Tribunal de première instance, 4 décembre 2014, SAM J c/ Les organismes privés chargés de la gestion d'un service public G et V
Abstract🔗
Redressement – Cotisations sociales – Recouvrement – Prescription – Statut de travailleur indépendant
Résumé🔗
L'article 2092 bis du Code civil vise l'action des salariés en paiement du salaire et de ses accessoires et ne saurait trouver application au cas d'espèce, qui oppose un employeur, non pas à un salarié, mais aux caisses chargées du recouvrement des cotisations sociales. La présente instance concerne, non pas le paiement de salaires, mais le recouvrement de cotisations sociales dues à la collectivité par l'employeur. En réalité, le texte applicable au cas d'espèce relativement à la prescription est l'article 2097 du Code civil, puisque les cotisations sociales sont versées mensuellement par l'employeur et constituent donc bien des sommes payables par termes périodiques inférieurs à une année, au sens de ce texte. Dans le silence du droit monégasque quant aux conditions d'application du délai quinquennal de prescription, c'est à bon droit que les Caisses sociales se réfèrent à la jurisprudence française rendue en la matière. Au visa de l'ancien article 2277 du Code civil français, rédigé dans des termes identiques à ceux de l'article 2097 du Code civil monégasque, il a été ainsi constamment jugé par les juridictions françaises que la prescription de cinq ans prévue par ce texte ne s'applique pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui, en particulier, doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire. Cette solution, adoptée notamment en matière de cotisations de retraite, est parfaitement transposable au présent litige.
Ainsi que l'a rappelé le Tribunal du travail dans sa décision précitée, l'inscription administrative en qualité de travailleur indépendant ne constitue qu'un indice et non une présomption irréfragable. Au surplus, le statut de salarié n'est pas exclusif du statut de travailleur indépendant, et ce d'autant que c. FR.avait d'autres clients que la SAM J. Enfin, l'assujettissement à titre personnel de c. FR. aux organismes privés chargés de la gestion d'un service public E et S, en sa qualité de travailleur indépendant, ne constitue nullement un obstacle à l'assujettissement de la SAM J aux organismes privés chargés de la gestion d'un service public G et V en sa qualité d'employeur. L'absence de salaire est imputable à la SAM J qui n'a pas déclaré c. FR. en qualité de salariée et qui, malgré les demandes réitérées des Caisses sociales, s'est volontairement abstenue de leur transmettre les bulletins de salaire à l'établissement desquels elle a pourtant été condamnée par décision du Tribunal du travail. Il en résulte que les moyens tirés de l'absence de salaires et d'une prétendue double imposition doivent être rejetés.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
JUGEMENT DU 4 DÉCEMBRE 2014
I - En la cause n° 2013/000373 (assignation du 28 février 2013) de :
La Société Anonyme Monégasque dénommée J, dont le siège est sis X4, « X3 », à Monaco, agissant poursuites et diligence de son Administrateur délégué en exercice, domicilié et demeurant en cette qualité audit siège ;
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
L'organisme privé chargé de la gestion d'un service public G, sis X2 à Monaco, prise en la personne de son Directeur général en exercice, domicilié et demeurant en cette qualité en son siège ;
L'organisme privé chargé de la gestion d'un service public V, sis X2 à Monaco, prise en la personne de son Directeur général en exercice, domicilié et demeurant en cette qualité en son siège ;
DÉFENDERESSES, ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
II - En la cause n° 2014/000096 (assignation du 13 septembre 2013) de :
L'organisme privé chargé de la gestion d'un service public G, agissant poursuites et diligences de son Directeur général en exercice, domicilié en cette qualité X2 à Monaco ;
L'organisme privé chargé de la gestion d'un service public V, agissant poursuites et diligences de son Directeur général en exercice, domicilié en cette qualité X2 à Monaco ;
DEMANDERESSES, ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
La SAM J, dont le siège social est sis immeuble « X3 », X4, 98001 Monaco Cedex, prise en la personne de son administrateur délégué en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 28 février 2013, enregistré (n° 2013/000373) ;
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 13 septembre 2013, enregistré (n° 2014/000096) ;
Vu les conclusions de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom des organismes privés chargés de la gestion d'un service public G et V, en date des 26 juin 2013, 23 janvier 2014 et 14 mai 2014 ;
Vu les conclusions de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de la SAM J, en date des 28 novembre 2013, 27 février 2014 et 8 octobre 2014 ;
À l'audience publique du 30 octobre 2014, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 4 décembre 2014 ;
FAITS ET PROCÉDURE
c. FR. a exercé son activité professionnelle d'expert en bijoux pour le compte de la SAM J, pour la période d'août 1984 au 9 octobre 2009.
