Tribunal de première instance, 5 mars 2015, La Société Civile Immobilière A c/ Le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble « B »
Abstract🔗
Copropriété – Assemblée générale – Délibérations – Nullité (oui)
Résumé🔗
S'il est normal que le syndic intervienne dans le cadre d'une assemblée générale de copropriétaire, pour présenter l'ordre du jour qu'il a préparé, pour donner les explications techniques nécessaires relevant au demeurant de sa compétence et pour répondre aux questions qui peuvent lui être posées, il s'évince du procès-verbal susvisé que M. a. VI. a présidé de fait l'assemblée générale, qu'il l'a animée et conduite de bout en bout, cumulant ainsi sa fonction de secrétaire avec celle de président qui lui est formellement interdite par le 2ème alinéa de l'article 13 de la loi. Cette immixtion présente un caractère abusif. Cette irrégularité majeure est de nature à entraîner la nullité des délibérations prises lors de l'assemblée générale litigieuse.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
R.
JUGEMENT DU 5 MARS 2015
En la cause de :
La Société Civile Immobilière A, sise « B », X1 à MONACO, agissant poursuites et diligences de sa gérante en exercice, Mme m. MA. VAN. DO., domiciliée en cette qualité audit siège ;
DEMANDERESSE, comparaissant en personne ;
d'une part ;
Contre :
Le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble « B », dont le siège social est sis « B », X2 à MONACO, pris en la personne de son syndic en exercice, la société dénommée « SCS C », dont le siège social est X3 à MONACO, représentée par son commandité gérant en exercice, M. a. VI., demeurant en cette qualité audit siège ;
DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Bernard BENSA, avocat en cette même Cour ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 30 décembre 2013, enregistré (n° 2014/000303) ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom du syndicat des copropriétaires de l'immeuble B, en date des 6 mars 2014, 5 juin 2014 et 30 octobre 2014 ;
Vu les conclusions de m. MA. VAN. DO., gérante de la SCI A, au nom de ladite SCI, en date des 10 avril 2014 et 10 juillet 2014 ;
À l'audience publique du 15 janvier 2015, m. MA. VAN. DO. a été entendue en ses observations et explications, le conseil du syndicat des copropriétaires de l'immeuble B a été entendu en sa plaidoirie et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 5 mars 2015 ;
FAITS :
Le 30 octobre 2013 s'est tenue l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble B dont fait partie la SCI A pour être propriétaire d'un appartement au 4ème étage de l'immeuble situé X4 à MONACO.
PROCÉDURE :
Le 30 décembre 2013, la SCI A a fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « B » pris en la personne de son syndic, la SCS C, en annulation de résolutions, expertise et autorisation d'effectuer des travaux.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La SCI A,
impute au syndic un comportement qui serait discriminatoire et préjudiciable ;
expose :
- qu'afin d'assurer la transparence des débats, elle a été autorisée par ordonnance présidentielle à se faire assister par un huissier pour l'assemblée générale, lequel a dressé procès-verbal ;
- que le Président de la séance n'a pas assuré son rôle, lequel a été de fait tenu par le syndic en violation de l'article 13 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 ; que le syndic a proposé un vote de renouvellement pour un terme de 3 ans alors que cela n'était pas à l'ordre du jour, ne respectant pas l'article 5 de la loi n° 1.391 du 2 juillet 2012 ;
- que le syndic n'a pas tenu compte de sa demande exprimée par courrier du 10 septembre 2013 de susciter une discussion et un vote sur le rôle du conseil syndical, en violation de l'article 6 de la loi n° 1.391 et de l'article 22 de la loi n° 1.329 ; qu'il n'a pas tenu compte de sa candidature et de sa volonté de la soumettre au vote ;
- que le conseil syndical n'a pas été convoqué et que c'est par abus de pouvoir que le syndic a abandonné la commande du nouvel ascenseur ;
- qu'aucun budget n'a été fourni avec la convocation relatif aux travaux de remplacement de l'ascenseur, pourtant exigé par l'article 11 de la loi n° 1.391 ; que le décompte figurant sur le compte-rendu du syndic est plus complet que la mention furtive en séance ;
