Tribunal de première instance, 27 novembre 2008, C LI c/ B MA

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Attestation

Absence des mentions légales prévues par l'article 324-3°, 4° et 5° du Code de Procédure Civile

Nullité prononcée par la juridiction ; article 966 du Code de Procédure Civile

Marque

Autorisation donnée par le titulaire de la marque à une partie de l'utiliser

Usage conforme à la marque

Usage sans contrefaçon et sans imitation frauduleuse au sens des articles 23 et 24 de la loi n° 1.058 du 10 juin 1983 sur les marques de fabrique, commerce et d'industrie

Révocation de l'autorisation donnée sans motif légitime

Résumé🔗

Madame M. produit trois attestations portant les numéros 26-27 et 28, qui ne comporte pas les mentions légales exigées à peine de nullité, par l'article 324-3°, 4° et 5° du Code de procédure civile et qui ne sont pas accompagnées de document officiel justifiant de l'identité de leur auteur et comportant leur signature ;

Aux termes de l'article 966 du Code de procédure civile, « aucune des nullités... prononcées par le présent code n'est comminatoire ». Il sera fait droit à l'exception soulevée.

Sur le fond

Monsieur L. est titulaire de marque CASSIO régulièrement déposée et renouvelée tant en Principauté de Monaco qu'en France et en Suisse.

Ce fait n'est pas discuté par la défenderesse.

Il se prévaut également de la marque CASSIO INTERNATIONAL qui figure sur des étiquettes, plaquettes publicitaires, sacs... mais dont le dépôt n'est pas justifié.

La marque CASSIO est une marque nominative utilisée sous la forme CASSIO® par les parties.

L'autorisation donnée par Monsieur L. d'utiliser les deux marques ne confère pas à Mme M. un droit de franchise contrairement à ce que l'on pourrait déduite du courrier du 7 février 2001 par lequel le conseil de M. L. reproche à Mme M. de ne pas respecter les prescriptions en matière de présentation, changement de vitrine... prescriptions qui n'ont jamais existé.

Mme M. est bénéficiaire d'un droit d'usage personnel des marques CASSIO et CASSIO INTERNATIONAL, sans redevance et il importe peu en la cause qu'il s'agisse ou non d'une compensation au titre de la valeur patrimoniale de la marque non incluse dans le partage.

La condamnation pénale du 8 mai 2007 est sans effet sur l'existence même de ce droit.

Le petit Littré définit l'usage comme « le droit de se servir personnellement d'une chose dont la propriété est à autrui ».

Cette utilisation doit, même si cela n'est pas précisé dans l'écrit du 10 juillet 1998, être conforme à la loi n° 1.058 sur les marques de fabriques, commerce ou d'industrie.

M. L. alléguant d'une mauvaise utilisation de sa marque a révoqué son autorisation par courrier du 6 juin 2001, réitéré le 11 juillet 2002, et il convient de rechercher si ce fait est caractérisé, au regard de l'utilisation qui en était faite par le propriétaire lui-même.

M. L. n'a pas établi de cahiers des charges avec une charte de qualité relatif aux produits pouvant être vendus sous la marque CASSIO. L'affirmation aux termes de laquelle les produits vendus par Mme M. seraient de qualité inférieure à ceux commercialisés par M. L. ne repose sur aucun critère objectif et ce d'autant moins que les magasins de Monte-Carlo et de Menton s'adressaient aux mêmes fournisseurs, notamment en Italie, et que de nombreux articles sont identiques et portent la même référence.

Cette similitude dans les produits et leur qualité est confirmée par les photographies versées au dossier à l'appui de la saisie-contrefaçon, du constat dressé le 5 octobre 2005 à la requête de Mme M. dans le magasin alors exploité à Monaco par son ex-mari et les clichés pris du magasin de Menton.

Mme M. a apposé la marque dont l'usage lui avait été conféré sur des produits répondant aux classes concernées par les dépôt et dans une gamme équivalente à celle vendue par M. L., dans le respect de l'usage même que celui-ci faisait de la marque et respecté les termes de l'acte du 10 juillet 1998.

