Tribunal de première instance, 26 mars 2015, La Société Civile Particulière de droit monégasque dénommée « SCI A. » c/ M. p-e. CO.

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Abstract🔗

Expulsion (non) – Procédure abusive (oui)

Résumé🔗

Il y a lieu de constater que la SCI A., qui a fait délivrer à Monsieur p-e. CO. une « sommation de déguerpir » prétendant avoir acquis un bien libre de toute occupation, n'a pas hésité à engager une procédure d'expulsion en référé d'abord, puis au fond, fondée sur une occupation des locaux sans droit ni titre alors qu'il est expressément spécifié dans son titre de propriété, que Monsieur p-e. CO. est titulaire d'un bail, titre notarié que la SCI A. s'est délibérément abstenu de produire à la procédure. De même, elle a prétendu ignorer l'existence de la sous-location par la SARL B. d'une partie des locaux, consentie en 1996 par l'ancienne propriétaire alors qu'il est clairement mentionné dans l'acte notarié de vente que cette société d'assurance et de courtage y a fixé son siège social et que l'acquéreur reconnaît avoir connaissance de ces locations. En agissant ainsi, la SCI A. s'est montrée d'une particulière mauvaise foi et a causé, par son attitude fautive, un préjudice aux défendeurs lesquels ont été contraints d'engager des frais pour se défendre en justice. Au vu de ces éléments, il convient de la condamner à leur payer chacun la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 26 MARS 2015

En la cause de :

  • La Société Civile Particulière de droit monégasque dénommée « SCI A. », au capital de 10.000 euros, dont le siège social se trouve X1 à Monaco, immatriculée au Registre Spécial des sociétés civiles de Monaco sous le n° X, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, M. r. MU., domicilié X à Monaco,

  • DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

  • d'une part ;

Contre :

  • M. p-e. CO., se domiciliant X à Monaco et en tant que de besoin M. p-e. CO., domicilié en France - X à Nice (06300),

  • DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

  • La SARL B. (SARL B.), dont le siège social est sis X1 à Monaco (98000), inscrite au RCI sous le n° X, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège social,

  • INTERVENANTE VOLONTAIRE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

  • d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 10 juillet 2014, enregistré (n° 2015/000006) ;

Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 11 décembre 2014 ayant notamment renvoyé la cause et les parties à l'audience du 29 janvier 2015 ;

Vu les conclusions de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la SCI A., en date du 8 janvier 2015 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de p-e. CO., en date du 29 janvier 2015 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la SARL B., intervenante volontaire, en date du 29 janvier 2015 ;

À l'audience publique du 12 février 2015, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 26 mars 2015 ;

CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :

Selon acte authentique reçu le 13 septembre 2013 par Maître CROVETTO-AQUILINA, Notaire à Monaco, la SCI A. a fait l'acquisition auprès de v. BI. d'un ensemble immobilier dénommé « XX », situé X1 à Monaco, constitué d'un sous-sol composé d'une grande cave et d'un wc, d'un 1er étage inférieur divisé en un grand et un petit local, d'un rez-de-chaussée composé d'un grand local, une cuisine, un wc et une terrasse et enfin de deux étages comprenant chacun un appartement de trois pièces principales.

Par acte du ministère de Maître NOTARI, Huissier de Justice à Monaco, en date du 29 janvier 2014, la SCI A. a fait signifier à p-e. CO. une sommation d'avoir à libérer dans le mois de la signification le local qu'il occupe au sous-sol de l'immeuble ci-dessus désigné sous l'enseigne « Cabinet p-e. CO. ».

L'intéressé n'ayant pas obtempéré à cette sommation, la SCI A., l'a fait assigner en référé selon acte du ministère de Maître NOTARI en date du 14 mars 2014 à l'effet de voir constater :

  • - qu'il n'exerçait aucune activité artisanale, industrielle ou commerciale dans l'immeuble sis X1 ;

  • - qu'il occupait donc ces lieux sans droit ni titre et s'y maintenait abusivement ;

  • et de voir en conséquence ordonner son expulsion dès la signification de l'ordonnance à intervenir sous astreinte comminatoire de 200 euros par jour de retard.

