Tribunal de première instance, 4 mars 2010, SAM BNP Paribas c/ S. es qualités de syndic

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Abstract🔗

Cessation des paiements

Défaut de production d'un créancier dans le délai légal - article 46 du Code de Commerce

Non connaissance du syndic de la créance lors du jugement prononçant la cessation des paiements

Relevé de forclusion (article 464 du Code de Commerce) non accordée : la défaillance de production étant imputable au créancier

Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 relative à la faillite et liquidation judiciaire rendue exécutoire par ordonnance souveraine n° 692 du 9 janvier 1953 prescrivant dans son article 7 que toutes les publications se rapportant à la faillite ou à la liquidation judiciaire y compris les inscriptions dans les registres publics, seront assurées conjointement dans les deux pays, conformément à la législation en vigueur dans chacun d'eux,

  • Inapplicabilité de ladite convention, à défaut de preuve de l'existence de biens appartenant au débiteur D'où le jugement prononçant la cessation des paiements ne devait pas faire l'objet d'une publication conjointe au Journal de Monaco et dans une revue d'annonces légales en France

Résumé🔗

Aux termes de l'article 463 du Code de commerce, « le syndic invite les créanciers dont il connaît l'existence et qui n'ont pas produit dans les quinze jours du jugement à lui remettre leur déclaration et leurs titres [...] Outre cet avertissement, le syndic fait insérer au Journal de Monaco un avis invitant les créanciers à produire dans les quinze jours de la publication ; ce délai est augmenté de quinze jours pour les créanciers domiciliés hors de la Principauté ».

Par acte du 16 mars 1990, Monsieur F. G. a souscrit auprès de la BANQUE NATIONALE DE PARIS, devenue BNP PARIBAS, un engagement de cautionnement solidaire et indivisible à la garantie de l'ensemble des engagements de la société POLO GOLF EVENTS, à concurrence de la somme de 750 000 francs en principal, outre les intérêts, commissions, frais et accessoires ;

Par cet acte de cautionnement, la BNP PARIBAS est devenue le créancier de Monsieur F. G. Par jugement en date du 25 avril 1991, le Tribunal de Première Instance a constaté l'état de cessation des paiements de F. G. et a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 28 février 1990 ;

Par jugement en date du 20 juin 1991, la procédure a été convertie en liquidation de biens.

Il est constant que le jugement du 25 avril 1991 a fait l'objet, par l'intermédiaire de Monsieur R. O., désigné ès qualités de syndic à la liquidation des biens de Monsieur F. G., d'une parution dans le Journal officiel de Monaco le 3 mai 1991.

Dès lors, les créanciers domiciliés à Monaco avaient jusqu'au 18 mai 1991 pour remettre leur déclaration et leurs titres, tandis que les créanciers domiciliés hors de la Principauté disposaient d'un délai augmenté jusqu'au 3 juin 1991.

La BNP PARIBAS, société domiciliée hors de la Principauté, devait remettre sa déclaration et ses titres de créance au syndic, Monsieur R. O., au plus tard le 3 juin 1991 ; la demanderesse s'est manifestée auprès du syndic par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le 6 janvier 1992 ; force est de constater que la BNP PARIBAS a encouru la forclusion.

Il n'est pas contesté par les parties que Monsieur R. O., ès qualité de syndic, n'a pas adressé l'avis prévu par l'article 463 du Code de commerce à la BNP PARIBAS ; toutefois, cela ne pourrait lui être reproché en ce qu'il n'est pas rapporté que celui-ci avait connaissance au moment du jugement du 25 avril 1991 de l'existence de la BNP PARIBAS en tant que créancière de Monsieur F.G., en France.

Néanmoins l'alinéa 2 de l'article 464 du Code de commerce dispose que « le tribunal peut toutefois relever de la forclusion les créanciers défaillants s'ils trouvent que la défaillance n'est pas de leur fait ».

Il y a donc lieu, pour le Tribunal, saisi de la demande de relevé de forclusion, de rechercher si la tardiveté de la déclaration de créance de la BNP PARIBAS lui est ou non imputable.

