Tribunal de première instance, 7 mai 2015, La Société A c/ j. HI. épouse BL., e. DA. veuve de M. j. HI., j. e. HI. et e-j. HI.
Abstract🔗
Promesse synallagmatique de vente – Caducité (oui)
Résumé🔗
La société A ne caractérise pas en quoi les hoirs HI., en refusant de proroger un délai contractuel, chercheraient à satisfaire des intérêts autres que ceux qui les avaient motivés à conclure l'acte. La promesse litigieuse est caduque, le refus opposé par les défendeurs de proroger leur offre de vente est légitime et la société A sera déboutée de sa demande de prorogation de délai.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
JUGEMENT DU 7 MAI 2015
En la cause de :
La Société Civile Particulière dénommée A, dont le siège est sis à Monaco - X1, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, demeurant en cette qualité X2 à Marseille (13) France,
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
1 - Mme j. HI. épouse BL., née le 19 juin 1955 à Harrisbrug (Illinois - USA), de nationalité américaine, encadreur, demeurant X - Tennessee (États-Unis d'Amérique),
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
2 - Mme e. DA. veuve de M. j. HI., née le 26 janvier 1950 à Santo Tomas (Philippines), de nationalités monégasque et philippine, retraitée, demeurant X à Monaco,
3 - M. j. e. HI., né le 16 mars 1978 à Monaco, de nationalité monégasque, téléopérateur, demeurant X à Monaco,
4 - M. e-j. HI., né le 11 février 1982 à Monaco, de nationalité monégasque, employé de jeux, demeurant X à Monaco,
DÉFENDEURS, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 4 avril 2014, enregistré (n° 2014/000627) ;
Vu les conclusions de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de j. HI. épouse BL., en date des 12 juin 2014 et 27 novembre 2014 ;
Vu les conclusions de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de e. DA. veuve HI., j. HI. et e-j. HI., en date des 26 juin 2014 et 27 novembre 2014 ;
Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la SCP A, en date des 8 octobre 2014 et 19 février 2015 ;
A l'audience publique du 12 mars 2015, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 7 mai 2015 ;
FAITS :
Suivant acte sous seing privé du 5 avril 2013, Mme j. HI. épouse BL., Mme e. DA. veuve HI., M. j. HI. et M. e-j. HI. se sont engagés à vendre à M. r. MAK. agissant au nom et pour le compte de la Société Civile Particulière dénommée A, lequel s'est obligé à l'acquérir, un immeuble dénommé « X» situé à Monaco, quartier de Moneghetti, X, au prix de 28 millions d'euros sur lequel il a été versé la somme de 1.000.000 euros avec autorisation de la remettre aux vendeurs, outre la prise en charge en sus du prix de l'intégralité du solde des droits de succession, pénalités et intérêts de retard dus par le vendeur, sous la condition suspensive du non-exercice par l'Etat du droit légal de préemption.
Il est prévu à l'acte que :
« Par le seul fait de la réalisation, au plus tard le quatre avril deux mille quatorze de la condition suspensive ci-dessus et sous réserve que l'acquéreur se soit acquitté dans le délai convenu, des droits de succession, pénalités et intérêts de retard exigibles, les présents accords produiront leur plein et entier effet, ce délai de validité de la promesse constituant un élément essentiel de l'accord des parties.
Dans ce cas, la somme d'UN MILLION D'EUROS (1.000.000 euros) versée ainsi qu'il a été dit ci-dessus, sera alors définitivement acquise au vendeur soit à titre d'acompte sur le prix ci-dessus stipulé pour le cas où l'acquéreur verserait l'intégralité du prix et la provision sur frais d'acte et réaliserait la vente dans le délai imparti soit à titre de clause pénale comme il sera précisé ci-après sous le paragraphe « REITERATION ».
Dans le cas où la condition suspensive sus-mentionnée ne se réaliserait pas par suite de l'exercice par l'Etat Monégasque de son droit de préemption, l'intégralité de la somme de UN MILLION D'EUROS (1.000.000 euros) versée dans les caisses de Maître Henry REY, notaire sus-nommé, et remise au vendeur ainsi qu'il a été précisé ci-dessus ainsi que les sommes versées par l'acquéreur au titre des droits de succession seraient restituées à l'acquéreur par le vendeur.
