Tribunal de première instance, 19 mars 2015, M. e. RO. c/ La Société Anonyme Monégasque A.
Abstract🔗
Clause compromissoire – Validité (oui)
Résumé🔗
Aux termes de l'article 940 du Code de procédure civile, toutes personnes peuvent compromettre en matière civile et en matière commerciale sur les droits dont elles ont la libre disposition. En matière commerciale, elles peuvent également, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à un arbitrage toutes les contestations qui s'élèveraient entre elles. S'il résulte de ces dispositions que la clause compromissoire n'est reconnue valable que dans les rapports commerciaux à l'exclusion de la matière civile, les règles issues de cet article n'ont toutefois vocation qu'à régir les arbitrages de droit interne. En revanche, s'agissant d'un contrat international, le droit international privé monégasque considère que la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient, de sorte que son existence et son efficacité s'apprécient, sous réserve des règles impératives du droit monégasque et de la vision monégasque de l'ordre public international, d'après la commune volonté des parties (voir notamment Cour d'appel, 30 janvier 2001, SPRL c/BIM). La commune intention des parties a été de soumettre, non seulement le contrat, mais également la clause compromissoire, au droit italien, par référence spécifique aux articles 806 et suivants de son code de procédure civile, lequel ne prohibe pas l'arbitrage en matière civile, dès lors que les droits sont disponibles. Il n'existe pas en l'espèce d'atteinte aux règles impératives de droit monégasque ou à l'ordre public international, la matière, (contrat d'entreprise ou de travaux) ne relevant pas de l'état des personnes, entrant dans le champ des droits disponibles et ne se heurtant nullement à une compétence territoriale impérative comme ce pourrait être le cas pour un contrat de travail. La déclaration effectuée par la Principauté de Monaco lors de la ratification le 2 juin 1982 de la convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, (option prévue par l'article 1.3 de ce texte) selon laquelle elle entend limiter le champ d'application de cette convention aux différends issus de relations juridiques, contractuelles ou non, que la loi nationale considère comme étant d'ordre commercial, n'implique nullement ipso jure que l'ordre public international monégasque prohibe l'arbitrage international en matière civile. En effet, le seul effet de la limitation du champ d'application de cette convention internationale est de soumettre la reconnaissance en Principauté de Monaco d'une sentence arbitrale rendue en la matière à une procédure plus contraignante que celle, très simplifiée et allégée, décrite par les articles III et IV de la Convention de New York. En conséquence, la clause compromissoire incluse dans le contrat du 26 janvier 2011 conclu entre e. RO. et la SAM A., objet du présent litige doit être considérée comme valable et recevoir par voie de conséquence application. Au surplus, une telle clause compromissoire licite caractérise bien l'exception prévue par l'article 3-9 bis du Code de procédure civile permettant au Tribunal de Première Instance de décliner valablement sa compétence pour connaître du fond du litige, même lorsqu'il est comme en l'espèce également saisi d'une demande en validation d'une saisie-arrêt.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
R.
JUGEMENT DU 19 MARS 2015
En la cause de :
M. e. RO., né le 29 mars 1972 à Sydney (Australie), de nationalité australienne, sans profession, demeurant X à Monaco,
DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et substitué par Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat stagiaire en cette même Cour,
d'une part ;
Contre :
La Société Anonyme Monégasque A., dont le siège est sis X1 à Monaco, prise en la personne de son Administrateur délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège,
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit de saisie-arrêt, d'assignation et d'injonction du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 28 mai 2013, enregistré (n° 2013/000538) ;
Vu la déclaration originaire, de l'établissement bancaire dénommé SAM D., tiers-saisi, contenue dans ledit exploit ;
Vu la déclaration complémentaire formulée par l'établissement bancaire SAM D., par courrier en date du 5 juin 2013 ;
Vu les conclusions de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de la SAM A., en date des 9 octobre 2013, 14 avril 2014 et 10 décembre 2014 ;
Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom d e. RO., en date des 15 janvier 2014 et 8 octobre 2014 ;
À l'audience publique du 5 février 2015, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 19 mars 2015 ;
CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :
Aux termes d'un contrat en date du 11 décembre 2009, e. RO. a commandé à la société F., moyennant le prix TTC de 1.188.258 euros, un yacht de type X que cette dernière avait elle-même acquis par le biais d'un contrat de leasing souscrit auprès de la société B.
Des travaux de rénovation devaient être réalisés par la société C. sur le bateau dont la livraison avait initialement été fixée au 3 mai 2010. Par avenant du 3 mai 2010, la date de livraison prévue était reportée au 31 mai 2010.
