Tribunal de première instance, 2 juillet 2015, La société SAM A c/ La SRL B et autres
Abstract🔗
Construction – Responsabilité – Garantie décennale – Point de départ – Sous-traitance
Résumé🔗
Aux termes des dispositions de l'article 1630 du Code civil : « si l'édifice construit à prix fait, périt en tout ou partie par le vice de la construction, même par le vice du sol, les architectes et entrepreneurs en sont responsables pendant dix ans ». Cette garantie décennale des constructeurs s'étend à l'ensemble des locateurs d'ouvrage intervenus dans l'opération de construction et fait peser sur eux une présomption de responsabilité qui ne peut être renversée que par démonstration de la force majeure. Son point de départ est la date du procès-verbal de réception des travaux. En l'espèce l'écrasement et la détérioration du revêtement de la rampe d'accès principale à la SAM A constitue un désordre affectant un des éléments constitutifs du gros œuvre de l'immeuble le rendant impropre à sa destination et entre dans le régime de la garantie décennale prévue à l'article 1630 du Code civil.
Aux termes des dispositions de l'article 1627 du Code civil : « dans le cas où l'ouvrier fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'est tenu que de sa faute ». Dès lors, il incombe à l'entrepreneur principal d'établir la faute contractuelle du sous-traitant afin d'obtenir une éventuelle réparation sur le fondement de l'article 1002 du Code civil.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
JUGEMENT DU 2 JUILLET 2015
I- En la cause n° 2010/000353 (assignation du 8 janvier 2010) de :
La société SAM A, société anonyme monégasque au capital de 150.000 euros, inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le n°X, dont le siège social est sis X1 à Monaco, agissant poursuites et diligences de son Président délégué actuellement en exercice, M. BO., demeurant en cette qualité audit siège ;
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Elie COHEN, avocat au barreau de Nice,
d'une part ;
Contre :
La SRL B, société à responsabilité limitée de droit italien, dont le siège social est sis X2 (54036) Italie, prise en la personne de son gérant en exercice M. a. BU., domicilié en cette qualité audit siège ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
La SA C, société anonyme à directoire et conseil de surveillance au capital de 3.050.000 euros, immatriculée au RCS de Paris sous le n°X, dont le siège est sis X3, 92616 Clichy Cedex France, prise en la personne de son Président délégué en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Candice GUIGON, avocat au barreau de Nice,
La SRL D, société à responsabilité limitée de droit italien, dont le siège est sis X4 (MS) Italie, immatriculée au RC de Carrare sous le n°X, prise en la personne de son gérant en exercice M. v. BO., domicilié en cette qualité audit siège ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
La société de droit français dénommée « E », société à responsabilité limitée enregistrée au RCS de Bobigny sous le n°X, dont le siège social est sis X5, 93210 La Plaine Saint Denis (France), prise en la personne de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
La SAM F, société anonyme monégasque, inscrite au RCI de Monaco sous le n° 88 S 02353, dont le siège social est sisX6 à Monaco, prise en la personne de son administrateur délégué en exercice, domicilié de droit audit siège ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
La société G, Société d'Assurances Mutuelles à Cotisations Fixes, immatriculée au RCS de Paris n° 775 870 466, dont le siège est X7, 75380 Paris Cedex 08, prise en la personne de son Directeur général en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Étienne LEANDRI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
La société de droit français dénommée « SARL H », société à responsabilité limitée au capital de 77.749 euros, immatriculée au RCS de Beauvais sous le n°X, dont le siège est sis X8, 60000 Allonne (Beauvais-France), prise en la personne de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité au siège ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
d'autre part ;
II - En la cause n° 2014/000642 (assignation du 3 juin 2014) de :
La SRL B, société à responsabilité limitée de droit italien, dont le siège social est X9 (54036) Italie, prise en la personne de son gérant en exercice M. a. BU., domicilié en cette qualité audit siège ;
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
d'une part ;
Contre :
La SRL D, société à responsabilité limitée de droit italien, dont le siège est sis X10 (MS) Italie, immatriculée au RC de Carrare sous le n° 30140/12055, prise en la personne de son gérant en exercice M. v. BO., domicilié en cette qualité audit siège ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
En présence de :
