Tribunal de première instance, 16 avril 2015, La société A c/ La société B
Abstract🔗
Contrat – Demande en paiement – Exception d'inexécution
Résumé🔗
Il est établi et non contesté que la société A et la société B sont contractuellement liées par le devis de la demanderesse du 31 janvier 2013, accepté le 1er février 2013. Dans ce cadre la société A.R.T a été chargée de la dépose de l'ancien revêtement de la cour de l'école S à Nice et de la pose d'enrobés noirs. S'il est exact que les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être exécutés de bonne foi, il n'en demeure pas moins qu'un co-contractant peut arguer de l'inexécution de ses obligations par l'autre partie pour ne pas exécuter ses propres obligations. Aux termes de l'article 1162 du Code civil : « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ». La société A justifie de ce qu'elle a réalisé les travaux demandés, ce qui n'est pas contesté, et du prix de 37.135,80 euros facturé alors que le prix convenu entre les parties était de 38.813,79 euros. Il appartient à celui qui se prévaut de l'inexécution de l'obligation de prouver cette inexécution. En l'espèce, la société B allègue que les désordres constatés justifient une exception d'inexécution partielle puisqu'elle a procédé au paiement de la somme de 30.000 euros et opéré une retenue sur la facture de 7.135,80 euros à ce titre. Il lui incombe par conséquent de justifier tant le principe de cette retenue que son quantum. Il est constant et non contesté que des flaques d'eau dues à des « flashs » se forment dans la cour de récréation de l'école lors de pluies ou d'arrosage. S'il est certain qu'un mauvais écoulement de l'eau et la formation de flaques d'eau nuisent à la jouissance de la cour de récréation de l'école, il n'est pas démontré que ces désordres soient liés à une mauvaise exécution des travaux par la société A, à défaut de tout élément technique probant. Il n'est pas plus établi que la réfection nécessaire justifierait une retenue sur facture de 7.135,80 euros de la part de la société B. Aucun élément concernant d'éventuelles récriminations du maître d'ouvrage final n'est fourni et la société B n'indique pas ce qu'il est advenu à la réception des travaux. Les explications de la société A tenant au respect de la tolérance de 5 mm sous une règle de 3 m et aux difficultés de réalisation compte tenu des lieux ne sont pas contredites. Dès lors, la société B doit être déboutée de son exception d'inexécution et condamnée à payer à la société A la somme de 7.135,80 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2014, date de réception de la mise en demeure du 17 mars 2014.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
R.
JUGEMENT DU 16 AVRIL 2015
En la cause de :
La société A « A », société à responsabilité limitée, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nice sous le numéro X, au capital de 8.000 euros, dont le siège social est X1, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, domicilié audit siège en cette qualité,
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
La société B, société à responsabilité limitée, immatriculée au Registre du Commerce et de l'Industrie de la Principauté de Monaco sous le numéro X, dont le siège social est sis à MONACO (98000) X1, prise en la personne de ses co-gérants associés en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 23 avril 2014, enregistré (n°2014/000550) ;
Vu les conclusions de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de la société B, en date des 26 juin 2014 et 27 novembre 2014 ;
Vu les conclusions de Maître Patricia REY avocat-défenseur, au nom de la société A, en date des 8 octobre 2014 et 14 janvier 2015 ;
À l'audience publique du 26 février 2015, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 16 avril 2015 ;
CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :
Par l'exploit susvisé du 23 avril 2014, la société à responsabilité limitée A « A » a fait assigner devant ce Tribunal la société à responsabilité limitée B aux fins de la voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, condamner à lui payer les sommes de 7.135,80 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2014 et 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.
La société A expose qu'elle a établi le 31 janvier 2013 un devis à la société B pour la fourniture et la mise en œuvre d'enrobés noirs à chaud dans le cadre du chantier de l'école S à Nice. Ce devis a été accepté le 1er février 2013 et le 28 février 2013, elle a établi sa facture de 37.315,80 euros TTC. Un acompte de 30.000 euros a été versé par chèque par la société B.
La demanderesse indique qu'elle a mis en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception, en date du 17 mars 2014, la société B d'avoir à régler le solde de la facture soit la somme de 7.135,80 euros dans un délai de huit jours mais que cette demande est restée infructueuse.
La demanderesse considère que selon l'article 989 du Code civil les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.
La société A estime que la résistance de la défenderesse est abusive et l'a contrainte à engager des frais pour la défense de ses intérêts.
Par conclusions du 26 juin 2014, la société B excipe d'une exception d'inexécution et conclut au débouté des demandes de la société A, demande de dire et juger que l'action de la demanderesse est abusive et de la condamner au paiement de la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des frais de justice exposés pour la défense de ses intérêts.
La société défenderesse indique qu'elle a été attributaire du marché de l'Association des Amis de l'École S et a sous-traité à la société A différents ouvrages consistant notamment dans la réalisation d'un nouvel enrobé dans la cour de récréation après destruction de l'ancien revêtement.
