Tribunal de première instance, 8 juin 2006, P. c/ Sté E. T., S., S., S. et C.

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Abstract🔗

Propriété immobilière

Prescription acquisitive - Possession prolongée, trentenaire (y compris celle de l'auteur C. civ., art. 2055) revêtant les caractères prescrits par l'article 2048 du Code civil

Résumé🔗

Aucune inscription ou transcription relative au studio n° 21 situé au 8e étage de l'immeuble E. T. n'a été effectuée à la conservation des hypothèques par la société civile immobilière E. T. ou tout autre partie ;

Il résulte d'un décompte concernant la période du 1er mai 2001 au 30 avril 2002 établi par l'agence des étrangers que la demanderesse paie les charges de copropriété du studio n° 21 au 8e étage :

L'article 2047 du Code civil dispose : « la possession est la détention ou la jouissance d'une chose ou d'un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou qui l'exerce en notre nom »,

L'article 2048 du Code civil est ainsi rédigé : « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire » ;

L'article 2055 du Code civil précise : « pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux » ;

L'article 2082 dudit code stipule : « toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites pour trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi » ;

En l'espèce, il résulte des courriers précités de l'agence des étrangers en date des 18 novembre 2002 et 20 août 2002, que depuis 1963 une note précisait que A. P. est propriétaire du lot n° 21 situé au 8e étage, qui est ensuite passé au nom de R., G., J. D., dans l'exercice comptable du 1er mai au 30 avril 1979 ;

J., F., G. P. divorcée C., unique héritière de ses parents, rapporte la preuve de ce que ce bien a été détenu par ses parents puis par elle-même depuis plus de trente ans de façon continue, paisible, publique et non équivoque à titre de propriétaire ;


Motifs🔗

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Selon exploit en date du 25 juillet 2005, J., F., G. P. a fait assigner la société civile immobilière dénommée E. T., J.-P. S., O. S., J., D., R. S., J. C., en leur qualité de co-gérant de la SCI E. T., aux fins de voir :

Vu les articles 2047, 2048 et 2082 du Code civil,

Constater la possession continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire de l'appartement formant le lot numéro vingt et un du 8e étage de la copropriété E. T., boulevard de Belgique à Monaco,

Dire et juger la prescription trentenaire acquise

Juger en conséquence Mme J. P.-C. propriétaire du lot numéro vingt et un, situé au huitième étage, de l'état descriptif de division reçu par acte de Maître Settimo, alors Notaire à Monaco, le 12 octobre 1959, transcrit au Bureau des Hypothèques de Monaco le 3 novembre 1959, volume 355, numéro 35, de la Résidence E. T., boulevard de Belgique, Principauté de Monaco, construit sur un terrain cadastré section A, dite « des S. », parcelle n° 103, confinant du Nord-est l'escalier des R., du Nord-Ouest le Boulevard, et du Sud-Ouest une parcelle de terrain appartenant aux Domaines,

Ordonner la transcription du jugement à intervenir au Bureau des Hypothèques,

Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

Condamner la SCI Immobilière E. T. aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Patricia Rey, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

La demanderesse expose :

que par acte de vente passé en l'étude de Maître Sangiorgio-Cazes, notaire à Monaco, les 13 avril et 25 novembre 1963, la société E. T. a vendu à R., G., J. D. épouse contractuellement séparée de biens d'A., A. P., divers lots dépendant de l'immeuble dénommé E. T. à savoir un appartement situé au 8e étage porte le n° 1, un studio portant le n° 21 également situé au 8e étage portant le n° 22 situé au même étage, et une chambre de bonne portant le n° 10 située au 1er sous-étage ;

que A. P. est décédé le 6 janvier 1986 et R. G. J. D. veuve de A. P. le 10 août 1995 ;

qu'elle est l'unique héritière de A. P. et de R. G. J. D. ainsi que l'atteste Me Rey, notaire, le 17 février 2003,

qu'elle ne peut établir son titre de propriété sur le lot n° 21,

que le lot n° 21 n'a pas fait l'objet d'une mutation régulière depuis l'établissement du règlement de copropriété dressé par Maître Settimo, notaire à Monaco, le 12 octobre 1959, transcrit au Bureau des Hypothèques de Monaco le 3 novembre 1959, volume n° 355, n° 35 et qu'il est donc demeuré par erreur dans le patrimoine de la société E. T.,

qu'elle a toujours et de façon ininterrompue occupé ledit studio et qu'elle est considérée comme propriétaire du lot n° 21 et paye les charges de copropriété,

qu'elle établit une possession plus que trentenaire à titre de propriétaire ;

