Tribunal de première instance, 25 juillet 2006, B. c/ Centre Hospitalier Princesse de Grace et Rit.

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Abstract🔗

Responsabilité de la Puissance Publique

Centre Hospitalier Princesse Grace - Faute de Service : négligence concernant le suivi de l'état de santé du patient ; absence de contrôle radiographique ayant entraîné un retard thérapeutique et nécessité une intervention chirurgicale - Absence de faute lourde médicale ou chirurgicale

Résumé🔗

Il est constant que C. B. a été soignée en régime hôpital au moments des faits ;

Le rapport de l'expert Sériat-Gautier, déposé le 23 mai 2005 au Greffe général, qui a fait l'objet d'une demande d'homologation de la part des parties et relève d'un travail complet et détaillé, doit constituer une base d'appréciation sérieuse des responsabilités encourues et d'évaluation des divers chefs de préjudice invoqués par la demanderesse ;

C. B. fonde ses réclamations sur la faute commise dans le suivi de son état de santé ;

La responsabilité du Centre Hospitalier Princesse Grace ne peut être engagée que sur la base d'une faute de service, dont le degré de gravité requis est apprécié différemment en matière de responsabilité médicale, selon la nature du fait dommageable, étant rappelé que cette faute demeure essentiellement objective et anonyme ;

À cet égard, la preuve d'une faute lourde est exigée lorsque le dommage résulte d'un acte médical ou chirurgical au sens strict, alors qu'une faute simple suffit quand il s'agit d'actes de soins ou de fonctionnement du service, par référence aux notions de surveillance des malades et d'application matérielle des traitements ;

Si l'expert estime que l'immobilisation immédiate par plâtre était justifiée, en raison de la bénignité de la fracture et de l'absence de déplacement, il considère que l'absence de contrôle radiographique précoce, qui est normalement pratiqué, n'a pas permis de diagnostiquer le déplacement secondaire du poignet et a nécessité un geste chirurgical, la consolidation étant acquise ; la négligence ainsi stigmatisée par le rapport d'expertise, qui concerne le suivi de l'état de santé du malade, caractérise la faute simple exigée une telle hypothèse ; que le fait que l'expert indique que « vu la bénignité de la fracture, le chirurgien a pensé que cette fracture aurait peu de chance d'avoir un déplacement secondaire » n'est pas de nature à ôter son caractère fautif à l'absence de contrôle radiographique précoce, dès lors que ce déplacement n'était pas imprévisible, le Professeur Seriat-Gautier relevant à cet égard un « accès d'optimisme » du chirurgien ;

En conséquence, la responsabilité du Centre Hospitalier Princesse Grace apparaît engagée du fait d'une faute de service ;

En vertu de l'article 2 de la loi n° 983 du 26 mai 1976, aucun agent public ne peut être déclaré civilement responsable, soit envers l'Administration, soit envers les tiers si ce n'est en raison de sa faute personnelle ; qu'une telle faute est définie par l'article 3 de cette même loi : soit comme celle qui est dépourvue de tout lien avec le service, soit comme celle, qui bien que non dépourvue de tout lien avec le service, se détache de celui-ci en raison de son anormale gravité, de l'intention de nuire ou de l'intérêt personnel dont elle procède ;

Il n'est pas contesté que le docteur J. Rit, à supposer son intervention personnelle avérée en l'espèce, aurait agi en tant qu'agent public, en sa qualité de chef de Service chirurgie orthopédique et traumatique du Centre Hospitalier Princesse Grace ;

Si les pièces versées aux débats se réfèrent à des documents signés, dès le 11 décembre 2000, par le docteur Rit, et si certaines prescriptions émanent de ce praticien à compter de janvier 2001, aucune faute personnelle de ce médecin, en raison de son anormale gravité, d'une intention de nuire ou d'un intérêt personnel, n'est évoquée par l'expert judiciaire, ni par ailleurs établie ; que les demandes formées à l'encontre de J. Rit doivent dès lors être rejetées ;

Dès lors, le Centre Hospitalier Princesse Grace est tenu de réparer les conséquences dommageables de la faute de service, qui a entraîné un retard thérapeutique et nécessité, selon l'expert, une intervention chirurgicale de réaxation du poignet.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Le 11 décembre 2000, C. B. victime d'un accident du travail, a été prise en charge, au Centre Hospitalier Princesse Grace, pour une fracture du poignet droit et a été plâtrée avec un plâtre anti-brachial ;