Le 21 septembre 2010 le navire a été saisi par la société B.
Le 11 novembre 2010 un protocole d'accord a été conclu entre la SAM A., la société de droit italien F. et e. RO. aux termes duquel :
- le contrat initial du 11 décembre 2009 a été résilié ;
- e. RO. se voyait allouer, d'une part une somme de 145.000 euros à titre de dommages et intérêts pour la résiliation du contrat de vente et d'autre part une somme de 80.000 euros à titre d'indemnité pour dépréciation, à condition que la société B. lui cède le bateau.
Par contrat en date du 9 décembre 2010 la société B. a cédé le bateau à e. RO.
Selon contrat en date du 26 janvier 2011 e. RO. a chargé la SAM A. de procéder à des travaux de rénovation du bateau dont il était devenu propriétaire, la date de livraison étant fixée au 3 mai 2011.
Ce contrat comporte en son article 5 une clause pénale stipulant une indemnité de retard journalière de 3.000 euros au-delà du 20ème jour suivant le 3 mai 2011, soit à compter du 24 mai 2011 et prévoyant en outre que le chèque d'un montant de 500.000 euros prévu à titre de garantie par le protocole d'accord du 11 novembre 2010 pourrait être encaissé par M. e. RO. pour couvrir le montant des sommes dues au titre de la clause pénale.
Le bateau n'a pas été livré à la date convenue.
Le 25 janvier 2012 e. RO. a notifié à la SAM A. sa décision de résilier le contrat de remise en état en application des dispositions de l'article 14 de cette convention et pris en charge directement l'exécution des travaux de rénovation du bateau transféré le 23 décembre 2011 de FANO à SAVONE, lesquels se sont achevés au cours du mois d'août 2012.
Suivant requête en date du 17 mai 2013, e. RO. a sollicité du Président du Tribunal de Première Instance l'autorisation de faire pratiquer une saisie-arrêt entre les mains de la société D., sur les fonds, deniers ou valeurs détenus par cet établissement bancaire pour le compte de la SAM A., pour avoir sûreté et garantie de la somme de 1.450.000 euros. Elle invoquait à cet égard un principe de créance se décomposant de la manière suivante :
- 738.000 euros, au titre des pénalités de retard arrêtées au 25 janvier 2012, date de résiliation du contrat,
484.565,04 euros, au titre des frais de remise en état du bateau exposés par ses soins aux lieu et place de la SAM A.,
- 150.000 euros au titre de son préjudice de jouissance.
Par ordonnance en date du 27 mai 2013, il a été fait droit à cette demande, à concurrence de la somme de 1.054.000 euros.
Par acte en date du 28 mai 2013, e. RO. a fait pratiquer la dite saisie-arrêt, la SAM D. déclarant détenir dans ses livres un compte courant au nom de la SAM A., présentant un solde créditeur de 139.975,98 euros, sous réserve des opérations en cours et la compensation de deux montants débiteurs de 864,33 euros et 91,50 euros. Par le même acte, e. RO. a sollicité la condamnation de la SAM A. au paiement des causes de la saisie-arrêt.
Le 5 juin 2013, la SAM D. a procédé à la déclaration complémentaire prévue par l'article 500-3 du Code de procédure civile et fait état à cette occasion d'un compte courant créditeur d'un montant global de 138.960,15 euros, suite à la comptabilisation d'opérations en cours. Il était en outre précisé qu'une saisie antérieure avait frappé le compte susmentionné, selon une ordonnance du 16 octobre 2012, au bénéfice d'un autre créancier.
Saisi par la SAM A. par acte du 5 juin 2013, le Président du Tribunal de Première Instance, statuant en référé, a débouté par ordonnance du 26 mars 2014 cette société de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 27 mai 2013 et de mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 28 mai 2013.
Par arrêt en date du 29 septembre 2014, la Cour d'appel a réformé l'ordonnance de référé du 26 mars 2014, rétracté partiellement l'ordonnance présidentielle du 27 mai 2013, dit qu'e. RO. était autorisé à faire pratiquer saisie-arrêt pour un montant de 1.014.069,21 euros et ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 28 mai 2013 pour le surplus.
Dans la présente instance au fond, e. RO. a conclu suite à son exploit introductif d'instance, les 30 janvier et 8 octobre 2014. À l'issue de ses dernières écritures, il sollicite :
- la condamnation de la SAM A. au paiement des sommes de :
- 760.000 euros, au titre des pénalités de retard,
484.565,04 euros, au titre des frais de remise en état du bateau exposés par ses soins,
- 150.000 euros au titre de son préjudice de jouissance.
