Tribunal de première instance, 12 février 2015, La société anonyme A c/ M. m. VE. et Mme j. SP.

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Abstract🔗

Voie d'exécution - Opposition sur le prix de vente d'un fonds de commerce - Opposition  par la banque - Prêt - Cautionnement réel

Résumé🔗

Un titre est nécessaire pour effectuer une voie d'exécution. En l'espèce, la banque la société A demande le transfert des fonds de la société SNC C, à la suite du cautionnement réel existant entre les deux parties en garantie d'un prêt consenti à la société SCS B. Cette dernière ayant été placée en liquidation judiciaire, la société A fait opposition sur le prix de vente d'un fonds de commerce cédé par la SNC C Le tribunal déboute la banque de toutes ses demandes. Le seul fait d'être le bénéficiaire d'un cautionnement réel ne signifie pas être titulaire d'un titre à l'encontre de la caution.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

JUGEMENT DU 12 FEVRIER 2015

En la cause de :

  • La société anonyme A, dont le siège social est sis X1 à 69000 LYON, et le siège central X2 à PARIS 75002, agissant sur poursuites et diligences de son Directeur en exercice, demeurant en cette qualité audit siège et de M. j-f. BR., directeur de la société A MONACO, y demeurant, X,

DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

  • M. m. VE., né le 3 décembre 1945 à GRASSE (Alpes-Maritimes), domicilié X à MONACO ;

DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

  • Mme j. SP., née le 3 février 1947 à GROMBALIA (Tunisie), demeurant X à CANNES (06400), France,

Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n° 116 BAJ 13 par décision du bureau en date du 25 avril 2013

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

En présence de :

  • Maître Patricia REY, avocat-défenseur, demeurant X3 à MONACO, prise en sa qualité de détentrice des fonds sur opposition de la société A ;

DÉFENDERESSE, comparaissant en personne ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 15 février 2013, enregistré (n° 2013/000405) ;

Vu les conclusions de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, prise en sa qualité de détentrice des fonds sur opposition de la SA A, en date des 19 juin 2013 et 9 avril 2014 ;

Vu les conclusions de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de m. VE., en date des 11 juillet 2013 et 9 avril 2014 ;

Vu les conclusions de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de j. SP., en date des 31 octobre 2013 et 5 juin 2014 ;

Vu les conclusions de Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur, au nom de la SA A, en date des 12 février 2014 et 27 novembre 2014 ;

À l'audience publique du 18 décembre 2014, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 5 février 2015 et prorogé au 12 février 2015, les parties en ayant été avisées par le Président ;

CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :

Il est constant que par acte sous seing privé en date du 21 avril 1999, enregistré le 27 avril 1999, la société A, consentait un prêt d'un montant de 2.400.000 francs (soit 365.877,64 euros), remboursable en 84 mois, au taux de 7.33 % annuel à la société en commandite simple B, représentée par sa gérante commanditée j. SP..

Au sein de cet acte la société emprunteuse consentait plusieurs garanties :

  • - un nantissement d'un fonds de commerce sis X, (exploité sous l'enseigne « L ») en premier rang, pour un montant de 2.400.000 francs,

  • - un nantissement d'un fonds de commerce, à l'enseigne B, situé X, en 4ème rang, pour un montant de 2.400.000 francs.

Il était également stipulé dans l'acte que d'autres garanties seraient consenties par actes séparées, soit les cautions solidaires et personnelles de j. SP. et de m. VE.. Ces actes de cautionnements étaient régularisés le 21 avril 1999, chacune des deux cautions s'engageant solidairement à garantir la SCS B à hauteur d'une somme de 1.200.000 francs, plus commissions, intérêts au taux de 7,33 % l'an, assurance incluse.

Il ressort également de l'acte de prêt que j. SP., agissant au nom et pour le compte de la société en nom collectif C constituait cette société caution solidaire et réelle envers la société A de la dette de la SCS B. Il était stipulé que ce cautionnement était limité à un bien nanti, soit un fonds de commerce sis X à Monaco, exploité sous l'enseigne « D ».

Le bordereau d'inscription des nantissements a été établi le 28 avril 1999, renouvelé sous la date du 8 avril 2004 et enregistré le 13 avril 2004.