Elle indique qu'à la suite de la mise en demeure de la société A, elle a répondu que la réalisation des travaux n'interviendrait que le 31 juillet 2014 mais aussi que les travaux réalisés par elle, en sa qualité de sous-traitant, sont affectés de malfaçons et fait jouer l'exception d'inexécution pour justifier la retenue sur la facture.
Elle fait valoir que l'existence de malfaçons n'est pas contestable puisque le compte rendu de la réunion de chantier du 5 mai 2014 relève « des défauts de pente (flash) importants de l'enrobé ». Ces désordres ont été constatés par un constat d'huissier du 30 avril 2014. Elle considère que les travaux réalisés par la société A devront être repris et que le maître de l'ouvrage refusera nécessairement d'en assumer le coût en sorte que si elle devait voir sa responsabilité contractuelle engagée, la société A devrait la relever et garantir.
Par conclusions du 8 octobre 2014, la société A maintient ses demandes et moyens. En outre, elle sollicite le rejet des demandes de la société B. Elle répond à l'argumentation de la défenderesse qu'elle a effectué la prestation prévue au contrat alors que sa co-contractante n'a pas procédé au paiement de l'intégralité de la facture. Elle fait valoir que la société B ne justifie ni lui avoir demandé des reprises des travaux, ni de ce que sa responsabilité contractuelle aurait été recherchée par le maître d'ouvrage. Elle argue de ce qu'elle a au contraire elle-même tenté de résoudre les problèmes de flash mais que la société E23 CONSTRUCTION a refusé d'y donner suite sans semble-t-il en avoir informé le maître d'ouvrage. Elle insiste sur l'absence de faute de sa part, relève des contradictions dans le constat d'huissier en expliquant que les lieux du chantier ne lui permettaient pas de procéder différemment et qu'elle a respecté la tolérance de 5 mm de flash du fait de l'absence d'étanchéité des enrobés qui imposent de laisser le temps à l'eau de faire son chemin alors que le constat a été fait pendant qu'un ouvrier projetait de l'eau dans la cour.
Elle met en exergue sa volonté de remédier aux problèmes notamment en fournissant un devis de la société LUDOPARK transmis à la société B mais resté sans suite. Elle fait également état d'un échange de courriers électroniques avec Monsieur GR. en sa qualité de maître d'œuvre qui a indiqué ne pas se souvenir avoir refusé une solution à base de résine et que les flash à l'école S ne constituaient pas un réel problème, la norme étant respectée et la qualité du travail non remise en cause.
Par conclusions du 27 novembre 2014, la société B a réitéré ses demandes et moyens. Y ajoutant, elle précise que lors de la réunion de chantier du 5 mai 2014, Monsieur Jean-Pierre GR. ne représentait pas le maître d'ouvrage et n'était pas présent alors que la maîtrise d'ouvrage a été confiée à la SOCIÉTÉ C. Elle note d'ailleurs que Monsieur GR. a écrit que les flashs l'ont interpellé. Elle argue de ce que la société A ne justifie pas de l'envoi de propositions pour remédier aux désordres et qu'en toute hypothèse si une solution est proposée c'est pour résoudre un problème. Elle verse aux débats une photographie de la cour qu'elle considère comme édifiante.
La société B se réfère également aux doléances de la SOCIÉTÉ C qui a mentionné, le 1er octobre 2014, parmi les ouvrages non terminés ou à reprendre « un défaut de niveau important devant l'entrée entraînant une flaque ne se résorbant pas lors de la moindre averse, et imposant aux élèves et professeurs un trouble de jouissance important. On constate aussi depuis la réfection de la cour qu'une multitude de « flash » se sont formés générant de nombreuses flaques d'eau lors des précipitations » pour établir que les malfaçons entraînent un défaut d'écoulement et de drainage des eaux de pluie ou de lavage et, de ce fait, un stagnation de ces eaux et la formation de flaques d'eau rendant inutilisable une partie de la cour d'école.
Dans ses écritures du 14 janvier 2015, la société A reprend ses précédentes demandes et moyens. En réponse à l'argumentation de la société B, elle produit la même photographie annotée de la cour de récréation qui met en évidence la complexité de l'exécution des travaux compte tenu des contraintes imposées par le terrain et que les flaques d'eau sont moins nombreuses que dans le constat d'huissier malgré les intempéries, hormis sous le préau. A propos du préau, elle précise que le redent en béton au pied du portail a été imposé par une norme anti-inondation ce qui empêche l'eau de s'évacuer par celui-ci et qu'il en est de même pour la rampe handicapée et le passage sous poutre pour l'accès des pompiers. Elle relève également que la société B se garde de préciser que l'aggravation du phénomène pourrait résulter de mouvements du sous-sol dus à un mauvais compactage des remblais contre le bâtiment par la société B. Concernant Monsieur GR. qu'il était lors du compte rendu de la réunion de chantier du 3 juin 2013 le représentant du maître d'ouvrage aux côtés de Madame GI..