Il résulte des dispositions de l'article 7 de la Convention relative à la faillite et à la liquidation judiciaire signée à Paris le 13 septembre 1950 entre la France et la Principauté de Monaco et rendue exécutoire à Monaco par Ordonnance souveraine n° 692 du 9 janvier 1953 que toutes les publications relatives à la faillite ou à la liquidation judiciaire, y compris les inscriptions dans les registres publics, seront assurées conjointement dans les deux pays, conformément à la législation en vigueur dans chacun d'eux.

Il résulte également de l'article 1 de ladite convention qu'elle trouve à s'appliquer à la faillite et la liquidation judiciaire des commerçants et sociétés commerciales ayant des biens dans les deux pays.

La BNP PARIBAS, afin de prouver l'existence de biens appartenant à Monsieur F.G., en France, fait état d'un extrait de Kbis concernant la société FONCIÈRE CONTINENTALE MÉDITERRANNÉE, à la lecture duquel il ressort que Monsieur F. G. était le président du conseil d'administration de cette société anonyme, ainsi que d'un extrait du Kbis de la société POLO GOLF EVENTS, à la lecture duquel il ressort que Monsieur G. était le gérant de cette société à responsabilité limitée.

La production de ces pièces par la demanderesse n'apporte en rien la preuve de l'existence de biens appartenant à Monsieur F.G. Plus précisément, il n'est rapporté aucun élément concernant une éventuelle détention de parts sociales dans ces deux sociétés de sorte que le Tribunal peut légitimement en déduire que Monsieur F.G., en ses qualités de gérant puis de président de conseil d'administration, n'était que salarié desdites sociétés.

Compte tenu de ces éléments, la Convention relative à la faillite et à la liquidation judiciaire signée à Paris le 3 septembre 1950 entre la France et la Principauté de Monaco ne trouve pas lieu à s'appliquer en l'espèce, de sorte que le jugement du 25 avril 1991 ne devait pas faire l'objet d'une publication conjointe au Journal de Monaco et dans une revue d'annonces légales en France.

Dès lors la défaillance de la BNP PARIBAS dans la production de sa créance apparaît totalement de son fait. Celle-ci, se trouvant face à un débiteur de nationalité monégasque et résidant à Monaco, se devait de s'enquérir de la situation de celui-ci, en prenant notamment connaissance des parutions du Journal de Monaco ;

Il y aura lieu, en conséquence, de débouter la BNP PARIBAS de l'intégralité de ses demandes, compte tenu de l'entière imputabilité de la tardiveté de la déclaration de sa créance.

Enfin, aux termes de l'alinéa 4 de l'article 464 du Code de commerce, les frais de l'instance en relevé de forclusion restent à la charge des créanciers.

La BNP PARIBAS devra supporter les dépens de la présente instance.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 4 MARS 2010

En la cause de :

La société anonyme BNP PARIBAS, anciennement Banque Nationale de Paris, au capital de 1.873.398.710 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 662 042 449, dont le siège social est à Paris (75009) 16 boulevard des Italiens, prise en la personne de son président du Conseil d'Administration en exercice, M. Michel PEREBEAU, domicilié ès-qualités audit siège ;

DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

M. Jean-Paul SAMBA, successeur de M. Roger ORECHIA, ès-qualités de syndic de la cessation des paiements de M. Frank X, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de Première Instance en date du 25 avril 1991, demeurant ès-qualités 9 avenue des Castelans à Monaco,

DÉFENDEUR, comparaissant en personne ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

  • Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 10 juillet 2008, enregistré (n° 2009/000013) ;

  • Vu les notes valant conclusions de M. Jean-Paul SAMBA, en date des 2 octobre 2008, 11 février 2009 et 13 mai 2009 ;

  • Vu les conclusions de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de la société BNP PARIBAS, en date des 10 décembre 2008 et 13 mars 2009 ;

Ouï Maître Patricia REY, avocat-défenseur, pour la société BNP PARIBAS, en ses plaidoiries et conclusions ;

Ouï M. Jean-Paul SAMBA, défendeur comparaissent en personne en ses explications et observations ;

Ouï le ministère public ;

Considérant les faits suivants :

Par acte du 16 mars 1990, Monsieur F. G. a souscrit auprès de la BANQUE NATIONALE DE PARIS, devenue BNP PARIBAS, un engagement de cautionnement solidaire et indivisible à la garantie de l'ensemble des engagements de la société POLO GOLF EVENTS, à concurrence de la somme de 750 000 francs en principal, outre les intérêts, commissions, frais et accessoires.