Au moment du déplâtrage intervenu un mois plus tard, il a été constaté un déplacement secondaire avec bascule du fragment distal rendant nécessaire la reprise avec réduction de la fracture ;

Le 6 septembre 2001, le Professeur Gilbert, spécialiste de la chirurgie de la main, a fixé et réduit le déplacement distal radial, et ce, avec greffe postérieure et plage antérieure ;

Selon jugement avant-dire-droit en date du 17 février 2005, ce Tribunal a ordonné, dans l'instance opposant C. B. au Centre Hospitalier Princesse Grace et au docteur Jacques Rit, une expertise confiée au Professeur Seriat-Gautier, lequel avait pour mission de :

déterminer si une négligence, voire une erreur dans le choix ou l'exécution de l'acte de soins, peuvent être imputées au Centre Hospitalier Princesse Grace, et si le contrôle ainsi que la surveillance de la patiente étaient suffisants et adaptés à son état,

fournir tous éléments techniques et de fait permettant de dire si le docteur Rit a agi de manière fautive,

indiquer, dans l'affirmative, si de telles fautes ont pu occasionner les séquelles dont se plaint C. B.,

donner, dans ce cas, tous éléments utiles à l'effet d'évaluer le préjudice subi par C. B., en distinguant parmi les séquelles, celles qui sont exclusivement imputables à la fracture initiale du poignet droit, de celles qui n'ont trouvé leur origine que dans la faute éventuelle du Centre Hospitalier Princesse Grace ;

L'expert Seriat-Gautier a conclu, aux termes de son rapport déposé le 23 mai 2005 au Greffe Général, qu' :« il n'y a pas eu d'erreur dans le choix de la thérapeutique, mais (...) l'absence de radiographie précoce n'a pas permis de faire le diagnostic du déplacement secondaire du poignet. Il est donc regrettable que cette radiographie de contrôle n'ait pas été pratiquée. On ne peut pas considérer que ce soit une faute intentionnelle, car la fracture n'était pas déplacée et particulièrement bénigne et (...) l'ont peut targuer le chirurgien d'accès d'optimisme en n'ayant pas demandé cette radiographie précoce. Il n'en demeure pas moins que l'absence de radiographie précoce n'a pas permis de diagnostiquer le déplacement secondaire, et que la consolidation acquise, seul un geste chirurgical pouvait permettre de réaxer le poignet de Madame B. Ainsi donc, l'absence de diagnostic précoce du déplacement a justifié un geste chirurgical secondaire. Ceci entraîne comme conséquence médico-légale une durée d'ITT supplémentaire due à la nouvelle intervention chirurgicale et à la consolidation après l'intervention chirurgicale correspondant : à 4 mois d'ITT supplémentaires et deux mois d'ITP à 30 %. Le pretium doloris pour les différentes interventions, ostéosynthèse, prise de greffe, ablation du matériel et soins en relation, peut être évalué à 3,5/7, le syndrome du canal carpien et du canal cubital n'étant pas en rapport avec le retard thérapeutique. Le préjudice esthétique peut être évalué à 1,5/7. Quant à l'IPP, elle est nulle car les séquelles actuelles sont en rapport avec la fracture initiale, et non pas avec l'intervention chirurgicale, ou le retard thérapeutique. Le préjudice professionnel a été signalé par la patiente en raison de la durée de l'incapacité de travail, mais à ce jour, il n'existe aucune contre indication à la reprise de son activité » ;

Par des conclusions déposées les 16 juin et 16 novembre 2005, C. B. demande au Tribunal de :

  • voir homologuer le rapport d'expertise judiciaire,

  • voir constater que la responsabilité professionnelle du docteur Jacques Rit est engagée,

  • déclarer conjointement et solidairement le Centre Hospitalier Princesse Grace et le docteur Rit responsables des séquelles dont elle demeure atteinte à ce jour, et ce, suite aux mauvais soins qu'elle a reçus après l'accident du travail, dont elle a été victime le 11 décembre 2000,

  • par conséquent, voir condamner les défendeurs à lui payer les sommes suivantes :

