Tribunal de première instance, 30 janvier 2014, SAM U c/ SA E

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Abstract🔗

Demande en paiement – Résistance abusive (oui)

Résumé🔗

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que la SAM U , a pu valablement effectuer plusieurs appels de fonds provisionnels dans ce cadre. Nonobstant l'établissement ultérieur d'un compte de clôture, la SAM U était parfaitement en droit de réclamer à la SA E selon lettre recommandée du 5 février 2013, la somme de 10.518,55 euros correspondant à la facture impayée du 22 mars 2012 pour 8.271,76 euros (appel de fonds n° 1 - décembre 2011), la facture impayée du 15 octobre 2012 pour 1.632,61 euros (appel de fonds n° 2- juillet 2012) et la facture impayée du 25 janvier 2013 pour 614,18 euros (appel de fonds n° 3 -octobre 2012), ces factures correspondant au montant des acomptes dus. Elle était également en droit d'agir en justice pour procéder au recouvrement de ces sommes. En conséquence, après établissement le 10 avril 2013 d'un compte de clôture en fin de chantier fixant définitivement la quote-part restant due par la SA E à la SAM U , la demanderesse peut valablement réclamer à la société défenderesse les intérêts au taux légal ayant couru sur la somme principale de 10.290,49 euros à compter du 5 février 2013, date de la mise en demeure et ce jusqu'au 18 juillet 2013, date de réception du chèque, soit au total la somme de 32,37 euros. La SAM U ayant dû faire l'avance des dépenses communes de chantier au titre du compte prorata, sans obtenir paiement des acomptes provisionnels dus par la SA E et ayant dû engager une action en justice pour faire valoir ses droits, a subi un préjudice qu'il convient d'indemniser par l'allocation d'une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

JUGEMENT DU 30 JANVIER 2014

En la cause de :

  • La société anonyme monégasque dénommée SAM U, au capital de 230.000 euros, immatriculée au RCI sous le n° 1X, (agissant en sa qualité de gestionnaire de comptes prorata), dont le siège social est sis 2X Monaco, poursuites et diligences de son administrateur délégué en exercice, y demeurant en cette qualité ;

DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'une part ;

Contre :

  • La société anonyme SA E, dont le siège social se trouve 3X - 81206 MAZAMET, prise en la personne de son gérant en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Philippe PERES, avocat au barreau de Castres,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit de saisie-arrêt, d'assignation et d'injonction du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 27 mars 2013, enregistré (n° 2013/000470) ;

Vu la déclaration originaire, de l'ÉTAT DE MONACO (Service des Travaux Publics), tiers-saisi, contenue dans ledit exploit ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SA E, en date des 29 juillet 2013 et 13 novembre 2013 ;

Vu les conclusions de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la SAM U, en date du 9 octobre 2013 ;

À l'audience publique du 28 novembre 2013, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 30 janvier 2014 ;

CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :

Dans le cadre de la construction du Lycée T par l'Etat de Monaco, il a été créé entre les différents entrepreneurs auxquels les lots ont été attribués, un « compte prorata » permettant de faire l'avance des dépenses d'intérêt commun engagées pour la réalisation des travaux (éclairage, eau, enlèvement de gravats, mesures de sécurité, voirie etc).

Ce « compte prorata », prévu par le Cahier des prescriptions spéciales (CPS) était géré par la SAM U (titulaire du lot « gros œuvre ») et les dépenses devaient être réparties entre les entrepreneurs participants, au prorata du montant de leurs travaux.

La SAM U , en sa qualité de gestionnaire du compte prorata, a réclamé à la SA E , titulaire du lot 13 B, une somme de 10.518,55 euros au titre du compte prorata selon décompte arrêté au 30 janvier 2013 et l'a mise en demeure de régler cette somme suivant courrier recommandé du 5 février 2013.

Contestant le taux d'approvisionnement applicable au compte prorata, la SA E n'a pas procédé au règlement.

Le 21 mars 2013, le Président du Tribunal de première instance a autorisé la SAM U à pratiquer une saisie-arrêt sur les sommes détenues par l'Etat de MONACO pour le compte de la SA E à concurrence de la somme évaluée provisoirement à 13.000 euros pour avoir sûreté, garantie et paiement de ladite somme.

Le 27 mars 2013, la SAM U a fait procéder à une saisie-arrêt et injonction au tiers saisi et a assigné l'État de MONACO et la SA E devant le tribunal de première instance de Monaco aux fins de :

  • - le voir déclarer régulière et valable la saisie-arrêt pratiquée ;

  • - le voir condamner la SA E au paiement des causes de la saisie ;

  • - dire que les sommes détenues par le tiers-saisi seront versées entre ses mains jusqu'à concurrence de sa créance ;

  • - condamner la SA aux entiers dépens distraits au profit de Me Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur.

