Tribunal de première instance, 12 octobre 2006, B. c/ P.

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Abstract🔗

Baux d'habitation

Droit de reprise du propriétaire - Loi n° 1235 du 28 décembre 2000 relative aux conditions de location de certains locaux à usage d'habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947 - Modifiée par la loi n° 1291 du 21 décembre 2004 - Décision du Tribunal Suprême du 16 janvier 2006 annulant des dispositions de la loi nouvelle n° 1291 portant de 3 à 12 mois le délai de préavis de reprise - Congé signifié le 14 décembre et reçu le 20 décembre 2004, antérieurement à la loi n° 1291, en vertu de l'article 13 de la loi n° 1235 - Résiliation intervenue légalement le 20 mars 2005

Résumé🔗

I. – Sur la loi applicable

En premier lieu aux termes de l'article 23 de la loi n° 1291 du 21 décembre 2004, l'article 42 de la loi n° 1235 dispose désormais : « Les dispositions de la présente loi d'ordre public. Les classes ou stipulations existant dans les baux en cours, et qui seraient contraires aux dispositions de la présente loi, sont nulles et de nul effet » ;

En découle qu'outre le caractère d'ordre public de la loi nouvelle, qui interdit de déroger à ses dispositions par des conventions particulières dans les contrats futurs, la loi est expressément applicable aux baux en cours ;

En outre sont d'application immédiate les lois qui modifient les effets légaux des contrats, c'est-à-dire les effets qui prennent directement leur origine dans la loi et sont indépendants de la volonté des parties ;

Le contrat de bail a été conclu le 25 mars 2001, sous l'empire de la loi n° 1235 excluant expressément tout autre type de reprise que celles qu'elle détermine dans son article 13 en sorte que les parties n'avaient aucune possibilité de modifier le droit de reprise et ses modalités ;

En conséquence la loi applicable au litige est donc la loi n° 1235, modifiée par la loi n° 1291 ;

II. – Sur les effets de la décision du Tribunal Suprême du 16 janvier 2006 quant à la loi applicable

Par application de l'article 8 de la loi n° 1291, modifiant l'article 13 de la loi n° 1235, le contrat peut être résilié en cours de bail par la propriétaire qui entend faire jouer son droit de reprise dans les conditions prévues par les articles 16-1 à 16-7 de la loi 1235 modifiée ;

Par décision du 16 janvier 2006, le Tribunal Suprême a annulé les articles 16-3, 16-4 et 16-5 introduits dans la loi n° 1235 par l'article 11 de la loi n° 1291 annulé partiellement l'article 16-2 introduit dans la loi n° 1235 et par la loi n° 1291 en ce qu'il porte de trois à douze mois le délai imposé au propriétaire pour aviser le locataire de son intention d'exercer le droit de reprise ;

Cette décision d'annulation a donc eu pour effet de supprimer les dispositions légales susvisées aussi bien pour l'avenir que pour le passé celles-ci étant censées n'avoir jamais existé ;

Dès lors, P. P. est mal fondé à invoquer la « théorie des droits acquis », opinion doctrinale qui ne régit les conflits de lois dans le temps et ne saurait concerner les conséquences d'une annulation résultat d'un contrôle de la loi effectué a posteriori ;

En conséquence la loi en définitive applicable au litige est la loi n° 1235 du 28 décembre 2000, modifiée par la loi n° 1291 du 21 décembre 2004, et ce, dans la limite des dispositions non annulées par le Tribunal Suprême dans sa décision du 16 janvier 2006 ;

III. – Sur la conformité du congé donné le 14 décembre 2004 à la loi n° 1235 modifiée par la loi n° 1291

Aux termes de l'article 16-1 de la loi n° 1235 modifiée, le propriétaire a le droit de reprendre le local pour l'occuper lui-même ou le faire occuper par ses ascendants ou descendants ou leur conjoint, par ses frères ou sœurs ou leurs descendants, ou par les ascendants ou descendants de son conjoint, dans les conditions fixées par les articles suivants ;

