Tribunal de première instance, 27 mars 2014, Monsieur An. GR. et autres c/ Monsieur Ro. GR. et autres
Abstract🔗
Sociétés – Gérant – Pouvoir - Assemblée générale – Demande d'annulation.
Successions – Indivision – Intérêt pour agir - Dommages et intérêts – Procédure abusive (oui).
Résumé🔗
L'article 1887 du Code civil auquel la transaction renvoie pour viser les articles 1883 à 1897, dispose que « les transactions se renferment dans leur objet ; la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ».
Les deux affaires ayant le même objet, le Tribunal en ordonne la jonction. Dans la première procédure, M. An. GR. a fait assigner M. Ro. GR., deux sociétés dont la SA I et ses administrateurs pour qu'il en soit notamment reconnu comme l'ayant droit économique et qu'il obtienne la réparation de ses préjudices. Il est décédé et ce sont ses ayants-droits qui ont repris l'affaire. La seconde affaire connexe est l'assignation en intervention forcée faite par Mme El. GR. veuve de Je-Cl. GO. M. An. GR. a chargé une banque de constituer une société de droit panaméen « I » pour qu'il en soit le seul bénéficiaire économique et a adressé une procuration pour l'achat de la villa Maria. Il a signé un protocole transactionnel avec son frère, un des défendeurs, M. Ro GR. La banque a estimé qu'il existait une forte présomption que son frère détienne la moitié du capital de la société.
À la suite du décès de An. GR., la qualité d'héritiers des trois enfants a bien été reconnue. La société de droit étranger n'est pas une cause d'incompétence territoriale, vu que la villa est bien située à Monaco. Pour savoir qui a la qualité d'ayant-droit économique, le Tribunal retrace l'histoire des statuts de la SA et précise que les deux frères ont révoqué leurs procurations respectives. L'achat de la villa a été réalisé, contrairement à ce qu'énonce les consorts GR., à part égale entre les deux frères. La société constituée en vue de cette réalisation relève du droit panaméen et M. Ro. GR. ne peut pas soutenir que cette législation ignore la notion de bénéficiaire ou d'ayant droit économique. En effet, en créant cette société offshore, le but recherché est l'absence de divulgation du bénéficiaire économique.
Ainsi, le fait que cette société ait donné pouvoir à M. An. GR. pour gérer et administrer la villa Maria, percevoir les loyers, n'a pas pour conséquence qu'il en soit le seul bénéficiaire économique. En effet, les deux frères étaient propriétaires indivis à hauteur de moitié du fonds de commerce dénommé Agence GR qui a été exploité jusqu'au mois d'avril 2006, date à laquelle ils ont décidé de mettre fin à cette indivision seulement ce qui concerne les droits indivis détenus dans ce fonds. Cet accord transactionnel ne concernait donc pas la société I. Les droits de M. Ro. GR. sur la villa Maria et la société I. sont toujours revendiqués. Ce dernier démontre qu'ont été portés à son compte les revenus et dépenses de la société I. à hauteur de 50 %. Les deux frères sont donc les bénéficiaires économiques à parts égales de la société panaméenne I et la banque a respecté leurs droits indivis : les consorts ne peuvent donc se déclarer comme les seuls bénéficiaires économiques.
Quant à la décision du conseil d'administration de I. remplaçant le mandat individuel M. An. GR. au profit d'un mandat collectif pour les deux frères, celle-ci a été établie conformément aux statuts de la société. La banque ne peut être considérée comme responsable dès lors qu'elle n'a pas manqué à son engagement de ne rien faire sans l'accord des deux frères. La cogérance était conforme aux droits de chacun et à la réalité juridique des bénéficiaires économiques de la société I, sachant que pour ses dépenses les comptes des deux frères étaient débités. Enfin, les administrateurs de la société I. n'ont fait que prendre une décision statutairement autorisée relative au pouvoir de gestion et n'ont pas commis de faute. Le litige n'étant pas relatif à la gestion de la société, les consorts GR. sont en conséquence déboutés de l'ensemble de leurs demandes et ne peuvent pas prétendre à des dommages et intérêts en réparation d'un préjudice qui n'existe pas. La procédure engagée présente un caractère manifestement abusif à l'égard des défendeurs ayant formé la demande de dommages et intérêts. Le Tribunal condamne donc Mme El. GR. veuve GO., M. Mi. GR. et Mme Sa. GR. épouse PE. à payer à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive la somme de 5.000 euros à la société en commandite PI. & CIE, à la SNC PI. & CIE, à M. Sy. MA., à M. Ré. OB., à M. Je-Pi. GRA. et à la SA I.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
JUGEMENT DU 27 MARS 2014
I - En la cause n° 2009/000080 (assignation du 14 juillet 2008) de :
Monsieur An. GR., né le 9 avril 1923 à Monaco, de nationalité monégasque, directeur particulier des Assurances Générales de France à Monaco, demeurant « X », X 1er à Monaco, décédé le 23 mars 2009, dont l'instance a été reprise par :
Madame El. GR. veuve de Je-Cl. GO., née le 11 septembre 1950 à Monaco, de nationalité monégasque, professeur honoraire, domiciliée et demeurant X à Monaco ;
Monsieur Mi. GR. époux de Ma. del Ca. LE. E. IS., né le 6 mai 1953 à Monaco, de nationalité monégasque, agent général d'assurances, domicilié et demeurant X à Monaco ;
Madame Sa. GR. épouse de Je-Lo PE., née le 17 janvier 1957 à Monaco, de nationalité française, professeur de lettres, domiciliée et demeurant X au Vésinet (Yvelines) ;
agissant en qualité d'ayants droit d'An. GR., leur père ;
DEMANDEURS, ayant élu domicile en l'étude de Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Etienne LEANDRI et Maître Nicolas GAGNEBIN, avocat au barreau de Genève ;
d'une part ;
Contre :
Monsieur Ro. GR., né le 10 avril 1928 à Monaco, de nationalité française, agent immobilier, demeurant et domicilié X à Monaco ;
DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Jean-Louis FACCENDINI, avocat au barreau de Nice ;