Elle ne s'est rendue coupable ni de contrefaçon, ni d'une imitation frauduleuse de la marque au sens des articles 23 et 24 de la loi n° 1.058.

M. L. a, le 6 juin 2001, puis le 11 juillet 2002 retiré sans raison légitime à Mme M. l'autorisation qu'il lui avait donnée le 10 juillet 1998 et Mme M. était donc en droit, à la date de la saisie-contrefaçon, de continuer à utiliser la marque déposée CASSIO et la marque CASSIO INTERNATIONAL, à titre d'enseigne du magasin, au travers des étiquettes, tampons, sacs en papier ou en plastique, tapis d'entrée... ainsi qu'elle l'avait toujours fait.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 27 NOVEMBRE 2008

En la cause de :

Monsieur C LI, né le 22 décembre 1940 à MILAN (Italie), commerçant, de nationalité italienne, domicilié et demeurant à Monaco, « X », X ;

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'une part ;

Contre :

Madame B MA, née le 7 septembre 1942 à VINCENZA (Italie), de nationalité italienne, commerçante, domiciliée et demeurant à Monaco, « X », X X et en tant que de besoin, en son commerce sis X à Monaco ;

DÉFENDERESSE, ayant primitivement élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, puis en celle de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur en cette même Cour et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 29 juillet 2004, enregistré (n° 2005/000058) ;

Vu le jugement avant dire droit de ce Tribunal en date du 19 avril 2007, ayant notamment renvoyé la cause et les parties à l'audience du 23 mai 2007 ;

Vu les conclusions de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de C LI, en date des 5 juillet 2007 et 12 mars 2008 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de B MA, en date du 10 janvier 2008 ;

Ouï Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, pour C LI, en ses plaidoiries et conclusions ;

Ouï Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, pour B MA, en ses plaidoiries et conclusions ;

Ouï le ministère public ;

Considérant les faits suivants :

M. C LI et Mme B MA se sont mariés en Italie, le 23 juillet 1964 et sont divorcés suivant jugement du Tribunal civil de San Remo du 10 mars 2004.

Le 22 décembre 1986, Mme M. épouse L. a loué un local situé 10 boulevard des Moulins à Monaco, à destination de commerce de vente d'articles de Paris et fantaisies, bijouterie, maroquinerie, prêt à porter pour hommes et femmes. Elle est immatriculée au registre de commerce au titre de cette activité exercée sous l'enseigne CASSIO depuis le 6 mai 1987.

M. L. a exploité à Menton, à compter du 13 octobre 1995, sous la forme d'une SARL CASSIO, un fonds de commerce de négoce de bijouterie or et fantaisie, articles de mode, activité qui en fin d'année 2000 a été transférée à CASSIO CANNES.

M. C LI a déposé la marque CASSIO :

  • à Monaco :

– le 26 octobre 1979, pour les classes 14, 18, 25, dépôt renouvelé le 29 juin 1994 et en octobre 2003.

– le 11 août 1988, pour les classes 3, 14, 18, 25, dépôt renouvelé le 7 juillet 1998,

  • en France :

– le 29 août 1979 pour les classes 14, 18, 25, renouvelé le 13 juillet 1989 et le 9 juillet 1999,

  • en Suisse :

– le 29 janvier 1986 pour les classes 3, 14, 18, 25.

Le 20 mars 1998, les époux ont adopté le régime de la séparation de biens et ont procédé au partage de leurs biens situés en Principauté de Monaco suivant acte notarié du 10 juillet 1998 par lequel Mme M. épouse L. s'est vue attribuer l'immeuble commun et le fonds de commerce à charge pour elle de verser à son mari une soulte de 3 750 000 francs.

