Tribunal de première instance, 30 septembre 2014, Mme m. RE. épouse LA. c/ Mme j. HE. épouse BA. et autres
Abstract🔗
Legs - Incapacité (non) - Nullité du legs (oui)
Résumé🔗
Il y a lieu d'écarter des débats les pièces non conformes aux exigences des dispositions de l'article 324-2° et 324-5°du Code de procédure civile. Il convient également d'écarter des débats les pièces rédigées en langue étrangère, non traduites.
En l'espèce, une professeure de danse avait légué sa méthode d'enseignement de la danse classique à une autre professeure de danse, ainsi qu'à la fille de cette dernière, artiste-danseuse. Après le décès de sa mère, la fille de la donatrice a assigné les bénéficiaires en nullité de cette donation et en interdiction d'exploiter une méthode de danse. La requérante invoque tout d'abord l'incapacité de sa mère. Cette dernière était certes physiquement diminuée à la date de l'acte contesté mais aucun élément ne permet d'établir l'altération de ses facultés mentales et/ou physiques au sens de l'article 410-4° du Code civil. La demande fondée sur l'altération des facultés mentales est en conséquence rejetée. Par les termes utilisés, l'acte contesté ne peut être qualifié de donation. Il est entièrement dactylographié à l'exception de la date. Il est signé par l'auteure du legs. Le Notaire a procédé à la légalisation de la seule signature mais il n'a effectué aucune autre formalité dont la relecture du document. Cet acte n'est donc pas conforme aux prescriptions légales et encourt la nullité.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
R.
JUGEMENT DU 30 SEPTEMBRE 2014
En la cause de :
Mme m. RE. épouse LA., née le 5 février 1938 à Zurich (Suisse), de nationalité française, retraitée, demeurant et domiciliée X1 à Saint Paul en Chablais (74500) France,
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Hélène BUREAU-MERLET, avocat au barreau de Paris,
d'une part ;
Contre :
1 - Mme j. HE. épouse BA., née le 28 juin 1944 à Monaco, de nationalité française, professeur de danse, demeurant X2 à Monaco (98000),
2 - Mme l. BA., artiste danseuse, demeurant X à Monaco (98000),
DÉFENDERESSES, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
3 - M. t. SE., née le 3 février 1961 à Monaco, de nationalité française, professeur de danse, demeurant X à Roquebrune-Cap-Martin (06190) et domicilié à Monaco - X3, pour les besoins de la procédure,
DÉFENDEUR COMPARAISSANT EN PERSONNE,
4 - M. r. VO., né le 16 août 1968 à Stuttgart (Allemagne), de nationalité allemande, professeur de danse, demeurant X4 à Roquebrune-Cap-Martin (06190) et domicilié à Monaco - X5, pour les besoins de la procédure,
DÉFENDEUR COMPARAISSANT EN PERSONNE,
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 4 janvier 2012, enregistré (n° 2012/000351) ;
Vu les conclusions de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de Mme j. HE. épouse BA. et Mlle l. BA., en date des 25 octobre 2012, 27 juin 2013 et 20 février 2014 ;
Vu les conclusions de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de Mme m. RE. épouse LA., en date des 14 février 2013 (rectifiées le 26 février 2013), 5 décembre 2013 et 27 mars 2014 ;
Vu la note valant conclusions de M. t. SE. et M. r. VO., en date du 2 juin 2012 ;
À l'audience publique du 26 juin 2014, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 30 septembre 2014 ;
FAITS ET PROCÉDURE
Mme m. BE. dite BE. veuve ME., professeur de danse, est décédée à Monaco le 24 octobre 2010 laissant pour lui succéder sa fille Mme m. RE. épouse LA..
Elle avait le 6 novembre 2009 signé un document par lequel elle léguait sa « méthode nommée « Méthode d'enseignement de la danse classique m. BE. » à :
Mme j. HE. épouse BA.
Mlle l. BA.
et confié la gestion de la méthode à Messieurs t. SE. et r. VO. ».
