Tribunal de première instance, 19 décembre 2013, M. S. G. c/ M. M. C et la société W.

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Abstract🔗

Prêt - Preuve - Remise de fonds rémunérée par des intérêts - Restitution du capital (oui) - Déduction des intérêts servis (non) - Solidarité du dirigeant et de la société bénéficiaire (oui) - Confusion des patrimoines - Exécution du prêt - Responsabilité de l'emprunteur - Manquement à l'obligation de remboursement - Résistance abusive – Indemnisation du préjudice matériel du prêteur.

Résumé🔗

La remise d'un chèque au bénéfice d'une société offshore, en vue de profiter des intérêts produits par la somme, doit être qualifiée de prêt à intérêt. Le prêteur est donc fondé à réclamer la restitution du capital prêté, sans qu'il y ait lieu de déduire les sommes reçues à titre d'intérêts. S'il n'est pas établi que la société bénéficiaire n'aurait pas d'existence juridique, il n'en demeure pas moins que les intérêts ont été servis à la faveur de prélèvements sur les comptes de plusieurs sociétés au sein desquels le dirigeant a des intérêts. Cette circonstance milite, sinon pour une fictivité de la société, à tout le moins pour une confusion des patrimoines, de sorte que le dirigeant doit être déclaré solidaire avec la société bénéficiaire du prêt.

S'il est vrai que le prêteur a commis une imprudence en remettant à titre de prêt à intérêt, une somme conséquente à une personne qu'il ne connaissait pas personnellement, il n'en demeure pas moins que l'emprunteur a fait montre d'une résistance abusive alors qu'il ne conteste pas son obligation de restitution. Le prêteur doit donc être indemnisé de son préjudice matériel résultant de la nécessité de supporter le coût de procédures judiciaire, à hauteur de 10 000 euros.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

JUGEMENT DU 19 DÉCEMBRE 2013

En la cause de :

  • M. S. G., né le 27 mai 1975 à Albi (81) France, de nationalité française, jardinier, domicilié et demeurant X (83120) France,

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'une part ;

Contre :

  • 1 - M. M. C., demeurant et domicilié X - Italie, et en tant que de besoin, demeurant et domicilié à Monaco (98000) X,

  • 2 - La société W. (en fait SA), ayant son siège social aux Iles Vierges Britanniques X3, prise en la personne de son administrateur en exercice, y domicilié en cette qualité,

DÉFENDEURS, ayant élu domicile en l'étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit de saisie-arrêt, d'assignation et d'injonction du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 7 novembre 2012, enregistré (n° 2013/000203) ;

Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 16 mai 2013 ayant notamment renvoyé la cause et les parties à l'audience du mercredi 19 juin 2013 ;

Vu les conclusions de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de M C et de la société W. (en fait SA), en date des 19 juin 2013 et 9 octobre 2013 ;

Vu les conclusions de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de S G, en date du 11 juillet 2013 ;

À l'audience publique du 7 novembre 2013, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 19 décembre 2013 ;

FAITS ET PROCÉDURE

Sur requête aux fins de saisie-arrêt, le Président du Tribunal de première instance de Monaco a par ordonnance du 26 octobre 2012, autorisé M. S. G. à faire pratiquer une saisie-arrêt auprès de l'établissement bancaire D., à concurrence de la somme de 160.000 euros, sur toutes sommes ou valeurs dues à M. C. et/ou à la société W., et ce pour avoir sûreté, garantie et paiement de ladite somme, montant auquel a été évaluée provisoirement la créance du requérant en principal, frais et accessoires, sauf à parfaire ou à diminuer.

Par acte d'huissier en date du 7 novembre 2012, M. S. G. a fait signifier saisie-arrêt à l'établissement bancaire D. et fait assigner M. M. C. et la société W., aux fins que :

  • le tiers saisi fasse la déclaration prévue à l'article 500-1 du Code de procédure civile,

  • la saisie-arrêt soit validée et les défendeurs condamnés à lui payer les causes de la saisie ainsi qu'aux dépens avec distraction au profit de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Par jugement avant dire droit en date du 16 mai 2013, le Tribunal a rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par M. M. C. et la société W. et a condamné M. M. C. à verser à M. S. G. la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour manœuvres dilatoires.

Après échanges de conclusions entre les parties, l'affaire a été plaidée à l'audience du 7 novembre 2013.

