Tribunal de première instance, 13 mars 2014, Madame a. BO. épouse SO. et autres c/ BARCLAYS BANK PLC
Abstract🔗
Banque - Opérations sur titres et produits financiers - Résiliation des mandats de gestion - Obligation de conseil - Faute du banquier (non).
Résumé🔗
En matière de mandat de gestion de produits financiers impliquant une banque commerciale et des clients, doivent être condamnés aux dépens les clients qui ont résilié les mandats sans explication et rapidement après leur souscription, sans faute de la banque.
En effet, pèse une obligation générale d'information et de conseil, même en l'absence de mandat de gestion sur la banque qui doit ainsi aviser ses clients des risques d'opérations boursières envisagées et s'informer de leur connaissance des marchés financiers. Le contenu de l'information concernant les produits varie en fonction du profil de clientèle et que dès lors que le client a manifesté sa volonté de se positionner sur une recherche de produits à haute rentabilité et a démontré en pratique une connaissance certaine des risques et des mécanismes financiers, l'obligation d'information est allégée.
La Cour juge qu'en l'absence de toute explication sur la cause de la résiliation des mandats de gestion, alors même qu'un gain apparaît sur la période, que celle-ci a été courte et que les clients ont estimé au bout de quelques mois à peine que cette gestion sous mandat ne correspondait pas à leurs attentes, il en ressort nécessairement pour la banque un type de clientèle plus exposé aux risques.
À la lumière de la relation particulière banque/clientèle in concreto qui en découle, la Cour juge que la banque a valablement rempli ses obligations : une information dans le suivi du produit détenu en portefeuille a été donnée, les clients ont pu procéder à des arbitrages allant à l'encontre de conseils prodigués par la banque, l'achat du produit n'était pas inadapté au profil des clients. Des informations ont été données aux clients par la banque préalablement à l'achat de titres, que des conseils adaptés ont été prodigués par la banque.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
JUGEMENT DU 13 MARS 2014
I - En la cause n° 2011/000067 (assignation du 29 juillet 2010) de :
Madame a. BO. épouse SO., née le 16 août 1956 à Copenhague (Danemark), de nationalité danoise, sans profession, demeurant « X » - X à Monaco (98000),
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
d'une part ;
Contre :
La société dénommée D., société de droit étranger, dont le siège social est à X2 Londres (Grande Bretagne), immatriculée au Registre du commerce et de l'industrie de Monaco sous le n° X, au capital social de trois milliards de livres sterling, dont l'exploitation principale est sa succursale, D., sise à Monaco 980000 - X3, prise en la personne de Monsieur f. GR., son Directeur Général en exercice et agent responsable de la succursale D. dans la Principauté de Monaco, domicilié en cette qualité au siège social de ladite succursale,
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
d'autre part ;
II - En la cause n° 2011/000068 (assignation du 29 juillet 2010) de :
1 - Monsieur p. SO., né le 28 décembre 1956 à Vangede (Danemark), de nationalité danoise, sans profession, demeurant « X » - X à Monaco (98000),
2- Madame a. BO. épouse SO., née le 16 août 1956 à Copenhague (Danemark), de nationalité danoise, sans profession, demeurant « X » - X à Monaco (98000),
DEMANDEURS, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
d'une part ;
Contre :
La société dénommée D., société de droit étranger, dont le siège social est à X2 Londres (Grande Bretagne), immatriculée au Registre du commerce et de l'industrie de Monaco sous le n° X, au capital social de trois milliards de livres sterling, dont l'exploitation principale est sa succursale, D., sise à Monaco 980000 - Monte-Carlo - 31 avenue de la Costa, prise en la personne de Monsieur f. GR., son Directeur Général en exercice et agent responsable de la succursale D. dans la Principauté de Monaco, domicilié en cette qualité au siège social de ladite succursale,
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 29 juillet 2010, enregistré (n° 2011/000067) ;
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 29 juillet 2010, enregistré (n° 2011/000068) ;
