Tribunal de première instance, 27 mars 2014, La SCI O c/ Madame An-Ma. MO.
Abstract🔗
Copropriété – Action d'un propriétaire contre le syndicat – Délibération de l'assemblée générale litigieuse - Vote à la majorité de travaux sur des parties communes - Emprise d'un tiers sur une partie commune.
Dommages et intérêts – Procédure abusive (oui).
Résumé🔗
En vertu de l'article 21 de la loi n°1329 du 8 janvier 2007, outre les pouvoirs qui peuvent lui être conférés par une délibération de l'assemblée générale, le syndic est notamment chargé d'assurer le respect des clauses du règlement de copropriété et l'exécution des décisions de l'assemblée générale, de pourvoir à l'administration, à la conservation, à la surveillance, à l'entretien et à l'amélioration de l'immeuble.
En l'espèce, la SCI O est propriétaire d'un appartement, d'une cave et d'un parking dans l'immeuble où Madame An-Ma. MO., exerce sous une enseigne en tant que syndic de copropriété. En vue de l'édification d'un ensemble immobilier sur le terrain voisin, la société maîtresse d'ouvrage et Mme An-Ma. MO. ont conclu un protocole d'accord prévoyant l'implantation de tirants provisoires dans le tréfonds de l'immeuble, moyennant une contrepartie financière de 450.000 euros répartie entre les copropriétaires. La SCI O assigne le syndicat de copropriétaires pour demander la nullité de la résolution qui a conduit au protocole, en reprochant à Mme An-Ma. MO. de ne pas avoir exécuté ses principales obligations de syndic en agissant à l'encontre des intérêts des copropriétaires. La défenderesse soutient qu'elle n'a pas commis de faute et s'en est remise à la décision prise en assemblée générale par les copropriétaires.
Le Tribunal déboute la SCI O de l'intégralité de ses demandes, en considérant que Mme An-Ma. MO. n'a commis aucune faute dans l'exercice de son mandat de syndic au regard des dispositions de la loi 1329 du 8 janvier 2007. En effet, le courrier adressé de la SCI au syndic reprochant de ne pas avoir mis en œuvre les mesures techniques nécessaires pour s'assurer de la nature exacte des tirants placés dans le tréfonds de l'immeuble n'avait pas de caractère impératif et n'a pas fait l'objet d'une demande d'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée générale. Il ne peut non plus être reproché à la défenderesse d'avoir agi contre les copropriétaires car elle n'a fait qu'appliquer la résolution décidée par la majorité des membres de l'assemblée générale et même si la constatation de la désactivation des tirants ne ressort pas clairement dans le procès-verbal, ceux-ci ont fait l'objet d'un contrôle par le technicien responsable, attesté par l'architecte responsable de la construction. Il n'y a en l'espèce aucune perte de valeur immobilière pour la SCI O et le Tribunal la condamne en conséquence à verser à Mme An-Ma. MO. 5.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
JUGEMENT DU 27 MARS 2014
En la cause de :
La Société Civile Immobilière O, dont le siège social est sis à Monaco - X - « Y », agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, M. Vi. GA., domicilié à la même adresse,
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
Madame An-Ma. MO., exerçant le commerce sous l'enseigne « Z », syndic de la copropriété de l'immeuble « Y » - X à Monaco, et demeurant X à Monaco,
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 8 novembre 2012, enregistré (n° 2013/000710) ;
Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom d'An-Ma. MO., en date des 16 janvier 2013 et 9 octobre 2013 ;
Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la SCI O, en date des 22 mai 2013 et 3 janvier 2014 ;
À l'audience publique du 6 février 2014, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 27 mars 2014 ;
FAITS ET PROCÉDURE
La SCI O, dont Monsieur Vi. GA. est le gérant, est propriétaire d'un appartement, d'une cave et d'un parking, X à Monaco dans l'immeuble Y dont Madame An-Ma. MO., exerçant sous l'enseigne « Z » est le syndic de copropriété.
Dans le cadre de l'édification d'un ensemble immobilier sur le terrain voisin, la société P INVESTMENT SA, maître d'ouvrage du projet immobilier, a pris contact avec le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Y afin d'implanter des tirants provisoires dans le tréfonds de l'immeuble.