La société anonyme dénommée I. de droit panaméen, immatriculée au registre public de Panama sous la fiche X, rouleau X, image X, dont les statuts ont été déposés en l'étude de Maître Li. GA. AR., notaire du Quatrième Circuit de Panama, ayant son siège au Panama auprès de son agent résident le Cabinet QU. Y ASSOCIADOS, avocats, boîte postale X, Panama, République de Panama, en ses bureaux immeuble X, Lotissement X, Panama, République de Panama ;
et encore à l'adresse de ladite société panaméenne en Suisse, X (1211) GENEVE 73 Suisse, et ce en la personne de ses trois administrateurs, savoir :
M. Sy. MA., Président, né le 28 février 1962 à la Chaux-de-Fonds NE (Suisse), de nationalité Suisse, demeurant X, 1226 THONEX (Suisse) ;
M. Ré. OB., secrétaire, né le 10 février 1959 à Genève GE (Suisse), de nationalité suisse, demeurant X, 1226 THONEX (Suisse) ;
M. Je-Pi. GRA., trésorier, né le 16 septembre 1962 à Fribourg FR (Suisse), de nationalité suisse, demeurant X, 1630 BULLE (Suisse) ;
et ces trois derniers pris en tant que de besoin auprès de leur employeur la banque PI. et Cie, X, 1227 CAROUGE (GE) Suisse ;
La société en nom collectif PI. & CIE, conseillers en investissements, ayant son siège social X, 1227 CAROUGE (GE) Suisse, prise en la personne de son représentant légal en exercice M. Iv. PI. et Associés demeurant en cette qualité audit siège ;
Les Administrateurs de la société de droit panaméen dénommée I., pris individuellement et à titre personnel :
M. Sy. MA., Président, né le 28 février 1962 à la Chaux-de-Fonds NE (Suisse), de nationalité suisse, demeurant X, 1226 THONEX (Suisse) ;
M. Ré. OB., secrétaire, né le 10 février 1959 à Genève GE (Suisse), de nationalité suisse, demeurant X, 1226 THONEX (Suisse) ;
M. Je-Pi. GRA., trésorier, né le 16 septembre 1962 à Fribourge FR (Suisse), de nationalité suisse, demeurant X, 1630 BULLE (Suisse) ;
DÉFENDEURS, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
II - En la cause n° 2011/000228 (assignation du 11 novembre 2010) de :
Mme El. GR. veuve de Je-Cl. GO., née le 11 septembre 1950 à Monaco, de nationalité monégasque, professeur honoraire, domiciliée et demeurant X à Monaco ;
M. Mi. GR. époux de Ma. del Ca. LE. E. IS., né le 6 mai 1953 à Monaco, de nationalité monégasque, agent général d'assurances, domicilié et demeurant X à Monaco ;
Mme Sa. GR. épouse de Je-Lo PE., née le 17 janvier 1957 à Monaco, de nationalité française, professeur de lettres, domiciliée et demeurant X au Vésinet (Yvelines) ;
agissant en qualité d'ayants droit d'An. GR., leur père ;
DEMANDEURS, ayant élu domicile en l'étude de Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Etienne LEANDRI et Maître Nicolas GAGNEBIN, avocat au barreau de Genève ;
d'une part ;
Contre :
La société en commandite PI. & CIE, ayant son siège social à X, Canton de Genève, Suisse ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
M. Ro. GR., né le 10 avril 1928 à Monaco, de nationalité française, agent immobilier, demeurant et domicilié X à Monaco ;
DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Jean-Louis FACCENDINI, avocat au barreau de Nice ;
La société anonyme dénommée I. de droit panaméen, immatriculée au registre public de Panama sous la fiche X, rouleau X, image X, ayant son siège au Panama auprès de son agent résident le Cabinet QU. Y ASSOCIADOS, avocats, Boîte Postale X, Panama, République de Panama, en ses bureaux immeuble X, Lotissement X, Panama, République de Panama, et encore à l'adresse de ladite société panaméenne en Suisse, X (1211) GENEVE 73 Suisse, et ce en la personne de ses trois administrateurs, savoir :
M. Sy. MA., Président, M. Ré. OB., secrétaire, M. Je-Pi. GRA., demeurant en cette qualité audit siège ;
La société en nom collectif PI. & CIE, conseillers en investissements, ayant son siège social X, 1227 CAROUGE (GE) Suisse, prise en la personne de son représentant légal en exercice M. Iv. PI. et Associés demeurant en cette qualité audit siège ;
Les Administrateurs de la société de droit panaméen dénommée I., pris individuellement et à titre personne :
M. Sy. MA., Président, né le 28 février 1962 à la Chaux-de-Fonds NE (Suisse), de nationalité suisse, demeurant X, 1226 THONEX (Suisse), de la société de droit panaméen dénommée I. ;
M. Ré. OB., secrétaire, né le 10 février 1959 à Genève GE (Suisse), de nationalité suisse, demeurant X, 1226 THONEX (Suisse), de la société de droit panaméen dénommée I. ;
M. Je-Pi. GRA., trésorier, né le 16 septembre 1962 à Fribourge FR (Suisse), de nationalité suisse, demeurant X, 1630 BULLE (Suisse), de la société de droit panaméen dénommée I. ;
DÉFENDEURS, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 14 juillet 2008, enregistré (n° 2009/000080) ;
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 11 novembre 2010, enregistré (n° 2011/000228) ;
Vu les conclusions de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de Ro. GR., en date des 11 février 2009, 10 mars 2010, 12 avril 2010, 12 octobre 2011 et 24 janvier 2012 ;
Vu les conclusions de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de la SA I., la SNC PI. & CIE, la Société en Commandite PI. ET COMPAGNIE, M. Sy. MA., M. Ré. OB. et M. Je-Pi. GRA., en date des 26 mars 2009, 8 juillet 2010, 18 mars 2011, 13 février 2013 et 28 novembre 2013 ;
Vu les conclusions de Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur, au nom d'El. GR., Mi. GR. et Sa. GR., en date des 10 décembre 2009, 19 mai 2011, 1er décembre 2011, 12 décembre 2012 et 9 octobre 2013 ;
À l'audience publique du 6 février 2014, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 27 mars 2014 ;
Procédure :
Le 14 juillet 2008, M. An. GR. fait assigner :
- M. Ro. GR. ;
- la SA I. ;
- la SNC PI. & CIE ;
- les administrateurs de la société I. à titre personnel : M. Sy. MA., M. Ré. OB., M. Je-Pi. GRA. ;
aux fins :
- de dire qu'il est l'ayant droit économique de la société I. ;
que la banque PI. et ses employés ont enfreint les lois fédérales suisses ;
que M. Ro. GR. a engagé sa responsabilité ;
- d'annulation d'actes ;
- de réparation de son préjudice.
