Tribunal de première instance, 9 janvier 2014, Mme I.L c/ M. L.A

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Abstract🔗

Mariage - Action en contribution aux charges du ménage - Compétence territoriale de la juridiction monégasque (oui) - Action relative à l'état des personnes (non) - Indifférence de la notion de domicile conjugal - Lieu de naissance et d'exécution de l'obligation alimentaire - Domicile du créancier d'aliments

Résumé🔗

La demanderesse, mariée à Moscou sous le régime légal russe de la communauté de biens, demande la condamnation de son mari au paiement d'une contribution aux charges du ménage. Le défendeur invoque l'incompétence territoriale de la juridiction monégasque. Cependant, il ne s'agit pas ici d'une action relative à l'état d'un étranger qui a conservé un domicile de droit ou de fait dans son pays que l'article 4 du Code de procédure civile exclut de la compétence des tribunaux monégasques. En effet, le fondement de l'action est une obligation alimentaire entre les époux. En outre, la notion de domicile conjugal ne détermine pas la compétence en matière d'obligation alimentaire. Cependant, en application de l'article 3-2° du code précité, les juridictions monégasques sont compétentes pour connaître des actions fondées sur des obligations nées ou devant être exécutées en Principauté de Monaco. Le lieu d'exécution d'une obligation alimentaire étant le domicile du créancier d'aliments, soit en l'espèce Monaco, le juge monégasque est compétent pour connaître de la demande.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

JUGEMENT DU 9 JANVIER 2014

En la cause de :

  • Mme I.L (selon sa carte de résident Monégasque) ou L.O (selon l'acte ci-après visé de Maître H.R, Notaire, et la traduction de son acte de mariage) épouse I.L, née le 21 janvier 1978 à Taganrog (Russie), de nationalité russe, sans profession, demeurant et domiciliée à Monaco, 1X,

DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'une part ;

Contre :

  • M. L.A, né le 12 mars 1949 à Vank (Azerbaïdjan), de nationalité russe, Administrateur de société, demeurant et domicilié à Monaco, 2X,

DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Yves ROUSSARIE, avocat au barreau de Nice,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 25 avril 2013, enregistré (n° 2013/000466) ;

Vu les conclusions de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, au nom de L.A, en date des 6 juin 2013 et 17 septembre 2013 ;

Vu les conclusions de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de I.L (ou LO) épouse AY, en date des 30 juillet 2013 et 9 octobre 2013 ;

À l'audience publique du 31 octobre 2013, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 12 décembre 2013 et prorogé au 9 janvier 2014, les parties en ayant été avisées par le Président ;

CONSIDERANT LES FAITS SUIVANTS :

Le 21 décembre 2010, I.L épousait L.A à Moscou, selon le régime légal russe de la communauté de biens ;

Aucun enfant n'est issu de leur union ;

Par exploit en date du 25 avril 2013, I.L a fait assigner L.A par-devant le Tribunal de céans aux fins de le voir condamné à lui verser une somme mensuelle de 25.000 euros avec indexation, à titre de contribution aux charges du ménage ;

Elle fait valoir en substance que son époux l'a abandonnée et ne remplit pas ses obligations relatives aux charges du ménage ;

Elle précise également que le défendeur disposerait d'un patrimoine très important ;

En réponse, L.A a soulevé in limine litis l'incompétence territoriale des juridictions monégasques, faisant valoir qu'il ne réside pas en Principauté de Monaco et qu'en application de l'article 4 du Code de procédure civile, la compétence des tribunaux moscovites doit être constatée du fait qu'il a conservé à Moscou un domicile de droit et de fait ;

Il déclare n'avoir effectué en Principauté de Monaco que des séjours épisodiques et ne plus s'y être rendu depuis le mois de novembre 2012 ;

Il indique ne pas avoir rendu sa carte de séjour par oubli au vu de son état de santé et considère qu'en tout état de cause, le fait qu'il détienne ou non un titre de résidence est distinct de la notion juridique de résidence ou de domicile ;

Il fait en outre valoir que le Tribunal de l'arrondissement de Tverskoï de la ville de Moscou a prononcé la nullité du mariage entre les parties, lequel serait devenu définitif ;

En réponse, I.L demande au Tribunal de se déclarer compétent, faisant valoir que le domicile de L.A doit être déterminé selon la loi du for, qu'il ne peut s'agir en application de l'article 78 du Code de procédure civile que du lieu où la personne à son principal établissement et qu'en application de l'article 187 du même code, la résidence de la famille est nécessairement le principal établissement, laquelle se trouverait en Principauté de Monaco ;

Elle considère en outre que le défendeur n'a pas sollicité l'avis de son épouse pour quitter ou changer le domicile conjugal et qu'il n'a pas restitué sa carte de résident ;

Elle estime par ailleurs que le centre des intérêts de L.A n'est pas nécessairement Moscou en ce qu'il possède de nombreux biens immobiliers à Monaco, en France et en Russie ;

Deux jours avant l'audience fixée pour plaidoiries sur la question de la compétence des juridictions monégasques, elle communiquait un acte d'appel de la décision moscovite d'annulation du mariage ;

Lors de l'audience, le conseil de L.A indiquait ne pas s'opposer à cette communication, l'affaire n'étant pas plaidée sur le fond ;

SUR QUOI :

Attendu qu'aux termes de l'article 2 du Code de procédure civile, les Tribunaux de la Principauté connaissent de toutes les actions intentées contre un défendeur domicilié dans la Principauté, sauf l'exception prévue à l'article 4 ;

Qu'aux termes dudit article 4, les tribunaux monégasques ne peuvent connaître des actions relatives à l'état d'un étranger, lorsque cet étranger décline leur compétence conformément à l'article 262 et justifie avoir conservé dans son pays un domicile de droit et de fait devant les juges duquel la demande pourrait être utilement portée ;

Attendu que le fondement même de la demande dont le Tribunal est saisi est une obligation alimentaire entre les époux ;

Que si cette obligation repose sur le fait que les parties soient mariées, la demande n'est pas relative à l'état des personnes d'un étranger ;

Qu'ainsi, l'article 4 du Code de procédure civile ne peut trouver application ;

Attendu que la notion de domicile conjugal ne détermine pas la compétence en matière d'obligation alimentaire ;

Attendu qu'au terme de l'article 3-2° du Code de procédure civile, les juridictions monégasques sont compétentes pour connaître des actions fondées sur des obligations nées ou devant être exécutées en Principauté de Monaco ;

Qu'il est admis que le lieu d'exécution d'une obligation alimentaire est le domicile du créancier d'aliment, soit en l'espèce Monaco ;

Attendu qu'il résulte de ces considérations qu'il convient de débouter L.A de son exception déclinatoire de compétence, et de déclarer les juridictions monégasques compétentes en application de l'article 3-2° du Code de procédure civile ;

Qu'il convient donc de renvoyer l'affaire pour conclusions au fond de M. L.A ;

Et attendu qu'il convient de réserver les dépens en fin de cause ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déboute L.A de son exception d'incompétence ;

Renvoie l'affaire et les parties à l'audience du MERCREDI 12 FÉVRIER 2014 à 9 heures pour conclusions au fond de M. L.A ;

Réserve les dépens en fin de cause ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Monsieur Florestan BELLINZONA, Premier Juge, Madame Sophie LEONARDI, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Nadine VALLAURI, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 9 JANVIER 2014, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

PRINCIPAUTÉ DE MONACO

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