Ces sommes ne pourraient être demandées par l'acquéreur au vendeur seulement après que l'Etat ait procédé au paiement du prix de l'immeuble. »
Si l'acquéreur ne régularisait pas son acquisition par acte authentique au plus tard le 4 avril 2014, la somme de 1.000.000 euros et celle versée au titre des droits de succession demeureraient acquises au vendeur.
Les 25 et 26 mars 2014, les consorts HI. ont fait délivrer à la société A sommation de se présenter devant Maître Henry REY, Notaire, pour la signature de l'acte authentique de vente, ce qu'elle n'a pas fait.
Procédure :
Le 4 avril 2014, la SCP A a fait assigner l'hoirie HI. en prorogation du délai prévu dans la promesse de vente du 5 avril 2013 et à défaut en caducité de ladite promesse et en paiement.
L'assignation a été transcrite à l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public A le 10 avril 2014 - volume 1471 n° 2.
Moyens et prétentions des parties :
La SCP A expose :
* que la promesse du 5 avril 2013 s'inscrit dans un projet immobilier d'envergure à savoir :
- l'acquisition d'un immeuble dénommé X ;
- la cession de la promotion immobilière à la société B;
- l'acquisition par la société B de la villa « Le Mas » appartenant à l'Etat ;
concrétisé par la signature de deux promesses :
- le 5 avril 2013 avec les hoirs HI. ;
- le 7 novembre 2013 avec la société B soumise à la condition suspensive de l'obtention par ladite société de la cession de la Villa « Le Mas » ;
* que l'ÉTAT DE MONACO, le 14 février 2014, a refusé de céder la Villa « Le Mas » ;
fait valoir ;
- qu'elle est partie à la promesse de vente en exécution de laquelle elle a versé les sommes d'un million d'euros et de 303.580 euros au titre des frais de succession ;
- que selon la jurisprudence et la doctrine, l'article 1134 alinéa 3 du Code civil français (identique à l'article 989 alinéa 3) peut permettre de neutraliser une clause de caducité pour dépassement du délai de réitération d'un acte, invoquée de mauvaise foi ;
- qu'elle justifie d'un intérêt à solliciter un délai afin de disposer du temps nécessaire pour élaborer un nouveau projet ainsi qu'un plan de financement ;
- qu'elle peut à tout le moins demander à titre subsidiaire la restitution des fonds versés compte tenu de la mauvaise foi des défendeurs ;
- que sa demande n'est pas motivée par l'impossibilité de rénover ou de surélever l'immeuble mais d'entreprendre un projet de démolition et de reconstruction d'ampleur, ce que n'ignoraient pas les défendeurs ;
- qu'en application de l'article 989 alinéa 3 du Code civil « les conventions doivent être exécutées de bonne foi » ;
- qu'il est de principe que le créancier ne saurait adopter un comportement contraire à son attitude antérieure et mettre en défaut son co-contractant, pour satisfaire des intérêts autres que ceux qui avaient motivé les parties à conclure ;
- qu'il existait une étroite collaboration entre les parties basée sur une confiance réciproque démontrée par les courriels échangés les 29 octobre et 12 décembre 2013 et par le fait que la concluante avait accepté de manière exceptionnelle que l'acompte soit libéré au profit des défendeurs et non conservé dans la comptabilité du Notaire ;
- que l'opposition des hoirs HI. à la demande de prorogation n'a que pour but de conserver l'acompte versé et donc poursuivre de mauvaise foi un intérêt autre que celui d'origine ;
- que les défendeurs avaient une parfaite connaissance du projet immobilier et des difficultés rencontrées, que la concluante leur a adressé le 25 mars 2014 une copie de la lettre envoyée au Notaire le 13 mars 2014 ;
- que la sommation du 25 mars 2014, démontre que les vendeurs avaient conscience des difficultés de la concluante qui avait besoin de plus de temps pour mener à bien son projet ;
- que selon la jurisprudence, l'obligation d'exécuter le contrat de bonne foi doit inciter les parties à renégocier un contrat en cas de changement imprévu des circonstances portant atteinte à l'équilibre contractuel initialement convenu ;
- que les juges refusent d'appliquer une clause contractuelle invoquée de mauvaise foi alors que la possibilité de prorogation était expressément prévue ; que les défendeurs ne peuvent donc pas soutenir que la date du 4 avril 2014 constituait un élément essentiel de leur engagement ;