PROCÉDURE
Le 4 janvier 2012, Mme m. RE. épouse LA. fait assigner Mme j. HE. épouse BA., Mme l. BA., M. t. SE. et M. r. VO. en nullité de donation et en interdiction d'exploiter une méthode de danse.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme m. RE. épouse LA. expose :
- que sa mère a créé sa première école de danse à Monte-Carlo, qu'elle a assuré la direction de l'Académie B jusqu'au mois de juin 2009 et qu'elle était très sollicitée dans le monde entier ;
- qu'à la fin de sa vie Mme m. BE. était très diminuée et qu'une requête a été déposée en vue de la mise en place d'une mesure de protection ;
* fait valoir que la succession s'est ouverte à Monaco et qu'elle est soumise à la loi monégasque ;
qu'au moment du décès une instance était pendante afin d'instaurer une mesure de protection au sens de l'article 410-2 du Code civil ; que l'expert désigné conclut à la nécessité d'une telle mesure ;
qu'elle a toujours contesté le document du 6 novembre 2009, dès qu'elle en a eu connaissance ;
que si la nullité pour incapacité n'était pas retenue, l'acte du 6 novembre 2009 ne respecte pas les conditions de forme posées par les articles 798 et suivants du Code civil ;
qu'en effet une donation est un contrat solennel qui ne peut être consenti que par acte notarié reçu en minute, ce qui n'est pas le cas en l'espèce le notaire ayant seulement légalisé la signature de m. BE. ;
que contrairement aux allégations des dames BA., il n'est nullement confirmé que le clerc ait vérifié la compréhension ou le consentement de Mme BE. ;
que l'acte du 6 novembre 2009 est entièrement dactylographié, les seules mentions manuscrites étant la date et la signature ;
que les faits de l'espèce sont différents de ceux de la cause ayant abouti à l'Arrêt de la Cour de révision du 2 décembre 1974 ;
que M. t. SE. a attesté devant Notaire le 28 juin 2010 que la défunte n'avait laissé aucune disposition à cause de mort et qu'il s'en déduit qu'il considérait que le document litigieux n'avait pas de valeur juridique ;
que la défunte était affectée de déficience dès le début de l'année 2009 et que si le Tribunal retenait la qualification de legs, celui-ci serait nul pour non respect des conditions de forme ;
que Mesdames BA. ne forment aucune critique à l'encontre de cette argumentation ;
que les défendeurs ont exploité à des fins commerciales la méthode de danse au travers d'une société A et qu'une Fondation n'a pas pour objectif de réaliser des bénéfices ;
qu'ils sont par ailleurs en possession d'enregistrements ;
qu'il est logique que la requérante puisse faire perdurer le nom et l'enseignement de sa mère ;
* fait observer que les relations ayant existé entre la défunte et Mesdames BA. ne sont pas celles décrites par elles et analyse dans ses écritures, les attestations qu'elle produit au dossier ;
* conclut à la nullité de la donation du 6 novembre 2009 en raison de l'altération des facultés mentales de la donatrice ;
- subsidiairement pour ne pas avoir été consentie en la forme authentique ;
- subsidiairement et dans l'hypothèse où le document serait qualifié de legs, à sa nullité pour non respect des articles 836 et suivants du Code civil ;
- à l'interdiction pour les défendeurs ou toute autre entité créée ou animée par eux, de revendiquer la propriété de la méthode de danse m. BE. et de l'exploiter à des fins commerciales ;
- à leur condamnation à lui restituer les enregistrements, phonogrammes, vidéogrammes et autres détenus par eux ou toute autre entité créée ou animée par eux ;
- au rejet des pièces 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 15, 17, 18, 23, 50, 51, 55, 57, 62, 65bis, 67A, 67B, 67C, 69, 70, 72, 77, 78, 81, 82, 83, 86, 88, 92, 103, 104, 105, 106, 109, 110, 111, 112, 113, 114, 115, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 129, 131, 133, 134 et 138, lesquelles sont rédigées en langue étrangère et non assorties d'une traduction assermentée ;
- à la condamnation solidaire des défendeurs à lui payer la somme de 110.000 euros en réparation du préjudice subi.