    • • 8 000 euros pour l'indemnisation de l'ITT supplémentaire,

    • • 1 625 euros au titre de l'ITP de 30 %,

    • • 5 000 euros au titre du pretium doloris,

    • • 2 000 euros au titre du préjudice esthétique,

    • • 12 775 euros au titre du préjudice d'agrément,

    • • 600 euros en remboursement des frais d'expertise avancés,

    • • 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, matériel et financier,

  • soit la somme totale de 180 000 euros, avec intérêt au taux légal à compter des conclusions du 16 juin 2005, valant mise en demeure ;

À l'appui de ses prétentions, elle fait valoir :

1) Sur le rapport de l'expert Seriat-Gautier,

  • que suite à sa visite du 13 mars 2001, le docteur Rakotomalala lui a prescrit de nouvelles séances de rééducation, de telle sorte qu'elle n'a donc manifestement jamais rencontré le docteur Rit à cette date, celui-ci ne pouvant ainsi lui avoir proposé une intervention chirurgicale pour corriger la déformation en cause,

  • que contrairement à ce qu'indique l'expert, l'intervention n'a pas été repoussée en raison des convenances personnelles du patient ou du chirurgien, le Professeur Gilbert ayant seulement préféré attendre l'amélioration de la décalcification, qui constituait un élément péjoratif pour l'opération projetée,

  • qu'elle a ainsi bénéficié d'un traitement sous calcitonine, sous forme d'injections, entre les mois d'avril et septembre 2001,

  • que ce rapport d'expertise démontre les négligences du docteur Rit, qui s'analysent en une faute simple et s'avèrent suffisantes en matière d'actes de soins et de fonctionnement du service,

  • que le docteur Rit ne pouvait se permettre de faire l'impasse sur le contrôle intermédiaire entre la pose et l'ablation du plâtre, bien qu'il ait indiqué, dans une lettre interne du 2 février 2004 adressée au Directeur du Centre Hospitalier Princesse Grace, que « le docteur Rakotomalala n'a pas jugé nécessaire de faire pratiquer de contrôle radiologique intermédiaire »,

  • que la faute commise, qui est ainsi établie, concerne le suivi de l'évolution de son état de santé et non le choix de la thérapeutique,

  • que le diagnostic erroné de ce praticien ainsi que les mauvais soins apportés par le Centre Hospitalier Princesse Grace sont indiscutablement la cause du handicap dont elle est aujourd'hui victime,

2) Sur son préjudice,

  • que la période indemnisée au titre de l'accident du travail est comprise entre le 11 décembre 2000 et le 30 juin 2004,

  • que l'assureur-loi a versé des indemnités d'un montant journalier de 93,65 euros, sur 1 296 jours, soit 121 370,40 euros, alors qu'elle aurait dû percevoir, sur cette même période, au titre de son salaire, la somme de 218 337,12 euros, de telle sorte que son manque à gagner s'élève à 96 966,72 euros,

  • que son préjudice d'agrément, bien qu'il n'ait pas été évoqué par l'expert, résulte du fait qu'elle ne peut plus effectuer certains actes de la vie quotidienne, ni pratiquer le ski et le tennis, alors que la marche et la randonnée sont devenues difficiles à cause des douleurs provoquées par le greffon,

  • que s'agissant de son préjudice moral et financier,

  • elle a été licenciée du fait du prolongement de son arrêt de travail de plus de six mois, alors qu'en raison de son âge et de son inactivité depuis plus de quatre années, il lui est impossible de retrouver un emploi dans sa profession,

  • elle ne peut procéder à la recherche d'un emploi, dès lors qu'elle est toujours en arrêt de travail du fait d'une dépression nerveuse, consécutive à ces événements, comme le démontre le certificat médical du docteur Reichenbach, psychiatre,

  • sa perte de revenus est indiscutable, dans la mesure où elle percevait un salaire annuel de 65 000 euros lorsqu'elle était encore employée en qualité de directrice commerciale de la SAM Oftel,

  • la différence entre les revenus qu'elle aurait réellement perçus et les indemnités versées par l'assureur-loi au titre de l'accident du travail, puis par les organismes sociaux au titre de la maladie, s'élève à la somme de 135 464,40 euros ;