L'article 16-2, 1° de la loi n° 1235 modifiée énonce que le propriétaire qui veut exercer le droit de reprise doit à peine de nullité de la procédure notifier au moins douze mois à l'avance, par lettre recommandée avec avis de réception ou acte extrajudiciaire, au locataire, son intention de reprendre le local en vertu des dispositions de l'article 16-1 ; cette notification, qui emportera résiliation anticipée du bail à la date fixée pour la reprise, devra indiquer d'une façon précise le bénéficiaire de la reprise ;

Il faut rappeler que par décision du 16 janvier 2006, le Tribunal Suprême a annulé les articles 16-3, 16-4 et 16-5 qui imposaient que le propriétaire remplisse certaines conditions pour pouvoir valablement exercer la reprise et annulé partiellement l'article 16-2 introduit dans la loi n° 1235 par la loi n° 1291 en ce qu'il porte de trois à douze mois le délai imposé au propriétaire pour aviser le locataire de son intention d'exercer le droit de reprise ;

Dès lors, le courrier des époux B. en date du 14 décembre 2004, dont une copie est versée aux débats, respecte les dispositions de la loi en ce qu'il indique expressément que la reprise est initiée en vue de l'occupation du logement par leur petite fille, S.B., et leur mère H. G., et notifie donc valablement congé pour reprise à la date sollicitée du 20 mars 2005 ;

En l'espèce, les époux B. justifient par les pièces produites de l'existence des personnes qu'ils entendent loger dans l'immeuble, l'effectivité de l'occupation postérieure n'étant pas une condition de la validité du congé donné ;

En conséquence, il y a lieu de constater que le contrat de bail conclu le 25 mars 2001 est résilié depuis le 20 mars 2005, du fait du droit de reprise exercé par les époux B., suivant courrier du 14 décembre 2004, et qu'il y a lieu de prononcer l'expulsion de P. P. aux conditions indiquées au dispositif.


Motifs🔗

Le Tribunal de première instance,

Considérant les faits suivants :

Le 25 mars 2001, les époux E. et L. M. B. ont consenti à P. P. un bail d'habitation à l'effet du 1er janvier 2001, concernant un appartement à Monaco, soumis au régime de la loi n° 1235 du 28 décembre 2000, relative aux conditions de location de certains locaux à usage d'habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947 ;

Par courrier du 14 décembre 2004, reçu le 20 décembre 2004 les époux B. ont signifié à P. P. leur intention d'exercer leur droit de reprise sur l'appartement pour le mettre à la disposition de leur petite fille S.B. et de sa mère H. G., en se référant à l'article 13 de la loi, prévoyant un préavis de trois mois ;

Le 28 janvier 2005, le conseil de P. P. indiquait aux époux B. que son client n'entendait pas quitter les lieux à l'échéance du 20 mars 2005, du fait de l'entrée en vigueur de la loi n° 1291 du 21 décembre 2004 qui modifierait les conditions du droit de reprise en prévoyant notamment un délai de préavis de douze mois outre des conditions particulières que le propriétaire doit satisfaire ;

Par acte en date du 17 octobre 2005, les époux B. ont fait assigner P. P. devant le Tribunal de première instance. Ils sollicitent que soit constatée la résiliation du bail de P. P. depuis le 20 mars 2005 du fait de l'exercice de leur droit de reprise et que P. P. soit jugé occupant sans droit ni titre. Ils réclament ainsi son expulsion dans les huit jours du jugement et sous astreinte de 200 euros par jour de retard une fois ce délai écoulé et sollicitent enfin la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, ainsi que l'exécution provisoire du jugement ;

À l'appui de leur demande, ils font valoir que la loi nouvelle n° 1291 du 21 décembre 2004 a été promulgués après que le congé ait été donné, le 14 décembre, et reçu, le 20 décembre 2004, et que dès lors que cette loi ne serait pas rétroactive, le congé prenant ses effets, selon eux, à la date de son envoi, la loi nouvelle ne s'appliquerait pas en l'espèce et la résiliation serait valablement intervenue le 20 mars 2005 ;

Ils ajoutent qu'en tout état de cause, le Tribunal Suprême a, par décision du 16 janvier 2006, annulé certaines dispositions de la loi n° 1291, modifiant la loi n° 1235, si bien que le congé donné le 14 décembre 2004 serait ainsi de toutes façons conforme à la loi n° 1235 modifiée ;

