Tribunal de première instance, 28 mai 2015, La Société civile immobilière A c/ Le Syndicat des Copropriétaires de « B »
Abstract🔗
Copropriété - Charges de copropriété - Bien-fondé de l'action en paiement (oui)
Résumé🔗
La société copropriétaire doit être condamnée à payer l'arriéré de charges de copropriété, dont le montant est justifié. La résistance abusive de la copropriétaire, ayant contraint le syndicat des copropriétaires à intenter deux actions en justice, justifie l'allocation de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
JUGEMENT DU 28 MAI 2015
En la cause de :
La Société Civile Monégasque dénommée A, dont le siège social est sis X1, immatriculée au Répertoire Spécial des Sociétés Civiles sous le n°X, représentée par son gérant en exercice, demeurant à la même adresse,
DEMANDERESSE SUR OPPOSITION, ayant élu domicile en l'étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
Le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble dénommé B, sis à MONACO, X2 agissant poursuites et diligences de son syndic en exercice, la société anonyme monégasque Cabinet WO., immatriculée au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le n° X, au capital de 200.000 euros, dont le siège social est X3 98000 MONACO, représentée par son Président administrateur délégué en exercice, Monsieur Jacques WO., domicilié audit siège en cette qualité,
DÉFENDEUR SUR OPPOSITION, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Florent ELLIA, avocat au Barreau de Nice ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu le jugement de défaut rendu par ce Tribunal le 12 juin 2014, signifié le 3 juillet 2014 ;
Vu l'exploit d'opposition et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 31 juillet 2014, enregistré (n° 2015/000049) ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom du Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble B, en date des 29 janvier 2015 ;
Vu le courrier de Maître Sophie LAVAGNA, en date du 9 avril 2015 ;
À l'audience publique du 16 avril 2015, le conseil du Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble B a été entendu en sa plaidoirie tandis que le conseil de la SCI A a déclaré être sans pièce ni moyen et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 28 mai 2015 ;
CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :
Par acte d'huissier en date du 14 mars 2014, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble dénommé le « B » a, d'une part,fait dénoncer une inscription d'hypothèque légale prise sur un studio n° 548 dans le bâtiment « C MER », lot 619 au 2ème étage et un emplacement pour voiture, lot 405 au 1er sous-sol, lots situés dans l'immeuble dénommé le « B », sis à Monaco, X et appartenant à la SCI A et, d'autre part, fait assigner la SCI A aux fins de :
- dire et juger que celle-ci est débitrice de la somme de 22.446,31 euros envers ledit syndicat ;
- la condamner au paiement de cette somme outre les intérêts de retard jusqu'à parfait paiement et le coût de l'hypothèque légale (121 euros) ;
- la condamner au paiement de la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et aux entiers dépens distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Le demandeur a exposé que la SCI A est propriétaire d'un appartement studio au 2ème étage (lot 619) de l'immeuble B dans le bâtiment C mer situé X à Monaco et d'un emplacement de parking au 1er sous sol dudit immeuble (lot 405) et qu'elle était redevable de charges de copropriétés impayées pour les années 2012 et 2013.
La SCI A n'a pas comparu, ni personne pour elle, sur l'assignation du 14 mars 2014.
Par jugement de défaut en date du 12 juin 2014, la SCI A a été condamnée à payer au Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble B la somme de 22.446,31 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement outre celle de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ainsi qu'aux dépens comprenant les frais liés à l'hypothèque légale.
Cette décision a été signifiée à la SCI A le 3 juillet 2014 par remise de l'acte en mairie.
Par l'exploit susvisé du 31 juillet 2014, la SCI A a formé opposition au jugement du 12 juin 2014 et demande au Tribunal de :
- déclarer son opposition recevable et bien fondée,
- lui donner acte de ce qu'elle proposera la liquidation des charges de copropriété qui pourraient être dues dans des écritures ultérieures et après communication des avis d'appels de fonds et des extraits de compte par le Syndicat des Copropriétaires de l'ensemble immobilier B,
- condamner le syndicat des copropriétaires à lui régler les sommes de :
* 40.000 euros au titre des frais de remise en état des lieux et indemnité pour privation de jouissance,
* les intérêts sur cette somme au taux légal à compter de la date de l'assignation jusqu'à parfait paiement capitalisés par trimestre échus,
* 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
* les entiers dépens incluant les frais de mainlevée et de radiation des hypothèques légales inscrites sur présentation d'une expédition du jugement à intervenir.
