Tribunal de première instance, 19 décembre 2013, Mme T D V c/ M. P B
Abstract🔗
Association - Personnalité morale - Engagement personnel de l'administrateur agissant pour le compte de l'association (non)
Résumé🔗
Le fait pour une personne d'avoir initié et conduit des pourparlers pour le compte d'une association dotée de la personnalité morale dont elle est membre, ne l'engage pas personnellement, les prestations devant être réglées sur les fonds de l'association.
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
JUGEMENT DU 19 DÉCEMBRE 2013
En la cause de :
Mme T D V, née le 15 août 1966 à Beira (Mozambique), de nationalité portugaise, exerçant la profession de X, demeurant et domiciliée X à Monaco,
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Thierry LACOSTE, avocat au barreau de Paris,
d'une part ;
Contre :
M. P B, né le 22 novembre 1948 à Batavia (Indonésie), de nationalité néerlandaise, demeurant « X » - X (98000),
DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Elie COHEN, avocat au barreau de Nice,
d'autre part ;
Visa🔗
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 4 mars 2013, enregistré (n° 2013/000380) ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de P B, en date du 15 mai 2013 ;
À l'audience publique du 7 novembre 2013, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 19 décembre 2013 ;
Motifs🔗
FAITS
P B, membre du Conseil d'administration de l'ASSOCIATION G. a pris contact avec T D V afin qu'elle présente la soirée annuelle de Gala de l'Association prévue le 7 avril 2011 dans le cadre de X à Monaco.
Par un courrier électronique en date du 16 mars 2011, P B, qui était en charge de l'organisation de cette manifestation, confirmait l'accord de T D V, moyennant une rémunération de 15.000 euros, outre le paiement de tous les frais afférents au déplacement.
Une rencontre à PARIS entre T D V et P B était prévue afin de discuter plus en détail du projet.
Dès le 23 mars 2011, T D V indiquait qu'elle s'était rapprochée de la télévision belge afin que son déplacement à Monaco et son intervention lors de la soirée soient filmés par la chaîne.
Le 24 mars 2011, il était répondu à T D V que la présence des journalistes belges pendant la manifestation ne pouvait pas être acceptée sans l'accord préalable du service de presse du Palais et celui de la Présidente de l'association G..
Le 28 mars 2011, T D V demandait par courrier électronique à P B le virement de la somme de 15.000 euros sur son compte monégasque dont elle fournissait les coordonnées.
Le 1er avril 2011, elle adressait un nouveau message électronique à P B, et s'inquiétait auprès de lui de ne plus avoir de nouvelles.
Le 7 avril 2011, soit le jour du Gala, le conseil de T D V adressait à P B un courrier le mettant en demeure de régler dans les huit jours la somme de 30.000 euros à T D V, correspondant au montant de sa prestation et à une somme supplémentaire de 15.000 euros destinée à réparer son préjudice d'image.
Selon exploit en date du 4 mars 2013, T D V a fait assigner P B afin que le Tribunal :
- constate la résiliation fautive du contrat conclu entre les parties aux torts exclusifs de P B ;
- condamne P B, sous le bénéfice de l'exécution provisoire,
. à lui verser à titre de dommages et intérêts les sommes de 30.000 euros en réparation des préjudices consécutifs à la rupture du contrat, et 5.000 euros pour résistance abusive,
. aux dépens.
Au soutien de ses demandes, elle invoque les dispositions de l'article 989 du Code civil consacrant le principe de la force obligatoire des contrats, en faisant valoir que P B a violé ses engagements contractuels tels qu'ils ressortaient pourtant d'un courrier électronique non équivoque en date du 16 mars 2011.
Elle estime que son droit à réparation repose sur les dispositions de l'article 997 du Code civil monégasque et qu'elle a subi des dommages de diverses natures puisqu'elle avait réservé un billet d'avion et un hôtel, avait pris contact avec une maison de couture qui devait lui prêter une tenue pour la soirée, s'était engagée auprès de la télévision belge qui devait la filmer pendant toute le temps de la manifestation et de sa préparation, et avait dû renoncer à la proposition d'une marque de joaillerie espagnole. En outre, elle estime que sa réputation a été entachée par son éviction brutale du Gala.
Par des conclusions en réponse en date du 15 mai 2013, P B conclut au principal à l'irrecevabilité de l'action introduite à son encontre par T D V, et subsidiairement au débouté de celle-ci en ses demandes.
Il expose qu'il n'est pas intervenu à titre personnel auprès de T D V, mais à titre de membre du Conseil d'administration de l'association G., qui est une Organisation Non Gouvernementale dotée d'un statut consultatif auprès de l'UNICEF, de l'UNESCO, du Conseil économique et social et d'un statut participatif au sein du Conseil de l'Europe. L'assignation a donc été erronément délivrée à son encontre dans la mesure où il n'est intervenu qu'en sa qualité de représentant de l'association G..
Sur le fond, il soutient que T D V ne verse aux débats aucun élément probant démontrant la réalité d'un accord contractuel. Par ailleurs, l'accord du service de presse du Palais n'ayant pas été donné, pas plus que celui de la Présidente de l'association G. quant à la présence de la télévision belge, le principe même de l'accord avait été remis en question.
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'action
L'article 7 de la loi n° 1.355 du 23 décembre 2008 prévoit que « toute association souhaitant acquérir la capacité morale et la personnalité juridique prévues par l'article 5 doit être déclarée et rendue publique ».
Il ressort en outre de l'article 23 des statuts de l'association G., autorisés par arrêté ministériel en date du 6 janvier 1964 et modifiés par décision de l'Assemblée Générale du 7 avril 1990 et 24 avril 2003 et rédigés conformément à la loi précitée concernant les associations et les Fédérations d'association que « l'Association est représentée en justice, tant en demande qu'en défense, et dans tous les actes de la vie civile, par son Président ou son Vice-Président ou par le Secrétaire Général ou par tout autre personne désignée à cet effet par le Conseil d'Administration ».
Ainsi, il s'avère que l'association G., association régulièrement déclarée et dotée de la personnalité juridique, devait être citée en tant qu'entité autonome pouvant agir ou se défendre en justice, le nom d'une personne physique n'étant mentionné qu'en tant que représentant de l'entité titulaire de droits. Ainsi, l'assignation aurait dû viser l'association G., personne morale, prise en la personne de son Président, Secrétaire ou tout autre personne qui aurait été désignée à cet effet par le Conseil d'administration.
Le simple fait que P B ait pris contact avec T D V et ait conduit les pourparlers avec elle pour le compte de l'Association dont il faisait partie en sa qualité d'organisateur du Gala annuel, ne suffit pas à l'engager personnellement, d'autant plus qu'il n'est nullement contesté que le paiement à T D V de sa prestation devait intervenir sur les fonds de l'Association et non sur les fonds propres de l'administrateur.
Ainsi, la demande en justice, formée à l'encontre de P B, personne physique, doit être déclarée irrecevable.
Sur les dépens
T D V qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux dépens de l'instance.
Dispositif🔗
PAR CE MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort,
Déclare irrecevable l'action intentée par T D V à l'encontre de P B ;
Condamne T D V aux dépens, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Stéphanie VIKSTRÖM, Premier Juge, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 19 DECEMBRE 2013, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.