Cette affaire a été inscrite sous le n° 2009/000080.
M. An. GR. est décédé le 23 mars 2009 et l'instance a été reprise le 10 décembre 2009, par :
- Mme El. GR. veuve GO. ;
- M. Mi. GR. ;
- Mme Sa. GR. épouse PE..
Le 11 novembre 2010, Mme El. GR. veuve GO., M. Mi. GR. et Mme Sa. GR. épouse PE. ont fait assigner « en intervention forcée » :
- la société en commandite PI. & COMPAGNIE ;
- M. Ro. GR. ;
- la SA I. ;
- les administrateurs de la société I.
Cette affaire a été inscrite sous le n° 2011/000228.
Moyens et prétentions des parties :
Les consorts GR. reprenant partie du dispositif de leurs assignations estiment :
- qu'il existe une connexité certaine entre les instances, justifiant leur jonction dans l'intérêt d'une « bonne justice » ;
- que la juridiction monégasque est territorialement compétente pour connaître de la demande au visa des articles 1 - 2 et 3 du Code de procédure civile et des pièces versées aux débats qu'ils énumèrent ;
- que les conditions générales invoquées par la banque PI. & CIE n'ont jamais eu d'existence contractuelle et qu'elles n'ont pas été versées aux débats ;
- qu'aux termes de l'article 177 du Code de procédure civile, les parties déterminent les pièces dont elles entendent faire usage ;
- que la lettre de Maître REY en date du 16 novembre 2009, annexée aux conclusions de reprise d'instance, établit qu'ils sont seuls héritiers réservataires habiles à recueillir la succession de leur père ;
- que M. Ro. GR. a sollicité la production d'une pièce avant de conclure à l'incompétence du tribunal, droit qui ne lui est pas reconnu par l'article 262 du Code de procédure civile ;
exposent :
- que M. An. GR. a, au mois de juin 1988, chargé la banque PI. de constituer une société de droit panaméen « I. » dont les statuts ont été déposés le 29 juin 1988 avec comme administrateurs des employés de la banque ; qu'il était le seul bénéficiaire économique de cette société et qu'il a, le 4 août 1988, adressé à M. LU. - Président de la société panaméenne - la procuration pour l'achat de la Villa Maria, en lui demandant de transférer à Maître REY, à partir de son compte, la somme de 2.834.000 francs représentant le prix d'acquisition ;
- que le 8 août 1988, il a bien été procédé à cet achat à l'aide de fonds provenant dudit compte n° Z-062293 ;
- que depuis l'origine, la banque PI. a reconnu que le défunt était bien le seul bénéficiaire économique de la société panaméenne, qu'elle n'a pas ouvert de compte spécifique au nom de la société du fait que tous les frais de gestion étaient débités sur le compte Z-062293 ;
- qu'à la suite d'un désaccord, les deux frères ont signé un protocole transactionnel les 13 et 18 avril 2006, que ce document a bien été ratifié par le défendeur dans sa lettre du 23 février 2007 adressée à la banque PI. ; que le terme utilisé « d'avenir » de la participation à la gestion de la villa ne peut que mettre en exergue l'inanité des assertions de la banque et de M. Ro. GR. ;
- que la banque a, alors que M. An. GR. voulait émettre les actions de la société, estimé qu'il existait une forte présomption de détention du capital de la société par son frère à hauteur de moitié ;
- que la banque a violé la loi fédérale du 8 novembre 1934 qui instaure une responsabilité de plein droit de la personne morale, de ses gérants, des membres du conseil d'administration et des personnes qui se sont occupées de la gestion ou de sa liquidation ;
- qu'elle n'a pas respecté la loi du 10 octobre 1997 concernant la lutte contre le blanchiment lui impartissant :
la vérification de l'identité du cocontractant ;
l'identification de l'ayant droit économique ;
le renouvellement de cette vérification ;
- que l'entretien du 24 octobre 2006 a révélé que la société panaméenne ne possédait pas de compte bancaire et que les actions n'avaient jamais été émises ;
- que lors de l'entretien du 9 mars 2007, il a été constaté que la déclaration de l'ayant droit économique de la société n'existait pas dans les documents de la banque alors que les documents constitutifs de la société étaient déposés dans le dossier de M. An. GR. ;
- qu'il n'a jamais été fait état d'un courrier reçu 15 jours auparavant de M. Ro. GR. ;
- que le 10 avril 2007, les administrateurs de la société ont annulé le pouvoir individuel de M. An. GR. pour le remplacer par un pouvoir collectif avec son frère ; que la banque est ensuite revenue sur sa décision indiquant que le pouvoir collectif était suspendu ;
- que la banque par courrier du 26 juin 2012 adressé à Mme le Président du Tribunal de première instance a fait savoir que par application de la loi n° 1381 du 29 juin 2011, elle était tenue à une obligation de déclaration annuelle du ou des bénéficiaires économiques ;
- que les concluants ont dû saisir la justice suisse sur mesures provisionnelles et nomination provisoire d'un administrateur ;
- qu'ils ont demandé en vain à la banque de clôturer leur compte personnel et de désigner comme administrateur leur conseil en Suisse ;
concluent :
- à la jonction des procédures ;
- à l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence et en tout état de cause en ce qu'elle est mal fondée ;
- à la commission par la banque PI. & CIE de fautes professionnelles ;
- à l'annulation du procès-verbal de réunion du conseil d'administration de la société I. du 10 avril 2007 ;
- à ce qu'ils soient rétablis dans leur qualité de seuls bénéficiaires économiques de ladite société ;
- à la condamnation de la banque solidairement avec les administrateurs à leur payer à chacun les sommes de 50.000 euros et 100.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- à la condamnation de M. Ro. GR. à leur payer à chacun la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts sous réserve de tout élément nouveau.
