Tribunal de première instance, 16 avril 2015, v. FL. c/ o. RO.
Abstract🔗
Expertise médicale – Chefs de préjudice – Evaluation
Résumé🔗
Le rapport d'expertise du docteur BORGIA, s'il contient des erreurs de dates dans l'historique et la discussion, n'a cependant pas fait l'objet de critiques des parties s'agissant de l'analyse médicale. En conséquence, il n'y a pas lieu de l'homologuer. Il constitue néanmoins une base sérieuse d'évaluation des préjudices subis par v. FL.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
R.
JUGEMENT DU 16 AVRIL 2015
En la cause de :
Mme v. FL., née le 14 mai 1960, rédactrice en assurances, domiciliée X1 à BEAUSOLEIL (06240) ;
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Sarah FILIPPI, avocat en cette même Cour,
d'une part ;
Contre :
M. o. RO., phlébologue, exerçant en cette qualité X2 à MONACO ;
DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Michel TOLOSANA, avocat au barreau de Nice,
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 26 avril 2012, enregistré (n° 2012/000536) ;
Vu le jugement avant-dire-droit en date du 24 septembre 2013 ayant déclaré o. RO. entièrement responsable de l'accident survenu le 29 novembre 2010 en son cabinet et tenu d'en réparer les conséquences dommageables pour v. FL., et ordonné, avant-dire-droit au fond sur l'évaluation du préjudice subi par celle-ci, une expertise médicale confiée au Docteur BORGIA ;
Vu le rapport de cet expert déposé au Greffe général le 7 janvier 2014 ;
Vu l'ordonnance du Magistrat chargé de suivre l'expertise en date du 3 novembre 2014 ayant ajourné la cause et les parties à l'audience du Tribunal du 20 novembre 2014 ;
Vu l'appel rendu le 29 septembre 2014 par la Cour d'Appel ayant confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 septembre 2013 par le Tribunal ;
Vu les conclusions de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de v. FL., en date du 4 décembre 2014 ;
Vu les conclusions de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, au nom d o. RO., en date du 11 février 2015 ;
À l'audience publique du 5 mars 2015, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 16 avril 2015 ;
CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :
Par jugement contradictoire en date du 24 septembre 2013, confirmé en toutes ses dispositions par la Cour d'Appel le 29 septembre 2014, auquel il convient de se reporter s'agissant de l'exposé des faits et de la procédure, ce Tribunal a :
déclaré o. RO. entièrement responsable de l'accident survenu le 29 novembre 2010 en son cabinet et tenu d'en réparer les conséquences dommageables pour v. FL. ;
avant-dire-droit sur l'évaluation du préjudice subi par la victime ordonné une expertise médicale et désigné pour y procéder le docteur Gérard BORGIA ;
condamné o. RO. à verser une indemnité provisionnelle de 1.500 euros à v. FL., à valoir sur le montant de son préjudice ;
Le docteur BORGIA, a déposé son rapport le 7 janvier 2014 au Greffe général dont les conclusions sont les suivantes :
« 1-°J'ai examiné v. FL. et j'ai décrit les lésions imputées à l'accident dont elle a été victime le 29 septembre 2010, à savoir :
une fracture tibia-péroné droite traitée par enclouage centro-médullaire, et ayant évolué vers une bonne consolidation osseuse et bonne position, mais avec une réduction modérée des amplitudes fonctionnelles de la cheville et du genou droit.
un syndrome anxio-dépressif considéré modéré, traité par anti-dépresseurs et séances de psychothérapie, ayant évolué vers des séquelles phobiques modérées.
Ces lésions sont bien en relation directe et certaine avec les faits.
2°- Les arrêts de travail s'étendent du :
ITT du 29 novembre 2010 au 1er décembre 2011 : 367 jours,
ITT du 28 novembre 2012 au 28 février 2013 : 92 jours
Durée totale de l'arrêt de travail : 459 jours.
3°- La date de consolidation peut être fixée au 15 mars 2013.