- que l'absence d'une condition suspensive quant à la réalisation du projet immobilier ne dispensait pas les vendeurs d'exécuter de bonne foi les termes de leur promesse ;
- que la clause « déclarations sur les prescriptions urbanistiques » démontre que la concluante n'avait pas entendu exclure du champ contractuel de la promesse, le projet immobilier qu'elle menait alors avec la société B, qu'il était cohérent qu'elle renonce à toute condition suspensive relative aux travaux de rénovation ou de surélévation d'un immeuble, qui selon toute vraisemblance, allait être détruit ;
- que l'immobilisation n'a pas duré deux ans ;
- que s'il n'était pas fait droit à sa demande principale, la faute dans la non réitération de la promesse incombe aux vendeurs ;
- que les relations existant entre la société SCI A et Mme BL. sont de nature contractuelle et non délictuelle contrairement à ce qu'elle allègue à l'appui de sa demande reconventionnelle ;
- que la concluante n'a pas abusé de son droit d'ester en justice ;
- que la seule immobilisation de l'immeuble ne caractérise pas l'existence d'un dommage certain, condition essentielle pour pouvoir prétendre à réparation ; qu'il n'est justifié d'aucune proposition d'acquisition qui aurait été refusée du fait de la présente instance ;
- qu'en l'état de la mauvaise foi des consorts HI., elle a légitimement suspendu ses obligations de paiements des loyers et charges du logement vacant ;
- que la décision de la Cour d'appel du 10 mai 2011 invoquée est inappropriée ; que le vendeur était âgé de 90 ans, ce qui n'est pas le cas en l'espèce et que l'indemnité accordée était de 30.000 euros sans commune mesure avec la demande reconventionnelle ;
- que les consorts HI. se contredisent en prétendant être dans l'impossibilité de remettre leur bien sur le marché et recevoir des propositions sérieuses ;
- que les « frais conséquents » engagés ne sont pas justifiés ;
* conclut :
- à la prorogation du délai prévu dans la promesse de vente du 5 avril 2013, d'un délai supplémentaire de 18 mois à compter de la décision judiciaire devenue définitive ;
subsidiairement :
- à la mauvaise foi des défendeurs ;
- à la condamnation des hoirs HI.
+ à lui restituer les sommes versées en exécution de la promesse soit :
1.000.000 euros
303.580 euros
28.065,29 euros au titre des indemnités locatives ;
+ à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
au débouté des hoirs HI..
Mme j. HI. épouse BL. fait valoir que le projet de promotion immobilière n'entre pas dans le champ contractuel mais qu'au contraire il en a été exclu ainsi qu'il ressort du paragraphe « déclarations sur les prescriptions urbanistiques » et que la société A n'a donc pas d'intérêt à agir ;
- que la demanderesse en invoquant l'article 989 du Code civil pour justifier son intérêt à agir confond cette notion avec le fondement juridique de l'action ;
- qu'à la date de l'assignation la promesse de vente était caduque et ne pouvait plus produire d'effet, de telle sorte que le caractère actuel et légitime de l'intérêt à agir fait défaut ;
- que la société A veut faire de la faisabilité du projet immobilier qu'elle entendait réaliser la cause déterminante de son acquisition et par là même une condition suspensive ;
- que les seules conditions posées tenaient au droit de préemption de l'Etat et à la date de réitération de l'acte au plus tard le 4 avril 2014 ;
- que si la première promesse de vente conclue au bénéfice des consorts MA. les 28 février et 2 mars 2012, prévoyait une condition suspensive relative à la possibilité d'édifier un projet immobilier à la place du X et de la villa attenante, elle n'a pas été reprise dans l'acte litigieux, qui prévoit qu'une prorogation de délai ne pourra être formalisée que par le seul biais d'un avenant signé par l'ensemble des parties ;
- que le silence ne vaut pas acceptation ;
- qu'il est particulièrement significatif que M. MAK. ait adressé à l'origine la demande de prorogation de délai au seul notaire ;
- que l'action a pour but d'exercer une pression sur les vendeurs en paralysant la vente de leur bien ;
- que la demande se heurte à la règle probatoire fixée à l'article 1188 du Code civil et que la promesse de vente constitue la loi des parties, les vendeurs n'ayant jamais eu l'intention de l'amender ;
- que la jurisprudence découlant de l'arrêt de la Cour d'Appel de Nancy est inapplicable en l'espèce dans laquelle aucun changement imprévu de circonstance n'est à déplorer ;
