Tribunal de première instance, 3 avril 2014, M. F. CO. c/ Mme S. KL divorcée CO.

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Abstract🔗

Divorce et séparation de corps – Opération de liquidation – Masse partageable constituée par les biens des époux, moment d'appréciation, loi applicable, loi du divorce

Compétence – Intérêts communs (oui) - Compétence territoriale (non)

Résumé🔗

En application de l'article 1er du Code de procédure civile, les tribunaux de la Principauté exercent la juridiction, soit à l'égard des monégasques, soit à l'égard des étrangers, selon les règles déterminées par le Code de procédure civile, sans pour autant pouvoir connaître des actions ayant pour objet des immeubles situés hors de la Principauté. En cas de difficultés lors d'une opération de liquidation d'un divorce le notaire dresse un procès-verbal, et en vertu de l'article 204-4 du Code civil : « Le tribunal de première instance, saisi à la demande de la partie la plus diligente, statue sur les contestations subsistant entre les parties au vu du procès-verbal de difficultés et les renvoie devant notaire afin d'établir l'état liquidatif ».

En l'espèce, les deux parties divorcées sont de nationalité monégasque et à la suite de difficultés concernant la liquidation de leur divorce, M. F. CO. saisit le Tribunal en vertu de l'article 204-4 du Code civil. Ce dernier se déclare compétent pour connaître des difficultés relatives à la consistance des intérêts communs des ex-époux, sauf pour le partage de la villa et de ses accessoires, situées à La Turbie en France.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 3 AVRIL 2014

En la cause de :

M. F. CO., né le 19 octobre 1967 à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant et domicilié X1 à Monaco,

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

Mme S. KL divorcée CO., née le 16 avril 1971 à Lyon (Rhône), de nationalité monégasque, infirmière scolaire, domiciliée X2 à Monaco (98000),

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Guillaume CARRE, avocat au barreau de Nice,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 12 juin 2013, enregistré (n° 2013/000567) ;

Vu les conclusions de Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur, au nom de S. KL, en date du 9 octobre 2013 ;

Vu les conclusions de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de F. CO., en date du 7 novembre 2013;

À l'audience publique du 13 février 2014, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 3 avril 2014 ;

FAITS ET PROCEDURE

Les parties sont divorcées par jugement rendu par le Tribunal de première instance de Monaco le 29 mars 2012 signifié le 16 avril 2012, lequel a ordonné la liquidation des intérêts communs ayant pu exister entre elles en commettant Maître Magali CROVETTO-AQUILINA, Notaire, à cet effet.

Par assignation du 12 juin 2013, M. F. CO. a fait citer Mme S. KL devant le Tribunal de première instance de Monaco, au visa d'un procès-verbal de difficultés du 11 janvier 2013 et de l'article 204-4 du Code civil, aux fins que celui-ci :

  • procède à la liquidation et au partage des intérêts communs ayant existé entre les ex-époux en application de la loi française,

  • fixe la date de jouissance divise au 4 février 2011, date de l'ordonnance de non conciliation,

  • constate que l'actif communautaire à la date de la liquidation s'élève à la somme de 1.132.554,01 euros,

  • constate que Mme S. KL est redevable à la communauté d'une somme provisoirement évaluée de 508.330,01 euros à parfaire, outre intérêts de droit à compter du 4 février 2011,

  • constate qu'il est créancier de la communauté d'une somme de 624.224 euros, montant provisoirement évalué, à parfaire, outre intérêts de droit à compter du 4 février 2011,

  • dise que Mme S. KL est redevable à son égard de la moitié des frais et charges de la villa « Y » sise à la Turbie pour la période d'indivision et la condamne au paiement de cette somme du 4 février 2011 jusqu'à la date de jouissance divise,

  • ordonne à Mme S. KL de lui restituer ou à défaut de lui remettre en copie et à ses frais, les photos, albums et DVD de la famille jusqu'au 4 février 2011, sous astreinte de 100 euros par jour,

  • lui attribue à titre de prélèvement la villa « Y », l'emplacement de parking et le véhicule de marque Volkswagen,

  • enjoigne à Mme S. KL de produire l'ensemble de ses relevés bancaires dont ceux relatifs à son compte épargne ouvert auprès de la société coopérative E et en France,

  • dise que Mme S. KL lui est redevable de 50 % de ses salaires entre le 1er juin 2008 et le 4 février 2011,

