fondement textuel comparable à celui de l'article 700 du Code de procédure civile français, commandent de lui rembourser ses frais de procédure ;
sur le préjudice moral et le préjudice d'anxiété : le préjudice moral de p. IK. se trouve caractérisé par sa détresse à l'annonce du diagnostic, son anxiété dans l'attente du dépistage de son épouse et de ses deux filles, ses déceptions suite au rechutes qu'il a subies bien que « répondeur » aux traitements, ses périodes de dépression, son inquiétude quant à l'évolution future de sa maladie, son angoisse au regard des possibles effets secondaires d'un nouveau traitement et, contrairement à ce qui est soutenu en défense, la Cour de cassation a considéré, en 2005, que la souffrance physique et la souffrance morale pouvaient parfaitement donner lieu à une indemnisation distincte ;
sur le préjudice d'agrément : les constatations des deux experts, corroborées par les attestations versées aux débats démontrent que, depuis plus de quinze ans, p. IK. se trouve privé de presque toute activité sportive et de loisir en raison d'un état de fatigue résultant tant des symptômes de la maladie que des effets secondaires des traitements ;
sur le préjudice sexuel : au regard de son âge et de la « discrète diminution de la libido » relevée par les deux experts, p. IK. est fondé en sa demande ;
sur les souffrances endurées : au regard de l'astreinte aux soins médicamenteux, des artromyalgies, des manifestations rhumatologiques douloureuses et de l'asthénie relevées par l'expert, lesquelles se trouvent aggravées par leur persistance dans la durée, p. IK. est fondé en sa demande ;
sur l'incapacité permanente partielle : bien que l'expert ait d'ores et déjà estimé que le déficit fonctionnel permanent s'établissait entre 5 et 10 %, en l'absence de consolidation, p. IK. s'en rapporte sur sa demande de provision formée à ce titre.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de sursis à statuer :
Sur le moyen tiré de l'absence de mise en cause de l'organisme social :
Ainsi que l'a déjà jugé ce tribunal dans la même affaire, dans sa décision du 28 février 2013, aucune disposition du droit monégasque n'impose ni ne sanctionne l'absence de mise en cause de l'organisme social, contrairement au droit français.
Il serait par ailleurs contraire à une bonne administration de la justice de retarder davantage l'indemnisation, même provisionnelle, des préjudices subis par p. IK. depuis 1999, dans le cadre d'une instance introduite en 2010 soit depuis plus de cinq ans.
Sur le moyen tiré de la non-consolidation :
Bien que cela ne soit pas explicitement conclu pour tous les chefs de préjudice, l'ensemble des demandes d'indemnisation formé par p. IK. doit s'analyser comme formulé à titre provisionnel.
De plus, l'expert BOTTINI a répondu à l'intégralité des questions qui lui ont été posées par le tribunal, de sorte que celui-ci dispose des éléments suffisants pour procéder à l'évaluation, certes provisoire, de l'importance des préjudices subis jusqu'à ce jour.
Enfin, la circonstance que p. IK. pourrait ultérieurement bénéficier d'un traitement prometteur, est sans incidence sur la nature et sur le degré des préjudices qu'il a d'ores et déjà subis depuis sa contamination par le virus de l'hépatite C.
Dans ces conditions, l'absence de consolidation de l'état de la victime ne constitue pas un obstacle à son indemnisation provisionnelle.
Sur les différents chefs de préjudice :
Le présent débat portant sur des indemnités provisionnelles, le moyen de défense tiré du caractère prématuré de certains chefs de demande doit immédiatement être écarté.
La demande, à hauteur de 400 euros, formée au titre de l'incapacité temporaire totale pour les deux périodes d'hospitalisation retenues par l'expert - du 14 au 15 janvier 2000 et du 14 au 15 février 2002 - ne fait l'objet d'aucune contestation.
Pour le surplus, il convient de procéder à l'examen du bien-fondé des demandes pour chaque poste de préjudice.
Sur l'incapacité temporaire partielle :
L'incapacité temporaire partielle comprend un double aspect, patrimonial et extra-patrimonial.
Dans son aspect patrimonial, ce chef de préjudice correspond à la perte de gains professionnels « actuels », c'est-à-dire entre la date du dommage et la date de consolidation.
L'évaluation en est faite par la comparaison entre le montant des revenus déclarés avant la survenance du dommage et celui des revenus déclarés pendant la période d'incapacité temporaire.