- que les consorts HI. étaient en droit de ne pas accepter de proroger la durée de la promesse et que cette absence de réitération a entraîné de facto la caducité de la promesse (cf. Cour d'Appel de Monaco - 13 décembre 1994) ;
- que la faute commise par la société A implique l'application de la clause contractuelle ;
- que l'acompte d'un million d'euros ne s'imputait pas sur le prix de vente en cas de défaillance de l'acheteur mais constituait l'indemnisation de l'immobilisation de l'immeuble laquelle perdure au delà du 4 avril 2014 sans légitimité, ni indemnisation ;
- que le caractère abusif de l'action introduite constitue une faute délictuelle, l'abus étant d'autant plus caractérisée que la demanderesse est une société de promotion immobilière ; que cette faute lui cause un préjudice en raison de l'immobilisation de son bien ;
- que l'immobilisation a été fixée contractuellement à 83.333,33 euros par mois et qu'il est dû 83.333,33 x 8 mois = 666.664 euros ;
- que la société demanderesse sait que son action est irrecevable ou à tout le moins mal fondée, ce qui démontre sa mauvaise foi confortée par le caractère spécieux de ses moyens ;
- qu'elle se joint à la demande des consorts HI. tendant au paiement de la somme de 34.466,33 euros au titre des indemnités locatives et de l'indemnité d'occupation suite à la résiliation du bail de Mme VAN WR. ;
- qu'il y a urgence à faire cesser l'atteinte portée à leur droit de propriété ;
- qu'il conviendra d'ordonner la publication du jugement à l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public A ;
* conclut :
- à l'irrecevabilité de l'action pour défaut d'intérêt à agir ;
- au débouté ;
- à ce que les sommes de 1.000.000 euros, 305.580 euros et 28.065,29 euros demeurent acquises aux consorts HI. à titre d'indemnité d'immobilisation ;
- à la condamnation de la société A à lui payer la somme de 666.664 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 34.466,03 euros au titre des indemnités locatives impayées au bénéfice également des consorts HI. ;
- à la publication du jugement à intervenir à l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public A ;
- à l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Mme e. DA. veuve HI., M. John-Edward HI. et M. e-j. HI. font valoir :
- que la société A ne dispose d'aucun argument permettant de justifier son refus de réitérer la vente ;
- que le projet immobilier invoqué par la demanderesse n'entre pas dans le champ contractuel que la seule condition suspensive prévue était l'absence de droit de préemption de l'Etat qui s'est réalisée ;
- que si ce projet avait été déterminant, il aurait été inscrit dans l'acte et que la société A a refusé toute condition suspensive relative aux travaux de rénovation et de surélévation de l'immeuble ;
- qu'en application de l'article 989 du Code civil le contrat constitue la loi des parties et que seul un événement imprévisible bouleversant l'équilibre des prestations pourrait donner lieu à révision par le juge ;
- que la demanderesse a renoncé à la condition suspensive insérée dans la première promesse de vente des 28 février et 1er mars 2012 ;
- que les concluants n'ont pas été informés des projets de la demanderesse et des difficultés qu'elle rencontrait ; qu'en tout état de cause ils n'ont pas accepté de conditionner la vente de leur bien à la réalisation du projet immobilier de la société A ;
- que le refus d'accorder une prorogation de délai ne constitue pas une exécution de mauvaise foi du contrat ;
- qu'en tenant compte d'un placement de 2.5 %, l'immobilisation du bien représentait un produit de 1.400.000 euros sur deux ans ;
- que la prorogation de délai était nécessairement soumise à l'accord des parties et que le refus des concluants était légitime alors que le bien était proposé à la vente depuis plus de deux ans ;
- que le délai de validité de la promesse était un élément essentiel de l'accord des parties étant précisé que l'immeuble dépend de l'indivision, ce qui entraîne des contraintes de gestion ;
- que la caducité de la promesse de vente est imputable à la société A, que les sommes versées au titre de la clause pénale leur demeurent acquises ;
