Tribunal de première instance, 13 novembre 2014, La société anonyme monégasque A c/ La SAM B m. RU.
Abstract🔗
Faillite - Admission des créances - Pouvoir du tribunal dans le cadre de l'article 472 du Code de commerce - Compensation avec une dette du créancier (non).
Résumé🔗
La créance n'étant pas contestée dans son principe et son montant, il convient, en application de l'article 472 du Code de commerce, d'admettre cette créance au passif de la liquidation des biens, sans faire jouer le mécanisme de la compensation dès lors que l'existence même d'une dette du créancier déclarant envers la société débitrice n'est pas établie.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
JUGEMENT DU 13 NOVEMBRE 2014
LE TRIBUNAL,
Statuant en application de l'article 472 du Code de commerce, dans le cadre de la liquidation des biens de la SAM B m. RU. ;
La société anonyme monégasque A,
ADMISE PROVIONNELLEMENT, ayant élu domicile en l'étude de Maître Franck MICHEL, avocat-défenseur et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
La société anonyme monégasque B m. RU. dont le siège social se trouve X1 à Monaco,
M. Christian B., Syndic, demeurant X2 à Monaco,
Vu l'admission provisionnelle de la SAM A au passif de la SAM B m. RU., dont la cessation des paiements a été judiciairement constatée le 28 juillet 2000 et la liquidation des biens prononcée le 21 mars 2002 ;
Vu le dépôt de l'état des créances en date du 1er février 2002 et sa publication au Journal de Monaco du 8 février 2002 ;
Vu l'ordonnance du juge commissaire en date du 25 février 2002 ayant arrêté l'état des créances ;
Vu les lettres recommandées avec demande d'avis de réception en date du 25 février 2002 émanant du Greffe Général et relatives à la présente instance ;
Vu le rapport du juge commissaire, en date du 19 avril 2002 ;
Vu les conclusions de M. Christian B., ès-qualités de syndic de la liquidation des biens de la SAM B m. RU., en date des 14 avril 2011, 8 mars 2013, 7 février 2014, 9 mai 2014, 24 juin 2014 et 4 juillet 2014 ;
Vu les conclusions de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de la SAM A, en date des 10 mai 2013, 7 mars 2014, 13 juin 2014 et 16 septembre 2014 ;
À l'audience publique du 3 octobre 2014, le Syndic Christian B., Maître Franck MICHEL, avocat-défenseur au nom de la SAM A ont été entendus en leurs explications et le Ministère public en ses observations et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 13 novembre 2014 ;
CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :
Par jugement en date du 28 juillet 2000, le Tribunal de Première Instance a constaté la cessation des paiements de la SAM B m. RU. et désigné Christian B. en qualité de syndic. Par jugement en date du 21 mars 2002, cette même juridiction a prononcé la liquidation des biens de ladite société.
Par ordonnance en date du 25 février 2002, le Juge commissaire a procédé à l'arrêté de l'état des créances à la somme de 2.307.367,67 euros, sous réserve des droits non encore liquidés, des admissions provisionnelles et des réclamations.
La société anonyme monégasque A qui avait déclaré une créance chirographaire d'un montant de 2.317.649,13 euros, était admise pour un euro, à titre provisionnel, en l'état d'une expertise en cours.
La cause était renvoyée devant le Tribunal de Première Instance, statuant en vertu des dispositions de l'article 472 du Code de commerce et se voyait placée au rôle général. Elle était appelée annuellement jusqu'au 27 mars 2009, date d'un premier rappel, avant d'être de nouveau placée dans le circuit du rôle général. L'affaire était définitivement rappelée le 25 janvier 2012 et faisait alors l'objet de renvois aux fins de conclusions des parties jusqu'à l'audience du 3 octobre 2014.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 4 juillet 2014, Christian B., ès-qualités de syndic de la liquidation des biens de la SAM B m. RU. sollicitait :
- à titre principal que soit ordonnée la compensation entre le montant déterminé par expertise, soit 68.848,43 euros hors taxes (soit 82.342,72 euros TTC) et les situations 16,17,18 et 19 conformément aux articles 1137 et suivants du Code civil et ainsi rejeter en totalité la production inscrite à titre provisionnel de la SAM A au passif de la SAM B m. RU.
- à titre subsidiaire, que soit confirmé le fait que les situations 16, 17, 18 et 19 resteraient dues par la SAM A à la SAM B m. RU..
Le syndic rappelait que la société A faisait partie d'un groupement momentané d'entreprises constitué notamment de la SAM B m. RU., pour l'exécution de travaux constituant le lot « n°16.3, courants faibles », dans le cadre de la construction du X.
Diverses contestations s'étaient élevées sur les sommes dues aux différents membres du groupement du fait notamment de malfaçons, une première expertise judiciaire étant ordonnée à cet égard en référé le 15 novembre 2000. C'était donc dans l'attente des conclusions de l'expert M. que l'admission provisionnelle de créance pour un euro avait été prononcée.
L'expert avait rendu son rapport en 2008, puis, un complément d'expertise avait été sollicité mais rejeté judiciairement.
Aux termes de ses conclusions, l'expert M. indiquait qu'un montant de 68.848,43 euros HT serait dû par la SAM B m. RU. à la SAM A, ce que le syndic indiquait ne pas contester.
Cependant, l'expert n'aurait pas pris en compte les situations n° 16, 17, 18 et 19, pour un montant de 324.328,38 euros, qui resterait dû par la SAM A à la SAM B m. RU..
Les deux sociétés seraient donc débitrices l'une envers l'autre, une compensation devant s'opérer.