SUR CE,
Il est établi et non contesté que la société A et la société B sont contractuellement liées par le devis de la demanderesse du 31 janvier 2013, accepté le 1er février 2013.
Dans ce cadre la société A. R. T a été chargée de la dépose de l'ancien revêtement de la cour de l'école S à Nice et de la pose d'enrobés noirs.
S'il est exact que les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être exécutés de bonne foi, il n'en demeure pas moins qu'un co-contractant peut arguer de l'inexécution de ses obligations par l'autre partie pour ne pas exécuter ses propres obligations.
Aux termes de l'article 1162 du Code civil :
« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ».
La société A justifie de ce qu'elle a réalisé les travaux demandés, ce qui n'est pas contesté, et du prix de 37.135,80 euros facturé alors que le prix convenu entre les parties était de 38.813,79 euros.
Il appartient à celui qui se prévaut de l'inexécution de l'obligation de prouver cette inexécution. En l'espèce, la société B allègue que les désordres constatés justifient une exception d'inexécution partielle puisqu'elle a procédé au paiement de la somme de 30.000 euros et opéré une retenue sur la facture de 7.135,80 euros à ce titre.
Il lui incombe par conséquent de justifier tant le principe de cette retenue que son quantum.
Il est constant et non contesté que des flaques d'eau dues à des « flashs » se forment dans la cour de récréation de l'école lors de pluies ou d'arrosage.
Le constat d'huissier dressé le 30 avril 2014 par Maître Patricia CELLIER-LEROY, huissier, fait état de la présence d'une pente destinée à permettre l'évacuation de l'eau de pluie vers les deux avaloirs prévus à cet effet, de la présence d'importantes flaques d'eau après arrosage de la cour et de l'évacuation partielle de l'eau formant des flaques. Il n'identifie cependant pas la cause de ces flaques d'eau et de ce mauvais écoulement de l'eau.
Le compte rendu de la réunion de chantier du 5 mai 2014 mentionne notamment « défaut de pente (flash) importants de l'enrobé ».
Ces désordres sont aussi signalés par la société B à la société A. R. T dans son courrier du 28 avril 2014 en réponse à la mise en demeure du 17 mars 2014 et qui précise qu'ils justifient une retenue sur facture qui sera régularisée lorsque les travaux d'enrobé donneront satisfaction et que le décompte général définitif aura été accepté par l'école S.
Les échanges de courriers électroniques entre Messieurs William GIO. de la société A et M. GR. ne peuvent pas être exploités à défaut pour le Tribunal de pouvoir déterminer avec certitude si ce Monsieur GR. était ou non le représentant légal du maître d'ouvrage, à la date du 14 mai 2014 dans la mesure où il figure sur le compte rendu de réunion de chantier du 3 juin 2013 comme représentant du maître de l'ouvrage mais plus sur celui de la réunion du 3 mai 2014.
Au vu de ces éléments, s'il est certain qu'un mauvais écoulement de l'eau et la formation de flaques d'eau nuisent à la jouissance de la cour de récréation de l'école, il n'est pas démontré que ces désordres soient liés à une mauvaise exécution des travaux par la société A, à défaut de tout élément technique probant. Il n'est pas plus établi que la réfection nécessaire justifierait une retenue sur facture de 7.135,80 euros de la part de la société B. Aucun élément concernant d'éventuelles récriminations du maître d'ouvrage final n'est fourni et la société B n'indique pas ce qu'il est advenu à la réception des travaux.
Les explications de la société A tenant au respect de la tolérance de 5 mm sous une règle de 3 m et aux difficultés de réalisation compte tenu des lieux ne sont pas contredites.
Dès lors, la société B doit être déboutée de son exception d'inexécution et condamnée à payer à la société A la somme de 7.135,80 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2014, date de réception de la mise en demeure du 17 mars 2014.
La procédure engagée par la société AR. T. ne peut pas ouvrir droit à des dommages et intérêts dès lors qu'il est fait droit à sa demande.
La société B a pu se méprendre sur la portée de ses droits et n'a pas opposé de résistance abusive.
Les conditions de l'exécution provisoire telles que définies par l'article 202 du Code de procédure civile n'étant pas réunies, à défaut de titre, de promesse reconnue et d'urgence, il n'y a pas lieu de l'ordonner.
La société B qui succombe sera condamnée aux dépens par application de l'article 231 du Code de procédure civile.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Déboute la société à responsabilité limitée B de son exception d'inexécution ;
Condamne la société à responsabilité limitée B à payer à la société à responsabilité limitée A « A » la somme de 7.135,80 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2014 ;
Déboute la société à responsabilité limitée A « A » de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
Dit que l'action de cette société n'était pas abusive et déboute la société à responsabilité limitée B de sa demande de dommages-intérêts en réparation des frais exposés pour sa défense ;
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
Condamne la société à responsabilité limitée B aux dépens distraits au profit de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge, Madame Aline BROUSSE, Juge, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 16 AVRIL 2015, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.