M. Ro. GR.
expose :
- que M. An. GR. a communiqué la pièce dont il entendait faire état mais non la correspondance du 4 août 1988 visée dans l'assignation ;
- que cette pièce a été produite en cours de procédure et que la demande n'a plus d'objet pour avoir été satisfaite très tardivement le 5 janvier 2010 ;
- que l'acte de notoriété suite au décès de M. An. GR. n'a pas été produit, lequel permet seul de justifier de la qualité d'héritier ;
- que l'exception d'incompétence soulevée sur assignation du 11 novembre 2010 l'a été préalablement à toute exception ;
- que l'assignation du concluant ne saurait permettre à la juridiction de connaître de la validité d'une décision prise par les membres du conseil d'administration d'une société de droit panaméen ou prise lors d'un tel conseil ;
- qu'il en va de même de la prétention à la reconnaissance de la qualité de bénéficiaire économique de la société I. ;
- que l'action n'a pas pour objet l'immeuble situé en Principauté de Monaco en l'absence de toute contestation sur le droit de propriété de la société I. ;
- que la société I. a fait appel pour payer l'achat de la villa Maria, à deux clients qui ont alimenté son capital social à raison de 1.417.028 francs chacun via leur compte Z-062293 pour M. An. GR. et 062294 pour le concluant ;
- que cette mention manuscrite figure sur la lettre du 4 août 1988, dont la copie a été remise par la banque PI. à Me GAGNEBIN ;
- que les revenus locatifs de la villa ont été partagés dès l'origine à raison de 50 % pour chacun des frères ;
- que la demande n'est pas fondée juridiquement, pas plus que n'est indiqué la loi applicable ;
- que les demandeurs ne démontrent pas que le concept de bénéficiaire économique existerait en droit panaméen ;
- que les demandeurs n'établissent pas qu'ils détiendraient l'intégralité des actions constituant le capital social ;
- que l'agence GR. exploitait un fonds de commerce indivis appartenant aux deux frères et que le mandat de gestion du 14 février 1994 a été consenti sur papier à en-tête de ladite agence ;
- qu'à la suite de la transaction, il n'existait plus de raison pour que la propriété de la société panaméenne soit gérée par l'agence appartenant désormais à M. An. GR. seul, raison pour laquelle il a rédigé le courrier du 23 février 2007 ;
- qu'un mandat collectif de gestion a été décidé dont le conseil suisse de M. An. GR. a tenté d'obtenir l'annulation ;
- que le fait qu'une des parties ait procédé à une déclaration unilatérale devant notaire, ne confère aucune force probante particulière à un tel document ;
- qu'au demeurant il est inexact de dire qu'il aurait racheté les prétendus droits dans le fonds de commerce de l'agence immobilière à son frère ;
conclut :
- à l'incompétence territoriale de ce tribunal, les demandes relevant des juridictions panaméennes ;
- à l'absence de preuve par les intervenants de leur qualité de seuls héritiers de M. An. GR. faute de production de l'acte de notoriété ;
- subsidiairement au débouté des demandes présentées.
La société I., M. GR., M. MA., M. OB. et la SNC PI. & CIE
exposent :
- que l'hoirie GR. a diligenté des procédures en Suisse dont elle a été déboutée les 25 août 2009 et le 25 janvier 2013 ;
font valoir :
- que les conditions générales du contrat d'ouverture de compte attribuent compétence à Genève et soumettent les relations juridiques au droit suisse ;
- que cette clause est valable s'agissant d'un litige international ;
- que la SNC PI. & CIE ne connaît pas de société I. et n'a jamais eu de rapport avec cette société ;
- que le différend opposant les deux branches de la famille GR. est étranger aux concluants ;
- que les pièces démontrent que la banque PI. a été dûment mandatée par les frères GR. pour acheter un bien immobilier en Principauté de Monaco ;
- que rien n'est de nature à établir que la société I. serait la propriété exclusive de M. An. GR. ;
- qu'aucune faute ne leur est imputable, n'ayant fait qu'exécuter les instructions de leurs mandants ;
- qu'à la suite de la cession des droits indivis dans l'agence immobilière, ils ont agi avec précaution dans le but de préserver les droits des deux frères ;
- que la notion de « seul bénéficiaire économique » n'a pas d'existence légale ;
- que la loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment ne saurait être invoquée sans faire référence à la Convention de Diligence des Banques (CDB) ;
- que les titulaires des deux comptes ont bien été identifiés ;
- que les comptes rendus de visite rédigés par Me G. dans l'intérêt de son client ne sauraient être retenus à titre de preuve ;
- que les hoirs doivent réaliser la déclaration résultant de la loi n° 1.381 du 29 juin 2011 et désigner un mandataire agréé et qu'ils ont tenté d'empêcher la société d'y procéder ;
- que seule la société I. est titulaire de ce pouvoir de désignation, que le fait que la propriété de cette société fasse l'objet d'une instance en justice est indifférent ;
- que le tribunal n'a pas souhaité intervenir jugeant que le problème était sans lien avec l'instance ;
- que les hoirs GR. ne sont ni dirigeants, ni administrateurs de la société, qu'ils ne pouvaient pas faire de déclaration auprès des services fiscaux ;
- que les consorts GR. ont causé un préjudice à la société et fait traîner en longueur la procédure ;
- qu'il n'existe pas d'urgence ;
concluent :
- à l'incompétence territoriale du tribunal ;
- subsidiairement, à la mise hors de cause de la SNC PI. & CIE, entité distincte de la banque PI. ;
- à ce qu'ils s'en rapportent à justice sur l'incident de communication de pièces et sur la propriété des actions de la société panaméenne ;
- à l'absence de faute et au débouté ;
- au vu de l'entrave apportée au fonctionnement de la société, à la condamnation des demandeurs à verser à titre de dommages et intérêts à la société I. la somme de 20.000 euros et à chacun des administrateurs celle de 5.000 euros ;
- en tout état de cause pour avoir été mis en cause dans une instance ne les concernant pas, à la condamnation des demandeurs à leur verser à chacun la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice et pour avoir dû engager des frais de représentation.
Les consorts GR. dans leur assignation du 11 novembre 2010 intitulée « en intervention forcée » de la société en commandite PI. & CIE
exposent :
- que le juge suisse dans son jugement du 25 août 2009 relève l'assimilation pouvant être faite avec « la société en nom collectif portant la raison PI. & CIE Conseillers en Investissements » ;
- que cette société avait selon bordereau du 17 août 2009, produit 19 pièces inhérentes à l'ouverture du compte par M. An. GR. et autres procurations ;
- qu'après s'être expliquée sur le fond dans ses conclusions du 8 juillet 2010, elle demande cependant se mise hors de cause ;
- qu'il existe une identification entre les deux entités ayant leur siège dans le même immeuble.