- la validation de la saisie-arrêt pratiquée le 28 novembre 2013, avec toutes conséquences de droit.
À l'appui de ses demandes, e. RO. fait valoir les arguments suivants :
Il soutient que l'article 15 du contrat du 26 janvier 2011 prévoyant un arbitrage en cas de litige ne peut produire aucun effet en l'espèce.
Qu'en effet, la SAM A. n'a en premier lieu pas soulevé son exception d'incompétence in limine litis.
Que par ailleurs cette clause compromissoire est contraire à l'ordre public monégasque, l'article 940 du Code de procédure civile monégasque limitant sa validité aux rapports entre commerçants. e. RO. indique qu'il ne peut être considéré comme commerçant dans le cadre du rapport contractuel avec la SAM A., mais uniquement comme client dans une convention de travaux à réaliser.
Enfin, dans le cadre de son adhésion à la Convention de New York pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, la Principauté de Monaco a expressément exclu la reconnaissance à Monaco de sentences arbitrales rendues en matière civile.
Sur le fond, e. RO. estime que la SAM A. a commis des fautes dans l'exécution du contrat de remise en état du 26 janvier 2011.
Le bateau n'a ainsi pas été livré à la date prévue du 14 octobre 2011. Ce retard est uniquement imputable à la défenderesse, qui a notamment cessé de s'acquitter des factures de ses sous-traitants. e. RO. relève également que ses propres interventions ont été conformes à l'article 3.4 du contrat, et s'agissant de travaux supplémentaires, qu'ils n'ont en rien interféré sur le déroulement du chantier.
De plus, à la date de résiliation du contrat, les travaux réalisés n'étaient pas conformes aux prescriptions contractuelles. Ainsi, dans un rapport du 14 octobre 2011, un expert indépendant a listé 34 défauts et imperfections.
La SAM A. a au demeurant reconnu ses propres manquements lors des négociations qu'ils ont entamées et s'est même engagée à réparer le préjudice qu'il a subi, en proposant notamment par courriel du 27 novembre 2012 de signer un protocole d'accord en contrepartie du versement d'une somme de 1.054.000 euros.
S'agissant du montant du préjudice, la clause pénale prévue dans le contrat est selon lui parfaitement valable. Alors que le contrat est régi par le droit italien, la défenderesse ne démontre nullement que la législation de ce pays permettrait à la juridiction d'apprécier son éventuel caractère disproportionné. Enfin e. RO. s'il admet avoir envisagé de renoncer à l'application de pénalités de retard, précise toutefois que cet accord était subordonné à la réalisation de sept conditions et à la signature d'un accord transactionnel qui ne s'est jamais concrétisé.
En défense, la SAM A. a conclu les 3 octobre 2013, 15 avril 2014 et 15 décembre 2014. Aux termes de ses écritures, elle sollicite :
- à titre principal, que le Tribunal de Première Instance se déclare incompétent, les parties ayant soumis leurs accords contractuels à l'arbitrage,
- à titre subsidiaire, le débouté des demandes d e. RO.,
- à titre infiniment subsidiaire, qu'il soit jugé que le courrier électronique de l. BA. du 27 novembre 2012 ne peut en aucun cas s'analyser comme valant reconnaissance d'une quelconque responsabilité de la SAM A.,
- en tout état de cause et à titre reconventionnel, la condamnation d e. RO. au paiement d'une somme de 150.000 euros, à titre de dommages et intérêts.
Au soutien de ses prétentions, la SAM A. estime qu'aux termes de la clause compromissoire prévue par l'article 15 du contrat, la compétence des juridictions monégasques n'est jamais entrée dans le champ contractuel, tel que défini par les parties.
Selon le droit italien, seul applicable au contrat, tous les litiges sont susceptibles d'être réglés par voie d'arbitrage, sauf ceux portant sur les droits indisponibles, ce qui n'est pas le cas en l'espèce (intégrité physique, droit de la famille, état des personnes, droit pénal).
Le demandeur ne démontre pas que le présent litige n'est pas de nature commerciale. Quoi qu'il en soit, les réserves émises par l'État de Monaco lors de la ratification de la convention de New York du 10 juin 1958 ont seulement pour conséquences que les règles préférentielles prévues par ce texte ne s'appliquent pas dans le cadre d'un litige non commercial. Rien n'interdit pour autant une clause compromissoire dans un litige civil.