Mme j. HE. épouse BA. et Mlle l. BA. font valoir :
- sur la nullité de la « donation » pour incapacité :
que Mme m. BE. était en pleine possession de ses facultés lors de la signature du document du 1er juillet 2009 concernant le copyright de la méthode et de celui du 6 novembre 2011 s'agissant du legs ; qu'en effet même si elle était physiquement affaiblie et se déplaçait en chaise roulante, elle continuait à diriger quotidiennement l'école de danse où elle donnait plusieurs cours par jour ;
qu'elle n'en a quitté la direction qu'à la fin du mois d'août quand elle a appris que l'Académie B serait dirigée à compter du mois d'octobre par d'autres personnes et que sa méthode ne serait plus utilisée ; qu'il est naturel qu'elle se soit alors tournée vers les personnes qui lui étaient les plus proches pour pérenniser une méthode née d'une vie entière de travail consacrée à la danse ;
que c'est Mme L-M. qui, lors de la réunion du Conseil d'Administration de la Fondation BE. du 11 février 2008, a donné l'idée à Mme BE. de procéder au copyright de sa méthode ;
que le document contenant le legs de sa méthode a été signé devant Notaire à une période où la signataire n'était pas limitée dans ses capacités comme le démontrent les attestations ou documents qu'elles produisent au dossier ;
que la vue de Mme m. BE. s'était améliorée à la suite des trois opérations qu'elle avait subies et que lors de la légalisation de la signature, le Notaire a lu l'acte qu'elle devait signer ; que celui-ci n'aurait pas accepté de procéder à cette mesure si la signataire n'était pas en pleine possession de ses facultés mentales ;
qu'il est également faux de prétendre qu'elle n'était plus en mesure de signer des chèques ou autre document à compter du mois de juillet 2009 ; que l'état de santé de Mme BE. s'est aggravé à partir du 27 janvier 2010 ;
qu'il paraît inconcevable qu'un ME. gériatre constatant la nécessité d'une mesure de protection en février 2009 attende un an pour saisir le Procureur Général ;
- sur la nullité pour vice de forme :
que le document du 6 novembre 2009 n'est pas une donation mais un legs et qu'il n'est pas soumis aux dispositions des articles 798 et suivants du Code civil ;
que les termes utilisés sont clairs s'agissant du verbe léguer ;
que ce document est cohérent avec l'acte du 1er juillet 2009 ; que la défunte a bien manifesté sa volonté claire de léguer sa méthode aux concluantes ; qu'il résulte des attestations produites que Mme BE. avait indiqué son intention de donner sa méthode ;
que la Cour de Révision a reconnu la validité d'un testament qui contenait une partie dactylographiée dès lors qu'il est « d'un bout à l'autre l'œuvre du testateur et l'expression de sa volonté, des liaisons des idées et la continuité de leur expression faisant de l'acte, intellectuellement et matériellement pour l'ensemble, cohérence et logique de ses dispositions, une unité manifeste excluant toute participation étrangère » ;
qu'il y a eu legs de la méthode et des droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés ;
que la requérante n'a jamais contesté ce legs auparavant alors qu'elle en était informée depuis le mois de décembre 2009 ;
* exposent que la famille HE. - BA. connaissait Mme m. BE. depuis environ 70 ans laquelle considérait les concluantes comme faisant partie de sa famille ;
que Mme j. HE. épouse BA. a été sa première élève et le premier professeur formé par elle ; qu'elle a collaboré avec elle et créé l'école de danse en Italie ;
que Mlle l. BA. a été formée par Mme BE. et qu'elle est devenue danseuse étoile, chorégraphe et professeur ;
que les relations mère - fille ont au contraire été distendues ;
que la priorité pour la défunte était sa carrière et non la famille ;
que les attestations produites sous les numéros 15, 16, 17, 18, 20, 21, 22, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 35, 40 et 45 ne respectent pas les dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile ;
qu'elles contestent les attestations produites sur le fond des faits qu'elles relatent ;
* soutiennent que Mme m. RE. épouse LA. ne rapporte pas la preuve de la réalité du préjudice allégué ;
qu'afin de ne pas perdre la méthode de danse elles ont dû reconstituer les 300 leçons sur 12 niveaux et restaurer les bandes musicales ;
* concluent à la nullité des pièces 15 à 18, 20 à 22, 27 à 32, 35, 40 et 45 ;
- à ce que l'acte du 6 novembre 2009 constitue un legs ;
- au débouté de la demande de nullité du legs fondé sur l'incapacité de Mme m. BE. ;
- au débouté de la demande de nullité de la prétendue donation du 6 novembre 2009 pour défaut de respect des conditions de forme ;
- au débouté de la demande d'interdiction de revendication de la propriété de la méthode de danse de Mme BE. et d'exploitation ;
- au débouté de la demande de dommages et intérêts ;
- à la condamnation de Mme m. LA. à leur payer la somme de 100.000 euros en réparation de leur préjudice moral et matériel ;
- à titre infiniment subsidiaire, à la condamnation de Mme m. LA. à leur rembourser les sommes engagées pour la restauration des bandes sons soit 20.800 euros sauf à parfaire.