La société SAM A, société anonyme monégasque au capital de 150.000 euros, inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le n°X, dont le siège social est sis X11 à Monaco, agissant poursuites et diligences de son Président délégué actuellement en exercice, M. BO., demeurant en cette qualité audit siège ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Élie COHEN, avocat au barreau de Nice,
La SA C, Société anonyme à directoire et conseil de surveillance au capital de 3.050.000 €, immatriculée au RCS de Paris sous le n° X, dont le siège est sis X12, 92616 Clichy Cedex France, prise en la personne de son Président délégué en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Candice GUIGON, avocat au barreau de Nice,
La société de droit français dénommée « E », société à responsabilité limitée enregistrée au RCS de Bobigny sous le n° X, dont le siège social est sis X13, 93210 La Plaine Saint Denis (France), prise en la personne de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
La SAM F, Société Anonyme Monégasque, inscrite au RCI de Monaco sous le n°X, dont le siège social est sis X14, 98000 Monaco, prise en la personne de son Administrateur délégué en exercice, domicilié de droit audit siège ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
La société G, Société d'Assurances Mutuelles à Cotisations Fixes, immatriculée au RCS de Paris n° X, dont le siège est X15, 75380 Paris Cedex 08, prise en la personne de son Directeur général en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Étienne LEANDRI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
La société de droit français dénommée « SARL H », Société à Responsabilité Limitée au capital de 77.749 €, immatriculée au RCS de Beauvais sous le n°X, dont le siège est sis X16, 60000 Allonne (Beauvais-France), prise en la personne de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité au siège ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 8 janvier 2010, enregistré (n° 2010/000353) ;
Vu le Jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 6 juin 2013 ayant notamment réglé les exceptions de nullité de l'acte introductif d'instance ;
Vu le Jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 8 mai 2014 ayant notamment autorisé la SRL B a appeler en garantie la SRL D ;
Vu les conclusions de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la SRL B, en date du 8 octobre 2014;
Vu les conclusions de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la SRL D, en date du 18 décembre 2014 ;
Vu les conclusions de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de la SARL H, en date du 30 mars 2015 ;
Vu les conclusions de Maître Étienne LEANDRI, avocat-défenseur, au nom de la société G, en date du 8 avril 2015 ;
À l'audience publique du 7 mai 2015, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 2 juillet 2015 ;
CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :
Dans le cadre de travaux de rénovation de la SAM A réalisés sous le contrôle de la SAM F, la SAM A, sous la maîtrise d'œuvre de la SCI I a confié à la SRL B l'exécution du lot 14 comprenant la réfection de la rampe d'accès à l'hôtel à partir de la rue de la Madone.
Ce chantier a été sous-traité à la SRL D.
La SARL H, dont l'assureur Responsabilité Civile est la société G, est le fournisseur des briques composant le revêtement de la rampe d'accès.
Suite à la dégradation du revêtement de sol et des caniveaux de la rampe d'accès à l'hôtel, plusieurs déclarations de sinistres ont été établies auprès de la SA C, assureur, respectivement en avril 2005 et septembre 2006.
Après expertise amiable par l'expert de la compagnie d'assurance, un désaccord est survenu entre les parties tant sur le partage de responsabilités entre l'entreprise en charge de l'exécution de la rampe d'accès et le maître d'œuvre, qu'en ce qui concerne l'étendue des surfaces à reprendre.
Par ordonnance de référé du 16 juillet 2008, une mesure expertale a été ordonnée et confiée à Monsieur Francis ARNOUX.
Les opérations d'expertise, qui se sont achevées par le dépôt d'un pré-rapport le 27 février 2010 et d'un rapport le 10 octobre 2011, ont été réalisées au contradictoire des parties suivantes :
SAM A,
SCI I,
SRL D,
SRL B,
SARL E,
SA C,
SAM F,
Société J,
SARL H,
SAS K.,
SAS L.
Par acte d'huissier en date du 8 janvier 2010, la SAM HOTEL I a assigné la SRL B, la SA C, la SRL D, la SARL E, la SAM F, la société G et la SARL H devant le Tribunal de Première Instance aux fins de l'entendre, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
dire que la SRL B, titulaire du marché revêtement de sol, est responsable des désordres affectant la rampe d'accès à la SAM A depuis l'avenue de la Madone,
condamner solidairement la SRL B et sa compagnie d'assurances la SA C à réparer son entier préjudice évalué provisoirement à la somme de 300.000 €, à parfaire au vu des conclusions non encore déposées de l'expert.