C'est dire que la fixation par l'expert d'un taux d'incapacité partielle pendant une ou plusieurs périodes n'est, à lui seul, pas suffisant pour ouvrir droit à indemnisation ; encore faut-il que le demandeur rapporte la preuve d'une perte de revenus avérée pendant lesdites périodes.
Les revenus considérés sont les revenus nets et non bruts.
S'agissant en l'espèce d'une demande provisionnelle concernant une victime non consolidée, il convient d'examiner la perte de revenus alléguée par p. IK. depuis la date de connaissance de sa maladie jusqu'à ce jour.
Sans être contredit sur ce point, l'expert BOTTINI a, en l'espèce, défini les taux et périodes d'incapacité suivants :
33 % du mois de juin 1999 au 13 janvier 2000
du 16 janvier 2000 au 16 mars 2000
du 19 avril 2001 au 13 février 2002
du 16 février 2002 au 16 octobre 2002
50 % du 17 mars 2000 au 17 mars 2001
du 17 octobre 2002 au 17 octobre 2003
25 % du 18 mars 2001 au 18 avril 2001
du 18 octobre 2003 au 18 janvier 2004
15 % depuis le 19 janvier 2004.
Les avis d'imposition de p. IK., exerçant en qualité de kinésithérapeute libéral à Marseille, font apparaître ses revenus non commerciaux nets :
1998 24.226 euros (158.686 francs)
1999 16.771 euros (109.854 francs)
2000 21.545 euros (141.123 francs)
2001 20.877 euros
2002 22.617 euros
2003 25.212 euros
2004 18.118 euros
2005 26.340 euros
2006 26.648 euros
2007 24.162 euros
2008 30.181 euros
2009 23.346 euros
2010 28.017 euros
2011 non communiqué
2012 27.071 euros
2013 32.339 euros.
Il ne ressort pas de l'examen de ces montants la preuve d'une diminution significative du montant des revenus de p. IK. lors des périodes d'incapacité partielle retenues par l'expert, à l'exception d'une baisse sensible mais isolée en 1999.
Pour le reste, ses revenus sont demeurés stables, ce qui signifie ainsi qu'il le reconnaît dans ses propres écritures, qu'il a maintenu son niveau d'activité professionnelle, en dépit de sa pathologie et des traitements qu'il a subis.
Le fait qu'il n'ait pas pu développer son activité, de sorte que le montant de ses revenus serait aujourd'hui inférieur au revenu moyen d'un kinésithérapeute libéral, ne relève pas d'une indemnisation au titre de l'incapacité temporaire partielle mais, le cas échéant, au titre de l'incidence professionnelle.
Le fait qu'ainsi que le relève l'expert BOTTINI, la maladie ait pour répercussions une pénibilité accrue dans l'exercice professionnel, ne relève pas d'une indemnisation de l'incapacité temporaire partielle au titre de la perte de gains mais, le cas échéant, au titre du déficit fonctionnel temporaire.
Ce second chef de préjudice, extra-patrimonial, correspond à la gêne dans les actes de la vie courante.
Il est en l'espèce caractérisé par la pénibilité accrue qu'a rencontrée p. IK. dans sa vie quotidienne, à raison principalement d'une fatigue chronique (asthénie) et d'un manque d'endurance.
Plusieurs modes d'évaluation de ce chef de préjudice sont possibles : allocation d'une indemnité égale à la moitié du SMIC journalier ou de 500 à 900 euros par mois.
Suivant le mode d'évaluation considéré et en prenant pour base les taux et périodes d'incapacité retenus par l'expert, l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire partiel de p. IK. s'élèverait à 27.264 euros, à 21.455 euros ou à 38.619 euros.
Faute pour l'auteur du dommage de formuler une quelconque proposition d'indemnisation ou de suggérer tel mode d'évaluation, au regard du degré de préjudice subi, il convient de retenir le plus favorable à la victime et d'accorder à p. IK. la somme de 38.619 euros en réparation de l'aspect non économique de son incapacité temporaire partielle.
Sur les pertes de revenus du foyer :
La perte de revenus du foyer, telle qu'alléguée par p. IK., est par définition constituée, d'une part, par la perte de revenus de la victime directe - laquelle se trouve indemnisée par ailleurs, au titre de l'incapacité temporaire partielle et, le cas échéant, de l'incidence professionnelle - et, d'autre part, par la perte de revenus de son conjoint.