Vu les conclusions de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, au nom de la société D. (instance n° 2011/000067), en date des 10 février 2011 et 19 avril 2011 puis celles de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, pour la même partie, en date des 14 avril 2011, 14 mars 2012 et 11 octobre 2012 ;
Vu les conclusions de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, au nom de la société D. (instance n° 2011/000068), en date des 10 février 2011 et 19 avril 2011 puis celles de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, pour la même partie, en date des 14 avril 2011, 11 octobre 2012, 14 mars 2012 et 9 octobre 2013 ;
Vu les conclusions de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de a. BO. épouse SO. (instance n° 2011/000067), en date des 16 novembre 2011 et 17 juillet 2012 ;
Vu les conclusions de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de p. SO. et a. BO. épouse SO. (instance n° 2011/000068), en date des 16 novembre 2011, 17 juillet 2012 et 21 février 2013 ;
À l'audience publique du 12 décembre 2013, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 6 mars 2014 et prorogé au 13 mars 2014, les parties en ayant été avisées par le Président ;
CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :
Instance n° 2011/000068 :
Par acte en date du 29 juillet 2010, p. SO. et a. BO. épouse SO. faisaient citer la société D. devant le Tribunal de Première Instance, en sollicitant qu'il soit constaté qu'elle avait manqué à ses obligations générales de diligence, d'information et de conseil et qu'elle soit par conséquent condamnée au paiement d'une somme de 502.947 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2009 outre 10.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Ils ont par la suite conclu les 16 novembre 2011, 17 juillet 2012 et 21 février 2013. Aux termes de leurs dernières écritures, ils maintenaient les termes de leur exploit introductif d'instance et sollicitaient de plus :
- avant dire droit au fond, la production par la banque de notes d'informations relatives aux titres litigieux, les états trimestriels de leur portefeuille du 8 juillet 2005 au 31 décembre 2012, les avis d'opéré des titres litigieux, l'historique des ratios de 6 produits financiers qu'ils avaient souscrit (produit structuré D., obligation A., les titres R. Bonds, U. Bonds, K. Bonds, O.),
- le rejet de la demande de jonction de cette instance avec celle initiée par a. SO. sous le numéro 2011/67, dans la mesure où les deux procédures ne présenteraient pas de lien de connexité suffisant, puisque n'intéressant pas les mêmes comptes bancaires,
- le débouté des demandes de la banque, notamment en paiement d'une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts.
À l'appui de leurs demandes, les époux SO. indiquaient qu'ils avaient ouvert dans les livres de la banque, un compte joint et un compte personnel au nom de a. SO. Le 1er mars 2006, quatre mandats de gestions étaient souscrits :
- adossé au compte joint : un mandat de gestion cautious, (conservateur) et un mandat balanced (diversifié),
- adossé au compte de a. SO. : un mandat de gestion growth (croissance) et un mandat de gestion cautious (conservateur).
Il aurait été convenu que le compte personnel d'a. SO. soit investi avec une prise de risque légèrement supérieure, afin que les revenus générés soient transférés sur le compte joint pour être prélevés par le couple au gré des dépenses de leur vie quotidienne.
Ces mandats étaient résiliés entre le 21 novembre 2006 et le 19 janvier 2007. A cet égard les demandeurs contestent l'allégation de la banque selon laquelle cette dénonciation aurait été motivée par le fait que les mandats n'auraient pas été assez toniques et spéculatifs.
Les demandeurs indiquaient que par la suite, alors qu'ils avaient souhaité une gestion de type conservatrice, la banque les avait orientés sur des titres spéculatifs, avec une perte de valeur de leur portefeuille, dont madame SO. avait commencé à se plaindre auprès de sa gestionnaire de compte dès le mois d'avril 2008. Les demandeurs indiquaient qu'ils avaient eu affaire à six gestionnaires de portefeuille depuis l'ouverture de leurs comptes.
Plusieurs investissements faisaient l'objet d'interrogations des demandeurs :
- un produit structuré D., acquis en août 2008 pour une valeur de 87,02 et pour lequel la banque conseillait une vente en septembre 2008 au prix de 78. À cet égard, un e-mail de la banque leur avait été adressé en langue française, qu'ils ne maîtrisent pas correctement.