Dans le cadre d'une instance l'ayant opposée à la SAM J, le Tribunal du travail de la Principauté de Monaco a par jugement du 5 juillet 2012 requalifié en contrat de travail la relation contractuelle ayant existé entre les parties entre le 12 février 1991 et le 1er avril 2001.
Ayant eu connaissance de cette décision, les Caisses Sociales de Monaco ont, par courrier du 4 février 2013, notifié à la SAM J un avis de redressement, d'un montant de 189.708,91 euros.
Par acte d'huissier délivré le 28 février 2013, la SAM J a fait assigner les organismes privés chargés de la gestion d'un service public G et V aux fins d'obtenir l'annulation de la décision de redressement qui lui a été notifiée le 4 février 2013.
Par acte d'huissier délivré le 13 septembre 2013, les organismes privés chargés de la gestion d'un service public G et V ont fait assigner la SAM J en paiement de la somme principale de 198.651,31 euros selon décompte arrêté au 10 septembre 2013, correspondant au montant des cotisations sociales dont elle resterait redevable au titre de l'emploi de c. FR. en qualité de salariée.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La SAM J demande principalement l'annulation de la notification de redressement du 4 février 2013 et accessoirement la condamnation de la partie adverse au paiement d'une somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts.
À l'appui de ses demandes elle invoque le caractère infondée de la créance des caisses sociales en faisant valoir :
la prescription, eu égard à l'ancienneté de la période considérée (1991-2001) ;
le statut de travailleur indépendant de c. FR. durant la période considérée ;
l'autorité de la chose jugée de la décision du 5 juillet 2012 qui, d'une part, n'a pas tranché dans son dispositif la question de la nature des relations contractuelles et par laquelle, d'autre part, le Tribunal du travail a déclaré c. FR. irrecevable en ses demandes subséquentes à la requalification en contrat de travail ;
les violations des droits de la défense, contenues dans la notification de redressement litigieuse, à raison de bases de calcul incompréhensibles, d'absence de motivation juridique, d'absence de mention des voies de recours et de délai insuffisant accordé au débiteur pour faire valoir ses observations.
En réponse, les organismes privés chargés de la gestion d'un service public G et V concluent au rejet des prétentions adverses et sollicitent la condamnation de la SAM J au paiement de la somme actualisée de 203.215,81 euros, selon décompte arrêté au 31 décembre 2013, avec intérêts au taux mensuel de 1 % :
principalement au titre du redressement litigieux ;
subsidiairement, dans l'hypothèse où la prescription serait retenue, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi par les Caisses sociales et par la communauté des employeurs de la Principauté.
Accessoirement, elles réclament la condamnation de la partie adverse au paiement d'une somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Elles soutiennent :
que la prescription ne s'applique pas en l'espèce, au motif que jusqu'au jugement rendu par le Tribunal du travail, les Caisses sociales n'avaient pas connaissance de la qualité de salariée de c. FR. et ne pouvaient en conséquence réclamer à l'employeur le paiement des cotisations sociales afférentes à un tel statut ;
qu'outre le fait que, durant la période considérée, c. FR. avait en réalité la qualité de salariée de la SAM J, ainsi que l'a jugé le Tribunal du travail, ce statut n'était pas exclusif à celui de travailleur indépendant et ne fait pas obstacle au recouvrement des cotisations sociales à ce double titre ;
que le Tribunal du travail ayant requalifié en contrat de travail les relations entre c. FR. et la SAM J, cette dernière avait, en exécution du jugement, l'obligation de déclarer auprès des Caisses sociales le montant des sommes versées, à défaut de quoi elles ont régulièrement procédé à une taxation d'office ;
outre que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ici invoqué par la SAM J, est applicable aux instances judiciaires, à l'exclusion de la procédure de redressement litigieuse, les droits de la SAM J ont été respectés en ce qu'elle a saisi la présente juridiction, devant laquelle elle bénéficie d'un procès équitable.