  • dise que Mme S. KL lui est redevable de 50 % des avoirs détenus sur les comptes personnels dont elle est seule titulaire tant à Monaco qu'à l'étranger,

  • dise qu'après prélèvement, Mme S. KL lui est encore redevable d'une somme en numéraire à définir au jour de la jouissance divise et la condamne au paiement de ladite somme outre intérêts de droit à compter du 4 février 2011 jusqu'à parfait paiement,

  • condamne Mme S. KL à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Mme S. KL ayant soulevé l'incompétence de la présente juridiction, l'affaire a, après échange de conclusions, été retenue à l'audience du 13 février 2014, sur cet incident.

Mme S. KL demande au Tribunal :

  • de se déclarer incompétent pour statuer sur l'action en partage concernant un bien immobilier situé en France ainsi que sur toutes les demandes accessoires afférentes audit bien,

  • de débouter M. F. CO. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Mme S. KL soutient :

  • qu'alors que l'action en partage concerne essentiellement un bien immobilier situé en France, sur le territoire de la commune de la Turbie, il est de jurisprudence constante que les actions en partage concernant les biens immeubles situés à l'étranger ne sont pas de la compétence des juridictions monégasques ; qu'il en va de même des demandes tendant à l'évaluation et au partage des fruits de ces immeubles et à la fixation d'une indemnité au titre de leur occupation,

  • que le débat concernant les biens mobiliers n'est pas possible dans la mesure où les demandes adverses ne peuvent être déterminées en présence de sommes indiquées « pour mémoire »,

  • que M. F. CO., qui l'a assignée devant la juridiction monégasque uniquement pour faire pression sur elle, devra se soumettre aux règles élémentaires du régime matrimonial français de la communauté réduite aux acquêts, étant propriétaire à moitié du bien immobilier.

M. F. CO. demande au Tribunal :

  • à titre principal de se déclarer compétent pour statuer sur le partage des intérêts communs ayant existé entre les ex-époux,

  • à titre subsidiaire, s'il devait se déclarer incompétent du chef du partage du bien immobilier situé en France, de prendre acte de son désistement partiel du seul chef des demandes relatives au partage du bien immobilier situé sur le territoire de la commune de la Turbie, dénommé « L ».

SUR CE

- Sur la compétence

Selon les dispositions de l'article 1er du Code de procédure civile, les tribunaux de la Principauté exercent la juridiction, soit à l'égard des monégasques, soit à l'égard des étrangers, selon les règles déterminées par le Code de procédure civile, sans pour autant pouvoir connaître des actions ayant pour objet des immeubles situés hors de la Principauté, par application a contrario de l'article 3-1° du Code de procédure civile.

En l'espèce, les parties sont toutes deux de nationalité monégasque et c'est le Tribunal de première instance de la Principauté de Monaco qui a prononcé leur divorce en ordonnant la liquidation et le partage de leurs intérêts communs en application de l'article 204-4 du Code civil.

Dès lors la présente juridiction demeure compétente pour connaître des difficultés relatives à la consistance des intérêts communs des ex-époux sauf pour les biens immobiliers situés en France, à savoir la villa sise à la Turbie.

Il convient donc de se déclarer incompétent pour statuer sur le partage de la villa sise à la Turbie et les demandes accessoires relatives à ce bien immobilier.

En revanche, la présente juridiction étant compétente pour statuer sur les intérêts communs mobiliers de F. CO. et S. KL, les parties seront renvoyées à une prochaine audience, pour les conclusions au fond de cette dernière.

- Sur les dépens

Il y a lieu de les réserver en fin de cause.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, contradictoirement, et en premier ressort, sur incident,

Se déclare incompétent pour statuer sur le partage de la villa sise à la Turbie et les demandes accessoires concernant ce bien immobilier ;

Se déclare compétent pour statuer sur la liquidation des intérêts communs mobiliers ayant existé entre F. CO. et S. KL ;

Ordonne le renvoi de l'affaire à l'audience du MERCREDI 14 MAI 2014 à 9 heures pour les conclusions au fond de S. KL ;

Réserve les dépens en fin de cause ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Madame Patricia HOARAU, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 3 AVRIL 2014, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Madame Aline BROUSSE, Magistrat référendaire faisant fonction de Substitut du Procureur Général, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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