En défense, P. P. conclut au débouté de toutes les demandes des époux B. et sollicite reconventionnellement le paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que la loi n° 1291 modifiant la loi n° 1235 serait d'application immédiate, d'ordre public et s'appliquerait aux contrats en cours au moment de son entrée en vigueur le 21 décembre 2004 ; que dès lors que selon lui le congé ne prendrait pas effet à la date de sa notification, mais au moment de la résiliation du bail, c'est la loi n° 1235 modifiée qui devrait régir les conditions de la reprise, le congé donné le 14 décembre 2004 ne respectant en fait pas ces dispositions légales, selon le défendeur ;

Il estime également que l'annulation de certaines dispositions de la loi n° 1291 par le Tribunal Suprême serait sans incidence sur le litige en vertu de la théorie des droits acquis ;

À titre subsidiaire, il estime que les demandeurs ne caractérisent pas à suffisance que la récupération des locaux serait nécessaire à la satisfaction d'un besoin de logement ;

Sur quoi,

I. – Sur la loi applicable

Attendu en premier lieu qu'aux termes de l'article 23 de la loi n° 1291 du 21 décembre 2004, l'article 42 de la loi n° 1235 dispose désormais :

« Les dispositions de la présente loi sont d'ordre public.

Les clauses ou stipulations existant dans les baux en cours, et qui seraient contraires aux dispositions de la présente loi, sont nulles et de nul effet » ;

Qu'il en découle qu'outre le caractère d'ordre public de la loi nouvelle, qui interdit de déroger à ses dispositions par des conventions particulières dans les contrats futurs, la loi est expressément applicable aux baux en cours ;

Attendu en outre que sont d'application immédiate les lois qui modifient les effets légaux des contrats, c'est-à-dire les effets qui prennent directement leur origine dans la loi et sont indépendants de la volonté des parties ;

Attendu que le contrat de bail a été conclu le 25 mars 2001, sous l'empire de la loi n° 1235 excluant expressément tout autre type de reprise que celles qu'elle détermine dans son article 13 en sorte que les parties n'avaient aucune possibilité de modifier le droit de reprise et ses modalités ;

Attendu en conséquence que la loi applicable au litige est donc la loi n° 1235, modifiée par la loi n° 1291 ;

II. – Sur les effets de la décision du Tribunal Suprême du 16 janvier 2006 quant à la loi applicable

Attendu que par application de l'article 8 de la loi n° 1291, modifiant l'article 13 de la loi n° 1235, le contrat peut être résilié en cours de bail par le propriétaire qui entend faire jouer son droit de reprise dans les conditions prévues par les articles 16-1 à 16-7 de la loi n° 1235 modifiée ;

Que par décision du 16 janvier 2006, le Tribunal Suprême a annulé les articles 16-3, 16-4 et 16-5 introduits dans la loi n° 1235 par l'article 11 de la loi n° 1291 annulé partiellement l'article 16-2 introduit dans la loi n° 1235 et par la loi n° 1291 en ce qu'il porte de trois à douze mois le délai imposé au propriétaire pour aviser le locataire de son intention d'exercer le droit de reprise ;

Attendu que cette décision d'annulation a donc eu pour effet de supprimer les dispositions légales susvisées aussi bien pour l'avenir que pour le passé, celles-ci étant censées n'avoir jamais existé ;

Que dès lors, P. P. est mal fondé à invoquer la « théorie des droits acquis », opinion doctrinale qui ne régit les conflits de lois dans le temps et ne saurait concerner les conséquences d'une annulation résultat d'un contrôle de la loi effectué a posteriori ;

Attendu en conséquence que la loi en définitive applicable au litige est la loi n° 1235 du 28 décembre 2000, modifiée par la loi n° 1291 du 21 décembre 2004, et ce, dans la limite des dispositions non annulées par le Tribunal Suprême dans sa décision du 16 janvier 2006 ;

III. – Sur la conformité du congé donné le 14 décembre 2004 à la loi n° 1235 modifiée par la loi n° 1291 Attendu qu'aux termes de l'article 16-1 de la loi n° 1235

modifiée, le propriétaire a le droit de reprendre le local pour l'occuper lui-même ou le faire occuper par ses ascendants ou descendants ou leur conjoint, par ses frères ou sœurs ou leurs descendants, ou par les ascendants ou descendants de son conjoint, dans les conditions fixées par les articles suivants ;