Enfin, la SAM J forme une demande additionnelle de condamnation des Caisses sociales à lui rembourser un trop-perçu (non chiffré) de cotisations, calculées sur la base d'une indemnité de préavis d'un montant de 9.300 euros, ce à quoi les organismes privés chargés de la gestion d'un service public G et V répliquent que la demande est sans objet, la régularisation ayant déjà été opérée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Eu égard à l'identité de parties et d'objet, l'intérêt d'une bonne administration de la justice commande d'ordonner la jonction des instances enrôlées sous les numéros 2013/000373 et 214/000096, et ce conformément à la demande conjointe des parties.
Sur la demande principale en annulation de l'avis de redressement :
Sur la prescription :
À l'appui du moyen tiré de la prescription la SAM J invoque plusieurs textes :
l'article 2092 bis du Code civil qui dispose que « l'action des ouvriers, gens de travail et domestiques, pour le paiement de leurs salaires, indemnités, accessoires et fournitures, se prescrit par cinq ans. »
l'article 2097 du même code qui dispose que « (…) les intérêts des sommes prêtées et généralement tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts se prescrivent par cinq ans. »
dans le silence de la législation monégasque quant au point de départ de la prescription, l'article L 244-3 du Code français de la sécurité sociale qui prévoit que « l'avertissement ou la mise en demeure ne peut concerner que les cotisations exigibles au cours des trois années civiles qui précèdent l'année de leur envoi ainsi que les cotisations exigibles l'année de leur envoi. En cas de constatation d'une infraction de travail illégal établi par procès-verbal établi par agent verbalisateur, l'avertissement ou la mise en demeure peut concerner les cotisations exigibles au cours des cinq années civiles qui précèdent l'année de leur envoi ainsi que les cotisations exigibles l'année de leur envoi. »
Ainsi que le relèvent à juste titre les Caisses sociales, la référence à ce dernier texte est inopérante, celui-ci n'étant pas applicable en Principauté de Monaco.
De même, l'article 2092 bis du Code civil vise l'action des salariés en paiement du salaire et de ses accessoires et ne saurait trouver application au cas d'espèce, qui oppose un employeur, non pas à un salarié, mais aux caisses chargées du recouvrement des cotisations sociales.
À cet égard, il convient d'écarter le moyen tiré de ce que le Tribunal du travail a, dans sa décision du 5 juillet 2012, déclaré c. FR. partiellement irrecevable en ses demandes, au visa de la prescription de l'article 2092 bis du Code civil.
Outre que ce jugement n'a pas autorité de chose jugée entre les Caisses sociales et la SAM J, en l'absence d'identité de parties, le Tribunal du travail a, dans les motifs de sa décision, évoqué la prescription quinquennale éventuellement acquise au détriment de la salariée pour la déclarer irrecevable en ses demandes en paiement de sommes accessoires au salaire.
Or la présente instance concerne, non pas le paiement de salaires, mais le recouvrement de cotisations sociales dues à la collectivité par l'employeur.
En réalité, le texte applicable au cas d'espèce relativement à la prescription est l'article 2097 du Code civil, puisque les cotisations sociales sont versées mensuellement par l'employeur et constituent donc bien des sommes payables par termes périodiques inférieurs à une année, au sens de ce texte.
Dans le silence du droit monégasque quant aux conditions d'application du délai quinquennal de prescription, c'est à bon droit que les Caisses sociales se réfèrent à la jurisprudence française rendue en la matière.
Au visa de l'ancien article 2277 du Code civil français, rédigé dans des termes identiques à ceux de l'article 2097 du Code civil monégasque, il a été ainsi constamment jugé par les juridictions françaises que la prescription de cinq ans prévue par ce texte ne s'applique pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui, en particulier, doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire.
Cette solution, adoptée notamment en matière de cotisations de retraite, est parfaitement transposable au présent litige.