Par Jugement du 6 juin 2013, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé de la cause et de l'argumentation de chacune des parties, le Tribunal a rejeté les exceptions de nullité de l'assignation introductive d'instance soulevées par la SRL B, la SAM F et la SARL H et renvoyé les parties à conclure au fond.
Par Jugement avant dire droit en date du 8 mai 2014, le Tribunal a :
- autorisé la SRL B à appeler en garantie la SRL D ;
- rejeté les demandes d'appel en cause et en garantie formées par la SRL B à l'encontre de la SCI I, la SAS K., la SAM F, la SARL E, la SA LE et la SA C ;
- rejeté les demandes d'appel en cause et en garantie formées par la SAM F à l'encontre de la SCI I, la SRL B, la SAS K., la SRL D, la SARL E, la SA L, la SA C.
Par acte d'huissier en date du 8 mai 2014, la SRL B a assigné sa sous-traitante la SRL D en garantie de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre dans le cadre de l'instance principale introduite par la SAM A le 8 janvier 2010 et sollicité la jonction des deux procédures.
Dans le dernier état de ses conclusions, la SAM A sollicite la condamnation solidaire et sous le bénéfice de l'exécution provisoire de la SRL B et de sa compagnie d'assurances la SA C à réparer l'entier préjudice qu'elle a subi et à lui payer à ce titre la somme de 312.531,70 €, arrêtée définitivement par l'expert au titre des travaux de reprise de la rampe.
Elle fait valoir :
- qu'elle a dû agir rapidement en justice pour éviter que le délai de forclusion de 2 ans ne lui soit opposé et qu'elle a été contrainte d'attraire à la cause toutes les parties qui ont participé aux opérations d'expertise ;
- qu'elle ne formule de demandes qu'à l'encontre de la SRL B, seul responsable en sa qualité de titulaire du lot revêtement de sol, et son assureur la SA C dans la mesure en outre, où un accord avait été trouvé avec elles sur le principe d'une réparation, le différend ne portant que sur la surface de réfection des zones endommagées (275 m2 accepté par la SRL B et son assureur) et 615 m2 sollicité par le maître de l'ouvrage ;
- que Monsieur ARNOUX, expert judiciaire préconise lui même en page 22 de son rapport, une réfection totale de l'ouvrage afin de lui redonner la pérennité et l'uniformité esthétique souhaitée pour ce type d'établissement de luxe (les teintes des zones reprises et celles des nouveaux joints sont plus foncées que l'existant) ;
- que l'expert judiciaire chiffre le montant total des travaux de reprise à la somme de 312.531,70 €.
La SA C conclut au débouté des demandes formulées à son encontre tant par la SAM A à titre principal que par la SRL B dans le cadre de son appel en garantie et sollicite leur condamnation à lui verser la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Elle expose :
qu'elle n'est pas l'assureur de la SRL B ;
qu'en effet la police d'assurance portant le n° 10724050 concernant les travaux de restructuration et de décoration de l'hôtel a été souscrite par la SAM A PALACE, en l'espèce maître de l'ouvrage et maître d'œuvre ; qu'il est par ailleurs prévu au chapitre « assuré » que seul le souscripteur, en l'occurrence la SAM A PALACE, et les propriétaires successifs de l'ouvrage sont les assurés.
Suivant conclusions communes aux deux instances, la SRL B demande au Tribunal de :
- débouter la SAM A de toutes ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et en réparation du préjudice subi ;
- subsidiairement : dire que la SRL D devra la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre ;
- prendre acte de ses réserves quant au pourcentage de responsabilité retenu par l'expert judiciaire dans son pré-rapport en date du 27 février 2010.