Or « nul ne plaide par procureur » et le conjoint, victime indirecte du dommage, a la faculté de demander lui-même réparation de sa perte de revenus.
Madame IK. n'étant pas partie à la présente instance, la demande d'indemnisation formée au titre de sa perte de revenus doit être déclarée irrecevable.
Sur la perte de chance :
La perte de chance dont p. IK. demande ici l'indemnisation correspond à l'incidence professionnelle.
Ce poste de préjudice se définit comme la dévalorisation sur le marché du travail et, plus généralement, comme toute perte de chance de promotion, de gains espérés, ou d'accession à certaines catégories d'emploi.
La perte de chance existe et présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable.
En l'espèce, sans évoquer expressément « d'incidence professionnelle », l'expert BOTTINI, bien qu'ayant considéré que « l'état de santé actuel permet, au plan physiologique et psychique, à monsieur p. IK. d'exercer une activité professionnelle », a cependant relevé « une pénibilité accrue compte tenu des répercussions de sa maladie ».
La demande formée au titre de l'incidence professionnelle se trouve donc fondée en son principe.
Il appartient toutefois au demandeur d'apporter la preuve de la perte de chance invoquée.
p. IK. allègue en l'espèce :
avoir été contraint de renoncer à présenter sa candidature à un poste d'assistant de formation ;
n'avoir pas été en mesure de développer son activité professionnelle, au point que ses revenus seraient aujourd'hui inférieurs aux revenus moyens d'un kinésithérapeute libéral.
La preuve du premier moyen est rapportée par l'attestation de m. CI., directeur des études de l'établissement de formation à l'osthéopathie C qui indique :
« J'ai personnellement proposé à plusieurs reprises à monsieur IK., dès la validation de ses examens du 23 octobre 2004, de proposer sa candidature pour occuper les fonctions d'assistant de formation et d'intégrer l'équipe de formateurs de l'établissement.
Il possédait toutes les qualités requises pour occuper ces fonctions et se développer en qualité de formateur au sein de l'établissement.
Monsieur IK. a régulièrement refusé malgré son intérêt pour cette proposition, il était trop fatigué pour accepter cette proposition. » (pièce n° 14)
Il est ainsi suffisamment établi qu'en raison de sa grande fatigabilité, induite par sa maladie, p. IK. a dû renoncer à une éventualité professionnelle favorable, ou du moins, conforme à ses aspirations.
La preuve du second moyen n'est en revanche pas suffisamment rapportée par la seule production d'une attestation établie par Roland MERLO, expert-comptable de p. IK., affirmant qu'il ressort du relevé d'activité annuel intitulé « SNIR » que ce dernier a une activité inférieure à l'activité moyenne des praticiens kinésithérapeutes de la région. (pièce n° 17)
Ce témoignage, non corroboré par la production des relevés SNIR ou toute autre document faisant apparaître le revenu moyen d'un kinésithérapeute, est, à lui seul insuffisant à démontrer l'existence d'une perte de gains.
Le second moyen étant écarté, il convient de réduire le quantum de l'indemnisation et d'allouer à p. IK., au titre de la perte de chance, la somme provisionnelle de 5.000 euros.
Sur le préjudice matériel :
En l'espèce, p. IK. justifie avoir procédé au règlement :
d'honoraires d'avocats pour un montant total de 2.935,20 euros, et non de 5.935,20 euros comme allégué ; (pièce n° 19)
des frais de la première expertise, mis à sa charge par le jugement du 20 janvier 2011 et taxés le 29 juin 2011 à la somme de 1.251,60 euros.
Le principe de la réparation intégrale fonde la demande formée au titre du préjudice matériel lié aux honoraires d'avocat.
Il convient en conséquence d'allouer à ce titre la somme provisionnelle de 2.935,20 euros.
Les frais d'expertise sont à la charge de la partie perdante et compris dans les dépens.
Sur le préjudice moral et le préjudice d'anxiété :
En page 21 de son rapport du 12 juin 2014, le docteur BOTTINI a provisoirement estimé le degré des souffrances endurées comme ne devant pas être inférieur à 3/7, « prenant en considération les souffrances physiques et psychiques dans leur globalité » et précisant :
« Le degré des souffrances endurées apparaît justifié, au regard de l'astreinte aux soins médicamenteux, des répercussions liées à la connaissance de la maladie, pour l'heure considérée comme non guérie mais accessible à un traitement, susceptible d'optimiser les chances de réponse virologiques soutenues au-delà de 90 % ».