En l'espèce, ce n'est que par le fait du jugement par lequel le Tribunal du travail a requalifié en contrat de travail les relations contractuelles ayant existé de 1991 à 2001 entre c. FR. et la SAM J, que les Caisses sociales de Monaco ont eu connaissance de la qualité de salariée de l'intéressée, qui se trouvait précédemment immatriculée en qualité de travailleur indépendant.
Il faut donc considérer que, durant la période considérée, la SAM J a omis de déclarer l'un de ses salariés, mettant ainsi les Caisses sociales dans l'impossibilité d'agir en recouvrement des cotisations.
À cet égard, le moyen de défense tiré de ce que les dites Caisses n'ont relevé aucune irrégularité lors des contrôles qu'elles ont pu effectuer au sein de la SAM J est dénuée de toute incidence sur la recevabilité de leur action en recouvrement dès lors qu'à cette date, c. FR. ne figurait pas sur le registre des entrées et sorties du personnel de la SAM J et son inscription au Registre du commerce et de l'industrie ainsi que son immatriculation aux Caisses maladie et retraite des indépendants (les organismes privés chargés de la gestion d'un service public E et S avaient créé l'apparence de sa qualité de travailleur indépendant.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la prescription quinquennale ne peut être valablement opposée aux organismes privés chargés de la gestion d'un service public G et V au soutien de la demande d'annulation de l'avis de redressement notifié le 4 février 2013 à la SAM J.
Sur le statut de travailleur indépendant de c. FR. :
Pour contester le bien-fondé de l'avis de redressement litigieux, la SAM J soutient que, de 1991 à 2001, c. FR. exerçait son activité professionnelle en qualité de travailleur indépendant, en ce qu'elle y avait été autorisée par le gouvernement, qu'elle était inscrite au Registre du commerce et de l'industrie et qu'elle cotisait auprès des organismes privés chargés de la gestion d'un service public E et S
Elle en déduit :
qu'en l'absence de salaires, l'arriéré de cotisations sociales réclamé par les organismes privés chargés de la gestion d'un service public G et V se trouve dépourvu d'assiette effective ;
que les Caisses sociales ne sauraient, sans pratiquer une double imposition, réclamer aujourd'hui les cotisations prétendument exigibles à raison de la qualité de salariée de c. FR. tout en ayant simultanément perçu les cotisations que cette dernière a effectivement versées au profit des organismes privés chargés de la gestion d'un service public E et S durant la période considérée.
À cet égard, ainsi que l'a rappelé le Tribunal du travail dans sa décision précitée, l'inscription administrative en qualité de travailleur indépendant ne constitue qu'un indice et non une présomption irréfragable.
Au surplus, le statut de salarié n'est pas exclusif du statut de travailleur indépendant, et ce d'autant que c. FR. avait d'autres clients que la SAM J.
Enfin, l'assujettissement à titre personnel de c. FR. aux organismes privés chargés de la gestion d'un service public E et S, en sa qualité de travailleur indépendant, ne constitue nullement un obstacle à l'assujettissement de la SAM J aux organismes privés chargés de la gestion d'un service public G et V en sa qualité d'employeur.
L'absence de salaire est imputable à la SAM J qui n'a pas déclaré c. FR. en qualité de salariée et qui, malgré les demandes réitérées des Caisses sociales, s'est volontairement abstenue de leur transmettre les bulletins de salaire à l'établissement desquels elle a pourtant été condamnée par décision du Tribunal du travail.
Il en résulte que les moyens tirés de l'absence de salaires et d'une prétendue double imposition doivent être rejetés.
Sur l'autorité de la chose jugée du jugement rendu le 5 juillet 2012 par le Tribunal du travail :
Il est constant en droit que l'autorité de la chose jugée suppose l'identité des parties et qu'elle ne peut porter que sur le dispositif du jugement.
En l'espèce, la SAM J soutient que l'autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu le 5 juillet 2012 par le Tribunal du travail fait obstacle au recouvrement des cotisations litigieuses par les Caisses sociales aux motifs que :
le Tribunal du travail n'a pas procédé à la requalification en contrat de travail des relations contractuelles ayant existé de 1991 à 2001 entre c. FR. et la SAM J dans le dispositif du jugement ;
ce jugement a déclaré c. FR. irrecevable en ses demandes en paiement subséquentes à la requalification.