Les parties concluent pour le surplus dans les mêmes termes que dans le dossier enrôlé sous le n° 2009/000080, sauf pour M. Ro. GR. de faire valoir qu'il a soulevé l'exception d'incompétence territoriale in limine litis dans l'affaire portant le n° 2011/000228 ; la société en commandite PI. et CIE reprend une argumentation similaire aux moyens développés antérieurement par la SNC PI. & CIE, et la société I. et les administrateurs, estimant n'avoir pas commis de faute.
Sur quoi le Tribunal :
Sur la demande de jonction :
Les affaires enrôlées sous les n° 2009/000080 et n° 2011/000228 opposent les mêmes parties à l'exception de l'une d'entre elles : SNC PI. & CIE pour l'une, société en commandite PI. et CIE pour l'autre et ont exactement le même objet.
Il convient donc dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'en ordonner la jonction.
Sur la demande de communication de pièce :
Le courrier du 4 août 1988 a été produit en cours d'instance et M. Ro. GR. reconnaît que sa demande est devenue sans objet.
Il maintient sa demande de production d'un acte de notoriété à laquelle les consorts GR. ne peuvent valablement opposer le bénéfice de l'article 177 du Code de procédure civile alors que le problème n'est pas celui tenant aux pièces dont une partie entend faire usage mais à celles de nature à établir sa qualité à agir en justice.
Il résulte du courrier de Maître REY, notaire, en date du 16 novembre 2009 que M. An. GR. a laissé pour lui succéder trois enfants et qu'il a légué à son épouse divers biens immobiliers au S., précisant que le surplus de ses biens reviendrait à ses enfants.
Ce sont bien les trois enfants du défunt qui ont repris l'instance engagée le 14 juillet 2008 ; leur qualité d'héritier est établie et il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par M. Ro. GR..
Sur la compétence territoriale :
M. Ro. GR., suite à la délivrance de l'assignation du 14 juillet 2008, a sollicité respectivement les 11 février 2009 et 10 mars 2010 la communication d'un courrier du 4 août 1988 puis d'un acte de notoriété, avant de conclure le 12 avril 2010 à l'incompétence territoriale du tribunal.
Aux termes de l'article 262 du Code de procédure civile une telle incompétence doit être soulevée « … préalablement à toute exception… ».
La procédure de communication de pièces est réglementée dans la section V aux articles 274 et suivants du Code de procédure civile, section qui fait partie du titre IX - « Des exceptions » -.
M. Ro. GR. n'a pas respecté les dispositions de l'article 262.
Il a, en revanche, soulevé l'exception d'incompétence territoriale de ce tribunal dans l'instance introduite le 11 novembre 2010, préalablement à toute exception.
Le fait qu'une demande soit relative à une société de droit étranger et que ce droit soit susceptible d'être appliqué au fond du litige, ne constitue pas une cause d'incompétence territoriale du tribunal saisi pour en connaître, les questions procédurales étant soumises à la lex fori.
L'action, contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, n'a pas pour objet un immeuble situé dans la Principauté.
Il n'est discuté par aucune des parties que la villa Maria appartient bien à la société I. ; le droit de propriété sur l'immeuble n'est absolument pas en cause.
Aux termes de l'article 2 du Code de procédure civile, les tribunaux de la Principauté connaissent des actions intentées contre un défendeur domicilié dans la Principauté ; en cas de pluralité de défendeurs, il suffit pour que cette règle s'applique que l'un d'eux y soit domicilié.
M. Ro. GR. est bien domicilié à Monaco.
La clause attributive de compétence invoquée par la société en commandite PI. ET CIE, ne concerne pas la société en nom collectif PI. & CIE.
La clause intitulée « Droit applicable et for - élection de domicile » attribuant compétence aux juridictions genevoises figurant à l'article 10 des conditions générales de la maison de banque PI. & CIE contenant une possibilité pour la seule banque d'y déroger (et donc accordant des droits différents et discriminatoires aux parties concernées), ne peut avoir pour effet de déroger à la règle précitée de l'article 2 alinéa 2 du Code de procédure civile monégasque, alors que le défendeur résidant en Principauté de Monaco, n'a pas été attrait artificiellement devant la juridiction et qu'il a bien un intérêt au litige.
Le tribunal se déclarera dès lors compétent territorialement pour connaître de la demande.
Sur la demande de mise hors de cause de la SNC PI. & CIE - Conseillers en investissements :
Les demandeurs ne démontrent pas avoir contracté avec cette société ; le fait qu'elle ait son siège social à la même adresse et des associés et directeurs communs avec la société en commandite PI. & CIE, ne suffit pas pour leur conférer qualité à l'attraire en justice, alors qu'elle dispose d'une personnalité morale tout à fait distincte de l'établissement bancaire.
Il sera en conséquence fait droit à la demande présentée.
Sur le fond :
Il sera observé liminairement que les consorts GR. fondent une partie de leur argumentation sur les déclarations faites par leur père le 20 mai 2008 (pièce n° 22).
La règle selon laquelle nul ne peut se constituer une preuve à soi-même s'applique quelle que soit la forme donnée aux déclarations telle qu'en l'espèce devant notaire.
Ce document ne peut donc pas servir de preuve pour établir la qualité revendiquée par M. An. GR. puis par ses héritiers, de seul bénéficiaire économique de la société I.
Il en va de même pour les notes établies par le conseil suisse des demandeurs qui ne peuvent pas avoir de valeur probante dans une cause qu'il défend.
Ces développements non étayés par des éléments extérieurs ne peuvent être considérés comme rapportant la preuve de l'usage en Suisse de la constitution des sociétés.
Sur la qualité d'ayant droit économique de la société I.
M. An. GR. et M. Ro. GR. ont le même jour, soit le 10 janvier 1986, ouvert auprès de PI. & CIE - Banquiers établissement suisse, deux comptes n° 62293 pour le premier avec la mention assureur, n° 62294 pour le deuxième avec la mention agent immobilier, la correspondance devant être, pour chaque compte, conservée à la banque.
M. Ro. GR. a donné procuration à son frère sur son compte 62294, procuration qui sera annulée le 8 juin 2000.
M. An. GR. lors de sa visite à la banque le 18 juin 2004 (pièce n° 12 de Maître GARDETTO) a lui aussi révoqué la procuration qu'il avait donnée à son frère sur son compte.
Le 29 juin 1988, les statuts de la SA dénommée I. ont été déposés dans une étude notariale de Panama, cette société était constituée par M. Ramon R. A. B. et Mme Urania V. de B., avec un large objet social dont l'acquisition d'immeubles tant au Panama, qu'à l'étranger.
Les premiers dirigeants désignés étaient :
Raymond L.
