Tribunal de première instance, 31 octobre 2013, Madame A. V. H. c/ SARL E
Abstract🔗
Procédure civile - Assignation introductive d'instance - Désignation incorrecte du co-contractant - Nullité (oui).
Résumé🔗
L'assignation est nulle en raison de la désignation erronée du co-contractant, en application des articles 136-2° et 155 du Code de procédure civile.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
JUGEMENT DU 31 OCTOBRE 2013
En la cause de :
Mme A. V. H., née le 1er novembre 1955 à ALGER (ALGERIE), de nationalité française, demeurant X1 à Monaco,
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Alexis MANCILLA avocat au barreau de Nice,
d'une part ;
Contre :
La Société à Responsabilité Limitée E., immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris, sous le n° X, dont le siège est sis X2 à Paris (75012), architecte d'intérieur, exerçant notamment à l'enseigne « R », prise en la personne de son gérant en exercice, Monsieur C. D. N., demeurant en cette qualité audit siège,
Et en tant que de besoin, ladite SARL E, dont l'établissement principal est sis X3 Cannes, prise en la personne de son gérant en exercice, Monsieur C. D. N.,
DÉFENDERESSES, ayant élu domicile en l'étude de Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Frédéric PUGET, avocat au barreau de Paris substitué par Maître Brigitte VIGNON, avocat au barreau de Nice,
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 18 mai 2011, enregistré (n° 2011/000643) ;
Vu les conclusions de Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur, au nom de SARL E, en date des 30 juin 2011, 3 novembre 2011, 8 mars 2012, 22 novembre 2012 et 24 mars 2013 ;
Vu les conclusions de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de Mme A. V. H., en date des 2 février 2012, 18 avril 2012, 25 octobre 2012 et 16 janvier 2013,
À l'audience publique du 3 octobre 2013, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 31 octobre 2013 ;
PROCÉDURE :
Le 18 mai 2011, Mme A. V. H. fait assigner la SARL E et en tant que de besoin ladite SARL E dont l'établissement principal est situé à Cannes.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme A. V. H. fait valoir :
Sur la nullité de l'assignation :
que celle-ci a été délivrée tant à Paris siège social de la société, qu'à Cannes en tant que de besoin ;
que rien n'interdit à un justiciable de signifier en premier lieu au siège social puis dans les établissements secondaires et lieux d'exploitation d'une personne morale ;
Sur la nullité des deux sommations du 28 mars 2011 :
que le même moyen sera opposé,
Sur l'exception d'incompétence :
que ce déclinatoire est préalable à toute exception alors que dans ses écritures du 3 novembre 2011, la défenderesse soutient à titre de premier moyen la nullité de l'assignation ;
que les deux parties sont de nationalité française, que la demanderesse n'est pas une professionnelle et agit comme consommateur ;
qu'en application de l'article du Code de procédure civile français la clause contractuelle de compétence n'est pas valable car Mme A. V. H. n'est pas commerçante et que la clause n'est pas très apparente ;
que la clause n'est pas licite au sens de l'article 3-10 bis du Code de procédure civile monégasque pour ne pas être apparente ;
que l'article L721-3 du Code de commerce français soustrait à la compétence des tribunaux de commerce, le litige dont s'agit ;
sur l'irrecevabilité tirée de l'inexistence d'un acte créateur d'obligations :
qu'en vertu de la jurisprudence et notamment du jugement du 23 octobre 1986, lorsque deux défendeurs apparaissent avoir été unis d'intérêts dans l'exploitation d'un fonds de commerce, ils sont solidairement tenus des dettes résultant de cette exploitation ;
que Monsieur C. D. a créé au 6X à Paris et dans la galerie 7X à Cannes, un fonds de commerce qui regroupe en fait les sociétés qu'il dirige sous des noms différents à savoir la SARL E et la SAS F;
que le site internet fait référence sans autre précision à « F. by C. D. », que le papier à en-tête comporte la même mention et que toutes les autres références ramènent à un portail qui met en exergue C. D.,
qu'elle a contracté à la Galerie 8X ;
s'explique au fond ;
conclut au rejet des exceptions de nullité et à la compétence du tribunal.
La SARL E fait valoir :
que les bons de commande n° 139, 140 et 141 du 5 décembre 2009 ont été établis par la Société « F. by C. D. - Diffusion des Ebénistes Contemporains F. ».