Monsieur p-e. CO. a justifié être titulaire d'un bail à loyer consenti par Madame v. BI. le 23 avril 1991 pour une durée de deux années à compter du 1er juin 1991 et portant sur une boutique donnant sur l'escalier de la Turbie et en sous sol sur la première cave au pied de l'escalier ainsi que le wc s'y trouvant, dépendant de l'immeuble sis X2 à Monaco (aujourd'hui X1).

La SARL B., prétendant exercer une activité commerciale depuis le 17 avril 1996 dans les locaux loués par Monsieur p-e. CO. en vertu d'un contrat de sous location conclu avec l'accord de la précédente propriétaire, est intervenue volontairement à la procédure de référé

Par ordonnance du 25 juin 2014, le juge des référés du tribunal de première instance de Monaco a déclaré régulière l'intervention volontaire de la SARL B., débouté la SCI A. de sa demande tendant à voir ordonner l'expulsion sous astreinte de p-e. CO., s'est déclaré incompétent pour connaître de sa demande reconventionnelle tendant à obtenir sous astreinte les quittances de loyer et a condamné la SCI A. aux dépens distraits au profit de Maître GIACCARDI.

Par acte d'huissier en date du 10 juillet 2014, la SCI A. a assigné Monsieur p-e. CO. devant le tribunal de première instance de Monaco aux fins de le voir :

  • - dire que Monsieur p-e. CO. (ou tout occupant de son chef) ne dispose d'aucun droit ni titre pour se maintenir dans les locaux du sous-sol sis à Monaco, XX, X1, anciennement X2 ;

  • - dire qu'il s'y maintient abusivement malgré la « sommation de déguerpir » délivrée par Maître Claire NOTARI, huissier de justice le 29 janvier 2014 ;

  • - ordonner l'expulsion de Monsieur p-e. CO. de tous corps et biens du sous-sol de l'immeuble au X1, ainsi que de tous autres occupants éventuels de son chef et dire que les lieux devront être libérés dès signification de la décision à intervenir, sous peine d'une astreinte comminatoire de 500 euros par jour de retard ;

  • - dire que l'huissier instrumentaire pourra se faire assister du concours d'un serrurier et de la force publique compte tenu de l'inertie opposée par p-e. CO. ;

  • - le condamner solidairement avec tous occupants de son chef (ou intervenant futur en cours de cause) à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de légitimes dommages et intérêts à raison du préjudice de jouissance, outre une somme de 30.000 euros au vu des préjudices financiers et matériels supplémentaires causés ;

  • - dire que toute condamnation emportera application du taux d'intérêt au taux légal du jour de la demande, jusqu'à parfait paiement, outre les intérêts, en application de l'article 1009 du Code civil ;

  • - ordonner l'exécution provisoire de la décision en application de l'article 202 du Code de procédure civile ;

  • - condamner sous la même solidarité tous contestants éventuels aux entiers dépens distraits au profit de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur.

À l'appui de ses prétentions, la SCI A. soutient que :

  • - interrogée au sujet de l'existence d'un bail commercial, la direction de l'expansion économique lui a indiqué que la seule personne pouvant être éventuellement concernée par l'existence d'une activité professionnelle dans les lieux serait Monsieur p-e. CO., expert près la Cour d'appel d'Aix en Provence en matière de Banque-bourse, précisant que ce dernier n'était pas immatriculé au répertoire du commerce et de l'industrie s'agissant d'une activité non commerciale ;

  • - qu'il ressort de ses vérifications que Monsieur p-e. CO. est en réalité domicilié X3 à Nice et n'exerce aucune activité professionnelle au sous sol de la villa XX à Monaco ;

  • - que la SARL B. (B.) n'y a pas non plus domicilié son siège social ;

  • -qu'il y a urgence à libérer les lieux, l'Etat de Monaco exigeant que d'importants travaux de ravalement soit effectués sur la villa visant l'éventuel péril découlant de façades en décrépitudes ;

  • - que ces travaux ne pourront débuter qu'une fois que le local situé en demi-sous sol sera libéré ;