Juan Alberto C. C.
Michel B.
Heinz C.
La création de cette société est mentionnée dans un dossier constitué sous l'intitulé « VOYAGES - (dossier bleu) » avec l'indication des comptes concernés à savoir 50 % pour 62294 et 50 % pour 62293 avec l'indication du capital social, des représentants de la société, des frais…
Il est mentionné par ailleurs :
5 cent actions en blanc ? à préparer ?
8.88 établissement d'un pouvoir en brevet au nom de A. G.
Le 4 août 1988, M. An. GR. - sur un document à en-tête GR. - a écrit à Raymond L. (c/o PI.) afin de lui demander :
- de faire établir une procuration (suivant modèle joint au courrier) « en vue de l'acquisition pour le compte de notre cliente la société de droit panaméen X… de la villa Maria… », sollicitant en outre l'envoi des statuts de la société ;
- de faire parvenir à Maître REY la somme de 2.834.000 francs français représentant le prix d'acquisition et les frais et ce avant le 24 août 1988.
La banque - sans que l'on puisse qualifier ces mentions de surcharges - a, sur ce courrier, indiqué pour la procuration et les statuts que le service juridique s'en est occupé le 8 et que les virements (au pluriel) ont été faits le 18.
Elle a apposé les numéros des comptes concernés comme suit :
62 293 50 %
62 294 50 %.
Le 9 août 1988 Monsieur L. et Monsieur B. agissant en leur qualité de président et de secrétaire de la société I. ont donné pouvoir à M. An. GR. d'acquérir la villa Maria - X à Monaco.
Le modèle de ce pouvoir (sans la date et le nom du notaire) a été conservé par la société avec la mention : concerne 62 293 - 62 294.
Le 17 août 1988, la société I. a adressé à M. An. GR. un pouvoir en brevet et l'acte de constitution de la société.
Ce document a été également porté dans le dossier bleu - Voyages - avec l'indication concerne 62 293 et la copie en est jointe au dossier du compte 62 294.
La société I. représentée par M. An. GR. a acheté le 8 septembre 1988 la villa Maria au prix de 2.600.000 francs.
Suivant quittance du 23 août 1988, Maître REY notaire, a reçu de la société I. la somme de 2.834.000 francs représentant le prix de vente et les frais.
Cette somme lui avait été virée par la banque F le 19 août 1988 avec l'indication que les fonds provenaient de l'étranger.
Contrairement à ce que prétendent les consorts GR. le prix susvisé n'a pas été débité du seul compte ouvert par leur père auprès de la banque PI. mais du compte 062293 à hauteur de 1.417.028 francs et du compte de M. Ro. GR. n° 062294 pour la même somme soit au total 2.834.056 francs qui correspond au prix de vente augmenté des frais, sous réserve d'un reliquat de 56 francs.
Il n'est pas justifié par les parties de l'objet et du bénéficiaire du prélèvement effectué sur chacun de ces deux comptes de la somme de 1.000.028 francs.
Il sera observé que si l'on ajoute cette somme à celle de 1.417.028 francs, on obtient une somme de 2.417.056 francs qui est inférieure à la quittance notariale et qui ne permettait pas l'achat de la villa Maria.
M. An. GR. et ses héritiers prétendent que celui-là est le seul bénéficiaire économique de la société panaméenne.
Ils n'invoquent cependant pas dans leurs longues écritures la loi applicable à cette revendication comme le fait justement remarquer le défendeur.
La société constituée relève du droit panaméen (loi sur les sociétés de 1927), société offshore offrant de nombreuses opportunités aux investisseurs étrangers dont celle de ne pas apparaître dans les statuts, de n'avoir pas de comptabilité à tenir… et M. Ro. GR. ne peut pas sérieusement soutenir que cette législation ignore la notion de bénéficiaire ou d'ayant droit économique, le but recherché par les investisseurs étant justement l'absence de divulgation du bénéficiaire économique.
Le capital social de cette société est de 10.000 USD en 100 actions de 100 USD, lesquelles n'ont pas été émises.
Il résulte des développements ci-dessus que le prix d'achat du seul bien possédé par cette société (raison pour laquelle elle a été créée - étant rappelé qu'à cette date les frères GR. étaient tous deux de nationalité française-) a été réglé par moitié par ceux-ci.
Le fait que cette société sur papier à en-tête GR., ait donné pouvoir le 14 février 1999 à M. An. GR. - rue X (c'est-à-dire à l'adresse de l'agence) pour gérer et administrer la villa Maria, percevoir les loyers, n'a pas pour conséquence qu'il en soit le seul bénéficiaire économique.
M. An. GR. et M. Ro. GR. étaient en effet propriétaires indivis à hauteur de moitié chacun du fonds de commerce d'agence et de transactions immobilières exploité en dernier lieu X pour l'avoir acquis le 30 juillet 1959 et ce jusqu'au mois d'avril 2006.
Suivant protocole des 13 et 18 avril 2006, ils ont décidé de mettre fin à cette indivision concernant les seuls droits indivis détenus dans le fonds de commerce dénommé Agence GR.
L'indemnité prévue de 2.286.700 euros représente l'apurement définitif des comptes mais relativement à cette indivision portant sur la valeur du fonds et les profits réalisés par ladite agence.
M. Ro. GR. a reconnu être « entièrement rempli de tous ses droits indivis dans ledit fonds de commerce… » et non également dans toute autre indivision existant entre eux.
Le désistement dont il fait état en page 4 de l'acte de « toute instance et actions » se rapporte à celle(s) afférente(s) au fonds lesquelles sont rappelées au paragraphe suivant : exploit de référé du 10 juin 2003 - ordonnance du 9 novembre 2005 et recours du 23 novembre 2005 ; il ne peut pas être étendu à la présente instance qui n'était pas engagée.
L'article 1887 du Code civil auquel la transaction renvoie pour viser les articles 1883 à 1897, stipule bien que « les transactions se renferment dans leur objet ; la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différent qui y a donné lieu ».
La société I. n'était pas l'objet de la transaction de telle sorte que les demandeurs ne peuvent pas se fonder sur ce document comme preuve de la qualité revendiquée par leur père de seul ayant droit économique de ladite société.
L'acte notarié de cession établi à la même date par Maître REY est conforme à la transaction et ne concerne que le fonds de commerce de gestion immobilière, administration de biens immobiliers, syndic d'immeubles et transactions sur immeubles et fonds de commerce exploité sous le nom commercial ou enseigne « Agence GR. » X.