Par jugement du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE en date du 7 février 1991, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société POLO GOLF EVENTS dont Monsieur F. G. était le gérant. Cette procédure a fait l'objet d'une clôture, par jugement du 15 mars 1995, pour insuffisance d'actifs des opérations de la liquidation judiciaire.

La BANQUE NATIONALE DE PARIS a ainsi effectué, en France, sa déclaration de créance le 28 mars 1991 pour la somme, à la date du 7 février 1991, de 751 188,13 francs.

Par jugement en date du 25 avril 1991, le Tribunal de Première Instance a constaté l'état de cessation des paiements de F. G. et a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 28 février 1990. Ce jugement a fait l'objet d'une parution dans le Journal de Monaco le 3 mai 1991 et a été suivi d'un jugement rendu le 20 juin 1991 par lequel la procédure a été convertie en liquidation de biens.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 6 janvier 1992, la BANQUE NATIONALE DE PARIS a déclaré sa créance auprès de Monsieur R. O., expert comptable, nommé en qualité de syndic à la cessation des paiements de Monsieur F. G. Cette lettre a été reçue le 15 janvier 1992. La banque faisait alors état d'une créance de 820 110 francs au 31 décembre 1991.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 25 septembre 2007, Monsieur J.-P. S., nommé en qualité de syndic en remplacement de Monsieur R. O., a fait savoir à la banque qu'il entendait rejeter leur déclaration de créance aux motifs que celle-ci était hors délais, conformément aux dispositions de l'article 463 du Code de commerce.

Les propos de Monsieur J.-P. S. étaient réitérés par l'intermédiaire d'un courrier en date du 28 janvier 2008. À cette occasion il faisait également savoir à la banque que le délai accordé pour vérifier les créances avait été prorogé jusqu'au 15 juillet 2008.

Par acte d'huissier en date du 10 juillet 2008, la société anonyme BNP PARIBAS a fait assigner Monsieur J.-P. S., ès qualités de syndic à la cessation des paiements de Monsieur F. G., aux fins de relevé de forclusion et de condamnation aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Patricia REY, avocat défenseur, sous sa due affirmation.

La demanderesse soutient que Monsieur R. O., ès qualités de syndic, n'a pas respecté les dispositions de l'article 463 du Code de commerce en ce qu'il ne lui a pas adressé l'avertissement prévu à cet article. Elle en déduit que le délai de forclusion n'a pas couru à son encontre et que le Tribunal, conformément aux termes de l'article 464 du Code de commerce, peut relever la forclusion. À l'appui de ses prétentions, la BNP PARIBAS fait état d'une jurisprudence de la Cour de révision en date du 29 novembre 1994.

Par conclusions en date du 10 décembre 2008, la demanderesse prétend qu'elle n'a eu connaissance de l'état de cessation des paiements de Monsieur F. G. qu'aux termes d'un courrier de son conseil en date du 23 décembre 1991, reçu le 31 décembre 1991, lui recommandant de faire sa déclaration de créance « le plus tôt possible », ce qui a été fait le 6 janvier 1992.

Que dès lors, les créanciers domiciliés à Monaco avaient jusqu'au 18 mai 1991 pour remettre leur déclaration et leurs titres, tandis que les créanciers domiciliés hors de la Principauté disposaient d'un délai augmenté jusqu'au 3 juin 1991 ;

Attendu que la BNP PARIBAS, société domiciliée hors de la Principauté, devait remettre sa déclaration et ses titres de créance au syndic, Monsieur R. O., au plus tard le 3 juin 1991 ; Que la demanderesse s'est manifestée auprès du syndic par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le 6 janvier 1992 ; Que force est de constater que la BNP PARIBAS a encouru la forclusion ;