Par des conclusions déposées le 19 octobre 2005 et le 30 janvier 2006, les défendeurs demandent au Tribunal de :

  • mettre hors de cause le docteur Rit, qui n'est intervenu que dans le cadre du secteur public hospitalier,

  • homologuer le rapport d'expertise du Professeur Seriat-Gautier,

  • constater que si seule la responsabilité du Centre Hospitalier Princesse Grace peut être recherchée, elle ne peut être engagée en l'espèce, dès lors qu'aucune faute n'a été retenue par l'expert judiciaire,

  • rejeter l'intégralité des demandes de C. B.,

  • à titre subsidiaire, s'agissant de l'incapacité temporaire de travail, ne condamner le Centre Hospitalier Princesse Grace qu'à indemniser les seules pertes de salaire net, qui pourront être évaluées sur présentation d'une attestation de l'employeur ainsi que des bordereaux d'intervention des organismes sociaux et complémentaires,

  • rejeter les demandes formulées de ce chef en l'état,

  • s'agissant du pretium doloris et du préjudice esthétique, ne condamner le Centre Hospitalier Princesse Grace à payer à C. B. que les sommes respectives de 2 700 euros et 1 100 euros,

  • rejeter le surplus des demandes ;

À l'appui de leur défense, ils soutiennent que :

  • le docteur Rit n'a agi qu'en qualité de préposé du service public,

  • seules les conclusions du Professeur Seriat-Gautier sont contradictoires, à l'exclusion des rapports d'expertise et certificats médicaux produits par C. B.,

  • l'expert judiciaire indique qu'il n'y a pas eu d'erreur dans le choix thérapeutique et que l'absence de radiographie précoce ne peut être considérée comme une faute, eu égard à la « bénignité de la fracture »,

  • l'« accès d'optimisme » relevé ne peut être qualifié ni de faute, ni de laxisme,

  • il ressort, en outre, de la lecture du rapport d'expertise judiciaire qu'il était compréhensible, compte tenu des circonstances de l'espèce, de ne pas avoir fait pratiquer de radiographie et que les séquelles actuelles ne sont pas en rapport avec le regard de diagnostic mais avec la fracture initiale,

  • la demanderesse ne rapporte dès lors pas la preuve de l'existence d'une faute, qui est une des conditions nécessaires à la mise en œuvre de la responsabilité hospitalière,

  • le récapitulatif de ce que C. B. estime être son manque à gagner ainsi que son contrat de travail sont insuffisants à établir sa perte de revenus, dès lors qu'aucune fiche de salaire n'est versée aux débats et qu'aucun élément ne permet de calculer le montant de ses commissions sur le chiffre d'affaires,

  • la demanderesse n'étant atteinte d'aucune incapacité permanente partielle, elle ne peut prétendre à la réparation d'un préjudice professionnel, et ce d'autant qu'elle n'est pas inapte à exercer son activité et que l'arrêt de travail ayant motivé son licenciement ne relève pas de la responsabilité du Centre Hospitalier Princesse Grace,

  • le préjudice moral invoqué ne pourra donner lieu à aucune indemnisation, dans la mesure où ce chef de préjudice est déjà compris dans l'appréciation du pretium doloris,

  • le préjudice d'agrément n'a pas été retenu par l'expert et n'est en tout état de cause pas établi ;

Sur quoi,

Attendu qu'il est constant que C. B. a été soignée en régime hôpital au moment des faits ;

Attendu que le rapport de l'expert Seriat-Gautier, déposé le 23 mai 2005 au Greffe général, qui a fait l'objet d'une demande d'homologation de la part des parties et relève d'un travail complet et détaillé, doit constituer une base d'appréciation sérieuse des responsabilités encourues et d'évaluation des divers chefs de préjudice invoqués par la demanderesse ;

Attendu que C. B. fonde ses réclamations sur la faute commise dans le suivi de son état de santé ;

Attendu que la responsabilité du Centre Hospitalier Princesse Grace ne peut être engagée que sur la base d'une faute de service, dont le degré de gravité requis est apprécié différemment en matière de responsabilité médicale, selon la nature du fait dommageable, étant rappelé que cette faute demeure essentiellement objective et anonyme ;