Un protocole d'accord, approuvé par la majorité requise des copropriétaires de l'immeuble Y lors de l'assemblée générale ordinaire du 26 février 2008, a été signé entre Madame An-Ma. MO. exploitant sous l'enseigne Z, en sa qualité de syndic et la société P INVESTMENT SA le 5 mars 2008 prévoyant l'implantation de tirants provisoires dans le tréfonds de l'immeuble Y moyennant une contrepartie financière de 450.000 euros répartie entre les copropriétaires en fonction de leurs tantièmes.
Par acte d'huissier en date du 9 mai 2008, la SCI O a assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Y aux fins de voir prononcer la nullité de la résolution ayant approuvé le protocole d'accord et donné mandat au syndic de le signer.
Par jugement du 27 mai 2010, aujourd'hui définitif, le Tribunal de première instance de Monaco l'a déboutée de sa demande et condamnée à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par exploit d'huissier en date du 28 juillet 2009, la SCI O a sollicité du juge des référés la désignation d'un expert ayant pour mission d'analyser la structure du bâtiment de P et de dire si les travaux sont conformes aux règles antisismiques.
Par ordonnance du 14 octobre 2009, le juge des référés a dit qu'elle n'avait pas qualité pour agir en l'absence de préjudice personnel et a déclaré ses demandes irrecevables, ce qui a été confirmé par un arrêt de la Cour d'appel en date du 29 juin 2010.
Par acte d'huissier en date du 8 novembre 2012, la SCI O a assigné Madame An-Ma. MO. exploitant sous l'enseigne Z» devant le Tribunal de première instance de Monaco aux fins de le voir :
- dire qu'elle n'a pas exécuté ses principales obligations de syndic de la copropriété Y malgré les mises en demeure qui lui ont été adressées ;
- dire qu'elle est tenue de réparer les conséquences dommageables qui en sont résultées ;
en conséquence :
- condamner Madame An-Ma. MO. exploitant sous l'enseigne Z» à lui payer les sommes de :
- 2.200.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice lié à l'occupation définitive, équivalent à une aliénation, du sous-sol de l'immeuble Y ;
- 1.800.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de valeur des biens immobiliers propriétés de la SCI O ;
- la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur.
Dans son acte introductif d'instance et ses conclusions postérieures des 27 mai 2013 et 6 janvier 2014, la SCI O fait valoir :
En premier lieu
- que bien qu'ayant reçu injonction de mettre en œuvre les recherches techniques de nature à s'assurer de la nature exacte des tirants placés par le promoteur P INVESTMENT SA, le syndic s'est abstenu d'agir alors qu'il lui appartenait de prendre des mesures en urgence conformément à l'article 21 alinéa 3 de la loi 1329 du 8 janvier 2007 ;
- qu'il y avait bien urgence en l'espèce car une fois les tirants posés, c'était trop tard ;
- qu'il est aujourd'hui établi par le professeur V que les tirants posés sont de type permanent et non provisoire ;
En second lieu
- que Madame An-Ma. MO. exploitant sous l'enseigne Z s'est opposée à la demande d'expertise en référé, de sorte qu'elle a agi à l'encontre des intérêts des copropriétaires de l'immeuble K, lesquels n'ont pas été consultés ;
- alors qu'au regard des dossiers de la société E, bureau d'étude « STRUCTURE » de la construction P dont elle a pu obtenir communication, il s'avère que les calculs de stabilité du béton armé sont erronés ;
- que l'expert Luigi A., professeur en ingénierie civile conclut que plusieurs règles de construction parasismique ont été violées, que les tirants posés sont de type permanent, que même en cas de tirants toujours actifs, l'ouvrage de soutènement ne peut être considéré comme fiable, notamment pour ce qui concerne les effets de l'écoulement de l'eau ;
En troisième lieu
- qu'il appartenait au syndic, en application de l'article 21 de la loi n° 1329 du 8 janvier 2007, de s'assurer de l'exécution des assemblées générales et notamment de faire respecter la résolution votée le 23 avril 2010 relative au contrôle de la détente des tirants ;
- qu'il n'existe aucune preuve de ce que Monsieur W. aurait contrôlé la désactivation des tirants conformément à cette résolution ;
En quatrième lieu
- que la réponse du syndic à ses inquiétudes concernant l'aliénation du sous-sol et la solidité de l'immeuble Y (sommation du 29 mai 2012) n'est pas satisfaisante ;
- que l'attestation du bureau de contrôle C n'a jamais existé, ce que Madame An-Ma. MO. exploitant sous l'enseigne Z a reconnu par la suite ;
- que le rapport du suivi de détente des tirants de la société B est incompréhensible, non signé et n'est pas fiable car cette société a abandonné le chantier fin septembre 2009 ;
- que la lettre de l'architecte Alexandre G. attestant de la détente de tous les tirants au 3 septembre 2010, n'est pas signée de sa main ;