Par jugement en date du 27 octobre 2005, le Tribunal a ordonné la réassignation des parties défenderesses qui n'ont pas comparu et n'ont pas été citées à personne, et ce en application des dispositions de l'article 217 du Code de procédure civile ;

Selon exploit en date du 7 novembre 2005, J. P. a fait réassigner la société E. T., J.-P. S., O. S., J., D., R. S., J. C. ; Ces défendeurs bien que régulièrement cités à parquet n'ont pas comparu, en sorte qu'il convient de statuer par juge- ment de défaut à leur égard dès lors qu'il n'est pas démontré qu'ils ont eu connaissance de l'assignation ;

Sur ce,

Attendu que par acte authentique en date du 8 juin 1957 passé en l'étude de Maître Auguste Settimo, notaire à Monaco, J.-P. S., J. C. et J., D., R. S. ont constitué une société civile particulière dénommée « I. E. T. » ayant pour objet l'acquisition d'un terrain de 600 m2 environ situé à Monaco, l'aménagement dudit terrain, sa construction par l'édification d'un immeuble destiné à la vente par fractions ;

Que par acte authentique passé par devant Maître Louis-Constant Crovetto, notaire à Monaco, en date du 16 mars 1966, J.-P. S., J. C. et J., D., R. S., associés de la société immobilière E. T., ont décidé que cette société sera gérée par J.-P. S., J., D., R. S. et O. S., non associé, avec faculté pour les gérants de la société d'agir ensemble ou séparément, étant précisé que J. C. est associé mais non gérant de cette société créée pour 99 ans mais dont la durée est fixée au temps nécessaire pour la réalisation de son objet par la vente par lots de la totalité de l'immeuble ;

Que selon contrats de vente passés en l'étude de Maître René Sangiorgio-Cazes, notaire à Monaco, en date des 13 avril et 25 novembre 1963, O. S. agissant au nom et comme mandataire de S. et S. agissant au nom et comme gérant de la société civile immobilière E. T. ont vendu à R., G., J. D. épouse contractuellement séparée de biens d'A., A. P. dans l'immeuble dénommé E. T. sis boulevard de Belgique à Monaco, un appartement n° 1 situé au 2e étage, un studio n° 22 situé au 3e étage, une chambre de bonne n° 10 située au 2e sous-étage, un appartement n° 1 et un studio n° 22 situés au 8e étage, une chambre de bonne n° 10 située au 1er sous-étage, tandis que la mention « studio portant le n° 21 situé au 8e étage, comprenant cuisine, toilettes, avec WC, séjour et balcon » a été raturée ;

Attendu que par courrier du 18 novembre 2002 adressé à l'étude de Maître Rey, notaire, l'agence des étrangers écrit en ces termes :

Nos trente ans d'archives concernant la copropriété E. T. nous indiquent comme propriétaire du lot 21 du 8e étage M. A. P. (père de Mme C.-P. et mari de Mme D.-P.) ;

Antérieurement nous n'avons que des éléments parcellaires compte tenu de l'absence de formalisme qui présidait aux informations apportées aux syndics à l'époque. Une note de 1963 mentionne pour M. A. P. :

e n° 1/8e n° 21/8e n° 22,

e n° 22/2e n° 1/8e n° 3,

C/° Agence GIM Avenue de la Scala Monte-Carlo ;

Que par courrier du 17 octobre 2002, l'agence des étrangers informe l'étude de Maître Henri Rey de ce que « depuis l'exercice comptable du 1er mai 1997 au 30 avril 1998, le lot n° 21 passe au nom de Mme C.-P. » ;

Que préalablement par lettre du 20 août 2002, l'agence des étrangers indique à l'étude de Maître Rey, notaire, que « dans l'exercice comptable de la copropriété du 1er mai 1977 au 30 avril 1978, 8 lots dont 2 chambres de bonne sont au nom de Monsieur A. P.