M. S. G. demande au Tribunal, qu'il a saisi aux fins de validation de la mesure de saisie-arrêt :

  • de condamner solidairement M. M. C. et la société W. sous le bénéfice de l'exécution provisoire au paiement de la somme de 150.000 euros, outre intérêts de droit au taux légal à compter du commandement de payer du 26 novembre 2010 jusqu'à parfait paiement,

  • de les condamner solidairement au paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive à paiement et pour les préjudices matériel et moral,

  • d'ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1009 du Code civil ;

  • de débouter M. M. C. et la société W. de l'intégralité de leurs demandes contraires,

  • de condamner solidairement M. M. C. et la société W. aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

M. S. G. expose :

  • que désireux d'effectuer un investissement lucratif en Principauté de Monaco, il a remis le 1er mars 2008, à Monaco, un chèque de 150.000 euros à l'ordre de la société W. entre les mains de M. M. C. représentant légal et bénéficiaire économique de cette société, lequel lui avait été présenté par des amis, les époux C., comme spécialisé dans les investissements sur les marchés de métaux précieux depuis de très nombreuses années, et lui avait assuré des retours de l'ordre de 20 % par an, en toute sécurité pour son capital d'origine,

  • que M. M. C. lui a versé le 15 juin 2008 une somme de 7.500 euros à titre de bénéfices correspondant à une rémunération de 5 % de l'investissement et s'est abstenu de restituer la somme de 150.000 euros, ainsi que cela avait été prévu dans les accords initiaux,

  • que face à l'inertie de M. M. C., après commandement de payer, il a déposé une plainte auprès du Procureur Général, qui a été classée sans suite, puis s'est constitué partie civile devant le Juge d'instruction, qui a finalement rendu une ordonnance de non lieu le 13 juillet 2012, confirmée par la Cour d'appel le 9 octobre 2012,

  • qu'à ce jour, la somme investie de 150.000 euros n'a toujours pas été restituée, alors que dans le cadre de l'instruction, M. M. C. a reconnu lui devoir la somme de 150.000 euros à titre principal en exécution d'un prêt.

Pour répondre aux arguments de M. M. C. et de la société W. et à la demande tendant à la mise hors de cause de M. M. C., M. S. G. fait valoir :

  • qu'il est inexact de prétendre qu'il aurait pu consentir un prêt à une société étrangère fantôme, en ce qu'elle n'a ni bureau, ni activité, ni encore moins de comptabilité, comme cela a pu être constaté au cours de la procédure pénale, et qu'elle remplit le rôle d'écran dans le montage créé de toutes pièces par M. M. C. pour dissiper les fonds litigieux, en utilisant comme façade de confiance une société anonyme monégasque dénommée O. exerçant dans le domaine du ciment, de l'import-export de métaux ou de matières combustibles,

  • que les sommes versées sont indues et non causées,

  • que M. M. C. et sa société W. ont agi de concert, précision faite que celui-ci exerçait le commerce en Principauté sans autorisation, ce qui n'a pas manqué d'attirer l'attention du Gouvernement princier qui lui a demandé de régulariser l'objet social de la SAM O., autre société avec laquelle il était censé travailler et œuvrer en Principauté de Monaco,

  • que la fictivité d'une société et son interposition frauduleuse entraînent sa nullité et ne sauraient produire aucun effet à son égard, victime de bonne foi de ces montages abusifs, alors que son consentement a été obtenu par dol au moment du chèque,

  • qu'il a fallu attendre le 19 juin 2013 pour que M. M. C. pour la première fois, demande sa mise hors de cause, alors que dans le cadre de l'information judiciaire, il a reconnu lui devoir la somme de 150.000 euros, ce qui constitue un aveu judiciaire.

M. M. C. et la société W. demandent au Tribunal :

  • de rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de M. S. G.,

  • d'ordonner la mise hors de cause de M. M. C.,

  • de donner acte à la société W., de ce qu'elle reconnaît être débitrice de la somme de 117.500 euros envers M. S. G.,

  • de dire que la société W. pourra bénéficier des dispositions prévues par l'article 1099 du Code civil et lui accorder un échéancier le plus large possible tenant compte de ses ressources et des charges actuelles,

  • de condamner M. S. G. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

M. M C et la société W. soutiennent pour l'essentiel :

  • que le chèque a été établi au nom de la société W. et encaissé par la société W. à titre de prêt, après avoir été remis par l'intermédiaire d'un dénommé M. C. ami de M. S. G. et que M. M. C. s'est contenté de signer un reçu pour le compte de la société W. et n'est donc qu'un tiers dans les relations qui unissent M. S. G. à la société W.,