- que l'avis de Monsieur M. produit tardivement par Madame An-Ma. MO. exploitant sous l'enseigne Z et réalisé « sur pièce », est entaché d'une grave omission puisqu'il ne prend pas en compte la pression hydraulique due à la nappe phréatique sur la paroi ;
- qu'il n'existe aucune preuve au final que les tirants soient désactivés ;
- que par son inertie, le syndic lui a causé un préjudice personnel et direct, d'une part, s'agissant de l'aliénation du tréfonds qu'elle évalue pour sa part de copropriété à 2,20946 % de 100.000.000 (valeur du sous-sol du K)= 2.209.460 arrondi à 2 200 000 euros et d'autre part, s'agissant de l'affaiblissement de la structure du K, lui occasionnant un préjudice lié à la perte de valeur de ses biens immobiliers, soit 40% de 4.500.000 euros = 1.800.000 euros ;
- que le cas échéant, elle n'est pas opposée à faire fixer les montants résultant des données du marché à dire d'expert ;
- que son gérant a des connaissances personnelles en matière de construction antisismiques et a fait appel à d'éminents spécialistes lesquels indiquent que les normes antisismiques monégasques n'ont pas été respectées, qu'il a un âge avancé et aurait préféré vivre tranquillement sans crainte de voir s'écrouler les économies de toute une vie de travail ;
- que « la chute verticale » des prix du K a été constatée lorsque la baisse des prix du marché était terminée et que l'histoire des tirants de P a été connue.
Par conclusions en date du 16 janvier 2013 et du 9 octobre 2013, Madame An-Ma. MO. exploitant sous l'enseigne Z demande au Tribunal de :
- dire qu'elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité ;
- dire que la SCI O ne justifie pas du bien fondé de ses demandes ;
- débouter la SCI O de l'intégralité de ses demandes ;
- reconventionnellement, la condamner à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;
- condamner la SCI O aux entiers dépens distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur.
Elle soutient :
- qu'aucune faute n'est caractérisée à son encontre, ni aucun préjudice personnel ou lien de causalité permettant d'engager sa responsabilité en qualité de syndic ;
- qu'en juin 2009, il n'était pas urgent de répondre aux « mises en garde » de la SCI O sur la nature des tirants alors que cette dernière a mis un an pour transmettre le rapport du professeur J de juin 2008 par lequel il n'émet qu'un avis théorique sur les risques de la construction ;
- qu'il lui appartenait en sa qualité de propriétaire de solliciter la convocation de l'assemblée générale des copropriétaires, seule habilitée à prendre des décisions dans l'intérêt de l'ensemble des copropriétaires ;
- qu'il ne peut lui être reprochée de s'être opposée à la demande d'expertise en référé alors qu'elle n'était pas partie à la procédure et qu'elle n'est pas tenue par les demandes d'un seul copropriétaire ;
- qu'elle s'est conformée à la décision des coproriétaires qui ont décidé en assemblée générale du 23 avril 2010 de « surveiller la détente des tirants » et ne se sont pas expressément prononcés sur les modalités consistant à la faire « contrôler par un huissier, un bureau de contrôle et le technicien Jacob W. » ;
- qu'à l'exception de l'attestation C, les documents attestant de la désactivation des tirants lui ont bien été remis (attestation de l'architecte G. et de la société B) ;
- qu'elle a déféré à la sommation qui lui a été signifiée le 29 mai 2012 en remettant tous les documents en sa possession, complétés par un courrier de son conseil en date du 11 juin 2012 ;
- que la désactivation des tirants a mis fin à l'occupation temporaire du tréfonds pour laquelle les copropriétaires ont déjà été indemnisés à hauteur de 450.000 euros ;
- que la présence de tirants désactivés dans le sous-sol de l'immeuble n'empêche pas la construction postérieure d'un parking ou de cave ;
- qu'il n'est nullement démontré que l'immeuble K serait en péril ou se serait affaissé ;
- que les évaluations faites par la demanderesse sur la valeur du sous-sol de l'immeuble K et l'affaissement de 40 % du prix du marché ne reposent sur aucun élément sérieux ;
- que la construction édifiée par la société P n'a eu aucun impact négatif sur l'immeuble K qui n'a subi aucun désordre ;
- que la prétendue baisse de valeur des biens immobiliers ne résulte que de la chute du marché immobilier que la principauté a connu postérieurement à 2009 ;
- qu'une partie de l'indemnité versée par la société P (450.000 euros, outre 100.000 euros de pénalités de retard négociées par le syndic) a été utilisée au ravalement de la façade et à la réhabilitation des parties communes de l'immeuble K ce qui lui a redonné de la valeur ;
- que Monsieur GA., gérant de la SCI O, reporte sur sa personne, en sa qualité de représentante officielle du syndicat des copropriétaires, un acharnement procédural dans un but purement vindicatif, ce qui lui cause un réel préjudice.