  • - que Monsieur p-e. CO. ne peut prétendre à aucun titre d'occupation dès lors qu'il ne justifie verser aucune contrepartie à l'occupation du local et qu'il ne peut fixer arbitrairement et unilatéralement une indemnité d'occupation symbolique comme il a proposé de le faire ;

  • - qu'il ne justifie pas plus d'une prétendue sous-location ;

  • - que le courrier de la précédente propriétaire en date du 13 novembre 2013 évoquant un « paiement de loyer à jour » est sujet à caution car établi postérieurement à la vente immobilière, entièrement dactylographié et signé par une personne de 82 ans habituellement aidée par son fils sans que cela soit le cas en l'espèce ;

  • - qu'en raison de la particulière mauvaise fois du défendeur, elle a été privée de l'usage du local depuis le 13 septembre 2013, ce qui lui cause un préjudice évident.

Par conclusions en date du 30 octobre 2014, Monsieur p-e. CO. demande au Tribunal :

À titre principal : enjoindre à la SCI A. de communiquer aux débats l'acte de vente par lequel elle a acquis le bien immobilier de Madame BI. ;

À titre subsidiaire de :

  • - dire qu'elle occupe les locaux de la SCI A. en vertu d'un bail qu'il a signé le 23 avril 1991 avec Madame BI. ancienne propriétaire ;

  • - dire que ce bail est en cours et qu'aucun élément ne justifie l'expulsion de Monsieur p-e. CO. des locaux qu'il occupe en qualité de locataire ;

  • - dire que c'est de manière abusive que la SCI A. a introduit la présente procédure à l'encontre de Madame p-e. CO. ;

  • - la condamner à titre reconventionnel à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

  • - la condamner aux entiers dépens distraits au profit de Maître GIACCARDI, avocat-défenseur.

Il fait valoir :

  • - qu'il est titulaire d'un contrat de bail faisant échec à la demande d'expulsion ;

  • - qu'il a en effet signé un contrat de bail le 23 avril 1991 avec Madame BI., ancienne propriétaire, pour une durée de deux ans, dûment enregistré sous le n° 43923 à Monaco, moyennant un loyer initial de 48.000 Francs, tacitement renouvelé depuis lors, portant sur le local litigieux afin d'y exercer l'activité d'agent d'assurances et d'expert judiciaire en banque et en bourse près la cour d'appel d'Aix en Provence ;

  • - que les locaux sont loués à usage de bureaux et non pour y exercer une activité commerciale ;

  • - qu'il a toujours payé régulièrement son loyer ;

  • - qu'il sous-loue une partie des locaux à la SARL B. depuis le mois d'avril 1996, laquelle a bien son siège social domicilié dans les locaux litigieux ;

  • - qu'il s'est acquitté des loyers depuis le 30 septembre 2013 entre les mains de l'agence C., mandaté par la SCI A., laquelle a par la suite, refusé de les encaisser ;

  • - que c'est de manière mensongère que la SCI A. affirme que les locaux étaient libres de toute occupation lorsqu'elle les a acquis ;

  • - que le gérant de la SCI s'est rendu sur place le 24 octobre 2013 afin de le rencontrer et de visiter les locaux loués ;

  • - qu'il conviendrait qu'elle produise l'acte notarié de vente du 13 septembre 2013, ce qu'elle s'est toujours abstenu de faire ;

  • - que la procédure l'a contraint à engager des frais pour se défendre tant en référé qu'au fond et lui cause un réel préjudice moral.

Par conclusions en date du 30 octobre 2014, la SARL B. est intervenue volontairement à l'instance et demande au Tribunal :

  • - d'enjoindre la SCI A. à communiquer aux débats l'acte de vente ;

  • - dire que Monsieur p-e. CO. occupe les locaux litigieux en vertu d'un bail qu'il a signé le 23 avril 1991 avec Madame BI., ancienne propriétaire des lieux et que ce bail est en cours ;

  • - dire qu'aucun élément ni aucune urgence ne justifie l'expulsion de Monsieur p-e. CO. des lieux qu'il occupe en qualité de locataire ;

  • - dire qu'il a régulièrement sous-loué une partie des locaux à la SARL B., qui exerce depuis son activité commerciale ;

  • - dire qu'elle a intérêt à intervenir à la présente procédure afin de s'opposer aux demandes de la SCI A. ;

  • - débouter la demanderesse de toutes ses demandes et la condamner à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

  • - condamner la SCI A. aux entiers dépens distraits au profit de Maître GIACCARDI, avocat-défenseur.