4°- Les éléments propres à justifier une indemnisation au titre de la douleur sont constitués par une fracture spiroïde tibia-péroné droit, l'intervention chirurgicale, les soins de rééducation. Soit 3,5/7.
Le préjudice esthétique est constitué par les petites cicatrices opératoires sur le tibia droit, soit 0,5/7.
Le préjudice d'agrément n'est pas constitué mais allégué au niveau d'un empêchement à la randonnée en montagne, au fait de ne plus pouvoir courir ni marcher trop longtemps.
5°- Du fait des lésions constatées, il existe une atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions, à savoir :
une limitation modérée des amplitudes fonctionnelles, hors secteur utile, du genou droit en flexion et extension,
une limitation modérée des amplitudes fonctionnelles, hors secteur utile, de la cheville droite en flexion dorsale et plantaire, éversion et inversion.
un minime syndrome anxio-dépressif résiduel.
Soit une IPP de 7%.
6°- L'état de la victime n'est pas susceptible de modification en aggravation ou amélioration ».
v. FL. a sollicité, aux termes de ses écritures judiciaires en date du 4 décembre 2014, l'homologation de ce rapport d'expertise et la condamnation subséquente d o. RO. à lui payer la somme de 37.335 euros à titre de dommages et intérêts, se décomposant ainsi :
14.535 euros au titre du préjudice professionnel,
4.650 euros au titre du préjudice matériel,
5.000 euros au titre du préjudice de douleur,
1.500 euros au titre du préjudice moral,
1.000 euros au titre du préjudice d'agrément,
150 euros au titre du préjudice esthétique,
10.500 euros au titre de l'incapacité permanente partielle.
Dans ses écritures judiciaires en date du 11 février 2015, o. RO. a conclu :
au rejet de la demande en paiement de 14.535 euros au titre du préjudice professionnel,
au rejet de la demande en paiement de 4.650 euros au titre du préjudice matériel,
à la fixation d'une indemnisation qui ne saurait être supérieure à 5.000 euros, au titre du pretium doloris, en ce compris le préjudice dit moral,
au rejet de la demande en paiement de 1.000 euros au titre du préjudice d'agrément,
à la fixation à la somme de 150 euros de l'indemnisation due au titre du préjudice esthétique,
à la fixation à la somme de 8.400 euros, soit 1.200 euros par point, de l'indemnisation due au titre du déficit fonctionnel permanent.
Les moyens développés par les parties seront évoqués au sein des motifs de la présente décision, à l'occasion de la discussion afférente à chaque poste de préjudice.
SUR QUOI :
Attendu que le rapport d'expertise du docteur BORGIA, s'il contient des erreurs de dates dans l'historique et la discussion, n'a cependant pas fait l'objet de critiques des parties s'agissant de l'analyse médicale ;
Attendu en conséquence qu'il n'y a pas lieu de l'homologuer ;
Qu'il constitue néanmoins une base sérieuse d'évaluation des préjudices subis par v. FL..