Elle allègue :
- que la SAM A n'a jamais fourni les pièces contractuelles qu'elle a sollicitées tout au long de la procédure ;
- qu'elle n'est pas responsable du choix du revêtement en briquette de la voie d'accès à la SAM A, lequel s'est révélé trop fragile et non adapté au trafic de l'hôtel ;
- qu'aux dires de la société H, le choix des briques aurait été effectué sur parc par la société E en présence du décorateur j. GA., sans cahier des charges, ni prescription particulière, ni destination, ni usage pour la commande ;
- que la pose des briques a été réalisée conformément aux normes en vigueur à l'époque, aucun désordre de désaffleurement entre les briquettes, ni entre les briquettes et les bandes de revêtement en marbre n'ayant été relevé ;
- que les fissures constatées étaient liées à une circulation prématurée d'engins de chantier et de manutention sur la rampe, ainsi qu'à un temps de séchage du mortier insuffisant, malgré ses réserves ;
- que sa responsabilité ne peut être recherchée dans la mesure où elle a suivi les instructions du maître d'œuvre, sans prendre d'initiative personnelle.
Suivant conclusions en date du 18 décembre 2014, la SRL D demande au Tribunal de :
- dire qu'elle a agi en qualité de sous traitant et débouter la SRL B de sa demande en garantie ;
- la condamner à lui payer la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en application des articles 234 in fine du Code de procédure civile et 1229 du Code civil.
Elle soutient :
- que l'expert n'est pas parvenu à déterminer clairement les responsabilités de chacun ;
- qu'il appartient à l'entrepreneur principal d'établir la faute précise du sous-traitant ;
- qu'aucune faute ne peut lui être reprochée puisqu'elle s'est contentée de suivre les instructions de la SRL B qui l'avait mandatée et n'est pas intervenue dans le choix des matériaux qui avaient préalablement été sélectionnés par la maîtrise d'œuvre.
La SRL D demande également au Tribunal de constater qu'aucune demande n'est formulée à son encontre par la SAM A et de condamner cette dernière à lui verser une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
La SARL E demande au Tribunal de constater qu'aucune demande n'est formée à son encontre et de condamner la SAM A à lui payer la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
La SAM F sollicite de la présente juridiction :
- à titre principal, qu'elle constate qu'aucune demande n'est formée à son encontre ni par la SAM A, ni par la SRL B et les condamne en conséquence à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- à titre subsidiaire, qu'elle prenne acte de ses réserves afférentes à la répartition des responsabilités envisagée par l'expert judiciaire dans son pré-rapport.
La SARL H demande également au Tribunal de dire qu'aucune responsabilité ne peut lui être imputée, de constater qu'aucune demande de réparation n'est formée à son encontre et de condamner la SAM A à lui payer la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
La société G demande au Tribunal :
À titre principal :
- de constater qu'aucune demande n'est formée à son encontre
- de dire que sa garantie n'a pas vocation à s'appliquer au regard de l'article 31 des conditions générales du contrat « responsabilité civile chef d'entreprise » souscrit par la SARL H ;
À titre subsidiaire :
- de dire qu'il n'a pas été rapporté la preuve de la responsabilité de son assuré ;
À titre infiniment subsidiaire, dans le cas où le Tribunal serait amené à prononcer une condamnation à son encontre :
- de dire qu'il conviendra de déduire une franchise contractuelle de 10% avec un minimum de 360 € et un maximum de 1.800 €.
MOTIFS
- Sur la jonction des procédures :
Dans un souci de bonne administration de la justice, il y a lieu au regard de leur lien de connexité d'ordonner la jonction des procédures enregistrées au greffe civil sous les n° 2010/000353 et n° 2014/000642.
- Sur la demande principale :
La SAM A sollicite la condamnation solidaire de la SRL B et de la SA C à lui payer la somme de 312.531,70 € en réparation des désordres affectant le revêtement de la rampe d'accès de la SAM A.
- Sur la responsabilité de la SRL B :
Aux termes des dispositions de l'article 1630 du Code civil : « si l'édifice construit à prix fait, périt en tout ou partie par le vice de la construction, même par le vice du sol, les architectes et entrepreneurs en sont responsables pendant dix ans ».
Cette garantie décennale des constructeurs s'étend à l'ensemble des locateurs d'ouvrage intervenus dans l'opération de construction et fait peser sur eux une présomption de responsabilité qui ne peut être renversée que par démonstration de la force majeure.
Son point de départ est la date du procès verbal de réception des travaux.
En l'espèce l'écrasement et la détérioration du revêtement de la rampe d'accès principale à la SAM A constitue un désordre affectant un des éléments constitutifs du gros œuvre de l'immeuble le rendant impropre à sa destination et entre dans le régime de la garantie décennale prévue à l'article 1630 du Code civil.