L'État de Monaco (service des travaux publics) a déclaré « prendre acte de la saisie arrêt et être dans l'incapacité technique de répondre, s'engager à apporter une réponse dans les meilleurs délais après avoir consulté le service concerné ».

Le 16 juillet 2013, la SA E a procédé au règlement de la facture définitive établie le 10 avril 2013, soit la somme de 10.290,49 euros.

Par conclusions en date du 30 juillet 2013 et 13 novembre 2013, la SA E demande au tribunal de :

  • - constater que les sommes réclamées par la SAM U dans sa requête et assignation devant le tribunal de première instance est supérieure à celle de sa facture de clôture définitive du compte prorata du 10 avril 2013 ;

  • - lui donner acte de ce qu'elle a procédé au règlement de cette facture définitive pour la somme de 10.290,49 euros le 16 juillet 2013 ;

  • - rejeter toute autre demande de la SAM U ;

  • - la condamner à lui payer la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts ;

  • - la condamner aux entiers dépens distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA.

Elle soutient :

  • - que l'article 16 paragraphe 3.2 du cahier des clauses et conditions générales prévoit que le gestionnaire du compte prorata doit, en fin de marché, établir le compte prorata et indiquer à chaque entrepreneur sa quote-part ;

  • - que la SAM U l'a mise en demeure le 5 février 2013 de payer une somme prétendue définitive de 10.518,55 euros ;

  • - que postérieurement à l'engagement de la procédure de saisie et d'assignation en justice, la demanderesse a établi le 10 avril 2013 une « facture de clôture du prorata » d'un montant inférieur, soit 10.290,49 euros ;

  • - qu'elle a accepté d'en régler le montant ;

  • - que la SAM U a en outre exigé le versement d'une somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des frais de procédure, ce qu'elle a refusé estimant la présente procédure prématurée.

Par conclusions en réponse en date du 9 octobre 2013, la SAM U demande au tribunal de :

  • - donner acte à la SA E du paiement de la créance en principal d'un montant de 10.290,49 euros par chèque bancaire reçu le 18 juillet 2013 ;

  • - la condamner à lui payer la somme de 32,37 euros au titre des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 février 2013 jusqu'au paiement reçu le 18 juillet 2013 ;

  • - la condamner à lui payer la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur.

Elle fait valoir :

  • - qu'il était prévu au CPS que les règlements du compte prorata seraient à la charge des entrepreneurs conformément à un pourcentage soumis à l'arbitrage du maître d'œuvre et que l'entrepreneur responsable du prorata ferait les avances nécessaires pour le paiement des dépenses ;

  • - que les entreprises étaient tenues de verser entre ses mains, en sa qualité de gestionnaire, des acomptes susceptibles de contribuer au fonctionnement du compte prorata jusqu'à clôture dudit compte ;

  • - que le comité de gestion a déterminé les différents taux d'approvisionnement dû par les entreprises en fonction de l'avancement des travaux et de la production des situations ;

  • - qu'en application de ces taux et du montant du marché de la SA E, soit 310.940 euros, cette dernière était tenue de verser un acompte de 10.518,55 euros ;

  • - qu'elle a averti le Maître de l'ouvrage, l'État de MONACO, des défauts de paiement de la SA E dès le mois d'octobre 2012 ;

  • - qu'après l'avoir mis en demeure de régler la somme de 10.518,55 euros le 5 février 2013, elle n'a pourtant réussi à obtenir un paiement de la somme principale que le 18 juillet 2013, soit, après l'introduction de l'instance, la saisie arrêt et trois renvois dans le cadre de la présente procédure ;

  • - qu'elle est fondée à réclamer les intérêts ayant courus depuis le 5 février 2013 jusqu'au jour de réception du paiement, outre des dommages et intérêts pour résistance abusive.

SUR CE :

  • - sur la créance en principal

À titre liminaire, il convient de constater que la SA E a payé à la SAM U le montant de sa créance définitive en principal d'un montant de 10.290,49 euros par chèque bancaire reçu le 18 juillet 2013.

  • - sur les intérêts au taux légal et les dommages et intérêts pour résistance abusive

La SA E s'oppose à ces demandes estimant que l'action en justice engagée par la SAM U était prématurée et qu'il existait une contestation sur le taux de participation au compte prorata.

Cependant, ladite contestation a été formulée par courrier du 16 novembre 2012 et ne portait que sur le taux applicable à une des trois factures impayées d'un montant de 1.632,61euros, la défenderesse estimant n'avoir signé la convention que pour un taux de participation 2,60 % et non 2,69 %.