Outre que l'autorité de la chose jugée n'a pas lieu en l'espèce, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, en raison de l'absence d'identité des parties, le dispositif du jugement rendu le 5 juillet 2012 par le Tribunal du travail énonce expressément ce qui suit :
« Dit que la relation contractuelle entre c. FR. et la SAM J entre le 1er février 1991 et le 1er avril 2001 s'analyse en un contrat de travail. »
Ce jugement a par ailleurs condamné la SAM J à délivrer à c. FR. les bulletins de salaire, le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi.
Enfin, l'irrecevabilité prononcée à l'encontre de certaines des demandes formées par c. FR. par le Tribunal du travail est sans rapport avec le présent litige, en ce qu'elle se fondait sur la nature des sommes dont elle réclamait le paiement et sur la prescription éventuellement encourue de ce chef.
Il en résulte que les moyens tirés de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 5 juillet 2012 doivent être rejetés.
Sur la violation des droits de la défense :
À l'appui du moyen selon lequel l'acte de redressement litigieux aurait violé ses droits, la SAM J invoque l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme qui dispose :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…) ».
Outre que la SAM J ne précise pas en quoi la notification de l'avis de redressement litigieux aurait contrevenu à ces dispositions, l'existence même de la présente instance constitue la preuve qu'elle a pu avoir accès à un procès équitable dans le cadre du litige l'opposant aux Caisses sociales.
Dans ces conditions, elle se trouve mal fondée en son argumentation relative à la violation des droits de la défense.
L'ensemble des moyens invoqués par la SAM J à l'appui de sa demande en annulation de l'acte de redressement du 4 février 2013 étant rejetés, elle sera déboutée de sa demande principale.
Sur la demande en paiement formée par les Caisses sociales :
L'avis de redressement notifié le 4 février 2013 à la SAM J ayant été considéré comme régulier, cette dernière doit être condamnée au paiement des cotisations dont elle demeure redevable envers les Caisses sociales.
En l'absence de discussion sur le quantum de la demande et au vu du décompte versé aux débats, arrêté au 31 décembre 2013, il y a lieu de retenir la somme de 203.215,81 euros.
Les majorations et les intérêts au taux mensuel de 1 % sont bien dus en vertu des articles 27 et 35 du règlement intérieur de l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public G, également versé aux débats.
En l'absence de précision sur le point de départ du calcul des intérêts, il convient de retenir la date de l'assignation en paiement.
Sur la demande additionnelle en remboursement d'un trop-perçu :
Les Caisses sociales justifient avoir re crédité en 2013 au compte cotisant de la SAM J la somme de 2.518,08 euros, en remboursement de cotisations que cette dernière a versées par erreur.
La SAM J ne conclut pas en réplique sur ce point.
Il en résulte que ce chef de demande est devenu sans objet.
Sur les demandes en paiement de dommages-intérêts et sur les dépens :
La SAM J, qui succombe en son action, ne pourra qu'être déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Il n'est par ailleurs pas établi que l'exercice par la SAM J de son droit d'agir en justice et de se défendre ait, en l'espèce, dégénéré en abus, de sorte que les Caisses sociales, seront déboutées de leur demande en paiement de dommages-intérêts.
La SAM J qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les numéros 2013/000373 et 2014/000096 ;
Déboute la SAM J de sa demande en annulation de l'avis de redressement qui lui a été notifié le 4 février 2013 par les organismes privés chargés de la gestion d'un service public G et V de Monaco ;
Condamne la SAM J à payer aux organismes privés chargés de la gestion d'un service public G et V de Monaco la somme de 203.215,81 euros, selon décompte arrêté au 31 décembre 2013, avec intérêt au taux mensuel de 1 % à compter du 13 septembre 2013, date de l'assignation ;
Constate que la demande additionnelle formée par la SAM J en remboursement d'un trop-perçu de cotisations sociales est devenue sans objet ;
Déboute les parties de leurs demandes respectives en paiement de dommages-intérêts ;
Condamne la SAM J aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Franck MICHEL, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Madame Léa PARIENTI, Magistrat référendaire, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 4 DECEMBRE 2014, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Mademoiselle Cyrielle COLLE, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.