- ses obligations A., acquises le 22 juillet 2008, au sujet desquelles madame SO. s'interrogeait en mars 2009, et pour lesquelles il lui avait été répondu que la banque avait émis, depuis septembre 2008, une recommandation de vente.
Or, cette recommandation, juste postérieure à l'achat n'avait pas été spontanément portée à la connaissance des demandeurs et il avait fallu que Mme SO. sollicite sa chargée de portefeuille pour l'obtenir. Il ressortirait de transcriptions de l'enregistrement des conversations téléphoniques que ce titre faisait partie des recommandations de la banque, alors même que la société aurait connu des difficultés dès le mois de décembre 2007.
- des titres R. Bond et U. Bonds et K. Bonds : les demandeurs auraient été orientés vers ces titres, qui ont subi de lourdes pertes, par un gestionnaire en compte en 2005.
- des actions O., acquises le 10 octobre 2007.
À ce sujet, aucune information n'aurait été délivrée par la banque avant l'acquisition des titres mais postérieurement, ce qui ne pourrait remplir valablement le devoir d'information.
En conséquence, la banque aurait manqué à son obligation de conseil et d'information, à laquelle elle demeure tenue, même en l'absence de mandat de gestion. Tel doit être d'autant plus le cas s'agissant d'opérations présentant des risques plus élevés que celles réalisées habituellement. Elle doit également tenir ses clients régulièrement informés de l'évolution de leur portefeuille.
Les époux SO. indiquaient être des investisseurs profanes, sans connaissance personnelle de l'état des marchés, a. SO. ayant été secrétaire, puis sans profession depuis son installation à Monaco en 2001, alors que p. SO. était quant à lui photographe, n'exerçant plus depuis 2001 également.
Ils ne sont donc, contrairement aux affirmations de la banque, nullement à l'origine des investissements réalisés. Le fait même que le portefeuille contienne des produits internes à la banque le démontrerait.
Le préjudice consisterait dans la différence de valorisation de leur portefeuille entre le 30 mars 2005 et le 30 mars 2009. Il s'agirait d'une perte de chance certaine de voir leur portefeuille conserver au moins la valeur qui était la sienne, dont l'origine exclusive serait la faute de la banque, en tant que dépositaire professionnel rémunéré, dont l'implication forte dans l'orientation du portefeuille serait caractérisée en l'espèce. La banque aurait d'ailleurs reconnu implicitement le principe d'une responsabilité, en acceptant d'abandonner des frais bancaires à venir jusqu'au 31 décembre 2019 dans le cadre des réclamations formulées par les époux SO. préalablement à l'introduction de la présente instance.
S'agissant de la demande de communication de pièces, la banque verserait aux débats des éléments financiers illisibles pour un profane, ce qui violerait les principes de l'égalité des armes. Ces éléments seraient incomplets et ne permettraient pas de discuter valablement les éléments soumis au juge, violant ainsi le principe du contradictoire.
En défense, la société D. a conclu au fond les 10 février 2011, 14 mars 2012, 11 octobre 2012 et 19 octobre 2013.
Aux termes de ses dernières conclusions elle sollicitait :
- le débouté des demandes des époux SO.,
- la jonction de la présente instance avec celle initiée sous le numéro 67/2011 par a. SO.,
- la condamnation reconventionnelle des demandeurs au paiement d'une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Au soutien de ses prétentions, la banque faisait valoir les arguments suivants :
La banque notait que les mandats de gestion souscrits par les demandeurs avaient été résiliés à leur initiative, car ils ne les estimaient pas assez rémunérateurs, alors même que leur portefeuille global affichait un gain à l'issue de la période sous gestion.
Postérieurement à cette résiliation des mandats, les choix des investissements litigieux, de nature spéculative, avaient été effectués à la seule initiative des clients, en dehors de tout mandat de gestion et au mépris des conseils de prudence donnés par les gestionnaires de portefeuille.
À cet égard, les demandeurs ne pourraient se prétendre investisseurs profanes, puisque a. SO., sans profession, consacrait beaucoup de temps à la recherche d'investissements, via la consultation de médias spécialisés. Sa réaction notamment s'agissant de l'annonce de pertes sur le titre O. démonterait un comportement d'investisseur avisé volontairement exposé aux risques financiers.