Sur le fond du litige, la SAM A. fait valoir :
- l'ingérence totale d e. RO. dans le chantier, qui a imposé l'intervention de sous-traitants et sollicité notamment la modification de 22 points au minimum,
- l'inapplicabilité de la clause pénale, qui nécessite la notification d'une mise en demeure préalable, non réalisée en l'espèce,
- la disproportion du montant de la clause pénale, (pour un chantier de 132.000 euros HT), dont la somme avait été convenue entre les parties pour correspondre au coût de location journalier d'un navire similaire et ce pour l'été 2011. Or, le demandeur a volontairement prolongé l'application de cette clause dans le temps. Il avait en effet la possibilité de résilier le contrat dès le constat d'un retard de plus de 35 jours au-delà de la date de livraison initiale, ce qu'il n'a pas fait, attendant la livraison du yacht et accroissant ainsi le montant de la clause pénale,
- que le droit italien, applicable au litige, autorise quoi qu'il en soit le juge à réduire le montant des clauses pénales. (article 1384 du Code civil),
- s'agissant de la somme de 484.565,04 euros réclamée au titre de frais prétendument engagés, que le demandeur ne démontre pas que les factures qu'il produit aux débats seraient en lien avec une éventuelle mauvaise exécution de ses prestations par la SAM A. ; qu'il en va ainsi notamment des bulletins de paie de l'assistante particulière d e. RO. pour 28.568,52 euros, ou des factures de la SARL E. d'un montant de 21.528 euros concernant des prestations de conseil particulièrement floues.
SUR QUOI :
Attendu que le contrat de remise en état de navire conclu entre e. RO. et la SAM A. le 26 janvier 2011 contient un article 15 intitulé « loi applicable et arbitrage » dont le point 15.1 stipule « Ce contrat de remise en état sera régi par le droit italien » et le point 15.2 : « les litiges qui peuvent survenir entre les Parties en rapport avec ce contrat de remise en forme, y compris son interprétation, sa validité et son exécution, seront réglés définitivement par arbitrage, conformément aux articles 806 et suivants du Code de procédure civile italien. L'arbitrage sera effectué par trois arbitres (le « comité d'arbitrage »), le premier à être désigné par la Partie qui demande l'arbitrage et le second par l'autre Partie, dans un délai de 30 (trente) jours de la demande […] le troisième arbitre sera désigné conjointement par les arbitres précédemment désignés […] » ;
- Sur la recevabilité de l'exception d'incompétence tirée par la SAM A. de cette clause compromissoire :
Attendu qu'en application de l'article 262 alinéa 1er du Code de procédure civile, une exception d'incompétence de la nature de celle présentée par la SAM A. doit être présentée in limine litis ;
Attendu que tel a bien été le cas en l'espèce, la SAM A. ayant présenté cette exception dès ses premières conclusions en date du 9 octobre 2013, suite à l'assignation du 28 mai 2013 ; Qu'à cet égard, dans le corps de ses conclusions, il est indiqué expressément que la « compétence des juridictions monégasques n'est jamais entrée dans le champ contractuel tel que défini par les parties » et que « tout litige pouvant naître du contrat du 26 janvier 2011 doit être soumis au droit italien et être tranché par un comité d'arbitrage en application du droit italien » ;
Que l'ordre de présentation des arguments au sein d'un jeu de conclusion est indifférent, seul étant pertinent pour apprécier le caractère préalable de la présentation d'une exception, la présence de celle-ci dans le dispositif des dites écritures ; Qu'en l'espèce, la formulation dans le dispositif « dire et juger qu e. RO. n'a pas saisi l'Arbitre prévu dans les conventions qu'il allègue, ni ne démontre avoir respecté les clauses des accords contractuels le liant à la SAM A., en sorte qu'il ne saurait se prévaloir d'un principe certain de créance », éclairée par le contenu des conclusions sus-cité, suffit à établir que cette exception d'incompétence, qui sera formulée plus explicitement dans les conclusions suivantes du 15 avril 2014, a été présentée in limine litis et est dès lors recevable ;
- Sur la compétence du Tribunal de Première Instance et l'application de la clause compromissoire :
Attendu en premier lieu que contrairement aux allégations de la SAM A., le rapport de droit existant entre e. RO. et la SAM A., tel qu'issu du contrat du 26 janvier 2011, ne peut être qualifié de commercial ;
Qu'en effet, il n'est pas démontré qu e. RO. ait acquis le navire de type X dénommé le « XX », pour les besoins d'une activité commerciale et qu'il ait confié à la SAM A. des réparations pour les besoins d'une telle activité ;
Que d'autre part, un contrat de remise en état, conclu sous forme écrite en langue anglaise, n'est pas réputé acte de commerce par nature, au sens de l'article 2 du Code de commerce, ou par la forme ;