  • que la société W. reconnaît avoir reçu ce chèque à titre de prêt afin de développer ses activités qui a à ce jour remboursé à M. S. G. la somme de 32.500 euros, ainsi que M. S. G. l'a reconnu lui-même, dans le cadre de la plainte qu'il a déposée entre les mains de Monsieur le Procureur Général,

  • que la société W. qui exerce dans le secteur de la métallurgie, a été durement frappée par la crise et n'est pas en mesure de régler à M. S. G. le solde de sa dette, en un seul versement,

  • que M. S. G. ne peut prétendre que la société W. est une société fictive, alors que sont versées aux débats, des pièces qui démontrent de manière irréfutable son existence et son activité,

  • que la responsabilité d'une société ne peut automatiquement être étendue à ses dirigeants, sauf à démontrer la faute du dirigeant dans l'exercice de ses fonctions.

SUR CE

  • - Sur la demande principale

Il s'agit d'une demande dirigée à la fois contre M. M. C. et la société W. en restitution de la somme de 150.000 euros, à laquelle il est opposé qu'il s'agit d'un prêt auquel M. M. C. est étranger consenti à la seule société W.

Il est constant qu'en application de l'article 1162 du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, tandis que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation.

Au soutien de ses prétentions, M. S. G. produit :

  • un chèque de 150.000 euros, tiré sur son compte, le 1er mars 2008, établi à l'ordre de la sociétéW.,

  • un reçu sur un document à en-tête de la société W., signé par M. M. C. au-dessus de la mention « W. SA Managing Director » ainsi libellé « Aujourd'hui 04 mars 2008, je soussigné M. C. reçu la somme de 150.000 euros de M. G. S., à rendre avant 15 juin 2008 »,

  • un chèque tiré sur la Deutsche Bank signé par M. M. C., d'un montant de 150.000 euros libellé au nom de M. S. G., daté du 4 mars 2008, présenté comme étant un chèque de garantie,

  • un reçu sur un document à en-tête de la société W., signé par M. M. C. au-dessus de la mention « W. SA Managing Director » ainsi libellé « Aujourd'hui 01 février 2009, je soussigné M. C. reçu la somme de 150.000 euros de M. G. S., à rendre avant 15 mai 2009, avec intérêt plus 7.500 euros »,

  • le commandement de payer délivré par ses soins à M. M. C. le 26 novembre 2010, portant sur la somme de 150.000 euros, les intérêts à compter du 1er mars 2008 et la somme de 7.500 euros outre les frais,

  • la justification de la plainte déposée par lui auprès de Monsieur le Procureur Général le 11 janvier 2011, contre M. M. C., pour escroquerie, abus de confiance et exercice illégal d'activités financières réglementées, dans laquelle il indique qu'il a perçu la somme de 32.500 euros au titre des intérêts sur la première année et ensuite plus rien, ainsi que l'avis de classement sans suite de cette plainte,

  • la justification de la plainte avec constitution de partie civile déposée devant le Juge d'instruction le 19 décembre 2011, l'ordonnance de non lieu du 13 juillet 2012 sur l'inculpation de M. M. C. pour abus de confiance et escroquerie, l'arrêt confirmatif de la Cour d'appel du 9 octobre 2012 et quelques pièces pénales (auditions de M. M. C. et procès-verbal de confrontation).

Il ressort de l'ensemble de ces éléments et notamment des auditions de M. M. C. au cours de la procédure pénale, que ce dernier a reconnu avoir « encaissé le chèque sur le compte d'une société offshore W. SA dont [il est] bénéficiaire économique » et que « ce prêt a été fait au nom de cette société offshore car M. G. S. préférait selon André C.] faire ce prêt à une société ».

En outre, M. M. C. a prétendu initialement, qu'il avait rendu une partie du capital, à savoir 120.000 euros, avec en plus 70.000 euros ou 80.000 euros d'intérêts, en espèces provenant de comptes bancaires en Italie, en Algérie et à Monaco en précisant qu'à Monaco, les espèces ont été sorties des comptes ouverts au nom de O. et de W. au D..

Cependant l'enquête a révélé que M. C., qui a servi d'intermédiaire pour recueillir le chèque de 150.000 euros et le remettre à M. M. C., puis pour verser à M. S. G., en espèces, les intérêts échus, n'a pas confirmé les déclarations de M. M. C. mais plutôt celles de M. S. G., ce qui signifie que M. M. C. n'a versé que 32.500 euros d'intérêts, comme reconnu par M. S. G. dans sa plainte auprès de Monsieur le Procureur Général, somme que la société W. prétend aujourd'hui déduire de sa reconnaissance de dette.