que le bon de livraison du 29 avril 2010 a été établi par la Société F. by C. D.,
que l'extrait du Registre du Commerce et des Sociétés du 17 février 2011 authentifie le transfert du siège social avec une date d'effet déclarée au 20 décembre 2004 ;
que Mme A. V. H. ne pouvait se méprendre sur la réalité de la situation alors qu'elle produit un courrier du 28 juin 2010, émanant de la société « F. » ;
que les sommations du 28 mars 2011 sont nulles par application des articles 264 et 265 du Code de procédure civile, pour ne pas avoir été délivrées au siège social de la concluante ;
que la clause contractuelle insérée dans les deux bons de commande et dans le bon de livraison, attribue compétence au Tribunal de Commerce de Paris en cas de litige ;
qu'elle invoque à bon droit en application de l'article 262 du Code de procédure civile l'incompétence du Tribunal de céans ;
que par référence à la loi française et en application des articles 122, 123, 124 et 125 du Code de procédure civile, la demande présentée est irrecevable ;
que par application de l'article 31 du Code de procédure civile français, Mme A. V. H. n'avait aucun intérêt, ni qualité à agir contre la SARL E, ce qui constitue bien une fin de non recevoir au sens de l'article 122 du Code de procédure civile français ;
que Mme A. V. H. ne peut prétendre à une unicité de fonds de commerce entre deux personnes morales distinctes et autonomes, dont elle ne rapporte pas la preuve de la fictivité ;
que par courrier du 2 juillet 2012, il a été indiqué que la pièce n° 26 ne serait plus versée aux débats, qu'il a été demandé que des conclusions soient prises en rectification de celles précédemment développées mais qu'il n'en a rien été ;
que Mme A. V. H. réitère sa référence à la pièce n° 26 en page 13 des écrits du 16 janvier 2013 ;
que la procédure a un caractère manifestement abusif ;
conclut :
à la nullité de l'assignation et des sommations du 28 mars 2011 ;
à l'incompétence du tribunal,
au bâtonnement des écrits du 18 avril 2012 en application de l'article 23 de la loi n° 1047 du 28 juillet 1982 et à l'allocation de la somme de un euro en vertu de l'article 1229 du Code civil ;
à la condamnation de Mme A. V. H. à lui payer la somme de 5.000 € de dommages et intérêts pour procédure malicieuse et abusive.
à l'absence d'intérêt et de qualité à agir en l'absence de lien contractuel au sens des articles 31 et 122 du Code de procédure civile français ;
SUR QUOI LE TRIBUNAL,
Sur la nullité de l'assignation :
L'assignation a été délivrée le 18 mai 2011 à la SARL E dont le siège est sis 10X à Paris - Architecte d'intérieur exerçant à l'enseigne F, prise en la personne de son gérant en exercice, Monsieur C. D. N. et en tant que de besoin ladite SARL E dont l'établissement principal est « 11X » à Cannes prise en la personne de son gérant en exercice.
L'établissement principal à la date de l'assignation n'avait plus pour adresse 12X à Cannes pour avoir été transféré à compter du 18 février 2005 à Paris (décision de la société du 20 décembre 2004 avec une date d'effet déclarée au 20 décembre 2004).
Les trois bons de commande du 5 décembre 2009 portant les numéros 00139, 00140 et 00141, sont établis à l'en-tête F by C. D. et avec l'indication en bas de page F. - Paris - 13X et l'inscription au Registre du Commerce de Paris B 15X.
Le courrier du 9 décembre 2009 portant confirmation de mise au planning de fabrication porte exactement les mêmes mentions ; il en va de même de la facture n° 165.
L'article 136-2° du Code de procédure civile stipule que tout exploit doit contenir « le nom, la profession et le domicile… de la partie à laquelle l'exploit sera signifié ou du moins une désignation précise… ».
Les sociétés de commerce, en application de l'article 141 du même code, « seront désignées par leur raison sociale ou par l'objet de leur entreprise et représentées conformément aux règles du droit commercial ».
En l'espèce Mme A. V. H. a contracté avec la SAS F… qui a un nom et une inscription différents des mentions portées sur l'assignation de telle sorte que les textes précités n'ont pas été respectés alors que leurs dispositions doivent être observées à peine de nullité en application de l'article 155 du Code de procédure civile.
La jurisprudence visée par la défenderesse relative à la solidarité de co-exploitants (à supposer que cette condition soit au demeurant remplie) n'est pas de nature à faire disparaître la sanction de la nullité tenant à la non désignation correcte du co-contractant.
Sur la demande tendant à la nullité des sommations :
Le tribunal, du fait de la nullité de l'assignation encourue, ne peut pas connaître du fond du litige et ne peut donc pas statuer sur la demande présentée qui sera rejetée.
Sur la demande de bâtonnement :
Du fait de la nullité de l'assignation, il n'appartient pas au Tribunal de statuer sur cette demande.
Sur la demande de dommages et intérêts :
La procédure engagée présente un caractère abusif et il sera alloué à la défenderesse la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts.
Sur les dépens :
Les dépens seront mis à la charge de Mme A. V. H. qui succombe pour l'essentiel.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement par jugement contradictoire, et en premier ressort,
Prononce la nullité de l'assignation délivrée le 18 mai 2011 à la requête de Mme A. V. H. à l'encontre de la SARL E et de ladite SARL en son établissement principal à Cannes ;
Rejette les demandes présentées par la SARL E relatives au bâtonnement, à la nullité des sommations et au paiement de la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts ;
Condamne Mme A. V. H. à payer à la Société C. D. la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Met les dépens à la charge de Mme A. V. H., distraits au profit de Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Madame Patricia HOARAU, Juge, Madame Aline BROUSSE, Magistrat référendaire, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Antoinette FLECHE, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 31 OCTOBRE 2013, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.