SUR CE
- Sur la responsabilité du syndic de copropriété
Aux termes des dispositions de l'article 21 de la loi n°1329 du 8 janvier 2007, outre les pouvoirs qui peuvent lui être conférés par une délibération de l'assemblée générale, le syndic est notamment chargé d'assurer le respect des clauses du règlement de copropriété et l'exécution des décisions de l'assemblée générale, de pourvoir à l'administration, à la conservation, à la surveillance, à l'entretien et à l'amélioration de l'immeuble.
Par la présente instance, la SCI O, copropriétaire de l'immeuble Y, entend voir engager la responsabilité de Madame An-Ma. MO. exploitant sous l'enseigne Z, syndic de l'immeuble en raison de son inertie, soutenant qu'elle n'a pas agi dans l'intérêt des copropriétaires.
1) En premier lieu, elle lui reproche de ne pas avoir mis en œuvre les mesures techniques nécessaires pour s'assurer de la nature exacte des tirants placés dans le tréfonds de l'immeuble avant leur installation et ce malgré l'injonction qui lui en a été faite par ses soins le 8 juin 2009.
Cependant, le courrier adressé le 8 juin 2009 par la SCI O au syndic, ainsi qu'aux membres du conseil syndical ne revêt aucun caractère impératif.
En effet, par cette lettre, le gérant de la SCI O met en garde ses destinataires sur les risques encourus par l'immeuble Y du fait de la construction de l'immeuble P et les doutes sur sa capacité à supporter la contre poussée horizontale d'environ 40 000 tonnes, quand les tirants seront désactivés, comme le prévoit le protocole signé le 5 mars 2008.
La SCI O ne demande pas au syndic de porter cette question à l'ordre du jour d'une assemblée générale conformément aux dispositions de l'article 11-1 de la loi 1329 du 8 janvier 2007.
Ce courrier est certes accompagné d'un rapport du professeur Carlo V., mais rédigé « sur pièce » et daté du mois de juin 2008.
En outre, cette lettre est délivrée dans un contexte conflictuel alors que la SCI O conteste en justice la résolution de l'assemblée générale ordinaire des copropriétaires du K prise le 26 février 2008, approuvant l'implantation de tirants provisoires dans le tréfonds de l'immeuble en contrepartie d'une indemnité de 450.000 euros et donnant mandat à Madame An-Ma. MO. en qualité de syndic pour procéder à la signature du protocole.
Enfin le protocole valablement signé le 5 mars 2008 avec la société P INVESTMENT comprend des engagements contractuels express du promoteur sur la nature et la détente des tirants ainsi qu'un système d'assurance garantissant les risques encourus par les copropriétaires du K suite à l'occupation de leur sous-sol, de sorte qu'il ne peut être fait grief à Madame An-Ma. MO. de ne pas avoir donné suite au courrier que lui a adressé la SCI O le 8 juin 2009.
2) La SCI O reproche encore à Madame An-Ma. MO. de s'être opposée à la demande de référé expertise et d'avoir ainsi agi contre l'intérêt des copropriétaires.