- que la société A s'est acquittée, conformément à ses engagements, des indemnités locatives afférentes au logement vacant jusqu'au mois de décembre 2013, qu'elle demeure redevable de celle de 7.916,63 euros ;
- qu'elle n'a jamais réglé l'indemnité d'occupation, ni les charges impayées afférentes à l'appartement occupé par Mme VAN WR., soit une somme de 26.549,40 euros (pièce n° 7) ;
- que les dites indemnités étaient payables par trimestre anticipé, que la société A aurait dû s'acquitter au mois de janvier 2014 de celles du 1er trimestre 2014, soit quatre mois avant qu'elle ait eu connaissance du refus de prorogation du délai de réitération de la vente ; qu'elle ne peut donc pas se retrancher derrière une mauvaise foi postérieure à la naissance de l'obligation ;
- que la demanderesse a engagé une procédure judiciaire abusive à des fins dilatoires et qu'elle leur a causé un préjudice ; qu'elle a pour seul but en agissant ainsi de retarder la vente du bien ; que la demande de délai est passée de 6 mois à un an et demi ;
- que la jurisprudence du 10 mai 2011 est pleinement applicable ;
- que les trois notaires de la Principauté ont fait savoir qu'ils ne régulariseraient pas de nouvelle promesse de vente tant que la présente procédure serait en cours ;
- qu'ils sont dans l'impossibilité de remettre leur bien en vente alors qu'ils ont reçu des propositions sérieuses mais dont les auteurs ne désirent pas qu'elles soient divulguées ;
- que le X est l'un des derniers immeubles à vendre à Monaco et qu'il constitue un bien d'exception ; que s'il ne peut pas actuellement être rénové ou surélevé, il peut être détruit en vue de la réalisation d'un nouveau projet immobilier ;
- que la publication de l'assignation au Bureau des Hypothèques n'est pas de nature à rassurer les acquéreurs ;
- qu'ils ont du engager des frais conséquents pour faire valoir leur droits ; qu'ils sont en droit de demander pour le préjudice subi la somme de 666.664 euros (83.333 par mois, d'avril à novembre 2014) sauf à parfaire à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
- que cette situation préjudiciable justifie que l'exécution provisoire soit ordonnée ;
* concluent :
- au débouté de la société A ;
- à la caducité de la promesse de vente du 5 avril 2013 ;
- à ce qu'ils sont en droit de conserver les sommes versées par la société A ;
- à la condamnation de la société A à leur payer les sommes de :
34.466,03 euros au titre des indemnités locatives impayées,
666.664 euros à titre de dommages et intérêts sauf à parfaire au titre de l'immobilisation ;
- à la publication de la décision à l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public A ;
- à l'exécution provisoire de la décision.
SUR QUOI LE TRIBUNAL :
Les 28 février et 2 mars 2012, M. John Kenneth HI. et Mme j. HI. épouse BL. (enfants de Mme Henriette VA. divorcée HI.) ont promis de vendre aux époux MA. PE. au prix de 28 millions d'euros l'immeuble X sous trois conditions suspensives.
M. j. HI. est décédé le 23 octobre 2012 laissant son épouse Mme e. DA. et ses deux enfants John Edward et Edmond Jason HI..
Les 6 décembre 2012 et 4 janvier 2013 les époux MA. se sont substitué la société C.
Suivant acte des 28 février, 1er mars et 4 mars 2013, les consorts HI. ont pris note de la dite substitution et la société MONOIKOS CAPITAL représentée par M. r. MAK. s'est engagée à respecter la convention des 28 février et 2 mars 2012.
Cette promesse est devenue caduque.
Le 5 avril 2013 a été signé la promesse synallagmatique de vente litigieuse entre les consorts HI. et M. r. MAK. représentant la société A, portant sur le même immeuble et au même prix de vente, sous la condition suspensive qui s'est réalisée de l'absence d'exercice par l'Etat de son droit de préemption.
L'acte prévoit (page 39) la réitération par acte authentique au plus tard le quatre avril 2014 ; suivant procès verbal dressé à cette date, il a été constaté l'absence de paiement du solde du prix.
Sur la recevabilité :
La société A sollicite à titre principal la prorogation du délai prévu dans l'acte du 5 avril 2013 et subsidiairement le remboursement des sommes versées en invoquant la mauvaise foi des promettants.
L'absence d'intérêt à agir invoqué par Mme BL. ne résulte pas du fait que le projet de promotion immobilière n'entrerait pas dans le champ contractuel qui suppose une analyse au fond de la promesse de vente et d'achat du 5 avril 2013 et donc du bien fondé de la demande.