Attendu à cet égard, que la preuve d'une faute lourde est exigée lorsque le dommage résulte d'un acte médical ou chirurgical au sens strict, alors qu'une faute simple suffit quand il s'agit d'actes de soins ou de fonctionnement du service, par référence aux notions de surveillance des malades et d'application matérielle des traitements ;

Attendu que si l'expert estime que l'immobilisation immédiate par plâtre était justifiée, en raison de la bénignité de la fracture et de l'absence de déplacement, il considère que l'absence de contrôle radiographique précoce, qui est normalement pratiqué, n'a pas permis de diagnostiquer le déplacement secondaire du poignet et a nécessité un geste chirurgical, la consolidation étant acquise ; que la négligence ainsi stigmatisée par le rapport d'expertise, qui concerne le suivi de l'état de santé du malade, caractérise la faute simple exigée en une telle hypothèse ; que le fait que l'expert indique que « vu la bénignité de la fracture, le chirurgien a pensé que cette fracture aurait peu de chance d'avoir un déplacement secondaire » n'est pas de nature à ôter son caractère fautif à l'absence de contrôle radiographie précoce, dès lors que ce déplacement n'était pas imprévisible, le Professeur Seriat-Gautier relevant à cet égard un « accès d'optimisme » du chirurgien ;

Attendu en conséquence, que la responsabilité du Centre Hospitalier Princesse Grace apparaît engagée du fait d'une faute de service ;

Attendu qu'en vertu de l'article 2 de la loi n° 983 du 26 mai 1976, aucun agent public ne peut être déclaré civilement responsable, soit envers l'Administration, soit envers les tiers si ce n'est en raison de sa faute personnelle ; qu'une telle faute est définie par l'article 3 de cette même loi : soit comme celle qui est dépourvue de tout lien avec le service, soit comme celle, qui bien que non dépourvue de tout lien avec le service, se détache de celui-ci en raison de son anormale gravité, de l'intention de nuire ou de l'intérêt personnel dont elle procède ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que le docteur Jacques Rit, à supposer son intervention personnelle avérée en l'espèce, aurait agi en tant qu'agent public, en sa qualité de Chef de Service chirurgie orthopédique et traumatique du Centre Hospitalier Princesse Grace ;

Attendu que si les pièces versées aux débats se référent à des documents signés, dès le 11 décembre 2000, par le docteur Rit, et si certaines prescriptions émanent de ce praticien à compter de janvier 2001, aucune faute personnelle de ce médecin, en raison de son anormale gravité, d'une intention de nuire ou d'un intérêt personnel, n'est évoquée par l'expert judiciaire, ni par ailleurs établie ; que les demandes formées à l'encontre de Jacques Rit doivent dès lors être rejetées ;

Attendu dès lors, que le Centre Hospitalier Princesse Grace est tenu de réparer les conséquences dommageables de la faute de service, qui a entraîné un retard thérapeutique et nécessité, selon l'expert, une intervention chirurgicale de réaxation du poignet ;

Attendu que le rapport d'expertise n'a pas été contesté, en ce qu'il a fixé les postes de préjudice imputables à l'intervention chirurgicale et exclu les dommages exclusivement rattachables à la fracture initiale ;

Attendu que l'expert a retenu une incapacité temporaire de travail, consécutive à l'intervention du 6 septembre 2001, qui a été totale pendant 4 mois, puis partielle, à hauteur de 30 %, pendant 2 mois ; que C. B. ne justifie cependant pas du montant des indemnités journalières qui lui auraient été versées par l'assureur-loi ou les caisses sociales à cette époque, ou des périodes au cours desquelles elle a été prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail ou en maladie ; qu'elle ne met par ailleurs pas le Tribunal en mesure d'apprécier sa perte de salaire, faute de produire ses bulletins de paie ; que les demandes formées du chef de l'incapacité temporaire de travail doivent dès lors être rejetées ;