Il a donc inclus les souffrances psychiques de la victime dans le poste de préjudice « souffrances endurées », pour lequel p. IK. réclame par ailleurs l'allocation d'une somme de 6.000 euros.
Le même préjudice ne pouvant donner lieu à une double indemnisation, la demande formée au titre du préjudice moral et d'anxiété doit être rejetée.
Sur le préjudice d'agrément :
Le préjudice d'agrément est l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs.
En l'espèce, l'expert fait état d'une « réduction de l'activité sportive, qu'il s'agisse du vélo tout-terrain, du kayak ou de la natation, au regard des manifestations fonctionnelles précitées ».
Lesdites manifestations fonctionnelles sont définies en page 19 du rapport comme étant des arthromyalgies, des manifestations rhumatologiques douloureuses (articulaires et musculaires), associées à une asthénie.
La réalité de la pratique sportive antérieure de p. IK. et la réduction, voire la suppression de cette activité, auparavant soutenue et diversifiée (escalade, ski, kayak, VTT, voile), en raison de la fatigabilité et du manque d'endurance de l'intéressé, sont suffisamment démontrées par les attestations, concordantes et circonstanciées, de d. BE. et de c. GO. (pièces n° 22 et 23).
Eu égard à la nature sportive et au jeune âge de la victime lors de sa contamination en 1981 (23 ans), il convient de faire intégralement droit à ce chef de demande et d'allouer à p. IK. la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice d'agrément.
Sur le préjudice sexuel :
Le préjudice allégué est en l'espèce lié à l'acte sexuel et corroboré par les conclusions de l'expert qui fait état, en page 20 de son rapport, d'une « discrète diminution de la libido ».
Eu égard au jeune âge de la victime lors de sa contamination et en l'absence de toute proposition chiffrée de la part de l'auteur du dommage, il sera intégralement fait droit à ce chef de demande et alloué à p. IK. la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice sexuel.
Sur les souffrances endurées :
En l'état des conclusions de l'expert qui a provisoirement estimé le degré des souffrances endurées comme ne devant pas être inférieur à 3/7.
Au vu du degré du préjudice subi tel qu'explicité par l'expert et en l'absence de toute proposition chiffrée de la part de l'auteur du dommage, il sera intégralement fait droit à ce chef de demande et alloué à p. IK. la somme de 6.000 euros en réparation des souffrances endurées.
Sur l'incapacité permanente partielle :
Ce poste de préjudice ne peut, en l'état, faire l'objet d'une évaluation, même provisoire, faute de consolidation de l'état de la victime.
Sur ce point, l'expert n'a pu que proposer une médiane entre 5 et 10 %.
p. IK. sera donc débouté de sa demande de provision de ce chef.
Sur les autres demandes :
Les demandes de « donner acte » et de « voir constater » n'étant pas des demandes en justice au sens procédural, le tribunal n'est pas tenu d'y répondre.
Sur les dépens :
L'auteur du dommage, qui succombe pour l'essentiel, sera condamné aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort,
Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer ;
Homologue le rapport d'expertise déposé le 12 juin 2014 par le docteur Bernard-Michel BOTTINI ;
Condamne l'établissement public de droit monégasque A à payer à p. IK., à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, les sommes suivantes :
400 euros au titre de l'incapacité temporaire totale
38.619 euros au titre de l'incapacité temporaire partielle (déficit fonctionnel temporaire)
5.000 euros au titre de la perte de chance (incidence professionnelle)
2.935,20 euros au titre du préjudice matériel
5.000 euros au titre du préjudice d'agrément
5.000 euros au titre du préjudice sexuel
6.000 euros au titre des souffrances endurées ;
Déclare irrecevable la demande d'indemnisation provisionnelle au titre de la perte de revenus du foyer ;
Déboute p. IK. de ses demandes d'indemnisation provisionnelle au titre du préjudice moral et d'anxiété et au titre de l'incapacité permanente partielle (déficit fonctionnel permanent) ;
Condamne l'établissement public de droit monégasque A aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise, avec distraction au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sophie LEONARDI, Juge, Madame Léa PARIENTI, Magistrat référendaire, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 22 SEPTEMBRE 2015, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Monsieur Michael BONNET, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.