La société justifie d'un intérêt à agir au titre des chefs de demande ci-dessus rappelés et la fin de non recevoir soulevée sera rejetée.
- Sur l'article 1188 du Code civil :
Cet article est inséré dans le chapitre relatif à la preuve testimoniale et est invoqué sans pertinence par Mme BL. pour soutenir que les demandes présentées se heurteraient à la règle probatoire fixée par le dit article.
Sur le fond :
L'acte du 5 avril 2013 ne contient qu'une seule condition suspensive qui s'est réalisée, à savoir le non exercice par l'Etat de son droit de préemption.
La société A a renoncé (page 31 de l'acte) à toute condition suspensive tenant aux possibilités de rénovation et de surélévation du bien, condition qui était au contraire prévue dans la première promesse MA. - MONOIKOS pour atteindre une surface totale habitable de 1.400 m2 au moins, sans qu'il soit fait état, contrairement aux écritures de Mme BL., d'un projet immobilier en lieu et place du X et de la villa attenante.
Il n'est pas discuté que la demanderesse ait acquis le bien en vue de réaliser une opération immobilière mais l'acte litigieux ne contient pas de disposition relative à l'emprise du projet immobilier envisagé par l'acquéreur.
Il n'est en effet pas indiqué dans l'acte que l'achat du X est lié à la vente par l'État de Monaco au groupe B de la villa Le Mas et c'est à tort que la société requérante soutient que le projet immobilier portant sur ces deux biens est entré dans le champ contractuel.
La société A si elle avait entendu n'acquérir le bien litigieux qu'à cette condition n'aurait pas manqué de le préciser dans l'acte du 5 avril 2013.
Il n'y a pas eu de changement imprévu de nature à porter atteinte à l'équilibre contractuel initialement convenu s'agissant d'une promesse synallagmatique de vente sous condition suspensive de non exercice de droit de préemption par l'Etat et alors qu'aucune autre condition n'était contractuellement prévue, ni envisagée.
La société A n'a pas régularisé l'acte authentique de vente à la date du 4 avril 2014.
L'acte du 5 avril 2013 prévoit au dernier alinéa du paragraphe « RÉITÉRATION », en page 40, que… « toute prorogation des délais mentionnés dans le présent acte ne pourra être formalisée que par le seul biais d'un avenant à la présente promesse signé par l'ensemble des parties ».
Cette disposition contractuelle n'est pas remplie et la société A reproche aux consorts HI. d'avoir commis une faute en ne prorogeant pas ce délai et d'avoir abusé de leurs droits.
Suivant mail du 12 décembre 2013, M. r. MAK. a informé Mme BL. de ce :
- qu'il lui a été difficile de trouver un « porte parole approprié » pouvant se joindre à lui sur le projet HONORIA PALACE sur lequel il ne donne pas de précision ;
- que M. WI. lui a recommandé B,
- qu'un délai de 15 mois est envisagé pour obtenir les autorisations requises, soit fin avril 2015, « date à laquelle nous pouvons seulement prévoir de fixer la date de signature du contrat de vente final ».
- que « pour obtenir l'extension des délais, nous pouvons éventuellement verser un nouvel acompte sur le prix ».
La société A n'a adressé cette demande qu'à l'un des promettants lequel n'a même pas répondu s'il envisageait ou non d'y donner suite.
La convention signée entre la demanderesse et le groupe B n'est pas produite au dossier mais n'a été formalisée que le 7 novembre 2013, soit plusieurs mois après la promesse litigieuse ainsi qu'il résulte du courrier du groupe B du 19 février 2014 (pièce n° 8 de la demanderesse).
Il résulte du courrier du 19 février 2014 du groupe B que l'acte le liant à la société A est une « Promesse de cession de promesse de vente sous conditions suspensives » dont on peut déduire de cet intitulé que la société HONORIA avait l'intention de céder la promesse consentie le 5 avril 2013 à la société B.
Il sera par ailleurs relevé que la société B n'a informé le Gouvernement Princier de son souhait d'acheter la Ville Le Mas que le 24 janvier 2014 soit bien après le 5 avril 2013.
M. MAK. n'a demandé « officiellement » de prorogation du délai pour « mettre en place un financement » que le 13 mars 2014 par courrier adressé au notaire avec mail adressé à Mme BL..