Au soutien de ses prétentions, la SCI A expose :
- qu'elle est propriétaire d'un studio formant le lot n° 619 au 2ème étage et d'un emplacement de stationnement pour véhicule formant le lot n° 405,
- le studio a été le siège de plusieurs inondations dont deux l'ont sérieusement endommagé, ce qui l'a obligée à effectuer des travaux et l'a privée de la jouissance,
- il n'est pas contestable que ces inondations trouvent leur source dans la défaillance d'une canalisation des parties communes de l'immeuble,
- un échange de correspondance avec le syndic n'a pas permis son indemnisation,
- elle a donc décidé de suspendre le paiement des charges de copropriété,
- les travaux de remise en état s'élèvent, sauf à parfaire, à la somme de 40.000 euros et la valeur locative de l'appartement est de 3.000 euros par mois,
- la résistance du Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble est abusive et doit être sanctionnée,
- les charges de copropriété devront être réglées après contrôle de leur exigibilité,
- le Tribunal devra ordonner la compensation des créances respectives des parties et ordonner la radiation des hypothèques légales prises sur ses biens le 1er juillet 2010 à hauteur de 11.877,71 euros et le 7 mars 2014 pour 18.604,58 euros.
Par conclusions du 29 janvier 2015, le Syndicat des Copropriétaires a sollicite de la juridiction qu'elle :
- constate que la SCI A n'a communiqué aucune pièce dans le cadre de la présente instance et rejette ses prétentions comme non fondées,
- plus subsidiairement, dise et juge que la SCI A n'est pas fondée à exciper de l'inexécution de son obligation de s'acquitter des charges de copropriété au motif prétendu de l'absence d'indemnisation d'un préjudice résultant de fuites d'eau intervenues au sein de l'appartement dont elle est propriétaire et déboute la SCI A de l'ensemble de ses prétentions,
- condamne la SCI A à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts.
À l'appui de ses prétentions, le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble B, reprenant ses demandes et moyens soutenus antérieurement, indique en outre :
- que la décision du 12 juin 2014 est incontestable,
- que la SCI A, bien qu'elle ait indiqué dans son assignation qu'elle verserait aux débats les justificatifs de ses demandes, n'a produit aucune pièce,
- que les prétentions de la SCI A ne sont pas de nature à justifier une exception d'inexécution,
- que la SCI A qui développe une argumentation dilatoire afin de ne pas régler les sommes qui lui sont réclamées doit être condamnée à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en compensation des frais qu'il a été contraint d'assumer pour faire valoir ses droits dans la présente instance.
Par courrier du 9 avril 2015 et lors de l'audience de plaidoiries, Maître Sophie LAVAGNA, conseil de la SCI A a déclaré être sans pièce ni moyen pour assurer la défense de son client.
SUR CE,
Sur l'opposition,
Conformément à l'article 219 du code de procédure civile, que « le défendeur peut former opposition au jugement de défaut rendu contre lui » ; que le délai pour ce faire est fixé à trente jours à dater de la signification du jugement par l'article 220 du Code de procédure civile ;
Le jugement du 12 juin 2014 a été signifié à Mairie le 3 juillet 2014 et l'acte d'opposition et assignation a été notifié le 31 juillet 2014. L'opposition formée par la SCI A est donc recevable.
Il convient dès lors de statuer à nouveau sur les demandes des parties.