L'apurement des comptes ne se rapporte lui aussi qu'à ladite indivision.
Cela est si vrai que les frères GR. ont notamment convenu de se répartir par moitié les loyers perçus pour la location des locaux sis XX où était exploité le fonds de commerce à l'origine.
Les demandeurs donnent au courrier du 23 février 2007 une signification qu'il n'a pas.
À cette date le défendeur a écrit à la banque PI. pour l'informer qu'à la suite de la vente de la moitié indivise de l'agence GR. - et seulement l'agence - il entendait participer à la gestion de la villa Maria, qui était d'un commun accord entre les deux frères gérée jusqu'alors par ladite agence.
Ce courrier confirme au contraire que les droits de M. Ro. GR. sur la villa Maria et la société I. sont toujours revendiqués et que cette dernière n'était pas l'objet de la transaction.
Les extraits de compte produits par le défendeur et qui lui ont été adressés par son frère dans le cadre de la gestion par l'agence GR., de leurs droits indivis dans diverses sociétés, établissent qu'ont été portés à son compte les revenus et dépenses de la société I. à hauteur de 50 % :
- pièce n° 2 pour l'année 1996 avec en annexe le compte rendu de la situation des locataires de la société I. pour l'année 1996 avec les sommes dépensées et encaissées ;
- pièce n° 3 pour le 4ème trimestre de 1997 avec le même relevé spécifique à la société I. ;
- pièce n° 4 pour l'année 1998 ;
- pièce n° 5 récapitulatif de 1999 à 2002 ;
- pièce n° 6 pour l'année 1999 et le premier semestre 2000 ;
- pièce n° 7 pour le 2ème semestre 2000 ;
- pièce n° 8 : extrait de compte avec le compte rendu spécifique de l'année 2006 des dépens et encaissements pour la société I. ;
- pièce n° 10 : extrait de compte de janvier 2003 au 31 décembre 2005.
Ces droits partagés à hauteur de moitié par les deux frères dans la société I. ci-dessus démontrés sont confortés par les comptes-rendus de visite établis par la banque PI. :
le 8 juin 2000 (n° 26 de la banque)
« M. R. G. est bénéficiaire pour moitié de la société panaméenne I. … »
31 juillet 2001 (pièce n° 11)
M. A. G. « possède la société I. à 50 % avec son frère (titulaire de 62294) »
18 juin 2004 (pièce n° 12)
« la société appartient à parts égales aux deux frères »
24 octobre 2006 (pièce n° 31)
« je confirme le procès-verbal de Patrice Simon V. sur le fait que la société est détenue à part égale entre A et R. »
Il n'a pas été ouvert de compte au nom de la société I.
Il résulte des extraits de comptes produits par la banque PI. que suivant relevé du 1er janvier 1986 au 8 juin 2000 ont été prélevés sur le compte 62294 notamment :
- 19 janvier 1987 : frais établissement pouvoir en brevet
- 19 juin 1989 : domiciliation Panama
- 27 juin 1990 : domiciliation Panama
- 14 juin 1991 : domiciliation Panama
- 8 juillet 1992 : domiciliation Panama
- 24 juin 1993 : domiciliation Panama
- 8 juillet 1994 : domiciliation Panama
- 14 juin 1995 : domiciliation Panama
- 13 juin 1995 : honoraires d'administrateur
Ces mêmes frais de domiciliation et d'honoraires ont été prélevés pour les mêmes montants sur le compte de M. An. GR..
Les comptes bancaires suisses ouverts par M. An. GR. et M. Ro. GR. ont donc servi -de fait de compte pour la société- à prendre en charge à la fois des frais de constitution et de fonctionnement de la société et à payer le prix d'achat de l'immeuble, le tout à hauteur de moitié pour chacun.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. An. GR. et M. Ro. GR. sont les bénéficiaires économiques à parts égales de la société panaméenne I.
La banque PI. n'a donc pas méconnu les droits de M. An. GR. mais au contraire les a respectés dans leur étendue indivise, de telle sorte que les requérants seront déboutés de leurs demandes tendant à se voir déclarer seuls bénéficiaires économiques de la société I.
Sur la demande d'annulation de la décision du conseil d'administration de la société I. du 10 avril 2007 :
À la suite de la cession du fonds de commerce de l'agence GR., M. Ro. GR. a, le 29 mai 2006, fait savoir à son frère qu'en sa qualité de propriétaire à 50 % et co-gérant statutaire de la plupart des SCI qu'il énumère dont la société I., il lui saurait gré de continuer comme par le passé à les gérer personnellement.
Le 23 février 2007 il a informé la banque PI. qu'il voulait participer désormais à la gestion de la société I.
Celle-ci a donc légitimement tenu un conseil d'administration le 10 avril 2007, afin d'annuler le pouvoir octroyé à M. An. GR. pour gérer et administrer le bien (gestion acceptée par son frère) pour le remplacer par un mandat « collectif » en faveur des deux frères GR..
Il a le même jour, établi ce pouvoir.
La société a le 16 avril 2007, avisé M. An. GR. de ce fait.
Cette décision a été prise conformément aux statuts de la société, par l'organe habilité à le faire.
Elle s'est entachée d'aucune irrégularité et la demande d'annulation présentée sera rejetée.
Sur la responsabilité de la banque :
La décision susvisée a été prise par la société et non par la banque PI. laquelle n'a pas manqué à son engagement de ne rien faire sans l'accord des deux frères, alors que la co-gérance était conforme aux droits de chacun et à la réalité juridique des bénéficiaires économiques de la société I.
Cette décision était au contraire empreinte de la plus grande sagesse pour préserver les droits de chacun des deux frères et non d'un seul d'entre eux.
Il résulte de l'analyse faite ci-dessus que dès lors que les deux frères possédaient des droits équivalents dans la société panaméenne I., il ne peut pas être reproché à la banque PI. d'avoir méconnu les droits exclusifs de M. An. GR. qui n'existaient pas.
Il ne peut pas être fait grief à la banque d'avoir violé la loi fédérale suisse du 8 novembre 1934 sans caractériser en quoi un tel manquement aurait été commis, l'article 38 auquel se réfère l'hoirie étant « la responsabilité civile des banquiers privés est régie par le CO ».