Aux termes de ses dernières écritures, en date du 16 septembre 2014, la SAM A, désormais en liquidation amiable, sollicitait son admission définitive au passif de la liquidation des biens de la SAM B m. RU., pour un montant de 68.848,43 euros hors taxes.
La société A indiquait notamment qu'il ne serait nullement acquis qu'elle demeurerait débitrice de la somme de 324.328,38 euros et que les pièces produites aux débats par le syndic, en réalité à l'initiative de m. RU., ne constitueraient pas une preuve suffisante, s'agissant de relevés de situations incomplets qui ne peuvent constituer un quelconque bon de paiement.
SUR QUOI :
Attendu que la déclaration de créance de la SAM A au passif de la SAM « B m. RU. » s'inscrit dans le cadre du chantier de la construction du X et plus spécialement du lot 16.3 intitulé « courants faibles » ;
Que s'agissant spécifiquement de ce lot, dans le cadre d'un contentieux impliquant notamment l'Etat de Monaco, la société Bureau Veritas, la SAM A, les sociétés SADI, SEE, FIMATEC et l'architecte Fabrice N., un expert était nommé par ordonnance de référé en date du 5 novembre 2000 ;
Que diverses jonctions et déclarations d'expertise commune intervenaient, avant que l'expert M. ne dépose deux rapports, les opérations d'expertise étant closes le 17 novembre 2008 ;
Attendu qu'en page 29 du second rapport, l'expert indique que la SAM B m. RU. demeurerait redevable envers la SAM A d'une somme de 68.848,43 euros HT ;
Que le syndic ne conteste pas ce montant, mais indique que la société A serait elle-même débitrice de la SAM B m. RU. à hauteur de 324.328,38 euros, du fait des lots n°16 à 19 du chantier ;
Attendu, dans le domaine des faits, qu'il y a lieu de noter que suite aux rapports d'expertise M., aucune instance n'a été introduite au fond devant le Tribunal de Première Instance ;
Qu'il n'entrait pas dans la mission de l'expert de se prononcer sur les lots 16 à 19 et qu'une instance en référé avait été introduite par l'État de Monaco le 2 juin 2009, au cours de laquelle la société SAM B m. RU., en liquidation, avait sollicité que les situations 16 à 19 soient analysées ; Que cependant, par ordonnance du 5 mars 2010, toutes les demandes présentées dans le cadre de cette instance étaient rejetées ; Que par arrêt du 21 juin 2011, la Cour d'appel confirmait cette ordonnance en toutes ses dispositions ;
Attendu en droit, que la règle de suspension des poursuites individuelles issue de l'article 461 du Code de commerce, applicable aux créanciers chirographaires, oblige le créancier, comme cela lui est imposé par l'article 462 du même code, à produire sa créance au passif de la procédure collective ;
Qu'à titre d'exception à l'interdiction du paiement des créances antérieures, la jurisprudence admet, au bénéfice du créancier, le mécanisme du paiement par compensation de créances connexes, au sens où dans le cas où le créancier se trouve également débiteur de la société en procédure collective, il peut opposer à une demande en paiement présentée à son encontre par les organes de la procédure, la compensation avec sa propre créance, en cas de connexité et sous réserve qu'il ait préalablement déclaré sa créance (afin que puisse être vérifiée son existence et son montant) ;
Que ce mécanisme est exclusivement favorable au créancier, les organes de la procédure ayant au contraire un intérêt à recouvrer l'intégralité d'une créance éventuelle aux fins d'alimenter la trésorerie pour favoriser le redressement de l'entreprise, (en cessation des paiements) ou permettre, en liquidation des biens, un paiement des créanciers en fonction des rangs légaux ;
Que dans le cadre de la présente instance, dévolue légalement, en application de l'article 472 du Code de commerce, à la seule fixation définitive des créances déclarées, il n'y a pas lieu, en l'absence en l'espèce de tout titre exécutoire au bénéfice de la société SAM B m. RU., ou encore d'accord des parties, voire de principe certain de créance (l'existence même d'une dette de la société A étant contestée) de faire jouer ce mécanisme ;
Qu'en conséquence, il y a lieu de fixer la créance de la société A au passif de la liquidation des biens de la SAM B m. RU., à la somme de 68.848,43 euros hors taxes, en l'état des conclusions du rapport d'expertise M. et d'une absence de contestation sur son principe et son montant ;
Que cette fixation est donc sans préjudice de toute action en paiement qui pourrait être introduite à l'encontre de la société A ;
Qu'il n'appartient pas au Tribunal de se prononcer en l'espèce sur les créances éventuelles entre les parties nées des lots ou situations n°16,17,18 et 19 du chantier du X, si bien que les demandes subsidiaires de la SAM B m. RU. seront donc rejetées ;
Attendu que les dépens seront enrôlés en frais privilégiés de procédure collective ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement contradictoirement,
Prononce l'admission définitive de la SAM A au passif de la liquidation des biens de la SAM B m. RU. pour un montant de 68.848,43 euros hors taxes à titre chirographaire ;
Déboute la société SAM B m. RU., représentée par son syndic, de toutes ses demandes ;
Ordonne qu'il en sera fait mention en marge de l'état des créances de ladite liquidation des biens à la diligence du greffier en chef ;
Ordonne l'enrôlement des dépens en frais privilégiés de procédure collective ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge faisant fonction Président, Madame Patricia HOARAU, Juge, Madame Léa PARIENTI, Magistrat référendaire, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Antoinette FLECHE, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 13 NOVEMBRE 2014, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge faisant fonction de Président, assisté de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur Général et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.