Cependant, seul le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Y a été assigné en référé et non le syndic (cf. acte d'assignation du 28 juillet 2009).
En outre, cette assignation en référé-expertise a été délivrée par la SCI O alors même qu'elle était en conflit avec les autres copropriétaires de l'immeuble Y puisqu'elle avait engagé une action en justice tendant à voir annuler la délibération de l'assemblée générale des copropriétaires autorisant la pose de tirants provisoires dans son sous-sol et mandatant le syndic pour signer un protocole d'accord avec la société P INVESTMENT.
Dès lors, on voit mal comment Madame An-Ma. MO., mandatée pour faire appliquer les résolutions votées par la majorité requise des copropriétaires, aurait pu s'associer aux demandes formées par un copropriétaire qui les conteste.
3) La SCI O fait également grief à la défenderesse de ne pas avoir respecté une des résolutions de l'assemblée générale du 23 avril 2010 aux termes de laquelle les copropriétaires de l'immeuble K auraient décidé de la constatation de la désactivation des tirants selon des modalités précises figurant au procès verbal.
Mais à l'examen dudit procès verbal, il s'avère que Monsieur Jacob W., conseil technique mandaté par le syndicat des copropriétaires a répondu par des arguments motivés aux préoccupations développées oralement par Monsieur GA., gérant de la SCI O sur le danger que faisait courir aux immeubles avoisinants, la construction de P.
Un copropriétaire, Monsieur St. RA. a alors proposé que le conseil s'assure que les tirants seront détendus. Le procès verbal mentionne certes « cette constatation sera faite en présence d'un huissier, d'un bureau de contrôle et de Monsieur Jacob W. », cependant les copropriétaires ont voté à la majorité pour « surveiller la détente des tirants », sans que ce vote reprenne expressément les modalités citées plus haut dans le procès verbal, de sorte qu'il ne ressort pas clairement de ce compte rendu d'assemblée générale, que la vérification de la détente des tirants par huissier, un bureau de contrôle et le technicien Monsieur W. soit une disposition impérative.
4) La demanderesse reproche enfin à Madame An-Ma. MO. de ne pas avoir répondu de manière satisfaisante et pertinente à la question posée à l'assemblée générale du 7 mars 2011 et à la sommation qu'elle lui a adressée le 29 mai 2012 relative au contrôle de la détente des tirants.
À cette fin, le syndic avait indiqué initialement être en possession de l'attestation du bureau de contrôle C, puis a reconnu par le biais du courrier de son avocat en date du 29 mars 2011 qu'il s'agissait d'une erreur.
Madame An-Ma. MO. a en revanche indiqué dès l'assemblée générale du 7 mars 2011 être en possession :
- du rapport de suivi de détente des tirants de la société B ;
- d'une lettre de l'architecte Monsieur G. attestant de la détente de tous les tirants au 3 septembre 2010.
Ces documents ont été portés à la connaissance de la demanderesse qui en conteste la validité, au motif que le rapport de la société B est incompréhensible et non fiable et que la lettre de l'architecte Alexandre G. n'est pas signée de sa main.
Mais si le rapport de la société B du 25 août 2010 semble incomplet, il résulte incontestablement du courrier émanant du cabinet de l'architecte G., responsable du chantier, en date du 20 septembre 2010 et adressé à P INVESTMENT que la détente des tirants est terminée depuis le 3 septembre 2010. Ce courrier précise également que les rapports de suivi de désactivation des tirants et les séries de photos les localisant lui ont été adressés tous les quinze jours comme demandé.
La teneur de ce courrier, signé par Monsieur Hervé M., architecte collaborateur du cabinet G., ne peut être remise en question par le seul fait que Monsieur Alexandre G. n'ait pas signé ce document en personne.
En effet, Monsieur G. n'en a jamais contesté les termes. Au contraire, dans son courrier du 4 juillet 2011, il répond à la sommation interpellative adressée par la SCI O par l'intermédiaire de Maître NOTARI, huissier, qu'il s'en remet à sa lettre du 20 septembre 2010, preuve qu'il en assume parfaitement les termes.
Monsieur Denis T. architecte ayant travaillé sur le chantier confirme qu'il a apprécié la présence et la direction de chantier de Monsieur M., architecte du cabinet G. dont la compétence et le professionnalisme n'ont jamais été mis en défaut.