Le 10 juillet 1998, M. C LI « en sa qualité de détenteur de la marque CASSIO et CASSIO INTERNATIONAL » a autorisé son épouse à utiliser personnellement la marque sans aucune redevance, ladite autorisation n'étant pas cessible et étant précisé que cette « utilisation ne sera révocable qu'en cas de vente, cession, gérance ou mauvaise utilisation de la marque, de sorte qu'elle demeure personnelle à Mme B MA ».

Par actes de la même date, Mme M. épouse L. a cédé à son mari les parts qu'elle détenait dans la SARL CASSIO de Menton et dans la SCI Phénix propriétaire des murs dans lesquels ledit fonds était exploité.

Par courrier du 7 février 2001, le conseil de M. L. reproche à Mme M. de ne plus se fournir en marchandises auprès de la SARL CASSIO et de ne pas respecter les prescriptions en matière de présentation des vitrines et lui demande, à défaut de régulariser les achats, de cesser d'utiliser les marques CASSIO et CASSIO INTERNATIONAL.

Par courrier du 6 juin 2001, il lui fait savoir que M. L. se considère libre de tout engagement à son égard et que l'acte sous seing privé du 10 juillet 1998 est frappé de caducité du fait des manquements commis par Mme M., position réitérée dans le courrier du 11 juillet 2002.

Rappel d'autres procédures

Le 23 janvier 2003, M. L., autorisé par ordonnance présidentielle du 9 décembre 2002, fait procéder à une saisie contrefaçon dans la boutique exploitée par Mme B MA, 10 boulevard des Moulins à Monaco.

Le juge des référés du Tribunal de première instance de Monaco par décision du 25 février 2004, déclare irrecevable la demande de rétractation de l'ordonnance du 9 décembre 2002 et sans objet la demande de nullité de la requête du 5 décembre 2002.

Le Tribunal de première instance de Monaco par décision du 12 février 2004, prononce la nullité de l'exploit délivré le 4 février 2003 à la requête de M. L. pour des actes de contrefaçon et le condamne à payer à Mme M. la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le Tribunal correctionnel de Monaco par décision du 8 mai 2007 déclare Mme B MA coupable des délits de faux et usage de faux en raison de l'établissement et de l'utilisation du document daté du 20 septembre 1999.

Procédure

Le 29 juillet 2004, M. C. fait assigner Mme B MA pour usage non conforme de la marque CASSIO ou CASSIO INTERNATIONAL, contrefaçon et à tout le moins d'actes d'imitation illicite.

Ce Tribunal par jugement du 19 avril 2007, déboute M. C LI des fins de l'exception de sursis à statuer soulevée.

Moyens et prétentions des parties

M. C LI conteste la validité des attestations produites sans aucune pièce d'identité à l'appui ;

  • expose :

– que les marques CASSIO et CASSIO INTERNATIONAL sont protégées et exploitées dès leur origine par le concluant qui fait choix du design, des produits, des commandes et assure leur promotion selon ses propres critères de qualité et de design,

– que la marque a fait l'objet d'un dépôt en France, en Suisse et en Principauté de Monaco et qu'elle a été régulièrement renouvelée,

– que les accords intervenus en juin-juillet 1998, confirment l'attribution exclusive de la marque à M. L. lequel acceptait d'en consentir un usage limité et révocable à son épouse, sans aucun transfert de propriété,

– qu'il ne s'est jamais prévalu d'une franchise mais d'une concession d'un droit d'usage limité de la marque,

– que l'usage doit être conforme à celui qui en est fait par son propriétaire et que Mme M. avait en conséquence, l'obligation de se fournir auprès de M. L. et de diffuser les produits CASSIO tels qu'ils sont conçus et/ou commercialisés par la SARL CASSIO suivant les contraintes et les modalités définies par le titulaire de la marque, l'accord ne pouvant s'analyser que comme une autorisation de diffusion des marques et produits CASSIO,

– que le bon usage de la marque, non défini dans l'acte du 10 juillet 1998, ne peut s'apprécier qu'au regard des conditions d'exploitation de la marque antérieurement à cette date,