Dans l'exercice suivant du 1er mai 1978 au 30 avril 1979, tous les lots passent au nom de Mme D.-P. avec vente des 2 chambres de bonne à Madame C. le 6 février 1979 (...).

Dans l'exercice comptable de la copropriété du 1er mai 1997 au 30 avril 1998, les lots restants passent au nom de Madame C.-P. en fonction de sa note manuscrite du 1er juillet 1998 (...) ».

Attendu qu'il ressort d'une attestation de Maître Henry Rey en date du 17 février 2003 que J., F., G. P. divorcée de J.-L. C. est l'unique héritière de sa mère R., G., J. D., veuve en uniques noces de A. P., décédée le 10 août 1995 ;

Attendu qu'aucune inscription ou transcription relative au studio n° 21 situé au 8e étage de l'immeuble E. T. n'a été effectuée à la conservation des Hypothèques par la société civile immobilière E. T. ou tout autre partie ;

Qu'il résulte d'un décompte concernant la période du 1er mai 2001 au 30 avril 2002 établi par l'agence des étrangers que la demanderesse paie les charges de copropriété du studio n° 21 situé au 8e étage ;

Attendu que l'article 2047 du Code civil dispose : « la possession est la détention ou la jouissance d'une chose ou d'un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou qui l'exerce en notre nom » ;

Que l'article 2048 du Code civil est ainsi rédigé : « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire » ;

Que l'article 2055 du Code civil précise : « pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux » ;

Que l'article 2082 dudit code stipule : « toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites pour trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi. » ;

Attendu qu'en l'espèce, il résulte des courriers précités de l'agence des étrangers en date des 18 novembre 2002 et 20 août 2002, que depuis 1963 une note précisait que A. P. est propriétaire du lot n° 21 situé au 8e étage, qui est ensuite passé au nom de R., G., J. D., dans l'exercice comptable du 1er mai 1978 au 30 avril 1979 ;

Que J., F., G. P. divorcée C., unique héritière de ses parents, rapporte la preuve de ce que ce bien a été détenu par ses parents puis par elle-même depuis plus de trente ans de façon continue, paisible, publique et non équivoque à titre de propriétaire ;

Qu'il convient donc de déclarer la demande bien fondée, au regard des articles précités ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement dès lors qu'une telle demande n'est pas motivée ;

Attendu que les dépens doivent demeurer à la charge de la demanderesse dès lors qu'une telle action a été intentée dans son intérêt personnel ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, STATUANT PAR DÉFAUT,

Constate la possession continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque, à titre de propriétaire de A. P., puis de R., G., J. D. et enfin de J., F., G. P. de l'appartement formant le lot n° 21 situé au 8e étage de l'immeuble dénommé E. T., sis boulevard de Belgique à Monaco ;

Juge la prescription trentenaire acquise ;

Dit que J., F., G. P. est propriétaire du lot n° 21, situé au 8e étage, de l'état descriptif de division reçu par acte de Maître Settimo, notaire à Monaco, le 12 octobre 1959, volume 355, n° 35, de la Résidence E. T., boulevard de Belgique, Principauté de Monaco, construit sur un terrain cadastré section A, dite « des S. », parcelle n° 103 confinant du Nord-Est l'escalier des R., du Nord-Ouest le boulevard et du Sud-Ouest une parcelle de terrain appartenant aux Domaines ;

Ordonne la transcription du présent jugement au Bureau des Hypothèques ;

Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;

Laisse les dépens à la charge de J., F., G. P. ;

Composition🔗

Mme Grinda-Gambarini, prés. ; Mlle Bitar-Ghanem, juge ; Mlle Ghenassia, juge ; Mme Gonelle, prem. subst. proc. gén. ; Mlle Ferrer, gref. ; Mes Rey, av. déf. ; M. Kremer, av. déf. bar. de Paris.

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