Il fait état de ce que les consorts HI. - BL. lui « ont laissé entendre de pouvoir y consentir eu égard à la libération déjà intervenue entre leurs mains de la somme de 1 million d'euros… » mais ne produit aucun document de nature à établir que les hoirs HI. lui aient donné un quelconque espoir sur le principe d'une prorogation de délai.
La société demanderesse n'établit pas que les défendeurs auraient, de mauvaise foi et donc de manière fautive, refusé de proroger le délai contractuel d'un an, étant rappelé que le bien avait été officiellement mis en vente par eux au début de l'année 2012, au même prix.
Les faits résultant de l'arrêt invoqué de la Cour de Cassation du 4 novembre 2010 sont différents du cas d'espèce d'autant que la société A ne demande pas la réitération par acte authentique mais un délai supplémentaire motivé par un besoin de financement alors qu'elle ne démontre même pas les démarches qu'elle aurait accomplies à cette fin après le 5 avril 2013.
La société A ne caractérise pas en quoi les hoirs HI., en refusant de proroger un délai contractuel, chercheraient à satisfaire des intérêts autres que ceux qui les avaient motivés à conclure l'acte.
La promesse litigieuse est caduque, le refus opposé par les défendeurs de proroger leur offre de vente est légitime et la société A sera déboutée de sa demande de prorogation de délai.
Les consorts HI. ne poursuivent pas la signature de l'acte authentique de vente.
La société A en exécution de la promesse du 5 avril 2013 (page 36) a :
- autorisé le notaire à verser aux vendeurs la somme de 1 million d'euros (somme qui avait été transférée dans ses comptes venant de la société MONOIKOS CAPITAL - lettre du 4 avril 2013 de M. MAK. - pièce 4) ;
- pris en charge le solde des droits de succession soit la somme de 303.580 euros.
Les parties ont prévu qu' « à titre d'indemnité d'immobilisation forfaitairement convenue, pour le cas où l'acquéreur, pour quelque cause que ce soit, refuserait de régulariser son acquisition par acte authentique, la somme de UN MILLION D'EUROS (1.000.000 euros), ainsi que toutes sommes versées par l'acquéreur tant au titre des droits de succession que des indemnités locatives, demeureront acquises au vendeur, en l'absence de réitération de l'acte authentique de vente au plus tard le quatre avril deux mille quatorze ».
Il ne peut pas être reproché aux hoirs HI. alors que la société A avait fait savoir à l'un d'entre eux qu'elle désirait obtenir une prorogation de la durée de la promesse, d'avoir pris soin de lui adresser une sommation de comparaître pour signer l'acte authentique, manifestant ainsi leur opposition à leur demande présentée.
Les défendeurs n'ont pas fait preuve de mauvaise foi et n'ont pu que faire constater qu'à la date du 4 avril 2014, la société A ne s'est pas acquittée du paiement du prix.
L'acte du 5 avril 2013 était parfaitement clair sur les conséquences pour l'acheteur du non paiement du prix.
La société A n'est dès lors pas fondée à demander la restitution des sommes de 1.000.000 euros et de 303.580 euros.
La société A s'est engagée par ailleurs à acquitter mensuellement une indemnité équivalente au montant des loyers non perçus par le vendeur du fait des non-reconductions et non-relocations, des appartements composant l'immeuble (page 26 de l'acte).
Il est prévu au titre de la clause pénale (page 40) que ces indemnités locatives demeureront acquises au vendeur en cas de non-réitération de l'acte authentique de vente en raison de la défaillance de l'acheteur.
La demanderesse est dès lors mal fondée à solliciter la restitution des sommes par elle versées à ce titre.
En l'état du débouté de la société A, celle-ci ne peut prétendre à des dommages et intérêts à l'encontre des consorts HI. alors qu'aucune faute n'est retenue à leur encontre.
- Sur les demandes reconventionnelles :
Le dommage résultant de la carence de la société A est pleinement et entièrement réparé par l'application de la clause pénale.
Les hoirs HI. ne peuvent pas prétendre au paiement d'une somme contractuellement fixée pour une période postérieure à la validité de la convention.
La société A a engagé une action dont le caractère dolosif n'est pas établi et n'a fait qu'user de son droit d'être entendue en justice de telle sorte qu'elle ne peut pas être condamnée à payer aux hoirs HI. la somme de 666.664 euros (soit 83.333,33 euros x 8 mois) à titre de dommages et intérêts.