Les demandeurs invoquent par ailleurs la loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d'argent dans le secteur financier sans expliciter la pertinence de l'application de ce texte à leur cas - alors que cette loi est du 10 octobre 1997, qu'elle est entrée en vigueur le 1er avril 1998 et que les comptes ont été ouverts en 1986 -.
Cette législation n'est donc pas applicable en la cause étant observé que lors de l'ouverture des comptes la banque avait respecté les dispositions « à venir » de l'article 3 de la loi pour avoir vérifié l'identité de ses co-contractants.
Il serait par ailleurs surprenant dans l'hypothèse d'un blanchiment effectif de fonds que l'auteur de ce délit reproche à la banque de ne pas l'avoir déclaré et d'avoir engagé sa responsabilité à son égard.
La société I. n'était pas créée à l'ouverture des comptes, elle le sera en 1988, date à laquelle la loi litigieuse n'avait pas encore été votée.
Il sera relevé que dans l'hypothèse même où la loi aurait été applicable, la banque ne pouvait pas avoir de doute sur la qualité d'ayant droit économique de la société au sens des articles 4 et 5 de ladite loi.
La responsabilité de la banque n'est pas engagée.
Il est faux de prétendre que les dépenses de la société étaient débitées sur le seul compte de M. An. GR. alors que les extraits produits par la banque démontrent le contraire.
La banque n'a pas ouvert de compte au nom de la société I. mais les demandeurs ne caractérisent pas la faute qui aurait été commise susceptible de leur causer un préjudice.
La société a fait le choix de ne pas émettre les actions.
Cette situation était connue de M. An. GR. lors de sa visite à la banque le 31 juillet 2001, au cours de laquelle il a déclaré posséder « la société I. à 50 % avec son frère » les employés lui indiquent qu'il « est fait uniquement mention au dossier bleu de la répartition de la société en 2 parts égales entre les deux frères », ce qui pourrait créer des difficultés en cas de répartition successorale et lui proposent d'émettre les titres avec dépôt de 2 parts égales dans les comptes des deux bénéficiaires avec blocage ; M. An. GR. leur a demandé de « ne rien faire pour l'instant, le client est rassuré la politique de la banque serait….. de répartir ses avoirs entre ses enfants (y compris ses 50 % de I ».
Cette absence d'émission connue et acceptée ne peut pas être reprochée à la banque à laquelle il a de surcroît été demandé de ne pas le faire.
S'il y avait été procédé, il y aurait eu répartition à moitié entre les frères, de telle sorte que les droits de M. An. GR. auraient été les mêmes qu'à ce jour.
Sur la responsabilité des administrateurs et sur la gestion de la société :
Les administrateurs de la société I. n'ont fait que prendre une décision statutairement autorisée relative au pouvoir de gestion et n'ont pas commis de faute.
Les explications des parties relatives aux déclarations fiscales sont sans conséquence quant à la reconnaissance ou pas de la qualité de bénéficiaire économique de la société panaméenne.
Le seul préjudice réel que pourrait invoquer les requérants serait une absence de déclaration conforme à la loi 1381 du 29 juin 2011 sur les droits d'enregistrement, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque ainsi que l'a relevé le Tribunal Civil de Genève le 25 janvier 2013 « Grégory Mathieu, mandaté par le conseil d'administration de I., a soumis dans les délais légaux la déclaration d'absence de changement de l'ayant droit économique, laquelle a été enregistrée par la direction des services fiscaux monégasques. »
Le litige n'a pas trait à la gestion de la société I. et encore moins à la clôture ou non du compte ouvert par M. An. GR..
Les consorts GR. n'apparaissant pas dans la constitution de la société, n'avaient au demeurant aucune qualité pour lui « ordonner » de désigner comme administrateur leur avocat genevois.
Ils seront en conséquence déboutés de l'ensemble de leurs demandes.
Sur la demande de dommages et intérêts :
Les consorts GR. étant déboutés de leurs demandes, ne peuvent pas prétendre à des dommages et intérêts en réparation d'un préjudice qui n'existe pas.
Les défendeurs (à l'exclusion de M. Ro. GR. qui ne forme aucune demande de ce chef) ne peuvent demander la réparation du dommage qui leur aurait été causé dans la gestion de la société I., gestion qui n'est pas l'objet du litige.
La procédure engagée présente un caractère manifestement abusif à l'égard des défendeurs ayant formé la demande de dommages et intérêts.
L'hoirie sera condamnée à leur payer la somme de 5.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts.
Sur la demande d'exécution provisoire :
La demande principale étant rejetée, la demande d'exécution provisoire est devenue sans objet.
Sur les dépens :
Les consorts GR. qui succombent pour l'essentiel, seront condamnés aux entiers dépens.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort,
Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 2009/000080 et 2011/000228.
Rejette les exceptions d'incompétence territoriale et de communication de pièce.
Met hors de cause la SNC PI. & CIE.
Dit que M. An. GR. et M. Ro. GR. sont les bénéficiaires économiques à hauteur de moitié chacun de la société panaméenne I.
Dit que la société en commandite PI. & CIE, M Sy. MA., M. Ré. OB. et M. Je-Pi. GRA. n'ont pas commis de faute.
Déboute Mme El. GR. veuve GO., M. Mi. GR. et Mme Sa. GR. épouse PE. de leur action en responsabilité à l'encontre de la société en commandite PI. & CIE et des administrateurs de la SA I. et de leur demande en annulation de la décision du conseil d'administration de ladite société en date du 10 avril 2007.
Déboute les consorts GR. de leurs demandes de dommages et intérêts.
Condamne Mme El. GR. veuve GO., M. Mi. GR. et Mme Sa. GR. épouse PE. à payer à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive la somme de 5.000 euros à la société en commandite PI. & CIE, à la SNC PI. & CIE, à M. Sy. MA., à M. Ré. OB., à M. Je-Pi. GRA. et à la SA I.
Déboute la SNC PI. & CIE, M. Sy. MA., M. Ré. OB., M. Je-Pi. GRA. et la SA I. du surplus de leurs demandes de dommages et intérêts.
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Met les dépens à la charge in solidum de Mme El. GR. veuve GO., M. Mi. GR. et Mme Sa. GR. épouse PE., dont distraction au profit de Maître Patricia REY et Maître Jean-Charles GARDETTO, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation, chacun en ce qui les concerne.
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge, Madame Patricia HOARAU, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 27 MARS 2014, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Madame Aline BROUSSE, Magistrat référendaire faisant fonction de Substitut du Procureur Général, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.