À titre liminaire, il convient de constater que, malgré les demandes réitérées de l'expert judiciaire Monsieur ARNOUX et du Juge chargé du contrôle des expertises, la SAM A n'a pas produit les pièces contractuelles liant les parties au procès, soit les marchés de travaux, le contrat de maîtrise d'œuvre, les D. P. F. G, les C. C. A. P, les procès-verbaux de réception de travaux et de levée de réserves.
Cependant, il ressort du CCTP en date du 19 août 2002 modifié le 20 mars 2003 versé aux débats, que la SRL B était titulaire du lot n° 14 A « revêtement dur » au sein du marché de travaux souscrit par la SAM A pour la réfection de la rampe d'accès litigieuse, ce qu'elle ne conteste pas.
En sa qualité de locateur d'ouvrage, elle est donc tenue envers le maître de l'ouvrage à la garantie décennale et en conséquence présumée responsable des dommages survenus dans les dix années suivant le procès verbal de réception du lot « revêtement dur » intervenu en l'espèce le 2 novembre 2004, sans réserves importantes.
Aux termes de ses constatations, Monsieur ARNOUX, expert judiciaire a relevé que la rampe d'accès de la SAM A présentait des zones d'altération quasi généralisées matérialisées par des surfaces d'enfoncement du revêtement et des fissures des briques la composant.
Se référant à la norme NFP 98-335 de décembre 1993 et à la norme NF en 1344 d'août 2003 applicables à la matière, il a retenu plusieurs causes aux dégradations de la rampe d'accès litigieuse à savoir :
- un choix de briquettes non adapté à la rampe destinée à recevoir le passage de véhicules (épaisseur et résistance insuffisante des briquettes choisies) ;
- une mauvaise composition du mortier de pose (mortier de scellement pas assez dosé en ciment, excès d'eau dans le gâchage), lequel présentait en conséquence un excès de porosité et ne présentait pas les qualités mécaniques attendues ;
- un support non adapté (le pavage en brique aurait dû être posé sur un revêtement souple type lit de sable stabilisé ou gravillon) ;
- une mauvaise réalisation de la pose des briquettes (non respect des intervalles de joints (minimum de 5 mm), briquettes parfois collées bord à bord).
L'expert amiable, à savoir le Cabinet M de la compagnie d'assurances C, intervenu le 12 octobre 2006, en qualité d'assureur de La SAM A, avait également retenu comme cause des désordres un affaissement et une rupture des briquettes liés au trafic lourd avant que le mortier de pose n'ait fait prise.
La SAM A considère qu'en sa qualité de seul titulaire du lot revêtement de sol (lot 14), la SRL B doit être déclarée responsable des désordres et condamnée à réparer l'intégralité du préjudice.
Il est certain qu'elle devait notamment à ce titre réceptionner les supports, fournir et poser tous les ouvrages et parements en pierres, briques ou en béton architectonique de la rampe ainsi que tous les matériaux nécessaires à leur mise en œuvre dans les règles de l'art.
Elle doit donc être déclarée responsable des désordres survenus du fait de la mauvaise qualité du mortier, de l'exécution d'un support inadapté ainsi que de la mauvaise réalisation de la pose, que l'expert judiciaire a retenu comme étant les causes principales des altérations du revêtement de la rampe.
Cependant, lorsque le « maître de l'ouvrage délégué » encore appelé « maître d'œuvre d'exécution » dispose de compétences techniques particulières, il peut se réserver l'accomplissement de certaines tâches et être tenu responsable, dans le cadre d'un partage de responsabilité, des dommages causés conjointement avec les autres constructeurs.
Or en l'espèce, il ressort clairement du Cahier des Clauses Techniques Particulières du lot 14 A, que la SCI I, en qualité de maître d'œuvre d'exécution, s'était réservée le choix des briquettes.
C`est également ce que confirme la SARL H, fabriquant, qui précise dans un dire adressé à l'expert judiciaire, que ce choix a été effectué sur parc par la SARL E, fournisseur, mandatée par la SCI I, maître d'œuvre d'exécution, en présence du décorateur j. GA. sans cahier des charges, ni prescriptions particulières.