- que Mme AR. a contesté le bien-fondé du décompte des tantièmes proposé par l'expert ROLLIN ; que le coût du remplacement a été mal appréhendé 200.000 € alors que l'enveloppe de l'investissement s'élève à plus de 250.000 € ;
- que la proposition de Mme AR. de participer pour un montant forfaitaire de 50.000 € a été accueillie comme un don alors qu'il s'agissait d'un choix réfléchi lui accordant l'usage de l'ascenseur à un prix potentiellement bradé sans rapport avec ses tantièmes ;
- qu'elle consent cependant à aligner son vote avec les autres copropriétaires et à accepter cette proposition ;
- qu'elle a voté contre le nouveau tableau des tantièmes ascenseur car il n'était pas joint à l'ordre du jour et a un caractère arbitraire pour avoir été établi sans visite des lieux et sans tenir compte du permis de construire, ni de la demande modificative faite par la concluante ;
- que les terrasses même transformées en jardin d'hiver restent des dépendances non habitables, que la cuisine ne peut être une pièce principale ;
- que le séjour d'une superficie de 28 m² ne peut pas intervenir pour deux pièces principales tandis que la surface totale habitable est majorée de 13 m² après travaux ;
- que des anomalies pourraient concerner le coefficient d'étage ;
- qu'elle paye depuis 2009 ses charges de copropriété sur une base surévaluée par M. ROLLIN au 10 octobre 2005 ;
- qu'en vertu de l'alinéa 8 page 3 du cahier des charges, elle a le droit d'aménager sa terrasse comme elle l'entend et que l'assemblée générale n'a pas à se prononcer ; que cette demande a été approuvée sans qu'aucune objection touchant à l'esthétique n'ait été soulevée ;
- qu'elle confirme son accord en vue d'une modification des tantièmes mais pas arbitraire ;
- que contrairement à ce que prétend M. a. VI., il y a bien eu vote ; que reporter la décision et donc le recollement des travaux d'un an est arbitraire et abusif, la privant de la jouissance complète de ce bien ;
- que lier le vote concernant l'esthétique des façades à l'acceptation d'un tableau abusif de tantièmes surévalués pour considérer comme habitables des surfaces qui ne le sont pas, relève du chantage ;
- qu'au vu du comportement du syndic et de la complaisance de M. ROLLIN, seule une expertise pourra préserver les droits de la concluante ;
conclut :
- à ce que le syndic a outrepassé sa fonction de secrétariat et enfreint l'interdiction légale de présider ;
- à ce que toute résolution résultant de cette immixtion abusive doit être considérée comme nulle et non avenue ;
- que la résolution n° 12 visait à obtenir l'accord de l'assemblée générale sur la symétrie des façades par le rajout d'une fenêtre ou d'une verrière faisant le pendant avec une fenêtre et une verrière existantes déjà approuvées par l'assemblée générale 2012 ;
- à ce qu'il lui soit donné acte de ce que le vote sur la demande modificative soit considéré indépendamment de la question des tantièmes ascenseur ;
- à ce que la résolution n° 12 n'a pas été mise au vote par un abus d'immixtion du syndic.
* l'alternative a été acceptée à l'unanimité des votants ;
- à ce que par un abus d'immixtion, le syndic a interprété le vote comme n'ayant pas eu lieu en le liant au vote sur le tableau de tantièmes ;
- à ce que la résolution n° 13 n'a pas pu faire l'objet d'un vote pour n'avoir pas obtenu une adaptation du tableau de tantièmes ;
- à la remise sans justification de la décision à l'assemblée générale de 2014 ;
- à la désignation d'un expert afin de procéder à la détermination des tantièmes ascenseur ;
- accessoirement à ce que le syndic n'a pas mis en œuvre son devoir de conseil ;
- à la responsabilité solidaire du Président de séance et de l'assesseur ;
- à un abus du syndic de suspendre la commande du nouvel ascenseur ;
- à l'autorisation d'exécuter les travaux relatifs à sa demande modificative n° 2 et à ce qu'il soit enjoint au syndic de la signer sous astreinte de 500 € par jour de retard, la date limite de dépôt du dossier au DPUM ayant été portée à février 2014 ;
- à la condamnation du syndic à lui payer la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles et dommages.