La banque se serait bornée à son rôle d'exécutant des ordres donnés et aurait en outre pris la peine d'attirer l'attention de ses clients sur divers produits envisagés à l'achat, ou en délivrant des recommandations en cours de détention d'un produit.
La banque s'étonnait du mode de calcul du préjudice allégué calculé sommairement. Les investissements réalisés auraient en effet permis de générer des revenus à propos desquels les demandeurs demeureraient muets, alors même qu'un produit financier peut voir sa valeur intrinsèque diminuer, mais a pu générer des revenus (type coupons d'une obligation). De plus, leurs comptes ont été mouvementés par des retraits au cours de cette période, si bien que la simple soustraction proposée par les demandeurs ne saurait être accueillie.
Instance n° 2011/000067 :
Par acte en date du 29 juillet 2010 a. SO. faisait assigner la société D. en sollicitant sa condamnation au paiement d'une somme de 94.220 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2009. Aux termes de ses dernières écritures du 21 février 2013, elle maintenait cette demande correspondant selon elle à une perte sur son portefeuille entre le 30 mars 2007 et le 30 mars 2009, du fait de manquements de la banque à son devoir d'information et de conseil. Les même demandes de communication de pièces que dans l'instance précédente étaient formulées.
La banque, aux termes de ses dernières écritures en date du 9 octobre 2013 sollicitait la jonction des deux instances, le débouté des demandes d'a. SO. et sa condamnation reconventionnelle au paiement d'une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts.
SUR QUOI :
- Sur la demande de jonction des instances :
Attendu que les deux instances sont indubitablement liées, les demandes de a. SO. portant factuellement sur les mêmes investissements, que ceux décrits dans l'instance n°2011/68, il y a lieu à jonction ;
- Sur la responsabilité recherchée de la société D. :
Attendu que pèse sur la banque une obligation générale d'information et de conseil, même en l'absence de mandat de gestion et qu'elle doit ainsi aviser ses clients des risques d'opérations boursières envisagées et s'informer de leur connaissance des marchés financiers ;
Que le contenu de l'information varie en fonction du profil de clientèle et que dès lors que le client a manifesté sa volonté de se positionner sur une recherche de produits à haute rentabilité et a démontré en pratique une connaissance certaine des risques et des mécanismes financiers, l'obligation d'information est allégée ;
Attendu qu'en l'espèce, la particularité dans la détermination du profil de clientèle des époux SO. vient du fait de la souscription et de la résiliation rapide de mandats de gestion ;
Que comme indiqué dans l'exposé du litige, quatre mandats de gestion ont été souscrits le 1er mars 2006, avec un profil cautious, (conservateur) et balanced (diversifié) pour le compte joint, et growth (croissance) et cautious (conservateur) pour le compte personnel d'a. SO. ;
Que ces mandats de gestion ont été résiliés à l'initiative des époux SO. les 21 novembre 2006 et 19 janvier 2007 ;
Qu'il ressort des relevés versés aux débats par la banque (pièce n°15) que le portefeuille des clients n'a subi aucune perte au cours de cette période sous gestion, mais au contraire une faible croissance :
(growth : +1.647,7 euros,
cautious : +622,82 euros et +566,22 euros,
balanced : +.3901,22 euros) ;
Qu'en l'absence de toute explication sur la cause de la résiliation de ces mandats de gestion, alors même qu'un gain apparaît sur la période, que celle-ci a été courte et que les clients ont estimé au bout de quelques mois à peine que cette gestion sous mandat ne correspondait pas à leurs attentes, il en ressort nécessairement pour la banque un type de clientèle plus exposé aux risques que le profil global issu des contours des quatre mandats de gestion ;
Attendu, à la lumière de la relation particulière banque/clientèle in concreto qui en découle, qu'il y a lieu, pour les opérations objets des présents débats, d'analyser si la banque a valablement rempli ses obligations :
1/ Sur le produit structuré D. :
Attendu que ce produit a été acquis par les époux SO. le 8 août 2008 ;