Ainsi et même si M. S. G. persiste à déclarer qu'il s'agissait pour lui d'un investissement et non d'un prêt, il est démontré qu'en remettant ce chèque libellé au nom de la société W. à l'attention de M. M. C., M. S. G. entendait profiter des intérêts produits par cet argent et devant s'élever à 20 % l'an, ce qui a été effectivement le cas la première année, et qui constitue la définition même d'un prêt à intérêts, étant observé que l'enquête pénale permet de comprendre que le deuxième reçu concernant la même somme presque un an après le premier reçu, vient conforter le renouvellement de ce prêt.

Dès lors, M. S. G. est bien fondé à réclamer le capital de 150.000 euros, sans qu'il y ait lieu de déduire les intérêts déjà perçus.

En outre, l'enquête pénale a permis d'établir que M. M. C. a reconnu lui-même, que l'argent lui a été prêté en contrepartie d'intérêts, ce dernier expliquant que le chèque a été libellé au nom de la société W., société offshore, parce que M. S. G. préférait faire ce prêt à une société.

Aujourd'hui, M. M. C. soutient n'être intervenu qu'en tant que représentant de la société W. et verse aux débats, pour s'opposer à la fictivité alléguée de la société W., un certificat de conformité de la société W. conformément aux lois des Iles Vierges Britanniques, des factures émises par la société W. de 2002 à 2009 et des paiements effectués sur le compte de la société W. au D. de Monaco (pièces 7 à 16 des défendeurs, à l'exclusion de la pièce n° 6 qui ne peut être considérée comme une facture émise par la société W.), étant constaté que M. M. C. précise dans son audition par la Sûreté publique, que la société W. n'a qu'un seul compte bancaire et qu'il est à Monaco.

Si la société W., dont les statuts ne sont néanmoins pas produits, apparaît avoir une existence juridique depuis l'année 1999, il n'en demeure pas moins que pour l'opération conclue avec M. S. G., M. M. C. a reconnu être le bénéficiaire de la somme de 150.000 euros et a versé à M. S. G. des intérêts prélevés sur le compte monégasque de la société W., le compte monégasque de la SAM O. dont il se dit président délégué, le compte italien de ITALCO SRL dont il est associé minoritaire, le compte algérien de H. SRL société algérienne dont il est associé majoritaire, ce qui tend à donner du crédit à l'affirmation de M. S. G. quant à la fictivité de ces sociétés et plus exactement sur la confusion de leurs patrimoines avec celui de M. M. C.

À cet égard, il est observé que ce dernier a déclaré devant le juge d'instruction que « W. …. est une offshore pour travailler avec l'Algérie. Le siège est aux BVI ; elle n'a pas de comptabilité ni de bureaux. Il n'y a aucune relation entre W. et O. », ce qui rend alors incompréhensible le prélèvement d'espèces sur le compte de la SAM O. pour régler les intérêts d'un prêt souscrit par la société W., sauf à conforter la confusion de patrimoines entretenue par M. M. C.

Dès lors, M. M. C. sera déclaré débiteur solidaire avec la société W. qui se reconnaît débitrice au titre du prêt de 150.000 euros.

La somme de 150.000 euros ayant été réclamée à M. M. C. dans le commandement de payer délivré le 26 novembre 2010, outre les intérêts depuis le 1er mars 2008 et la somme de 7.500 euros figurant dans le reçu du 1er février 2009, M. S. G. est dès lors fondé à réclamer les intérêts au taux légal sur la somme de 150.000 euros à compter du 26 novembre 2010, tant à M. M. C. qu'à la société W. au regard de la confusion des patrimoines entretenue par M. M. C.

  • - Sur les dommages-intérêts

M. S. G. sollicite des dommages-intérêts en s'appuyant sur les manœuvres dolosives employées par M. M. C. pour l'empêcher d'obtenir le remboursement des sommes qui lui sont dues, notamment en interposant la société W., sur le préjudice matériel résultant de la privation de l'intégralité de ses économies depuis 2008 et des frais qu'il a dû supporter dans les procédures engagées, et enfin sur le préjudice moral reposant sur la confiance trahie qu'il avait placée en M. M. C., lequel persiste à multiplier les manœuvres pour s'opposer au paiement.

L'article 234 du Code de procédure civile énonce qu'indépendamment des dépens, des dommages et intérêts peuvent être demandés et alloués conformément à l'article 1229 du Code civil, ce qui suppose la double preuve d'un préjudice et d'une faute, outre du lien de causalité entre les deux.