Par jugement en date du 13 juillet 2006, le Tribunal de Première Instance constatait la cessation des paiements de la SCS B et de sa gérante commanditée j. SP.. Le passif de cette procédure collective n'était pas arrêté et par jugement en date du 7 juillet 2011, le Tribunal de Première Instance prononçait la liquidation des biens de la SCS B et de j. SP., ordonnant dans la même décision la suspension des opérations de liquidation des biens pour défaut d'actif.

La société A avait produit sa créance à cette procédure collective, en qualité de créancier privilégié pour un capital restant dû du prêt d'un montant de 81.660,30 euros.

Le 7 mars 2008 était publié au Journal de Monaco, la cession du fonds de commerce de la « SNC D., anciennement dénommée SNC C », exploité sous l'enseigne « D » à une SARL E. Maître Patricia REY était désignée dans la publication, conformément à l'ordonnance du 23 juin 1907, pour recevoir les éventuelles oppositions. Par lettre recommandée en date du 17 mars 2008, la société A notifiait à maître Patricia REY, une opposition à la répartition du prix de vente, pour un montant de 81.660,30 euros. Me Patricia REY en accusait réception pour courrier du 29 janvier 2008, indiquant la société A qu'il devait toutefois justifier d'une assignation. Par courrier du 6 janvier 2010, Me Patricia REY indiquait à la société A qu'elle détenait toujours la somme de 81.660,30 euros ès-qualités, que m. VE. contestait devoir payer une telle somme et invitait la société A à entreprendre toutes démarches utiles. Par un ultime courrier du 29 janvier 2013, Me Patricia REY faisait savoir à la société A qu'à défaut de justifier d'une assignation elle entendait « restituer les fonds à qui de droit ».

Par acte en date du 15 février 2013, la société anonyme A faisait citer m. VE., j. SP. et Me Patricia REY, ès-qualités de détentrice des fonds sur opposition au prix de vente d'un fonds de commerce, devant le Tribunal de Première Instance. Aux termes de son exploit introductif d'instance et de conclusions en date des 12 février 2014 et 28 novembre 2014, elle sollicitait, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

  • - qu'en vertu de l'opposition formée le 17 mars 2008, sur le solde de prix de vente du fonds de commerce à l'enseigne « D », soit 81.660,30 euros, maître Patricia REY devrait, dès le prononcé du jugement, lui transférer ce montant par tout moyen à sa convenance,

  • - qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réservait d'agir à l'encontre de m. VE. et j. SP. jusqu'à épuisement de l'intégralité de ses droits,

  • - la condamnation respective de m. VE. et j. SP. au paiement d'une somme de 10.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts.

À l'appui des ses demandes, la société A indiquait que corrélativement à l'opposition au prix de vente du fonds de commerce litigieux, elle avait également, le 20 mai 2008, mis en demeure j. SP. en sa qualité de caution personnelle et solidaire. Il serait incontestable que m. VE. et j. SP. garantissaient, en qualité de caution, le prêt consenti. Or, la SNC C aurait été dissoute par ordonnance du 18 juillet 2006 et la SCS B radiée du Répertoire du Commerce et de l'Industrie. Ce serait donc légitimement que les défendeurs avaient été attraits à la présente procédure, en qualité de cautions.

m. VE. a conclu les 11 juillet 2013 et 9 avril 2014 à l'irrecevabilité des demandes de la société A et subsidiairement à leur rejet. Il sollicitait reconventionnellement la condamnation de la demanderesse au paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Il indiquait n'être nullement propriétaire de la partie du prix de vente détenue par Me Patricia REY et que la SNC D. n'avait pas été attraite aux débats, si bien que les demandes seraient manifestement mal dirigées. Malgré la dissolution de la société, l'opposition au prix de vente avait eu pour effet d'empêcher la transmission des fonds dans le patrimoine de m. VE. dans le cadre de la transmission universelle de patrimoine à l'associé suite à la dissolution.

En outre, la société A ne justifiait nullement d'un titre à l'encontre de la SNC D. et ne sollicitait pas de condamnation de celle-ci dans le cadre de la présente instance, se bornant à demander un transfert de fonds.

j. SP. a conclu les 31 octobre 2013 et 5 juin 2014 à l'irrecevabilité des demandes de la société A et sollicitait reconventionnellement sa condamnation au paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Elle indiquait elle aussi n'être nullement propriétaire des fonds litigieux et constatait l'absence aux débats de la SNC C. Elle ajoutait que cette société ne s'était jamais reconnue débitrice de la banque, au sens des dispositions de l'ordonnance du 23 juin 1907, que la banque n'avait aucun titre à son encontre et ne versait aux débats aucun élément relatif au bien fondé de sa créance prétendue.