Elle reprend à son compte l'argumentaire de Monsieur p-e. CO. précisant qu'elle a été autorisée par Madame BI. suivant courrier du 17 avril 1996 à sous louer une partie des locaux à ce dernier pour une durée liée au bail principal pour y exercer une activité commerciale et que disposant d'un titre de même que le locataire principal, la demande d'expulsion ne peut prospérer.

Par jugement en date du 11 décembre 2014, le tribunal, au visa des articles 274 et 276 du code de procédure civile, a ordonné à la SCI A. de communiquer à Monsieur p-e. CO. et la SARL B. au plus tard le 8 janvier 2015, l'acte de vente notarié en date du 13 septembre 2013 par lequel elle a acquis la « villa XX » et sursis à statuer sur les autres demandes.

La SCI A. a communiqué cette pièce le 8 janvier 2015.

Par conclusions postérieures à cette communication, la SCI A. reprend ses prétentions initiales et porte sa demande de dommages et intérêts réclamés solidairement à l`encontre des défendeurs à la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice de jouissance et matériel, outre 50.000 euros pour les préjudices financier et moral subis.

À titre subsidiaire, elle demande au tribunal de dire que le délai de 3 mois postérieur à la sommation de déguerpir est largement expiré, de sorte que Monsieur p-e. CO. doit quitter les lieux sous astreinte, ainsi que tout occupant de son chef.

Elle fait valoir que :

  • - l'acte de vente produit rappelle que Monsieur p-e. CO. a souscrit un bail de deux années en 1991 aux termes duquel il était bien spécifié qu'il ne pouvait ni céder, ni sous-louer le local et qu'il était interdit d'exercer dans les lieux une activité commerciale ou artisanale ;

  • - la SARL B. ne peut donc valablement disposer d'aucune sous-location ;

  • - aucun droit au renouvellement du bail initial n'est acquis dans la mesure où elle n'a pas, en sa qualité de propriétaire depuis septembre 2013, accepté le bail et qu'un bail commercial ne peut exister dans les lieux ;

  • - l'occupation forcée des lieux lui cause un réel préjudice lequel s'accroît puisqu'elle ne peut valablement encaisser de loyers.

Monsieur p-e. CO. maintient ses demandes initiales et porte sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive à la somme de 30.000 euros.

La SARL B. reprend l'intégralité de ses précédentes écritures et porte sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive à la somme de 20.000 euros.

Les défendeurs répliquent que :

  • - l'acte de vente du 13 septembre 2013 produit aux débats révèle expressément que Monsieur p-e. CO. est titulaire d'un bail dans les lieux loués et que la SARL B., exploitant un cabinet de courtage en assurances, inscrite au répertoire du commerce, y a fixé son siège social ;

  • - la SCI A. était parfaitement informée de la location en cours dont le loyer était clairement déterminé ;

  • - Madame BI., précédente propriétaire avait accepté le contrat de sous-location ;

  • - la demanderesse, qui prétend toujours que les défendeurs sont sans droit ni titre, est de particulière mauvaise foi.

MOTIFS

Sur l'intervention volontaire aux débats de la SARL B. (B.)

En application des dispositions des articles 383 et 384 du Code de procédure civile, une partie qui y a intérêt peut intervenir par conclusions prises à l'audience dans une instance suivie entre d'autres personnes.

En l'espèce, la SARL B., qui prétend exercer son activité commerciale depuis le 17 avril 1996 dans les locaux dont la SCI A. a fait l'acquisition le 13 septembre 2013, et ce en vertu d'un contrat de sous-location qui lui aurait été consenti avec l'accord de la précédente propriétaire, par p-e. CO., lui-même bénéficiaire d'un bail depuis le 23 avril 1991, a intérêt à intervenir dans l'instance visant à voir ordonner l'expulsion de ce dernier dès lors que le sous-locataire suit le sort du locataire principal.