Attendu que si ce produit a subi des pertes, impacté par la crise financière issue de la crise des subprimes notamment, l'analyse doit porter non tant sur la perte elle-même que sur le fait de savoir si, dans la souscription de ce produit, la banque a pu, par incitation ou par omission, commettre une faute ;
Qu'en l'espèce, il ressort d'un e-mail du 29 septembre 2008 (qui n'a donc pas été réalisé pour les besoins de la cause) que la chargée de clientèle n. RE. CA. précise bien que l'achat a été fait, sur sa suggestion, par la vente d'un tracker sur le CAC 40 que les clients possédaient en portefeuille, pour l'achat de ce produit dont la structure offrait :
1/ un coupon conditionnel trimestriel, correspondant au besoin de revenus,
2/ un investissement basé, comme le tracker vendu, sur le risque indiciel action, soit un risque similaire ;
Qu'ainsi la banque avait bien répondu à une demande de structuration de portefeuille, tel que décrit par les clients dans l'exposé du litige (prise de risque partielle et tentative de générer des revenus réguliers) ;
Que cette correspondance postérieure de quelques semaines à l'achat réalisé et recommandant une revente, avec une perte (78 contre un achat à 82) démontre l'existence d'un conseil, pour limiter des pertes risquant de s'alourdir, dans un contexte de crise financière internationale ;
Qu'ainsi aucune exposition plus forte à un risque que le produit déjà détenu en portefeuille ne ressort d'une initiative de la banque (il n'est pas contesté au demeurant que le tracker vendu, pour la période août 2008-septembre 2008 avait lui aussi connu une perte de 10%) et qu'une information dans le suivi du produit détenu en portefeuille a été donnée ;
Qu'il ressort également et incidemment de ce mail que les époux SO. ont pu procéder à des arbitrages allant à l'encontre de conseils prodigués par la banque (« toutefois vous êtes seuls décideurs sur vos comptes et mon rôle est uniquement de vous faire part de propositions que vous pouvez accepter ou refuser (comme vous avez refusé de vendre votre ligne M. lorsque je vous l'ai proposé vers 52 euros car vous êtes convaincu du potentiel de hausse des matières premières ») ;
Attendu qu'aucune faute de la banque n'est en conséquence caractérisée ;
2/ Sur l'obligation A. :
Attendu que les époux SO. ont souscrit ce produit le 22 juillet 2008 ;
Qu'il n'est pas démontré qu'à l'achat, le produit aurait été particulièrement spéculatif, au contraire même s'agissant d'une société d'assurance américaine réputée solide (faisant l'objet d'une évaluation « A+ » d'une agence de notation), donc absolument pas inadapté au profil des clients SO. ;
Que dans le suivi du portefeuille, il apparaît qu'un entretien téléphonique a eu lieu le 16 septembre 2008, le chargé de clientèle indiquant aux époux SO. la recommandation de vente du titre à 50 %, même avec une perte, (achat à 92 %) du fait du risque de mise sous « Chapter 11 » (procédure collective américaine) ;
Attendu qu'à cet égard également, aucune faute n'est caractérisée, d'autant plus au final qu'A. a fait l'objet, d'une mise sous tutelle publique et bénéficiant d'une aide importante du Trésor américain, a pu se restructurer et qu'il n'est pas certain qu'une perte finale résulte de la possession de ce titre ;
3/ Sur les titres K., R. Bond et U. Bonds :
Attendu que sur le titre K., l'achat a été effectué le 8 juillet 2005 (soit à une période encore antérieure à la souscription des mandats de gestion suscités) avec date de valeur le 13 juillet 2005 ;
Qu'il ressort des pièces versées aux débats par la banque que le chargé de clientèle de l'époque a bien donné des informations préalablement à l'achat de ce titre, (coupon de 8 % par an, rating du titre par l'agence M. en « A » et BBB+ par l'agence F) et insistant sur le fait que le titre aurait une date de maturité en juin 2049 ;
Qu'en outre, une retranscription, par huissier de justice, de l'enregistrement d'une conversation téléphonique du même jour entre a. SO. et sa chargée de clientèle démontre que les époux SO. ont fait des recherches sur ce titre, la chargée de clientèle elle-même demandant à sa cliente quel type de documents elle avait pu trouver ;