Le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble B, après avoir rappelé le contentieux l'opposant à la SCI A,
fait valoir :
- qu'il résulte de la lecture du procès-verbal de l'assemblée générale et du constat d'huissier de Maître NOTARI, que le syndic n'a pas outrepassé ses fonctions lors de l'assemblée générale, que la nomination du Président de séance et d'un assesseur a été adoptée à la majorité des copropriétaires présents ou représentés dont la SCI A ; qu'il en est de même du secrétaire de séance et que si l'article 13 de la loi interdit au syndic de présider l'assemblée, il est d'usage constant qu'il soit nommé en qualité de secrétaire ;
- que la demanderesse n'est pas fondée à solliciter l'annulation des délibérations 1, 2 et 3 puisqu'elle les a approuvées ;
- qu'il a paru préférable que le Conseil Syndical soit nommé pour trois ans afin d'être en concordance avec la durée du mandat du syndic ; que la question du renouvellement du syndic était bien à l'ordre du jour et qu'il a été approuvé à la seule exception de la SCI A ;
- que la résolution n° 11 portait sur la présentation aux copropriétaires d'un tableau des tantièmes ascenseur établi par le cabinet D ; qu'il a été approuvé à l'exception de la SCI A ;
- qu'il n'est pas rapporté la preuve du caractère arbitraire du tableau, étant rappelé que ce géomètre a été consulté à plusieurs reprises par Mme m. MA VAN DO. ;
- qu'aucune critique sérieuse n'est justifiée et qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'expertise ;
- que les copropriétaires devaient examiner la demande de la SCI concernant le réaménagement de deux terrasses en jardin d'hiver, décision relevant de la majorité de l'article 17 de la loi du 2 juillet 2012 ;
- que le cabinet D n'a pas pu établir les nouveaux tantièmes en raison de la sommation qui lui a été adressée ;
- que la copropriété était disposée à accepter les plans modificatifs sous la condition de la modification des tantièmes par rapport aux nouvelles surfaces créées ; que Mme m. MA. VAN DO. n'ayant pas voulu se prononcer, la question a été reportée à l'ordre du jour de l'assemblée générale de 2014 ;
- que la résolution n° 13 portait sur les tantièmes affectés à l'appartement litigieux, décision subordonnée à un accord sur la résolution précédente, de telle sorte qu'elle ne pouvait être examinée ;
- que l'article 15 alinéa 1er de la loi du 8 janvier 2007 n'autorise pas une juridiction à se substituer au vote des copropriétaires et qu'elle ne peut pas autoriser les travaux, lesquels nécessitent l'autorisation de la copropriété ;
- que cette autorisation n'a pas été refusée mais subordonnée à la modification des tantièmes ;
- que la requérante cherche à ne pas payer ce qu'elle devrait pour le nouvel ascenseur, à faire entériner sa terrasse en jardin d'hiver « non habitable » alors qu'il a été réalisé sans autorisation une pièce habitable et à faire accepter la même chose de l'autre côté de la terrasse ;
- que l'action engagée est manifestement abusive ;
conclut au débouté de la SCI A de l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation à lui payer la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
SUR QUOI LE TRIBUNAL :
L'action de la société A est introduite en application de l'article 19 de la loi du 8 janvier 2007 dans le respect du délai de deux mois prévu par ce texte.
Cette société sollicite la nullité des délibérations prises au cours de l'assemblée générale du 30 octobre 2013 et à titre subsidiaire de certaines des résolutions adoptées.