En conséquence, il y a lieu de recevoir la SARL B. en son intervention volontaire.

- Sur la demande d'expulsion sous astreinte

L'acte de vente notarié en date du 13 septembre 2013 par lequel la SCI A. a acquis de Madame Sonia BI. l'immeuble litigieux dénommé « Villa XX », communiqué par la demanderesse à la demande du tribunal, stipule très clairement que la cave en sous-sol ainsi que le local au premier étage inférieur formant partie du premier lot, sont loués à Monsieur p-e. CO., alors agent d'assurances, expert judiciaire en Banque et Bourse près de la Cour d'appel d'Aix en Provence, aux termes d'un acte sous seings privés en date du 23 avril 1991, ledit bail ayant été consenti pour une durée de deux ans à compter du 1er juin 1991 pour un usage privatif de bureau et afin d'y exercer les professions mentionnées.

Monsieur p-e. CO. produit d'ailleurs le contrat de bail dont il s'agit aux débats dûment enregistré à Monaco le 7 mai 1991 sous le n° 43923.

La SCI A. ne peut donc aujourd'hui prétendre avoir acquis un bien libre de toute occupation.

Si ce bail n'a certes pas fait l'objet d'un renouvellement formel par écrit, il résulte néanmoins du document établi le 4 novembre 2013 par v. BI. que p-e. CO. a continué d'occuper les lieux, dans lesquels il se trouvait encore à la date de la cession de l'immeuble à la SCI A., en s'acquittant de « l'intégralité de ses loyers jusqu'à la date du 30 septembre 2013 ».

En outre, il ressort de l'acte de vente du 13 septembre 2013 lui-même que la location s'est poursuivie au-delà du terme du bail écrit puisqu'il est mentionné : le loyer se trouve être actuellement de 2.254,37 euros par trimestre, soit 9.017,48 euros par an, ainsi déclaré par le vendeur.

Par ailleurs, par un courrier en date du 25 septembre 2013, le responsable de l'agence immobilière C., se présentant comme le représentant du nouveau propriétaire du local occupé par p-e. CO., a informé ce dernier que son « prochain loyer » devrait lui être adressé directement.

Enfin, p-e. CO. justifie s'être acquitté entre les mains de l'agence C. des loyers afférents au 4ème trimestre 2013 et aux 1er et 2ème trimestres de l'année 2014.

Le bail s'est ainsi tacitement renouvelé, Monsieur p-e. CO. étant resté et laissé en possession des lieux postérieurement à la survenance de son terme.

La SCI A. expose que les défendeurs ne pourraient se maintenir dans les lieux en raison de l'interdiction d'exercer une activité commerciale et de l'interdiction de sous-location visées initialement au contrat de bail écrit.

Cependant l'acte de vente notarié reprend les termes du courrier émanant de l'expansion économique en date du 12 juin 2013 selon lequel il est spécifié que Monsieur p-e. CO. exerce dans les locaux la profession d'expert judiciaire et consultant formateur indépendant en Banque et Bourse et qu'à ce titre, il n'est pas immatriculé au Répertoire du Commerce et de l'industrie s'agissant d'une activité professionnelle et non commerciale.

En outre, postérieurement au renouvellement du bail, Madame BI., ancienne propriétaire avait expressément autorisé la sous-location des locaux par la société B., tel qu'il résulte d'un courrier signé de sa main en date du 17 avril 1996.

L'acte notarié du 13 septembre 2013 mentionne d'ailleurs expressément que la SARL B. ayant pour objet l'exploitation d'un cabinet de courtage en assurances individuelles et collectives de personnes, immatriculé au registre du commerce et de l'industrie a fixé son siège dans les locaux litigieux et l'acquéreur déclare, aux termes du même acte, avoir une parfaite connaissance des situations locatives énoncées.