I/ Sur la demande en paiement d'une somme de 14.535 euros au titre d'un préjudice professionnel :
Attendu que v. FL. argumente ce chef de demande en faisant valoir qu'elle travaillait au moment de l'accident auprès d'un cabinet d'assurances à Monaco et percevait un salaire brut mensuel de 1.650 euros ; Qu'au cours de la première période d'ITT, du 29 novembre 2010, jour de l'accident, au 1er décembre 2011, dès lors qu'elle ne comptait pas deux années d'ancienneté, elle n'avait pu bénéficier d'une indemnisation complète de ses arrêts de travail et n'avait perçu à ce titre que la somme mensuelle de 700 euros des Caisses sociales de Monaco ; Qu'elle a été par la suite licenciée pour inaptitude ; qu'ainsi, compte tenu de la durée de l'ITT retenue par l'expert, soit 459 jours, elle chiffre sa perte de revenus mensuelle, sur 15 mois, à 950 euros ;
Attendu qu'en défense, o. RO. s'oppose à cette demande du fait de l'absence de toute pièce justificative ;
Attendu que v. FL. ne produit aux débats aucun bulletin de salaire complet ou documents utiles permettant d'évaluer précisément la perte de revenus qu'elle allègue ;
Qu'elle ne verse en effet aux débats qu'un décompte de prestations des Caisses sociales de Monaco, faisant état de la perception d'indemnités pour la période du 30 novembre 2010 au 30 novembre 2011, pour un montant de 8.874,82 euros et un décompte de prestations du 23 janvier au 28 février 2013 (ne couvrant que partiellement la période d'ITT du 28 novembre 2013 au 28 février 2013) sans que soit mentionné son salaire brut de base ;
Qu'est également produit un document en date du 26 juin 2013, relatif au versement de l'allocation de retour à l'emploi à partir du 21 juin 2013, soit postérieurement à la période d'ITT et donc indifférent au regard du présent chef de préjudice ;
Attendu que v. FL. serait donc déboutée de sa demande de ce chef ;
II/ Sur la demande en paiement d'une somme de 4.650 euros au titre du préjudice matériel :
Attendu que v. FL. soutient avoir exposé des frais de justice à hauteur de la somme de 3.500 euros, outre 1.000 euros au titre des honoraires des experts BORGIA et PARIENTI et 150 euros au titre des frais de transport engagés pour se rendre aux opérations d'expertise ;
Attendu qu'o. RO. fait valoir que la demanderesse, qui bénéficie d'une assurance protection juridique, ne s'explique pas sur l'éventuelle prise en charge de ces frais qui pourrait en résulter ; Qu'en tout état de cause, les frais de déplacement de l'intéressée depuis Caen n'ont pas à être supportés par lui ;
Attendu que v. FL. n'apporte aucune réponse à l'allégation de la souscription d'une assurance protection juridique auprès de la compagnie A, (étayée par une pièce : un courrier du de la compagnie A au Docteur RO. indiquant intervenir comme assureur de v. FL.) alors qu'il ne lui était pourtant pas impossible de rapporter la preuve de l'absence de prise en charge le cas échéant ;
Qu'en conséquence, il n'est pas établi qu'elle ait eu au final à supporter la charge des frais de conseil de 3.500 euros justifiés par la note d'honoraires produite aux débats;
Attendu de plus qu'elle a consulté le docteur PARIENTI dans un cadre privé, (note d'honoraires de 500 euros établie le 7 octobre 2011) et qu'il n'est pas démontré que la consultation de ce praticien ait apporté un élément essentiel manquant pour évaluer valablement la situation de la victime ;
Attendu que les honoraires de l'expert judiciaire BORGIA, qui sont, en application de l'article 234-4° du Code de procédure civile compris dans les dépens, n'ont pas à être pris en charge par o. RO. dans le cadre de ce chef de préjudice ;
Attendu que les frais de déplacement pour se rendre aux opérations d'expertise, dont le montant n'apparaît nullement surévalué, sont en lien avec la présente instance ; qu'en conséquence, il sera fait droit aux demandes formulées à ce titre par v. FL., à hauteur de la somme de 150 euros ;
III/ Sur le pretium doloris :
Attendu que l'expert BORGIA a évalué à 3,5/ 7 ce chef de préjudice en retenant une fracture spiroïde tibia-péroné droit, l'intervention chirurgicale, les soins de rééducation ;
Que les parties s'accordant sur une indemnisation de ce préjudice à hauteur de 5.000 euros, o. RO. sera donc condamné à payer ladite somme à v. FL. ;
IV/ Sur le préjudice moral :
Attendu que v. FL. sollicite le paiement d'une somme de 1.500 euros en réparation de son préjudice moral, en indiquant que l'accident l'a plongée dans une dépression qui l'oblige à un suivi médico-psychologique régulier, ce qu'à confirmé l'expert BORGIA, en indiquant qu'elle souffrait d'un syndrome dépressif minime ayant évolué vers des séquelles phobiques modérées ;
Attendu qu'o. RO. estime que ce préjudice doit être englobé dans le pretium doloris ;
Attendu que les éléments allégués par v. FL. étant effectivement pris en compte dans le cadre de l'évaluation d'autres chefs de préjudice et notamment dans la fixation du taux de l'IPP, qui comprend le syndrome dépressif résiduel, cette dernière sera en conséquence déboutée de ses demandes de ce chef.