Elle n'est pas responsable de la décision qui aurait été adoptée par les notaires de la Principauté de Monaco de refuser de régulariser toute autre promesse de vente tant que la présente procédure serait en cours.
Les défendeurs déclarent avoir trouvé des acquéreurs potentiels, ils ne se trouvent donc pas confrontés au risque et à l'incertitude de ne pas pouvoir vendre leur bien lequel présente selon leurs écritures, un caractère exceptionnel car rare sur le marché immobilier monégasque.
La société A s'est engagée à acquitter une indemnité équivalente au montant des loyers non perçus par le vendeur du fait des non-reconductions et non re-locations visées à l'acte et ce jusqu'au jour de la signature de l'acte authentique.
La société A reconnaît n'avoir rempli ses obligations que jusqu'au mois de décembre 2013 ; elle ne peut pas justifier sa carence par la mauvaise foi des vendeurs laquelle n'est pas retenue par le tribunal.
Il reste dû au titre des loyers la somme de 7.916,63 euros (pièce n° 6 de Maître Jean-Charles GARDETTO).
Il est sollicité en outre une somme de 26.549,40 euros au titre de l'indemnité d'occupation due par Mme VAN WR., de la date de la signature de la promesse de vente du 5 avril 2013 jusqu'au 4 avril 2014.
Il est indiqué en page 24 de l'acte que Mme VAN WR. a le 10 janvier 2012 demandé la résiliation de son bail en date du 14 avril 2006 devant se terminer le 30 avril 2012, qu'elle occupe toujours les locaux et que l'acquéreur fera son affaire personnelle des suites à donner sans recours contre le vendeur.
La société A s'est engagée (page 26) pour les baux venant à échéance, ainsi que les baux résiliés pendant toute la durée allant du 2 mars 2012 jusqu'au terme des présents engagement, « à acquitter mensuellement une indemnité équivalente au montant des loyers non perçus par le vendeur du fait des non-reconductions et non re-locations visés… » outre les charges.
La défenderesse ne conteste pas cet engagement, ni le quantum du montant réclamé soit 26.549,40 euros.
Sur la demande d'exécution provisoire :
La promesse de vente est caduque depuis le 4 avril 2014. La société A empêche les hoirs HI., sans raison valable de vendre un bien en indivision dont ils souhaitent se défaire. Les défendeurs caractérisent la situation d'urgence exigée par l'article 202 du Code de procédure civile ; il sera fait droit à la demande d'exécution provisoire.
- Sur la demande de publication :
La société A ayant publié sur assignation au bureau de l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public A, il en sera de même de la présente décision.
- Sur les dépens :
Les dépens seront mis à la charges de la requérante qui succombe.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Déclare la demande recevable ;
Déboute la société A de sa demande de prorogation du délai prévu dans la promesse de vente du 5 avril 2013 ;
Constate la caducité de ladite promesse de vente ;
Déboute la société A de sa demande de remboursement des sommes de :
- 1.000.000 d'euros (UN MILLION D'EUROS) au titre de l'acompte sur le prix de vente,
- 305.580 euros (TROIS CENT CINQ MILLE CINQ CENT QUATRE-VINGT EUROS), au titre des frais de succession,
- 28.065,29 euros (VINGT-HUIT MILLE SOIXANTE-CINQ EUROS ET VINGT-NEUF CENTIMES), au titre des indemnités locatives.
Dit que ces sommes sont acquises aux hoirs HI. à titre de clause pénale ;
Condamne la société A à payer aux consorts HI. - BL. les sommes de 7.916,63 euros et 26.549,40 euros, montant du solde impayé des indemnités locatives ;
Déboute la société A de sa demande de dommages et intérêts ;
Déboute les hoirs HI. de leurs demandes de dommages et intérêts complémentaires pour immobilisation et pour procédure abusive.
Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision ;
Ordonne la publication du jugement au bureau de l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public A ;
Met les dépens à la charge de la société A, dont distraction au profit de Maître Jean-Charles GARDETTO et de Maître Régis BERGONZI, avocats-défenseurs, chacun en ce qui le concerne sous leur due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge, Madame Patricia HOARAU, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 7 MAI 2015, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.