Mais il apparaît que ce dernier taux a été régulièrement fixé par le comité de gestion du compte prorata (cf compte rendu de réunion n° 8), au vu du bilan présenté par la SAM U arrêté au 31 août 2012 avec les prévisions des dépenses jusqu'à fin décembre 2012.

En outre, l'article 16 paragraphe 3-2 du cahier des clauses et conditions générales prévoit expressément que le gestionnaire du compte prorata, qui doit faire l'avance des frais d'intérêt commun du chantier, peut demander le versement d'acomptes aux entrepreneurs. Cette disposition contractuelle précise qu'en fin de marché, le gestionnaire établit le compte prorata et indique à chaque entrepreneur sa quote-part.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que la SAM U, a pu valablement effectuer plusieurs appels de fonds provisionnels dans ce cadre.

Le compte rendu de gestion du compte prorata n° 9 du 24 janvier 2013 indiquait que le gérant du compte prorata présentait au Comité de Gestion le bilan financier arrêté au 31 décembre 2012 avec les prévisions de dépenses jusqu'à fin février 2013, communiquait le tableau des provisions dues par chaque entrepreneur pour la période concernée au prorata du montant de leurs travaux et rappelait que le taux définitif du compte prorata serait calculé et communiqué à la clôture du compte sur la base de l'assiette définitive qui sera communiquée au « comité de gestion » par le service des travaux publics.

Il en résulte que, nonobstant l'établissement ultérieur d'un compte de clôture, la SAM U était parfaitement en droit de réclamer à la SA E selon lettre recommandée du 5 février 2013, la somme de 10.518,55 euros correspondant à la facture impayée du 22 mars 2012 pour 8.271,76 euros (appel de fonds n° 1 -décembre 2011), la facture impayée du 15 octobre 2012 pour 1.632,61 euros (appel de fonds n° 2- juillet 2012) et la facture impayée du 25 janvier 2013 pour 614,18 euros (appel de fonds n° 3 -octobre 2012), ces factures correspondant au montant des acomptes dus.

Elle était également en droit d'agir en justice pour procéder au recouvrement de ces sommes.

En conséquence, après établissement le 10 avril 2013 d'un compte de clôture en fin de chantier fixant définitivement la quote-part restant due par la SA E à la SAM U, la demanderesse peut valablement réclamer à la société défenderesse les intérêts au taux légal ayant couru sur la somme principale de 10.290,49 euros à compter du 5 février 2013, date de la mise en demeure et ce jusqu'au 18 juillet 2013, date de réception du chèque, soit au total la somme de 32,37 euros.

La SAM U ayant du faire l'avance des dépenses communes de chantier au titre du compte prorata, sans obtenir paiement des acomptes provisionnels dus par la SA E et ayant du engager une action en justice pour faire valoir ses droits, a subi un préjudice qu'il convient d'indemniser par l'allocation d'une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts.

  • - sur la validation de la saisie-arrêt

Dans la mesure où cette demande n'a pas été expressément abandonnée, il convient de valider, en tant que de besoin la saisie-arrêt diligentée par la SAM U pour les sommes restant dues.

  • - sur la demande de dommages et intérêts formée par la SA E et les dépens

Le tribunal ayant fait droit aux demandes de la SAM U en rejetant l'argumentation de la société défenderesse, sa demande en paiement de la somme de 2.500 euros pour procédure abusive sera nécessairement rejetée.

La SA E , partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens distraits au profit de Maître Arnaud ZALABDANO, avocat-défenseur.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort ;

Constate que la SA E a payé à la SAM U la somme de 10.290,49 euros correspondant à sa créance principale par chèque bancaire reçu le 18 juillet 2013 ;

Condamne la SA E à payer à la SAM U la somme de 32,37 euros correspondant aux intérêts au taux légal ayant couru du 5 février 2013 au 18 juillet 2013 ;

Condamne la SA E à payer à la SAM U la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Valide en tant que de besoin la saisie arrêt pratiquée le 21 mars 2013 par la SAM U entre les mains de l'Etat de MONACO pour les sommes restant dues en intérêts, dommages et intérêts et frais ;

Dit que les sommes détenues par le tiers-saisi pour le compte de la SA E seront versées entre les mains de la SAM U jusqu'à concurrence de sa créance ;

Rejette la demande de dommages et intérêts formée par la SA E ;

Condamne la SA E aux entiers dépens distraits au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Madame Stéphanie VIKSTRÖM, Premier Juge, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 30 JANVIER 2014, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Madame Aline BROUSSE, Magistrat référendaire faisant fonction de Substitut du Procureur Général, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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