En outre, Monsieur Jacob W., technicien désigné par la copropriété de l'immeuble K pour surveiller les travaux de construction de l'immeuble P indique bien dans son rapport final de suivi en date du 13 avril 2012 qu'il résulte des documents qui lui ont été communiqués que les tirants objets du protocole ont été neutralisés.
Enfin le Ministre d'État a également pris acte de la désactivation des tirants provisoires puisqu'il a indiqué au Président du Conseil National que les tirants d'ancrage implantés au droit des copropriétés F et K n'étaient que provisoires, ont été désactivés, le mur de soutènement de l'immeuble P reprenant désormais les charges de ces tirants.
En conséquence, aucune faute ne peut être imputée à Madame An-Ma. MO. exploitant sous l'enseigne Z dans l'exercice de son mandat de syndic en application de la loi 1329 du 8 janvier 2007.
De manière surabondante, il apparaît que la SCI O ne peut justifier d'aucun préjudice direct et personnel découlant des fautes qu'elle allègue.
En effet, il ne résulte pas des pièces produites par la demanderesse que la copropriété du K aurait à déplorer des dommages du fait de la construction voisine de l'immeuble la société P.
À cet égard, le rapport d'expertise technique de l'expert A. en date du 15 décembre 2009 ainsi que le procès verbal de constat d'huissier en date du 15 juin 2009 versés aux débats par la demanderesse portent sur des dommages qu'aurait subi l'immeuble F exclusivement.
Monsieur Jacob W. a noté dans son rapport le 13 avril 2012 que le suivi topographique confié à un géomètre expert durant la construction de l'immeuble Pne décèle aucun mouvement significatif et ne font apparaître aucune déformation de l'immeuble K
Et même à considérer que l'ouvrage de soutènement de l'immeuble P serait peu fiable et ne respecterait pas l'intégralité des normes antisismiques comme l'indique le professeur Luigi A. dans un rapport établi « sur pièce » et non contradictoire, la SCI O ne peut demander réparation d'une perte de valeur de son bien immobilier, dont l'existence et le quantum ne sont étayés par aucun élément sérieux, pour une hypothétique perte de solidité de l'immeuble K.
Force est de constater que l'architecte chargé de la construction de l'immeuble P a attesté que les tirants installés dans le tréfonds de l'immeuble K étaient provisoires et qu'ils ont bien été désactivés ; que les copropriétaires ont été indemnisés de l'occupation temporaire de leur sous sol conformément au protocole du 5 mars 2008, outre des pénalités de retard négociées par Madame An-Ma. MO. exploitant sous l'enseigne Z et ne subissent dès lors plus aucun préjudice, la présence de tirants désactivés leur permettant de jouir pleinement du tréfonds pour y construire cave ou parking.
La SCI O ne justifiant d'aucun préjudice ne peut prétendre à aucune indemnisation de ce chef.
En conséquence, il y a lieu de la débouter de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de Madame An-Ma. MO. exploitant sous l'enseigne Z en sa qualité de syndic.
- Sur la demande de dommages et intérêt pour procédure abusive
Dans la mesure où la SCI O a agi en responsabilité à l'encontre de Madame An-Ma. MO. exploitant sous l'enseigne Z dans l'exercice de ses fonctions de syndic de l'immeuble K dans le contexte de la construction de l'immeuble P, reprenant une argumentation liée à l'absence de solidité de l'immeuble déjà soulevée devant deux juridictions et pour laquelle elle a été déboutée, il y a lieu de considérer sa procédure abusive et de la condamner à verser à Madame An-Ma. MO. exploitant sous l'enseigne Z, contrainte de se défendre en justice, une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.
- Sur les dépens
La SCI O, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort ;
Dit que Madame An-Ma. MO. exploitant sous l'enseigne Z n'a commis aucune faute dans l'exercice de son mandat de syndic et que sa responsabilité n'est pas engagée ;
Déboute la SCI O de l'intégralité de ses demandes ;
Condamne la SCI O à payer à Madame An-Ma. MO. exploitant sous l'enseigne Z la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Condamne la SCI O aux dépens dont distraction au profit de Maître GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge, Madame Patricia HOARAU, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 27 MARS 2014, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Madame Aline BROUSSE, Magistrat référendaire faisant fonction de Substitut du Procureur Général, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.