La demanderesse ne peut donc invoquer ces éléments pour s'opposer au maintien des défendeurs dans les lieux loués.

La SCI A. soutient encore que les défendeurs seraient sans droit ni titre pour s'être maintenus dans les lieux trois mois après qu'ait été délivré à Monsieur p-e. CO. le 29 janvier 2013 une sommation de déguerpir.

Cependant, cette sommation délivrée à Monsieur p-e. CO. en sa qualité d'occupant sans droit ni titre alors qu'il était en réalité titulaire d'un bail, ne peut valablement constituer un congé pouvant produire effet étant précisé en outre que l'acte de vente stipule que l'acquéreur s'engage à faire son affaire personnelle de la continuation ou résiliation des locations sus mentionnées « dans les conditions fixées par la loi n° 1235 modifiée portant sur les locaux à usage d'habitation ».

En conséquence, il convient de constater que tant Monsieur p-e. CO. que la SARL B. disposent bien d'un titre d'occupation des locaux litigieux et de débouter la SCI A. de sa demande d'expulsion sous astreinte de Monsieur p-e. CO. de tous corps et biens du sous sol de l`immeuble au X1, ainsi que de tous autres occupants éventuels de son chef

- Sur les demandes de dommages et intérêts

La SCI A. ayant été déboutée de sa demande principale et les défendeurs justifiant occuper les lieux en vertu d'un titre, contrairement aux affirmations de la demanderesse, il y a lieu de rejeter les demandes de dommages et intérêts formées par cette dernière tant au titre du préjudice de jouissance et préjudice matériel, qu'au titre du préjudice financier et moral qu'elle prétend avoir subi.

En revanche, il y a lieu de constater que la SCI A., qui a fait délivrer à Monsieur p-e. CO. une « sommation de déguerpir » prétendant avoir acquis un bien libre de toute occupation, n'a pas hésité à engager une procédure d'expulsion en référé d'abord, puis au fond, fondée sur une occupation des locaux sans droit ni titre alors qu'il est expressément spécifié dans son titre de propriété, que Monsieur p-e. CO. est titulaire d'un bail, titre notarié que la SCI A. s'est délibérément abstenu de produire à la procédure.

De même, elle a prétendu ignorer l'existence de la sous-location par la SARL B. d'une partie des locaux, consentie en 1996 par l'ancienne propriétaire alors qu'il est clairement mentionné dans l'acte notarié de vente que cette société d'assurance et de courtage y a fixé son siège social et que l'acquéreur reconnaît avoir connaissance de ces locations.

En agissant ainsi, la SCI A. s'est montrée d'une particulière mauvaise foi et a causé, par son attitude fautive, un préjudice aux défendeurs lesquels ont été contraint d'engager des frais pour se défendre en justice.

Au vu de ces éléments, il convient de la condamner à leur payer chacun la somme de 10.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

- Sur l'exécution provisoire

Les conditions prévues à l'article 202 du Code de procédure civile n'étant pas réunies, il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la décision.

- Sur les dépens

La SCI A., partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens de l'instance en application de l'article 231 du Code de procédure civile.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement contradictoirement et en premier ressort,

Déclare recevable l'intervention volontaire de la SARL B. à la présente instance ;

Déboute la SCI A. de sa demande d'expulsion sous astreinte des lieux occupés par Monsieur p-e. CO. et la SARL B. au sous-sol et premier étage inférieur dans l'immeuble situé au X1 à Monaco ;

Dit que Monsieur p-e. CO. occupe les locaux litigieux en vertu d'un bail qu'il a signé le 23 avril 1991 avec Madame BI., ancienne propriétaire des lieux et que ce bail est en cours ;

Dit qu'il a régulièrement sous-loué une partie des locaux à la SARL B., laquelle y exerce son activité professionnelle ;

Condamne la SCI A. à payer à Monsieur p-e. CO. la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la SCI A. à payer à la SARL B. la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la SCI A. aux dépens, y compris ceux réservés par jugement en date du 11 décembre 2014, distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge, Madame Patricia HOARAU, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Antoinette FLECHE, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 26 mars 2015, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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