  • de l'appréciation de l'exploitation usuelle et normale d'une marque concédée en se référant à un usage de bon père de famille en conformité avec la loi n° 1.058 du 10 juin 1998,

– que Mme M. a diffusé sous la marque CASSIO ou CASSIO INTERNATIONAL des produits qui ne sont pas commercialisés par les différentes sociétés CASSIO et des produits imitant les produits diffusés par lesdites sociétés mais de qualité nettement inférieure et de nature à tromper l'acheteur sur les qualités substantielles, portant ainsi gravement atteinte à l'image de marque des sociétés CASSIO,

– que Mme M. s'est approvisionnée rue du Temple à Paris, rajoutant en boutique les étiquettes CASSIO INTERNATIONAL, qu'elle ordonnait à ses vendeuses de dire qu'il n'existait pas d'autre boutique CASSIO que celle de Monaco et qu'elle aggravait la confusion en utilisant l'enseigne CASSIO sur les devantures, sur les étiquettes, la papeterie...,

– que la confusion a été clairement consommée alors que des achats effectués par Mme M. ont été facturés à la SARL CASSIO,

– que l'huissier a constaté la présence d'un présentoir rose avec bracelet et collier en strass ainsi qu'une étiquette portant l'inscription « création Cassio » alors qu'il s'agissait d'un achat effectué auprès d'un fournisseur non agréé,

– que Mme M. devait se mettre en conformité avec les directives du propriétaire de la marque telles que résultant de la lettre du 7 février 2001,

– que M. L. a notifié le 6 juin 2001, la révocation de l'autorisation d'usage de la marque et qu'à compter de cette date toute utilisation de la marque est faite sans droit, ni titre et constitue un acte de contrefaçon caractérisé,

– que la convention de Paris du 20 mars 1883 rendue exécutoire à Monaco par ordonnance du 29 octobre 1975 qualifie d'acte de concurrence déloyale tout acte concurrentiel contraire aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale et interdit les faits de nature à créer une confusion, ce qui est le cas en l'espèce,

– que Mme M. a par ailleurs, dénigré les autres magasins CASSIO,

– que l'expert comptable de la SARL CASSIO de Cannes atteste de l'importante baisse du chiffre d'affaires par la crise de confiance qu'elle traverse du fait de la commercialisation par Mme M., de produits de moins bonne qualité,

– qu'il est tout à fait faux de prétendre que le concluant aurait agi non pour protéger son signe distinctif d'une mauvaise utilisation mais pour obtenir un avantage financier injustifié,

  • conclut :

– à la nullité des attestations produites par Mme M. sous les numéros 26-27-28,

– à ce que la pièce adverse n° 6 soit écartée des débats comme étant un faux avéré,

– à ce que, en raison d'un usage non conforme de la marque CASSIO et du fait des actes de contrefaçons commis après la notification du 7 février 2001 demeurée sans effet, M. L. a valablement révoqué l'autorisation précaire d'usage de la marque CASSIO ou CASSIO INTERNATIONAL,

– à ce qu'en important, détenant, étiquetant et commercialisant des articles portant la marque CASSIO alors qu'ils n'en sont pas, Mme M. a commis des actes de contrefaçon ou d'imitation illicite de la marque au sens des articles 28 et suivants de la loi n° 1.058 du 10 juin 1983,

– à ce que ces faits lui ont causé un préjudice,

– à ce qu'il soit interdit à Mme M. de faire usage de la marque et de l'enseigne CASSIO ou CASSIO INTERNATIONAL sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée à compter du prononcé du jugement à intervenir,

– à la confiscation immédiate de tous produits, matériels, documents comportant la marque CASSIO ou CASSIO INTERNATIONAL,

– à la condamnation de Mme M. à lui payer la somme de 600 000 euros en réparation des préjudices matériels, commerciaux et du préjudice moral,

– au débouté de Mme M.,

– à l'exécution provisoire de la décision.