Par document sous seing privé du 2 juin 2012, M. r. VO. M. t. SE. :
- déclarent « récuser » la donation du 6 novembre 2009 ;
- que la méthode écrite et les musiques ne leur ont jamais servi que ce soit à but commercial, financier ou professionnel ;
- que la valeur de ladite méthode m. est un savoir acquis par son enseignement et sa philosophie et non par des écrits chorégraphiques ;
- qu'il ont versé 8.500 euros pour la réfection des musiques à la demande expresse de Mme m. BE..
SUR QUOI LE TRIBUNAL :
Sur les demandes de nullité et de rejet de pièces :
L'article 324 du Code de procédure civile fixe les conditions de validité des attestations et ce à peine de nullité étant rappelé qu'en application de l'article 966 du même code « aucune des nullités… n'est comminatoire ».
La langue française est aux termes de l'article 8 de la constitution, la langue officielle de l'état.
Sur la demande de nullité des pièces produites par la requérante :
Les pièces 15 à 18 et 20 à 22 sont des attestations. Ces documents sont entièrement dactylographiés à l'exception de la pièce n° 16 dont une partie est manuscrite.
Ils contreviennent à l'article 324-2° du Code de procédure civile pour ne pas être écrits de la main de leur auteur et au 5° (pour toutes les attestations dont la n° 16), les rédacteurs ne se référant pas à l'article 103 du Code pénal mais à l'article 441-7 du Code pénal français.
Les attestations n° 27 et 45 (du même auteur que la pièce n° 16) sont manuscrites et la signature correspond à la mention portée sur la pièce d'identité produite.
L'attestation n° 30 est entièrement manuscrite et la photocopie du document d'identité est bien produit (pièce n° 20, la nullité ne s'étendant pas à ce document).
L'attestation n° 28 est également rédigée de la main de son auteur et la photocopie de la pièce d'identité est jointe à l'attestation n° 17 du même auteur.
Il en est de même pour l'attestation n° 29.
Le document d'identité produit à l'appui de l'attestation de Mme MA. (attestations 21, 22, 31, 32 et 35) ne comporte pas sa signature ; le Tribunal n'est donc pas à même de vérifier la conformité des signatures apposées.
L'attestation n° 40 répond aux exigences de l'article 324 du Code de procédure civile ; il appartiendra au besoin au Tribunal d'en apprécier la force probante.
Sur la demande de rejet de pièces produites par les défenderesses :
La pièce n° 2 est bien rédigée en français mais le « certificate of Registration » n'est pas traduit.
Les pièces 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10 et 18 ne sont pas des attestations. Ces documents rédigés en langue étrangère font l'objet d'une traduction libre en français.
Il n'existe pas de texte exigeant une traduction par expert assermenté étant relevé que la fidélité de la traduction n'est pas mise en cause.
Les pièces 15, 17, 50 et 51 sont des attestations rédigées en langue étrangère et font l'objet d'une traduction libre dont la teneur n'est pas mise en cause.
La pièce n° 23 compte en annexe des factures non traduites, lesquelles seront écartées des débats.
Les pièces 55, 57, 62, 67 A B C, les articles de journaux n° 69, 70, 72, 77, 78, 81, 82, 83, 86, 88 et 92 ne sont pas traduits.
Les factures (pièces n° 103, 104, 105) ne sont pas traduites.
Les pièces 106 - 109 et les messages 110 à 115 font l'objet d'une traduction libre dont la véracité n'est pas mise en cause.
La pièce 121 n'est pas traduite en français.
Les documents 122, 123, 124, 125, 126, 128 et 129 font l'objet d'une traduction.
Il en va de même pour les attestations 131, 133, 134 et 138.
L'affiche (n° 127) n'est pas traduite.
Les deux documents annexés à la pièce 65 bis datés des 18 novembre 2010 et 7 mai 2012 sont rédigés en anglais et non traduits.
Sur le fond :
L'acte litigieux daté du 6 novembre 2009 porte legs d'une méthode d'enseignement aux défenderesses et de la gestion de celle-ci à Messieurs SE. et VO..
Messieurs SE. et VO. par courrier du 2 juin 2012 ont indiqué « récuser » la donation du 6 novembre 2009 et ils ont dès lors renoncé à son bénéfice.