Attendu qu'aux termes de l'article 940 du Code de procédure civile, toutes personnes peuvent compromettre en matière civile et en matière commerciale sur les droits dont elles ont la libre disposition. En matière commerciale, elles peuvent également, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à un arbitrage toutes les contestations qui s'élèveraient entre elles ;
Que s'il résulte de ces dispositions que la clause compromissoire n'est reconnue valable que dans les rapports commerciaux à l'exclusion de la matière civile, les règles issues de cet article n'ont toutefois vocation qu'à régir les arbitrages de droit interne ;
Qu'en revanche, s'agissant d'un contrat international, le droit international privé monégasque considère que la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient, de sorte que son existence et son efficacité s'apprécient, sous réserve des règles impératives du droit monégasque et de la vision monégasque de l'ordre public international, d'après la commune volonté des parties (voir notamment Cour d'appel, 30 janvier 2001, SPRL c/BIM) ;
Que la commune intention des parties a été de soumettre, non seulement le contrat, mais également la clause compromissoire, au droit italien, par référence spécifique aux articles 806 et suivants de son code de procédure civile, lequel ne prohibe pas l'arbitrage en matière civile, dès lors que les droits sont disponibles ;
Qu'il n'existe pas en l'espèce d'atteinte aux règles impératives de droit monégasque ou à l'ordre public international, la matière, (contrat d'entreprise ou de travaux) ne relevant pas de l'état des personnes, entrant dans le champ des droits disponibles et ne se heurtant nullement à une compétence territoriale impérative comme ce pourrait être le cas pour un contrat de travail ;
Que la déclaration effectuée par la Principauté de Monaco lors de la ratification le 2 juin 1982 de la convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, (option prévue par l'article 1.3 de ce texte) selon laquelle elle entend limiter le champ d'application de cette convention aux différends issus de relations juridiques, contractuelles ou non, que la loi nationale considère comme étant d'ordre commercial, n'implique nullement ipso jure que l'ordre public international monégasque prohibe l'arbitrage international en matière civile ;
Qu'en effet, le seul effet de la limitation du champ d'application de cette convention internationale est de soumettre la reconnaissance en Principauté de Monaco d'une sentence arbitrale rendue en la matière à une procédure plus contraignante que celle, très simplifiée et allégée, décrite par les articles III et IV de la Convention de New York ;
Attendu en conséquence que la clause compromissoire incluse dans le contrat du 26 janvier 2011 conclu entre e. RO. et la SAM A., objet du présent litige doit être considérée comme valable et recevoir par voie de conséquence application ;
Qu'au surplus une telle clause compromissoire licite caractérise bien l'exception prévue par l'article 3-9 bis du Code de procédure civile permettant au Tribunal de Première Instance de décliner valablement sa compétence pour connaître du fond du litige, même lorsqu'il est comme en l'espèce également saisi d'une demande en validation d'une saisie-arrêt ;
- Sur la demande en validation de la saisie-arrêt pratiquée le 28 mai 2013, la demande reconventionnelle en paiement des dommages et intérêts et les dépens :
Attendu qu'il convient de surseoir à statuer sur ces demandes, jusqu'à ce qu'une sentence arbitrale portant sur le fond du litige opposant e. RO. à la SAM A. ait été rendue et déclarée exécutoire en Principauté de Monaco ;
Attendu que les dépens seront réservés en fin de cause ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort,
Dit que la clause compromissoire stipulée à l'article 15 du contrat en date du 26 janvier 2011 conclu entre e. RO. et la SAM A. est valable et doit recevoir application ;
Se déclare en conséquence incompétent pour connaître des demandes en paiement formulées au titre des pénalités de retard, des frais et des dommages et intérêts par e. RO. à l'encontre de la SAM A. ;
Surseoit à statuer sur la demande en validation de la saisie-arrêt pratiquée le 28 mai 2013 par e. RO. sur les comptes ouverts par la SAM A. dans les livres de la SAM D. jusqu'à ce qu'une décision arbitrale ait été rendue sur le fond du litige opposant les parties et déclarée exécutoire sur le territoire de la Principauté de Monaco ;
Renvoie à cet effet la cause et les parties à l'audience du jeudi 15 octobre 2015 à 9 heures ;
Réserve les dépens en fin de cause ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Madame Aline BROUSSE, Juge, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 19 mars 2015, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Monsieur Michael BONNET, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.