Il est constaté que M. S. G. a remis en mars 2008, la somme de 150.000 euros à M. M. C. de manière imprudente, s'agissant d'une personne qu'il ne connaissait pas présentée par un ami, afin d'en retirer des intérêts très attractifs, qu'il a bénéficié d'intérêts très intéressants la première année et depuis tente vainement de recouvrer le capital, alors pourtant que M. M. C. dans le cadre de l'information judiciaire et la société W. au cours de la présente procédure, ont reconnu devoir ladite somme, après déduction de celle de 32.500 euros.

En considération de ces éléments, il n'est fondé qu'à réclamer la réparation du préjudice matériel résultant de la nécessité de supporter le coût des procédures engagées pour recouvrer la somme qui lui est due et que M. M. C. et la société W. résistent à rembourser, M. M. C. soutenant même qu'il n'est pas personnellement tenu.

En conséquence, M. M. C. et la société W. seront solidairement condamnés à verser à M. S. G. la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts.

  • - Sur la capitalisation des intérêts

M. S. G. sollicite la capitalisation des intérêts sur l'intégralité des sommes auxquelles M. M. C. et la société W. seront condamnés.

Conformément à l'article 1009 du Code civil selon lequel les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts par demande judiciaire, M. S. G. est bien fondé à obtenir la capitalisation des intérêts échus.

  • - Sur la demande de délai de paiement

Selon les dispositions de l'article 1099 du Code civil, les juges peuvent en considération de la position du débiteur et en usant de ce pouvoir avec une grande réserve, accorder des délais modérés pour le paiement, et surseoir à l'exécution des poursuites.

La société W., qui reconnaît devoir la somme de 117.500 euros à M. S. G. et qui argue de difficultés financières, sollicite l'échéancier le plus large possible tenant compte de ses ressources et de ses charges, pour s'acquitter de sa dette.

Il est cependant constaté que la société W. ne produit aucun élément concernant sa situation financière et elle sera donc déboutée de sa demande de délai de paiement.

  • - Sur la validation de la saisie-arrêt

En vertu de la saisie-arrêt opérée et dans sa déclaration complémentaire du 22 novembre 2012, l'Établissement bancaire D. a déclaré détenir au nom de M. M. C. :

  • un compte courant présentant un solde créditeur de 900,90 euros,

  • un compte titres évalué à 15.106 euros au 7 novembre 2012.

Pour la société W., l'Établissement bancaire D. a déclaré détenir :

  • un compte courant créditeur de 2.545,14 euros, porté à 2.427,14 euros,

  • un compte carte bancaire débiteur de 1.043,03 euros, porté à 1.866,08 euros.

Au regard de la disponibilité de fonds auprès de cet établissement bancaire tiers saisi, dont certains constitutifs de valeurs mobilières, il y a lieu de valider la saisie-arrêt pratiquée le 7 novembre 2012 et d'ordonner la vente des titres par application des articles 562 et suivants du Code de procédure civile, en désignant à cet effet Maître h. Y., Notaire.

  • - Sur l'exécution provisoire

Selon les dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile, l'exécution provisoire est ordonnée par le tribunal, à la demande des parties, s'il y a titre authentique, promesse reconnue ou condamnation précédente par jugement dont il n'y a point appel. Elle peut être ordonnée également, dans tous les cas d'urgence.

Il est constaté que dans la présente procédure, la société W. se reconnaît débitrice de la somme de la somme de 117.500 euros envers M. S. G.

Il convient donc d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision à l'égard de la société W. à hauteur de 117.500 euros.

  • - Sur les dépens

M. M. C. et la société W. qui succombent dans la présente procédure, seront solidairement condamnés aux dépens, avec distraction au profit de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort,

Condamne solidairement M. M. C. et la société W. à verser à M. S. G. la somme de 150.000 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2010 ;

Condamne solidairement M. M. C. et la société W. à verser à M. S. G. la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Ordonne la capitalisation des intérêts échus sur ces sommes ;

Déboute la société W. de sa demande de délai de paiement ;

Déclare régulière et valide à hauteur de cette condamnation, outre intérêts, frais et accessoires, la saisie-arrêt pratiquée le 7 novembre 2012 entre les mains de l'Établissement bancaire D. ;

Commet Maître h. Y., Notaire, pour faire procéder à la vente des titres saisis et dit que cette vente aura lieu sur le marché auprès duquel les titres ont été acquis, en vue du paiement de cette créance ;

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision à l'égard de la société W. à hauteur de la somme de 117.500 euros ;

Déboute M. S. G. du surplus de ses demandes ;

Condamne solidairement M. M. C. et la société W. aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge, Madame Patricia HOARAU, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 19 DÉCEMBRE 2013, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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