Mme m. BE. a créé en Principauté de Monaco une école de danse classique et a été directrice de l'Académie B de la date de sa création jusqu'au mois de juin 2009 date à laquelle une nouvelle direction a été mise en place.
Il n'est pas discuté que la défunte a élaboré une « méthode » de danse.
Il ne peut pas être mis en cause que Mme m. BE. entretenait des relations étroites avec les défenderesses.
Sur la capacité :
En application de l'article 769 du Code civil « pour faire une donation entre vifs ou un testament, il faut être sain d'esprit ».
La requérante soutient qu'à la date du 6 novembre 2009, Mme m. BE. présentait une altération de ses facultés mentales entachant cet acte de nullité.
Mme m. BE. est née le 4 août 1918 et décédée à Monaco le 24 avril 2010.
Il résulte du rapport d'enquête produit au dossier :
- que son état de santé s'est altéré à la suite de son remplacement à l'Académie B ;
- qu'elle a été alitée à la fin du mois de novembre 2009, ayant des difficultés physiques pour se déplacer de telle sorte qu'elle devait être aidée ;
- qu'à la suite de son hospitalisation au début de mois de janvier 2010 pour une phlébite et une infection urinaire, un personnel à domicile a dû être mis en place 24 heures sur 24 ;
- que les proches (Mme BA., M. SE.) ont fait appel à sa fille pour organiser ce maintien à domicile.
Monsieur le Procureur Général a, le 15 mars 2010, présenté une requête afin d'instaurer une mesure de protection au visa d'un certificat médical du Dr G. P. du 5 février 2010 selon lequel l'état de Mme m. BE. nécessite une mise sous protection, sans plus de précision.
La requérante soutient que l'expert désigné préconisait une telle mesure mais il n'est pas produit au Tribunal le nom de cet expert, ni le rapport qu'il aurait rédigé.
S'il est établi que Mme m. BE. a présenté des problèmes oculaires nécessitant des interventions chirurgicales, le Tribunal ne dispose pas de l'historique de la maladie, dont il résulterait qu'elle ne pouvait plus lire.
L'état physique de la défunte s'est aggravé à la fin de l'année 2009, cependant il n'est pas démontré qu'elle présentait à la date du 6 novembre 2009 une altération de ses facultés mentales et/ou physiques au sens de l'article 410-4° du Code civil.
Il résulte au contraire des attestations produites que si Mme m. BE. était physiquement diminuée, elle était encore à même, à l'automne 2009, d'exprimer clairement sa volonté.
Elle est ainsi intervenue lors de la réunion de l'Association internationale des professeurs de l'école de danse classique du 29 novembre 2009.
Elle a également présidé l'Assemblée générale de cette association le 9 janvier 2010.
La demande de nullité de l'acte du 6 novembre 2009 pour altération des facultés mentales sera donc rejetée.
Sur la qualification de l'acte et sur la demande de nullité :
L'acte du 6 novembre 2009 portant legs d'une méthode exclut, par le terme juridique utilisé, la possibilité de le qualifier de donation étant rappelé qu'en application de l'article 798 du Code civil une donation doit être passée par devant Notaire et l'acte dressé en minute, ce qui n'est pas le cas, l'intervention de l'office notarial n'ayant eu que pour finalité d'authentifier la signature.
Toute personne peut en application de l'article 833 du Code civil disposer par testament notamment … « sous le titre de legs ».
Un testament peut être olographe et doit pour être valable, être « écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ».
L'acte du 6 novembre 2009 est entièrement dactylographié à l'exception de la date « 6 novembre 2009 » (sans qu'au demeurant l'on sache qui a porté cette mention manuscrite) et il est signé par Mme m. BE..
La légalisation de la seule signature a été faite, ainsi que rappelé ci-dessus, par le Notaire sans que celui-ci ait procédé à tout autre formalité dont la relecture du document.
Ce document n'est donc pas partiellement dactylographié comme dans le cas d'espèce de l'arrêt de la Cour de révision du 2 décembre 1974.
Il n'est pas conforme aux prescriptions légales et encourt la nullité et en conséquence les défenderesses ne peuvent assurer la gestion de la méthode.
Le fait que la défunte ait demandé au mois de juillet 2009 aux défendeurs de procéder au copyright de sa méthode n'est pas de nature à faire échec à cette nullité.