Que l'article 16-2, 1° de la loi n° 1235 modifiée énonce que le propriétaire qui veut exercer le droit de reprise doit à peine de nullité de la procédure notifier au moins douze mois à l'avance, par lettre recommandée avec avis de réception ou acte extrajudiciaire, au locataire, son intention de reprendre le local en vertu des dispositions de l'article 16-1 ; cette notification, qui emportera résiliation anticipée du bail à la date fixée pour la reprise, devra indiquer d'une façon précise le bénéficiaire de la reprise ;

Qu'il faut rappeler que par décision du 16 janvier 2006, le Tribunal Suprême a annulé les articles 16-3, 16-4 et 16-5 qui imposaient que le propriétaire remplisse certaines conditions pour pouvoir valablement exercer la reprise et annulé partiellement l'article 16-2 introduit dans la loi n° 1235 par la loi n° 1291 en ce qu'il porte de trois à douze mois le délai imposé au propriétaire pour aviser le locataire de son intention d'exercer le droit de reprise ;

Que dès lors, le courrier des époux B. en date du 14 décembre 2004, dont une copie est versée aux débats, respecte les dispositions de la loi en ce qu'il indique expressément que la reprise est initiée en vue de l'occupation du logement par leur petite fille, S.B., et leur mère H. G., et notifie donc valablement congé pour reprise à la date sollicitée du 20 mars 2005 ;

Qu'en l'espèce, les époux B. justifient par les pièces produites de l'existence des personnes qu'ils entendent loger dans l'immeuble, l'effectivité de l'occupation postérieure n'étant pas une condition de la validité du congé donné ;

Attendu en conséquence, qu'il y a lieu de constater que le contrat de bail conclu le 25 mars 2001 est résilié depuis le 20 mars 2005, du fait du droit de reprise exercé par les époux B., suivant courrier du 14 décembre 2004, et qu'il y a lieu de prononcer l'expulsion de P. P. aux conditions indiquées au dispositif ;

IV. – Sur les demandes en paiement de dommages et intérêts

Attendu que les époux B. obtenant gain de cause en leur action, la demande de dommages et intérêts à titre de procédure abusive de P. P. sera donc rejetée ;

Attendu par ailleurs que celui-ci a pu se méprendre sur la portée de ses droits, notamment du fait de l'annulation rétroactive par le Tribunal Suprême de certaines dispositions de la loi n° 1291 du 21 décembre 2004, en sorte que la demande en paiement de dommages et intérêts des époux B. sera également rejetée ;

V. – Sur l'exécution provisoire

Attendu qu'aucune urgence susceptible d'entraîner l'exécution provisoire de la décision au sens de l'article 202 du Code de procédure civile n'est caractérisée par les époux B. en sorte que cette demande sera rejetée ;

VI. – Sur les dépens

Attendu que P. P., qui succombe, doit supporter les dépens par application de l'article 231 du Code civil ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

statuant contradictoirement,

Constate que le contrat de bail conclu le 25 mars 2001 portant sur un appartement à Monaco est résilié depuis le 20 mars 2005, du fait du droit de reprise exercé par les époux B. suivant courrier du 14 décembre 2004 ;

Dit que P. P. devra libérer les lieux dans les quinze jours à compter du prononcé du jugement et que, faute de l'avoir fait, il pourra être expulsé, ainsi que tous occupants de son chef, avec au besoin l'assistance de la force publique et d'un serrurier, si nécessaire ;

Rejette le surplus des demandes des époux B. ;

Déboute P. P. de toutes ses demandes ;

Condamne P. P. aux dépens, avec distraction au profit de Maître Christine Pasquier-Ciulla, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Mme Grinda-Gambarini, prés. ; Mlle Ghenassia, juge ; M. Biancheri, juge suplt ; Mme Gonelle, prem. subs. proc. gén. ; Mlle Ferrer, gréf. ; Mes Pasquier-Ciulla et Licari, av. déf. -

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