Et, même s'il est prévu au CCTP que l'entrepreneur doit vérifier que les matériaux préconisés bénéficient d'un avis technique favorable, l'expert judiciaire a expliqué qu'il n'existait aucune norme précise concernant l'utilisation de ce type de brique en fonction du trafic.
La SRL D ne peut donc être tenue pour responsable du choix des briquettes, qui relève de la seule responsabilité du maître d'œuvre d'exécution.
De même, le non respect du temps de séchage du mortier (15 jours d'interdiction de trafic) relève de la responsabilité du maître d'œuvre d'exécution, lequel aurait du veiller à la bonne coordination du chantier.
En conséquence, il y a lieu d'opérer un partage de responsabilité et de dire que La SRL B, en sa qualité de titulaire du lot 14 sera tenue de réparer les dommages à hauteur de 70 %, étant précisé qu'une part de responsabilité de 30 % revient à la SCI I.
Au regard de la réglementation actuelle (qui impose des briquettes avec une épaisseur minimum de 6 cm, un marquage CE, une pose sur lit de sable ou joints souples), au vu également du caractère esthétique (permettant l'homogénéité de l'ensemble des tons de pierres et du ciment des joints) exigé pour une rampe d'accès à un hôtel de luxe ainsi que pour préserver la pérennité de l'ouvrage (certaines zones moins utilisées pourraient encore s'affaisser en raison de la qualité du mortier), Monsieur ARNOUX préconise une reprise totale de la rampe.
Compte tenu de ces remarques, il chiffre les travaux de reprise à la somme de 312.531,70 €.
La SRL B doit être dès lors condamnée à payer à la SAM A la somme de 218.772,19 € correspondant à sa part de responsabilité au titre de la garantie décennale.
- Sur la garantie due par la SA C :
La SAM A a assigné la SA C aux fins de la voir solidairement condamnée à réparer son préjudice en sa qualité d'assureur de la SRL B.
Cependant, La SA C conteste être l'assureur de la SRL B.
Elle fait valoir que la police d'assurances portant le n° 10724050 afférente aux travaux de restructuration et de décoration de l'hôtel a été souscrite par la SAM A PALACE, en l'espèce maître de l'ouvrage et maître d'œuvre et qu'il est prévu au chapitre « assuré » que seul le souscripteur, en l'occurrence la SAM A PALACE et les propriétaires successifs de l'ouvrage sont les assurés.
Le rapport d'expertise amiable du cabinet M en date du 12 octobre 2006 désigne l'assureur C comme étant l'assureur de la SCI I. C'est également ainsi que se présente la SA C dans un courrier du 11 janvier 2008 adressé à l'agence O
La SAM A ne démontre donc pas que la SA C soit l'assureur de La SRL B.
Il convient dès lors de la mettre hors de cause.
- S'agissant des autres défendeurs :
Il y a lieu de constater qu'aucune demande n'est formulée par la SAM A à l'encontre de la SRL D, de la SARL E, de la SAM F, de la société G et enfin de la société H.
- Sur l'appel en garantie formée par la SRL B à l'encontre de la SRL D :
Aux termes des dispositions de l'article 1627 du Code civil : « dans le cas où l'ouvrier fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'est tenu que de sa faute ».
Dès lors, il incombe à l'entrepreneur principal d'établir la faute contractuelle du sous-traitant afin d'obtenir une éventuelle réparation sur le fondement de l'article 1002 du Code civil.
En l'espèce, il est constant que La SRL B a sous traité à la SRL D la pose des briques de la rampe d'accès de la SAM A.
L'expert judiciaire relève dans la partie « historique sommaire » du compte rendu des réunions d'expertise des 17 octobre et 7 novembre 2008, que les fournitures pour la réalisation du mortier de pose ont été mises à disposition par La SRL B.
Pour autant, il n'est pas contesté que c'est la SRL D, société sous traitante qui a effectué le mélange du mortier, lequel s'est avéré trop peu dosé en ciment (180kg/m3) et comportant un excès d'eau lors du gâchage, entraînant une forte porosité (37 %) ce qui a entraîné une baisse de ses caractéristiques mécaniques.