Sur la demande de dommages et intérêts :
- présentée par Mme m. RE. épouse LA.
Mme RE. épouse LA. ne démontre pas le préjudice que lui aurait causé les défendeurs.
Elle ne caractérise pas l'existence d'un préjudice moral alors que Mme j. HE. épouse BA., Mlle l. BA., M. t. SE. et M. r. VO. étaient des personnes proches de la défunte dont ils respectent l'enseignement et la philosophie de sa méthode de travail.
Il n'est pas plus établi qu'ils lui aient causé un préjudice matériel.
- présentée par Mme j. HE. épouse BA. et Mlle l. BA. :
La demande en annulation du legs est accueillie.
La procédure engagée n'a dès lors pas de caractère abusif et les défenderesses n'établissent pas le préjudice moral que leur aurait causé cette demande qui est fondée.
Elles seront déboutées de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral.
Sur la demande de restitution d'enregistrements, phonogrammes, vidéogrammes et autres détenus par les défendeurs ou tout autre entité créée ou animée par eux :
Le Tribunal ne saurait condamner une « entité » dont le nom n'est pas porté à la procédure.
Les défenderesses ne contestent pas détenir des enregistrements, phonogrammes et vidéogrammes qu'elles devront restituer à la requérante.
Sur la demande reconventionnelle formée par Mme j. HE. épouse BA. et Mlle l. BA. :
L'objet du procès n'est pas l'acte du 1er juillet 2009 par lequel Mme m. BE. a demandé à Mme j. HE. épouse BA. et Mlle l. BA., M. t. SE. et M. r. VO. de procéder au copyright de sa méthode et dont il résulte du courrier du 13 septembre 2011 que seule le musique a été enregistrée, les droits d'auteur ne protégeant pas « les idées, procédures, méthodes d'exploitation, concepts, découvertes et autres ».
Le travail évoqué relatif aux enregistrements a été effectué par par la société A qui n'est pas présente aux débats et qui constitue une entité différente des défenderesses qui agissent à titre personnel.
Ce document ne prévoyait au demeurant pas que Mme j. HE. épouse BA. et Mlle l. BA. seraient indemnisées de leurs frais qui sont en relation avec le seul acte du 1er juillet 2009.
La demande présentée sera rejetée.
Sur les dépens :
Mme j. HE. épouse BA. et Mlle l. BA. succombant, les dépens seront mis à leur charge.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort,
Déclare nulles les pièces n° 15 à 18, 20 à 22, 31, 32, 35 produites par Mme m. RE. épouse LA. ;
Écarte des débats la pièce n° 2 dans sa partie rédigée en anglais, les factures annexées à la pièces n° 23, les pièces 55, 57, 62, 67 A B C, 69, 70, 72, 77, 78, 81, 82, 83, 86, 88, 92, 103, 104, 105, 121, 127 et les documents des 18 novembre 2010 et 7 mai 2012 annexés à la pièces n° 65 bis pour ne pas être traduits en langue française et produits par Mme j. HE. épouse BA. et Mlle l. BA. ;
Constate que M. t. SE. et M. r. VO. renoncent au bénéfice de l'acte du 6 novembre 2009 ;
Déboute Mme m. RE. épouse LA. de sa demande en nullité de l'acte du 6 novembre 2009 fondée sur l'altération des facultés de Mme m. BE. ;
Dit que l'acte du 6 novembre 2009 est un legs ;
Prononce la nullité de l'acte du 6 novembre 2009 pour violation de l'article 836 du Code civil et dit que Mme j. HE. épouse BA. et Mlle l. BA. ne peuvent pas gérer la méthode de danse de Mme m. BE. ;
Déboute Mme m. RE. épouse LA. de sa demande de dommages et intérêts ;
Déboute Mme j. HE. épouse BA. et Mlle l. BA. de leurs demandes de dommages et intérêts et de remboursement de frais ;
Dit que Mme j. HE. épouse BA. et Mlle l. BA. devront restituer à Mme m. RE. épouse LA. les enregistrements, phonogrammes et vidéogrammes qu'elles reconnaissent détenir ;
Rejette le surplus des demandes ;
Mets les dépens de la présente instance à la charge in solidum de Mme j. HE. épouse BA. et Mlle l. BA., dont distraction au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Madame Sophie LEONARDI, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 30 septembre 2014, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Mademoiselle Cyrielle COLLE, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.