Attendu qu'il n'est pas contesté par les parties que Monsieur R. O, ès qualités de syndic, n'a pas adressé l'avis prévu par l'article 463 du Code de commerce à la BNP PARIBAS ; Que toutefois, cela ne pourrait lui être reproché en ce qu'il n'est pas rapporté que celui-ci avait connaissance au moment du jugement du 25 avril 1991 de l'existence de la BNP PARIBAS en tant que créancière de Monsieur F. G., en France ;

Attendu néanmoins, que l'alinéa 2 de l'article 464 du Code de commerce dispose que « le tribunal peut toutefois relever de la forclusion les créanciers défaillants s'ils trouvent que la défaillance n'est pas de leur fait » ;

Attendu qu'il y a donc lieu, pour le Tribunal, saisi de la demande de relevé de forclusion, de rechercher si la tardiveté de la déclaration de créance de la BNP PARIBAS lui est ou non imputable ;

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 7 de la Convention relative à la faillite et à la liquidation judiciaire signée à Paris le 13 septembre 1950 entre la France et la Principauté de Monaco et rendue exécutoire à Monaco par Ordonnance souveraine n° 692 du 9 janvier 1953 que toutes les publications relatives à la faillite ou à la liquidation judiciaire, y compris les inscriptions dans les registres publics, seront assurées conjointement dans les deux pays, conformément à la législation en vigueur dans chacun d'eux ;

Qu'il résulte également de l'article 1 de la dite convention qu'elle trouve à s'appliquer à la faillite et la liquidation judiciaire des commerçants et sociétés commerciales ayant des biens dans les deux pays ;

Attendu que la BNP PARIBAS, afin de prouver l'existence de biens appartenant à Monsieur F. G., en France, fait état d'un extrait de Kbis concernant la société FONCIÈRE CONTINENTALE MÉDITERRANÉE, à la lecture duquel il ressort que Monsieur F. G. était le président du conseil d'administration de cette société anonyme, ainsi que d'un extrait du Kbis de la société POLO GOLF EVENTS, à lecture duquel il ressort que Monsieur F. G. était le gérant de cette société à responsabilité limitée ;

Attendu que la production de ces pièces par la demanderesse n'apporte en rien la preuve de l'existence de biens appartenant à Monsieur F. G. ; Que plus précisément, il n'est rapporté aucun élément concernant une éventuelle détention de parts sociales dans ces deux sociétés de sorte que le Tribunal peut légitimement en déduire que Monsieur F. G. en ses qualités de gérant puis de président de conseil d'administration, n'était que salarié desdites sociétés ;

Que compte tenu de ces éléments, la Convention relative à la faillite et à la liquidation judiciaire signée à Paris le 13 septembre 1950 entre la France et la Principauté de Monaco ne trouve pas lieu à s'appliquer en l'espèce, de sorte que le jugement du 25 avril 1991 ne devait pas faire l'objet d'une publication conjointe au Journal de Monaco et dans une revue d'annonces légales en France ;

Attendu dès lors que la défaillance de la BNP PARIBAS dans la production de sa créance apparaît totalement de son fait ; Que celle-ci, se trouvant face à un débiteur de nationalité monégasque et résidant à Monaco, se devait de s'enquérir de la situation de celui-ci, en prenant notamment connaissance des parutions du Journal de Monaco ;

Qu'il y aura lieu, en conséquence, de débouter la BNP PARIBAS de l'intégralité de ses demandes, compte tenu de l'entière imputabilité de la tardiveté de la déclaration de sa créance ;

Attendu enfin, aux termes de l'alinéa 4 de l'article 464 du Code de commerce, que les frais de l'instance en relevé de forclusion restent à la charge des créanciers ;

Que la BNP PARIBAS devra supporter les dépens de la présente instance ;

Dispositif🔗

Par ces motifs,

Le Tribunal, statuant contradictoirement,

Déboute la société anonyme BNP PARIBAS de l'intégralité de ses demandes ;

Condamne la société anonyme BNP PARIBAS aux dépens

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, le 4 MARS 2010, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Président, officier de l'ordre de Saint-Charles, Monsieur Emmanuel ROBIN, Juge, Monsieur Morgan RAYMOND, Juge suppléant, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur Général, assistés de Monsieur Thierry DALMASSO, Greffier.

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