De même, si la SRL D, société sous-traitante devait agir selon les instructions de l'entrepreneur principal, notamment quant au choix du revêtement de sol, il n'en demeure pas moins qu'elle a procédé à la pose des briquettes, sans respecter les intervalles entre les joints, et parfois bord à bord, ce qui a contribué de manière significative au dommage.
Il résulte ainsi des constatations techniques de l'expert judiciaire, une inexécution fautive de la prestation incombant à la SRL D en sa qualité de sous-traitant.
Il sera dès lors tenu de garantir la SRL B à hauteur de la somme de 109.386,09 €.
- Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive :
demandes formées à l'encontre de la SAM A :
La SRL D, la SARL E, la SAM F et la société H ont sollicité l'octroi de dommages et intérêts estimant avoir été abusivement attraites à la cause par la SAM A, laquelle n'a finalement formée aucune demande à leur encontre.
Cependant, il ne peut être sérieusement reproché à la demanderesse principale d'avoir assigné l'ensemble des défendeurs ayant participé à un titre ou à un autre, à la réalisation de la rampe d'accès litigieuse, afin de sauvegarder ses droits, au regard du délai de forclusion encouru et alors que l'expertise judiciaire permettant de déterminer l'origine des désordres n'était pas encore achevée.
En conséquence, son action ne revêtant pas à un caractère abusif, les sociétés défenderesses seront déboutées des demandes de dommages et intérêts qu'elles ont formées à l'encontre de la SAM A.
En revanche, dans la mesure où la SAM A, maître de l'ouvrage, en sa qualité d'assuré la SA C était nécessairement en possession des documents contractuels liant cette compagnie d'assurances aux autres locateurs d'ouvrage, le maintien de la demande de condamnation de la SA C, en dépit des dénégations de cette dernière et sans qu'aucune police d'assurance n'ait été produite, constitue un abus de droit.
La SRL B sera dès lors condamnée à payer à La SAM A la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
demandes formées à l'encontre de la SRL B :
Le Tribunal ayant favorablement accueilli pour partie la demande en garantie formée par la SARL B, cette action ne peut être considérée comme abusive ;
La SRL D doit être en conséquence déboutée de la demande de dommages et intérêts qu'elle a formée à ce titre.
La SAM F ne démontrant aucunement l'existence d'une faute commise à son encontre par la SRL B sera elle aussi déboutée de sa demande de dommages et intérêts
- Sur l'exécution provisoire :
Les conditions requises par l'article 202 du Code de procédure civile n'étant pas réunies, l'exécution provisoire de la présente décision ne sera pas ordonnée.
- Sur les dépens :
La SRL B et la SRL D, parties perdantes, seront condamnées in solidum aux entiers dépens de la présente instance, en ce compris ceux afférents aux jugements avant-dire-droit des 8 mai 2014 et 2 juillet 2015 et le coût de l'expertise judiciaire, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR BENSA, Maître Patrice LORENZI, Maître Richard MULLOT, Maître Yann LAJOUX, Maître Etienne LEANDRI et Maître Jean-Pierre LICARI, avocats-défenseurs, chacun pour ce qui le concerne.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les n° 2010/000353 et n° 2014/000642 ;
Condamne la SRL B à payer à la SAM A la somme de 218.772,19 € ;
Condamne la SRL D à garantir la SRL B à hauteur de la somme de 109.386,09 € en sa qualité de sous-traitant ;
Dit que la SA C n'est pas l'assureur de la SRL B et la met hors de cause ;
Constate qu'aucune demande n'est formée par la SAM A à l'encontre de la SARL H, de son assureur la société G, de la SARL E, de la SAM SOCOTEC et de la SRL D ;
Déboute la SRL D, la SARL E, la SAM F et la SARL H de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive à l'encontre de la SAM A ;
Condamne la SAM A à payer à la SA C une somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Déboute la SRL D et la SAM F de leurs demandes de dommages et intérêts à l'encontre de la SRL B ;
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;
Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision ;
Condamne in solidum la SRL B et la SRL D aux dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire et les dépens réservés par jugements des 6 juin 2013 et 8 mai 2014 distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, Maître Patrice LORENZI, Maître Richard MULLOT, Maître Yann LAJOUX, Maître Étienne LEANDRI et Maître Jean-Pierre LICARI, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation chacun pour ce qui les concerne ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge, Madame Sophie LEONARDI, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 2 juillet 2015, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.