Mme B MA fait observer :

– que la contestation ne porte pas sur les droits de M. L. sur la marque CASSIO,

– que la réputation de la marque CASSIO a été faite par les deux époux et que le dépôt n'est intervenu que postérieurement à l'exploitation de la marque par les époux,

– que l'acte de partage du 10 juillet 1998 ne fait pas référence aux marques CASSIO et CASSIO INTERNATIONAL et que si les époux ont exclu la valeur patrimoniale de la marque, il a été convenu qu'en contre partie de l'absence de compensation du droit à moitié de ladite valeur, la concluante serait autorisée à utiliser la marque,

– que la plus-value réalisée par elle lors de la vente du bien qui lui avait été attribué, semble être la raison véritable de la présente procédure ;

  • fait valoir :

– que si elle avait un droit d'usage sur la marque, elle pouvait nécessairement l'apposer sur des produits et que dans le cas contraire elle n'aurait pu que diffuser des produits commercialisés par la société CASSIO,

– qu'elle n'était pas titulaire d'une franchise de distribution ; que M. L. ne produit aucune facture susceptible d'appuyer cette thèse, ce qu'il n'aurait pas manqué de faire si Mme M. s'était fournie par le passé auprès de la société CASSIO,

– qu'il ne peut pas être conclu, au seul motif de l'absence de propriété de la marque, que M. L. ait entendu contraindre Mme M. à se fournir auprès de lui ; que l'acte du 10 juillet 1998 ne fait pas état de cette obligation et que si elle n'avait été qu'un « revendeur autorisé » son mari n'aurait eu nul besoin de lui donner l'autorisation d'utiliser la marque,

– qu'elle avait pour usage de se fournir auprès de fabricants et d'apposer la marque CASSIO sur les produits, comme le faisait également la SARL CASSIO,

– que la thèse selon laquelle elle aurait apuré le stock des produits référenciés par les sociétés CASSIO n'est étayée d'aucune pièce ;

– que M. L. ne peut remettre en cause l'autorisation donnée qu'à la condition d'apporter la preuve d'une mauvaise utilisation de la marque ;

– que le courrier du 6 juin 2001, ne comporte aucune sommation de cesser l'usage de la marque CASSIO et que lors de l'audience du 28 mars 2002 devant la juridiction italienne, M. L. a dit « tenir l'engagement de la déclaration notariée dans laquelle il reconnaît à Mme M. l'usage de la marque » et qu'il ne peut pas prétendre valablement avoir révoqué le droit d'usage ;

– que la SARL CASSIO a cessé toute activité à la fin de l'année 2000, qu'il y a eu transfert au profit de CASSIO Cannes, mais qu'au delà du débat juridique sur l'identité de la personne auprès de laquelle la concluante aurait dû prétendument se fournir, aucune facture n'est versée afin de démontrer qu'au cours de la trentaine d'années d'exploitation du fonds de commerce de Monaco, il y ait eu une seule fourniture auprès d'une quelconque de ces entités ;

– qu'elle n'a procédé à aucune adjonction à la marque CASSIO et qu'elle a continué d'exploiter le fonds comme elle l'avait toujours fait, conservant les mêmes fournisseurs ;

– que la comparaison entre le catalogue CASSIO INTERNATIONAL versé aux débats avec le procès-verbal de saisie contrefaçon confirme que Mme M. commercialise des objets similaires ;

– que si la lettre du 6 juin 2001 devait être analysée comme valant révocation, il conviendrait d'annuler cette révocation pour absence de motif ;

– qu'elle n'a jamais fait de mauvais usage de la marque ;

– que les procédures judiciaires introduites par M. L. ont considérablement gêné son activité, qu'elle a dû, pour exploiter en toute quiétude, effacer la marque « CASSIO » sur les articles en stock,

– qu'il est choquant qu'elle puisse être soumise à de tels agissements alors que le droit d'usage n'était que la contrepartie de son droit patrimonial dans la communauté,

  • conclut :

– à l'absence de fait de nature à caractériser la mauvaise utilisation de la marque,

– au débouté de M. L. de l'ensemble de ses demandes,

– à titre subsidiaire à la nullité de la révocation faute de motif,

– à la condamnation de M. L. à lui payer la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du trouble de jouissance subi par Mme M. dans l'usage de la marque CASSIO.