Attendu que le pretium doloris a été évalué à 3,5 sur une échelle de 7, en raison « des différentes interventions, ostéosynthèse, prise de greffe, ablation du matériel et soins en relation », de telle sorte qu'il convient d'indemniser ce poste de préjudice par l'allocation de la somme de 5 000 euros ; Attendu que l'expert a évalué le préjudice esthétique à 1,5 sur une échelle de 7, en relevant qu'il persiste une cicatrice palmaire, au niveau de l'avant bras droit, de 10 cm de long, fine et légèrement sensible à la palpation, ainsi qu'une cicatrice de 12 cm de long, au niveau de l'aile iliaque gauche (prise de greffon) ; qu'au vu de ces considérations médicales, l'indemnité destinée à réparer ce poste de préjudice doit être fixé à la somme de 2 000 euros ;

Attendu que la demanderesse fait état d'un préjudice d'agrément, en produisant diverses attestations établissant qu'elle ne pratique plus le ski, la marche, la natation et la gymnastique, activités auxquelles elle s'adonnait régulièrement, notamment en raison de problèmes douloureux au niveau de la hanche ; que l'expert précise à cet égard que la palpation de l'aile iliaque, au niveau de la prise de greffe, est douloureuse ; que l'impossibilité de pratiquer ces activités sportives, qui apparaît ainsi partiellement imputable aux douleurs résultant de la prise de greffe nécessitée par l'intervention chirurgicale, justifie une indemnisation de ce préjudice à hauteur de 500 euros ;

Attendu que le préjudice moral lié à la nécessité de subir une opération chirurgicale, qui aurait pu être évitée, et aux inconvénients qui en découlent, apparaît incontestable et doit être réparé par l'allocation de la somme de 1 000 euros ;

Attendu qu'il n'est pas démontré que le préjudice financier invoqué par C. B., qui résulte de la perte de salaire consécutive à son licenciement, devenu effectif le 31 juillet 2001, et à l'impossibilité de retrouver un emploi, notamment en raison d'un syndrome dépressif réactionnel (certificat du docteur Reichenbach du 20 septembre 2005), est directement la conséquence de l'intervention chirurgicale du 6 septembre 2001, de telle sorte qu'aucune indemnité ne peut être accordée de ce chef ; qu'en tout état de cause, l'expert a précisé que l'incapacité permanente partielle était nulle, les séquelles constatées étant en rapport avec la fracture initiale, et non pas avec l'intervention chirurgicale ou le retard thérapeutique ; que l'incidence professionnelle de l'incapacité permanente partielle ne peut dès lors être indemnisée dans le cadre du présent litige ;

Attendu qu'il convient, en définitive, de condamner le Centre Hospitalier Princesse Grace à payer à C. B. la somme de 8 500 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice résultant de l'intervention chirurgicale du 6 septembre 2001, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Attendu que par application de l'article 231 du Code de procédure civile, le Centre Hospitalier Princesse Grace doit supporter les dépens qui comprendront outre ceux réservés par les jugements des 8 juillet 2004 et 17 février 2005 les frais de l'expertise diligentée par le Professeur Seriat-Gautier ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS ,

LE TRIBUNAL STATUANT CONTRADICTOIREMENT,

Homologue le rapport de l'expert Seriat-Gautier déposé les 23 mai 2005 au Greffe Général, avec toutes conséquences de droit ;

Déclare le Centre Hospitalier Princesse Grace tenu de réparer les conséquences dommageables de la faute de service relative au suivi de l'état de santé de C. B. ;

Condamne le Centre Hospitalier Princesse Grace à payer à C. B. la somme de 8 500 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice résultant de l'intervention chirurgicale du 6 septembre 2001, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Déboute C. B. de ses demandes dirigées contre Jacques Rit ;

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

Condamne le Centre Hospitalier Princesse Grace aux dépens, qui comprendront outre ceux réservés par les jugements des 8 juillet 2004 et 17 février 2005, les frais de l'expertise diligentée par le Professeur Seriat-Gautier, avec distraction au profit de Maître Yann Lajoux, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Mme Grinda-Gambarini, prés. ; Mme Dorato-Chicouras, v.-prés. ; Mlle Ghenassia, juge ; Mme Gonella, prem. subst. proc. gén. ; Mme Sanchez, gref. ; Mes Lorenzi, Lajoux, Escaut, Michel, av. déf. Chas, av. bar. de Nice.

Note🔗

Décision sélectionnée par la Revue de Droit Monégasque pour son intérêt jurisprudentiel, Revue de Droit Monégasque, 2006, n° 8, p. 145 à 151.

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