Me Patricia REY, ès-qualités, a conclu les 19 juin 2013 et 9 avril 2014, à l'irrecevabilité des demandes de la société A et à défaut qu'elles soient rejetées, la demanderesse devant être renvoyée à mieux se pourvoir. Elle entendait qu'il soit jugé que le transport de la somme de 81.660,30 euros qu'elle détenait ne pourrait intervenir que dans le cas où la SNC C se reconnaîtrait ou serait jugée débitrice de la société A.

Elle indiquait que la SNC C n'ayant pas été attraite à la cause et ne s'étant pas reconnue débitrice des causes de l'opposition, la somme de 81.660,30 euros devait demeurer entre ses mains, jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné.

SUR QUOI :

Attendu que les demandes principales de la société A tendent exclusivement à un transfert à son profit de la somme de 81.660,30 euros, détenue par maître Patricia REY ès-qualités, en vertu d'une opposition réalisée le 17 mars 2008, au prix de vente d'un fonds de commerce cédé par la SNC C par acte du 5 mars 2008 (avec insertion au Journal de Monaco les 7 mars 2008 et 14 mars 2008) ;

Que la demanderesse ne formule aucune demande de condamnation ;

Attendu que s'il ressort des pièces versées aux débats que la SNC C a consenti un cautionnement réel au profit de la banque, dans un acte de prêt du 21 avril 1999 entre la société A et la SCS B, le fait que la banque n'ait pu recouvrer sa créance auprès de son débiteur principal (soit la SCS B, placée en liquidation des biens, et d'ailleurs également j. SP., son associée commanditée qui a connu le même sort), ne la dispense nullement de la nécessité d'obtenir un titre à l'encontre de la SNC C pour effectuer une voie d'exécution sur ses biens ;

Qu'en l'espèce pourtant la SNC C n'est pas attraite aux présents débats ;

Que la demanderesse ne peut valablement arguer que celle-ci a été dissoute par ordonnance du juge chargé du contrôle du répertoire du commerce et de l'industrie du 18 juillet 2006, puisque la personnalité morale d'une société survit pour les besoins de sa liquidation, la radiation de la société n'ayant d'ailleurs pas été réalisée et, au demeurant, cette dissolution n'a justement pas empêché cette société de procéder à la cession de son fonds de commerce le 7 mars 2008, la banque n'ayant réalisé aucune diligence suite à son opposition jusqu'à l'assignation dans le cadre de la présente instance, le 15 février 2013 ;

Attendu que le fait que m. VE. et j. SP. soient également cautions solidaires au bénéfice de la banque pour garantir le prêt consenti le 21 avril 1999 à la SCS B est indifférent en l'espèce puisque leur condamnation n'est pas sollicitée et qu'en tout état de cause, celle-ci serait sans influence sur l'attribution de la somme frappée d'opposition, sauf à démonter que les opérations de liquidation, amiables, de la SNC C ont fait entrer des droits afférents à cette somme dans leur patrimoine ;

Attendu en conséquence que la banque, (qui sera déclarée recevable à agir, puisque présentant des demandes à l'encontre de défendeurs qui ont qualité pour défendre) sera donc déboutée de ses demandes de transfert de fonds;

Attendu que succombant sur ses demandes principales, la société A sera également déboutée de ses demandes en paiement de dommages et intérêts ;

Attendu que la demanderesse a pu se méprendre sur la portée de ses droits, les demandes reconventionnelles en paiement de dommages et intérêts présentées par m. VE. et j. SP. seront donc rejetées ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire du jugement, sollicitée par la seule demanderesse ;

Attendu que la société A, qui succombe, sera donc condamnée aux dépens ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déclare la société A recevable à agir ;

La déboute de toutes ses demandes ;

Rejette les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts présentées par m. VE. et j. SP. ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement ;

Condamne la société A aux dépens avec distraction au profit de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, sous sa due affirmation et au profit de l'Administration, qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011 chacun en ce qui le concerne ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Madame Léa PARIENTI, Magistrat référendaire, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 12 FEVRIER 2015, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Antoinette FLECHE, Greffier, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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