Sur quoi le Tribunal

Sur les exceptions soulevées

Mme M. produit trois attestations portant les numéros 26-27 et 28, qui ne comportent pas les mentions légales exigées à peine de nullité, par l'article 324-3°, 4° et 5° du Code de procédure civile et qui ne sont pas accompagnées de document officiel justifiant de l'identité de leur auteur et comportant leur signature.

Aux termes de l'article 966 du Code de procédure civile, « aucune des nullités... prononcées par le présent Code n'est comminatoire ». Il sera fait droit à l'exception soulevée.

La défenderesse verse aux débats, en pièce 6, le document manuscrit daté du 20 septembre 1999, qui a été déclaré comme constituant un faux imputable à Mme M., par le tribunal correctionnel de Monaco dans son jugement du 8 mai 2007.

Cette pièce sera en conséquence, écartée des débats.

Sur le fond

M. L. est titulaire de la marque CASSIO régulièrement déposée et renouvelée tant en Principauté de Monaco qu'en France et en Suisse.

Ce fait n'est pas discuté par la défenderesse.

Il se prévaut également de la marque CASSIO INTERNATIONAL qui figure sur des étiquettes, plaquettes publicitaires, sacs... mais dont le dépôt n'est pas justifié.

La marque CASSIO est une marque nominative utilisée sous la forme CASSIO® par les parties.

L'autorisation donnée par M. L. d'utiliser les deux marques ne confère pas à Mme M. un droit de franchise contrairement à ce que l'on pourrait déduire du courrier du 7 février 2001 par lequel le conseil de M. L. reproche à Mme M de ne pas respecter les prescriptions en matière de présentation, changement de vitrine... prescriptions qui n'ont jamais existé.

Mme M. est bénéficiaire d'un droit d'usage personnel des marques CASSIO et CASSIO INTERNATIONAL, sans redevance et il importe peu en la cause qu'il s'agisse ou non d'une compensation au titre de la valeur patrimoniale de la marque non inclue dans le partage.

La condamnation pénale du 8 mai 2007 est sans effet sur l'existence même de ce droit.

Le petit Littré définit l'usage comme « le droit de se servir personnellement d'une chose dont la propriété est à autrui ».

Cette utilisation doit, même si cela n'est pas précisé dans l'écrit du 10 juillet 1998, être conforme à la loi n° 1.058 sur les marques de fabrique, commerce ou d'industrie.

M. L. alléguant d'une mauvaise utilisation de sa marque a révoqué son autorisation par courrier du 6 juin 2001, réitéré le 11 juillet 2002, et il convient de rechercher si ce fait est caractérisé, au regard de l'utilisation qui en était faite par le propriétaire lui-même.

M. L n'établit pas que tant durant la vie commune du couple, qu'après leur séparation, les parties aient eu l'habitude de s'approvisionner même partiellement pour leurs magasins respectifs auprès de la SARL CASSIO, dont l'objet n'est d'ailleurs pas la fabrication des produits vendus.

M. L. n'a pas plus dressé de liste de fournisseurs agréés auprès de qui se fournir exclusivement et il ne peut donc pas reprocher à Mme M. d'avoir mis en vente un seul produit étiqueté « création CASSIO » auprès d'un fournisseur non agréé.

La seule déclaration faite par l'employée de Mme M. selon laquelle celle-ci aurait vendu pendant un an, à compter du 10 juillet 1998, des produits régulièrement estampillés CASSIO, provenant des créations CASSIO, ne peut pas valoir preuve de l'existence de telles créations, ni de l'existence d'un agrément particulier, alors qu'aucun document n'est produit à l'appui de ses dires (dessins, catalogues... concernant la marque CASSIO). M. L. ne verse des plaquettes publicitaires que pour la dénomination CASSIO INTERNATIONAL et pour la seule année 2003.