V/ Sur la demande en paiement d'une somme de 1.000 euros au titre du préjudice d'agrément :
Attendu que l'expert BORGIA a indiqué que le préjudice d'agrément n'était pas constitué mais simplement allégué par v. FL., qui soutenait ne plus pouvoir pratiquer la randonnée en montagne, a défaut de pouvoir courir et marcher longtemps ;
Attendu que ces éléments sont repris par v. FL. dans la présente instance ;
Qu'o. RO. indique que ce préjudice n'est pas établi ni documenté ;
Attendu alors que les éléments décrits, soit l'invalidité résiduelle, s'inscrivent dans la fixation du taux d'IPP que la victime ne rapporte pas la preuve de l'exercice antérieur à l'accident d'une activité sportive dans des conditions de régularité et de qualification excédant la pratique normale d'une activité récréative épisodique ;
Attendu que v. FL. sera donc déboutée de ses demandes de ce chef ;
VI/ Sur le préjudice esthétique :
Attendu que les parties s'accordant sur une indemnisation à hauteur de 150 euros de ce chef, o. RO. sera donc condamné au paiement d'une telle somme ;
VII/ Sur l'incapacité permanente et partielle :
Attendu que l'expert BORGIA a retenu, pour évaluer à 7 % l'IPP de v. FL. :
« une limitation modérée des amplitudes fonctionnelles, hors secteur utile, du genou droit en flexion et extension,
une limitation modérée des amplitudes fonctionnelles, hors secteur utile, de la cheville droite en flexion dorsale et plantaire, éversion et inversion.
un minime syndrome anxio-dépressif résiduel ; »
Attendu que les parties ne discutent pas ces constatations médicales mais qu o. RO. estime que la valeur du point ne devrait pas dépasser 1.200 euros ;
Attendu cependant que compte tenu de ce taux et de l'âge de la victime, née le 14 mai 1960, il convient de fixer à 1.500 euros la valeur du point d'IPP ;
Attendu en conséquence qu'il sera fait droit à la demande en paiement d'une somme de 10.500 euros présentée par v. FL. de ce chef.
VIII/ Sur le montant total des condamnations et les dépens :
Attendu en définitive qu o. RO. sera condamné à payer à v. FL. les sommes suivantes :
150 euros au titre du préjudice matériel,
5.000 euros au titre du pretium doloris,
150 euros au titre du préjudice esthétique,
10.500 euros au titre de l'incapacité permanente partielle,
soit une somme totale de 15.800 euros, de laquelle devra être déduite la provision de 1.500 euros allouée par jugement du 24 septembre 2013 ;
Attendu qu'o. RO., qui succombe principalement à l'instance, sera condamné aux dépens, en ce compris ceux réservés par jugement du 24 septembre 2013, qui comprendront les frais d'expertise en application de l'article 234 du Code de procédure civile ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Vu le jugement avant-dire-droit rendu le 24 septembre 2013 par ce Tribunal,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Ayant tels égards que de droit pour le rapport d'expertise du docteur BORGIA en date du 7 janvier 2014 ;
Condamne Oliver RO. à payer à v. FL. les sommes suivantes :
150 euros au titre du préjudice matériel,
5.000 euros au titre du pretium doloris,
150 euros au titre du préjudice esthétique,
10.500 euros au titre de l'incapacité permanente partielle,
soit la somme totale de 15.800 euros, de laquelle devra être déduite la provision de 1.500 euros allouée par jugement du 24 septembre 2013 ;
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;
Condamne o. RO. aux dépens, y compris ceux réservés par jugement du 24 septembre 2013, avec distraction au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Madame Aline BROUSSE, Juge, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 16 AVRIL 2015, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.