Attendu que s'agissant des titres R. BONDS et U., souscrits le 7 juillet 2008, les demandeurs ne peuvent se fonder sur le fait qu'une information de 2005 aurait été donnée à cet égard par la banque, les éléments ci-dessus démontrant au contraire qu'ils n'hésitaient pas à solliciter la banque pour des informations plus actualisées ;
4/ Sur le titre O. :
Attendu que cet titre a été acquis le 10 octobre 2007 ;
Que si aucun élément n'est versé aux débats sur des échanges avec la banque préalables à l'achat de ce titre, dès les lendemain et surlendemain, des courriers électroniques ont été envoyés aux clients, la banque recommandant de souscrire une clause de « stop-loss » (vente automatique en cas d'atteinte d'une valeur plancher, pour éviter de subir plus de pertes) ;
Qu'un conseil adapté a donc été prodigué et qu'il n'a pas été suivi sciemment par les clients (le titre a plongé de 18% le 15 octobre seulement) ;
Que suite à la suspension de la cotation de ce titre en février 2008 un échange de courriers électroniques entre a. SO. et sa chargée de clientèle démontre indubitablement l'acceptation de l'exposition aux risques des époux SO., la cliente s'exprimant en ces termes, suite à une information sur les faibles chances de remontée du cours du titre :
« c'était bien de lire quelque chose de concret et non des imbécillités journalistiques.
Et bien vous et moi devront seulement travailler encore plus dur pour compenser ce malencontreux « jeux écossais »
Que pensez-vous de C. t (TSX : COS. un) ou H. (NYSE : HL).
Nous parlions également de l'Inde, des produits de base, etc.. » ;
Que la cliente elle-même propose donc d'initiative des investissements, dont les fiches produits afférentes, versées aux débats par la banque démontrent qu'il s'agit de titres sinon spéculatifs, du moins à forte valeur ajoutée (dont l'un présente un retour sur 1 an de +191,70 %) donc risqués ;
5/ Attendu que les époux SO. ont souscrit d'autres fonds, recommandés par la banque, tels qu'il ressort des pièces versés aux débats par la défenderesse, sur lequel aucun débat ne s'instaure, démontrant une volonté de diversifier les investissements et donc de réduire les risques de pertes ;
Qu'aucun autre élément sur le patrimoine des époux SO. pour affiner plus encore leur profil n'est produit ;
Attendu en conséquence qu'il résulte de tous ces éléments qu'aucune faute de la banque tirée d'un manquement au devoir d'information et de conseil n'est caractérisée ;
Attendu dès lors, qu'il n'y pas lieu de faire droit à la demande de communication de pièces et que les demandes des époux SO. seront donc rejetées ;
Attendu qu'en l'état de leur profil, puisque même s'ils ne sont pas des professionnels à proprement parlé, il ressort des diverses conversations produites qu'a. SO. consultait très régulièrement les médias spécialisés et entendait effectuer des arbitrages quelquefois contraires aux conseils de la banque, les actions engagées peuvent être qualifiées de fautives et entraîneront la condamnation des époux SO. au paiement à la banque d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Attendu que les époux SO., qui succombent, seront condamnés aux dépens des deux instances ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et, en premier ressort,
Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les numéros 2011/000067 et 2011/000068 ;
Dit que la société D. n'a pas manqué à son obligation d'information et de conseil dans le cadre de ses relations contractuelles avec p. SO. et a. BO. épouse SO. ;
Rejette la demande de communication de pièces formulée par p. SO. et a. BO. épouse SO. ;
Déboute p. SO. et a. BO. épouse SO. de toutes leurs demandes ;
Condamne p. SO. et a. BO. épouse SO. solidairement à payer à la société D. la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Rejette le surplus des demandes de la société D. ;
Condamne a. SO. aux dépens de l'instance n° 2011/00067 et p. SO. et a. BO. épouse SO., aux dépens de l'instance n° 2011/000068 avec distraction au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Monsieur Florestan BELLINZONA, Premier Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier.
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 13 MARS 2014, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.