M. L. n'a pas établi de cahiers des charges avec une charte de qualité relatif aux produits pouvant être vendus sous la marque CASSIO. L'affirmation aux termes de laquelle les produits vendus par Mme M. seraient de qualité inférieure à ceux commercialisés par M. L ne repose sur aucun critère objectif et ce d'autant moins que les magasins de Monte-Carlo et de Menton s'adressaient aux mêmes fournisseurs, notamment en Italie, et que de nombreux articles sont identiques et portent la même référence.

Cette similitude dans les produits et leur qualité est confirmée par les photographies versées au dossier à l'appui de la saisie-contrefaçon, du constat dressé le 5 octobre 2005 à la requête de Mme M. dans le magasin alors exploité à Monaco par son ex-mari et par les clichés pris du magasin de Menton.

L'envoi erroné de facture au magasin de M. L. n'est pas le fruit d'une manœuvre de Mme M. dans le but de créer une confusion mais est imputable à une erreur de fournisseur, erreur commise également au détriment de Mme M qui a reçu une facture destinée au commerce de son ex-mari.

Mme M. a apposé la marque dont l'usage lui avait été conféré sur des produits répondant aux classes concernées par les dépôts et dans une gamme équivalente à celle vendue par M. L., dans le respect de l'usage même que celui-ci faisait de la marque et respecté les termes de l'acte du 10 juillet 1998.

Elle ne s'est rendue coupable ni de contrefaçon, ni d'une imitation frauduleuse de la marque au sens des articles 23 et 24 de la loi n° 1.058.

M. L. a, le 6 juin 2001, puis le 11 juillet 2002 retiré sans raison légitime à Mme M. l'autorisation qu'il lui avait donnée le 10 juillet 1998 et Mme M. était donc en droit, à la date de la saisie-contrefaçon, de continuer à utiliser la marque déposée CASSIO et la marque CASSIO INTERNATIONAL, à titre d'enseigne du magasin, au travers des étiquettes, tampons, sacs en papier ou en plastique, tapis d'entrée... ainsi qu'elle l'avait toujours fait.

M. L. sera en conséquence débouté de l'ensemble de ses demandes.

Sur la demande reconventionnelle

L'action intentée par M. L. a causé à Mme M. un préjudice dans l'exploitation de son fonds de commerce, par l'incertitude dans laquelle il l'a placée sur ses droits à utiliser la marque.

Il lui sera alloué la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande d'exécution provisoire

Les conditions du 1er alinéa de l'article 202 du Code de procédure civile ne sont pas remplies.

L'urgence n'est pas caractérisée.

Sur les dépens

Les dépens suivent la succombance.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement,

Prononce la nullité des attestations produites par Mme M. et portant les numéros 26-27-28.

Écarte des débats la pièce n° 6 comme constitutive d'un faux reconnu par le tribunal correctionnel de Monaco.

Dit que Mme M. a fait un usage conforme de la marque CASSIO.

Dit que Mme M. n'a pas commis d'acte de contrefaçon, ni d'imitation illicite de la marque CASSIO ou de la marque CASSIO INTERNATIONAL.

Dit que M. L. a révoqué sans motif légitime le 6 juin 2001 puis le 11 juillet 2002 l'autorisation donnée à Mme M. le 10 juillet 1998 d'utiliser la marque CASSIO et la marque CASSIO INTERNATIONAL.

Déboute M. L. de ses demandes en paiement de dommages et intérêts, de confiscation et d'interdiction d'usage de la marque et de l'enseigne CASSIO ou CASSIO INTERNATIONAL.

Condamne M. L. à payer à Mme M. la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Met les entiers dépens à la charge de M. L. dont distraction au profit de Maître Thomas Giaccardi, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition🔗

Mme Grinda-Gambarini, prés. ; M. Hars, prem. subst. proc. gén. ; Mes Mullot, Licari et Giaccardi, av. déf.

  • Consulter le PDF