Sur la demande d'annulation des délibérations :
La page deux du procès-verbal de l'assemblée générale annuelle n'est pas produite par les parties mais il n'est pas discuté que l'ordre du jour portait sur la nomination :
1) d'un Président de séance : M. BE. ;
2) d'un assesseur : M. DU. ;
3) d'un secrétaire de séance : M. a. VI..
La société A ne sollicite pas l'annulation des résolutions 1, 2 et 3 mais de l'ensemble des délibérations pour violation de l'article 13 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007.
Aux termes de l'article 12 de ladite loi « au début de chaque réunion, l'assemblée générale désigne un bureau de séance composé d'un président et, au moins, d'un assesseur ».
L'alinéa 2 de cet article précise que « le secrétariat de la réunion est assuré par le syndic ou … ».
En application de l'article 13 alinéa 2 « le syndic, son conjoint et ses préposés ne peuvent ni présider l'assemblée, ni recevoir délégation de vote ».
Le syndic ne peut donc qu'assurer le secrétariat de la séance mais en aucun cas la présider.
La lecture du procès-verbal du 30 octobre 2013 ne fournit pas d'information sur la tenue de l'assemblée générale, ni sur la direction des débats, si ce n'est que le président n'y apparaît jamais dans le rôle pour lequel il a été élu.
Il résulte du procès-verbal de constat de Maître NOTARI relatant le déroulement de la séance, qu'après désignation du bureau, dirigée par M. a. VI., M. BE. élu président n'est jamais intervenu ne serait-ce que pour annoncer les points à l'ordre du jour, il n'a même pas procédé à l'ouverture des débats.
M. a. VI. y a toujours pris la parole en premier dès le point mis en discussion, les échanges ont exclusivement eu lieu entre M. a. VI. et un ou des copropriétaires.
On peut noter l'intervention de M. BE. lors de la discussion :
- du point 9 pour préciser « et il faut l'avis d'un architecte » (p. 13) ;
- du point 10 pour indiquer « j'avais aussi consulté trois entreprises… » (p. 14) ; « c'est une cabine à deux portes » (p. 15) ; « au point de vue secteur, il a du 380 dans l'immeuble » (p. 17) ; « on n'a pas de base » (p. 24) ;
- du point 14 (p. 47) pour préciser qu'un bloc pour les vibrations doit être prévu pour les climatiseurs et en page 47 pour lever la séance.
S'il est normal que le syndic intervienne dans le cadre d'une assemblée générale de copropriétaire, pour présenter l'ordre du jour qu'il a préparé, pour donner les explications techniques nécessaires relevant au demeurant de sa compétence et pour répondre aux questions qui peuvent lui être posées, il s'évince du procès-verbal susvisé que M. a. VI. a présidé de fait l'assemblée générale, qu'il l'a animée et conduite de bout en bout, cumulant ainsi sa fonction de secrétaire avec celle de président qui lui est formellement interdite par le 2ème alinéa de l'article 13 de la loi.
Cette immixtion présente un caractère abusif.
Cette irrégularité majeure est de nature à entraîner la nullité des délibérations prises lors de l'assemblée générale litigieuse.
Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur les autres demandes présentées par la SCI A.
Sur les demandes de dommages et intérêts :
La demande de dommages et intérêts présentée par la SCI A n'est pas justifiée, faute d'établir la réalité des préjudices allégués.
Le Tribunal déclarant la demande principale bien fondée, la procédure engagée n'est pas abusive et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « B » sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les dépens :
Les dépens seront mis à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble « B » qui succombe.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Annule les résolutions adoptées par l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble « B » en date du 30 octobre 2013 pour violation du deuxième alinéa de l'article 13 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les autres demandes présentées par la SCI A ;
Déboute la SCI A et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « B » de leurs demandes de dommages et intérêts ;
Met les dépens à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble « B » ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Patricia HOARAU, Juge, Madame Aline BROUSSE, Juge, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 5 mars 2015, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.