Sur les demandes du Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble B,
À l'appui de sa demande en paiement, le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble B verse aux débats :
- le jugement du tribunal de première instance du 20 janvier 2011 ayant précédemment condamné la défenderesse à lui payer la somme de 11.877,71 euros avec intérêts au taux légal à compter de son prononcé au titre d'arriérés de charges de copropriété afférents aux années 2009 et 2010,
- l'arrêté de comptes en date du 9 juillet 2013 relatif à des appels de fonds pour des charges de copropriété dues par la SCI A pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, ainsi que le premier appel de fonds pour l'année 2013, des frais de relance, ainsi que des intérêts de retard faisant apparaître une créance de 18.604,58 euros,
- le commandement de payer en date du 15 juillet 2013 signifié à la SCI A,
- le bordereau d'inscription d'hypothèque prise le 6 mars 2014 volume 208 numéro 26 sur les biens immobiliers situés dans l'immeuble dénommé « B » propriété de la défenderesse,
- l'extrait du compte débiteur arrêté au 28 février 2014 faisant apparaître de nouveaux appels de charges ainsi que des frais supplémentaires pour la somme de 3.841,73 euros, soit un montant total de 22.848,31 euros,
Au vu de ces éléments, la créance du syndicat des copropriétaires de l'immeuble dénommé B revêt un caractère incontestable. En conséquence, il y a lieu de condamner la SCI A à lui payer la somme de 22.446,31 euros représentant les arriérés de provisions, les appels de fonds et les frais engagés pour recouvrer ces sommes, déduction faite des « frais de mise en contentieux avocat ».
Cette condamnation sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Sur les demandes de la SCI A,
La SCI A se prétend créancière du Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble B du fait de dégâts des eaux qui seraient intervenus dans son appartement et dont la cause résiderait dans un défaut d'une canalisation des parties communes.
Toutefois, alors qu'il lui appartient de rapporter la preuve de sa créance prétendue, elle n'a versé aucune pièce à l'appui de ses affirmations, son conseil s'étant déclaré sans pièce, ni moyen.
La SCI A sera en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Sur la demande de dommages-intérêts présentée par le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble B pour résistance abusive et indemnité compensatrice de ses frais de justice,
Au titre de la résistance abusive, ce syndicat de copropriétaire n'a pas contesté la décision sur ce point du Tribunal dans son jugement du 12 juin 2014 qu'elle estime incontestable, en sorte qu'il convient de considérer qu'elle réclame désormais ce montant de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts de ce chef.
Au vu des pièces produites, ce montant de 2.000 euros est justifié car bien que déjà condamnée par une décision de justice antérieure et invitée à de nombreuses reprises à s'acquitter des sommes dues, la SCI A n'a procédé à aucun règlement, résistant de manière abusive au paiement et obligeant ainsi la demanderesse à engager des frais.
Dans ses dernières écritures, le syndicat des copropriétaires réclame également la somme de 5.000 euros pour compenser les frais qu'elle a été contrainte d'exposer pour faire valoir ses droits suite à l'opposition formée par la SCI A.
Si le principe des frais irrépétibles est inconnu en droit monégasque, une partie peut néanmoins réclamer des dommages-intérêts si le comportement de son adversaire l'a contrainte à engager des frais. Si le fait d'exercer un recours constitue un droit reconnu à toute partie, ce droit peut dégénérer en abus dès lors qu'il est exercé de mauvaise foi et dans l'intention de nuire. En l'espèce, l'opposition formée par la SCI A s'est révélée exercée de parfaite mauvaise foi dans un but uniquement dilatoire dans la mesure où cette société n'a produit aucune pièce à l'appui de ses prétentions causant indiscutablement un préjudice au Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble B qui sera réparé par l'allocation à son profit d'une somme complémentaire de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts.
La SCI A sera donc condamnée à verser au Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble B la somme totale de 4.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Sur les dépens,
Aux termes de l'article 230 du Code de procédure civile « Les frais de jugement, de sa signification, de l'opposition et les autres frais occasionnés par le défaut, sont à la charge du défaillant, alors même que sur l'opposition le jugement est modifié en sa faveur, à moins que le tribunal ne l'en exonère en tout ou en partie ».
En l'espèce, compte tenu des circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre ces dépens à la charge de la SCI A et de dire qu'il comprendront en outre les frais liés à l'inscription d'hypothèque légale prise sur le fondement de l'article 23 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort,
Déclare l'opposition formée par la Société Civile Monégasque SCI A recevable ;
Condamne la SCI A à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble dénommé le « B » la somme de 22.446,31 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Condamne la SCI A à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble dénommé le « B » la somme totale de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Condamne la SCI A aux entiers dépens en ce compris les frais liés à l'hypothèque légale, les frais du jugement, de sa signification, de l'opposition et autres frais occasionnés par le défaut, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR- BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Madame Aline BROUSSE, Juge, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 28 MAI 2015, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.