Tribunal de première instance, 30 mars 2006, Sté MC Donal'ds Corporation c/ M.

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Abstract🔗

Marques de fabrique

Contrefaçon de marque : protection du propriétaire de marques déposées à Monaco - Action en contrefaçon et en annulation du dépôt du contrefacteur - Conditions d'application de la loi n° 1058 du 10 juin 1983 - Droit de propriété exclusif sur des marques notoirement connues, préalablement enregistrées - Reproduction ou imitation des marques créant un danger de confusion

Résumé🔗

L'analyse des écrits judiciaires de la société MC Donald's permet d'observer que l'instance dont le tribunal se trouve présentement saisi procède tant de l'action en contrefaçon par imitation de la marque appartenant à cette société, que de l'action en annulation de dépôt des marques nominatives MC Aroni et MC Crony effectuées en Principauté de Monaco par É. M. ;

Il est de l'essence de l'action en contrefaçon de marques de permettre la cessation, pour l'avenir, des troubles causés au demandeur par l'auteur de la contrefaçon incriminée, de sorte qu'il appartient au Tribunal de première instance, lorsqu'il en est requis et qu'il constate une contrefaçon ou une imitation frauduleuse de marque, d'imposer au demandeur toute injonction utile afin de réglementer l'usage par celui-ci de sa marque litigieuse, de lui en interdire l'usage, ou même d'ordonner l'annulation totale ou partielle de tout enregistrement qui serait contraire aux prescriptions de la loi n° 1058 du 10 juin 1983, comme le prévoit l'article 30 de celle-ci ;

Ainsi, l'action en annulation de dépôt ou en interdiction d'usage n'est réservée au seul titulaire d'une marque notoirement connue, au sens des conventions internationales, comme le prévoit l'article 5 de ladite loi, qu'à défaut d'enregistrement de la marque à Monaco ;

Il convient dès lors d'examiner l'action en contrefaçon introduite par la société MC Donald's, sans égard à l'incidence qu'aurait par ailleurs la notoriété des marques dont elle est titulaire, quant à l'éventualité d'une action fondée sur les dispositions de l'article 5 de la loi précitée ; aux termes de l'article 3 de la loi n° 1058 du 10 juin 1983, le droit de se prévaloir de la propriété exclusive d'une marque prétendument contrefaite, suppose que celle-ci ait été préalablement enregistrée dans les conditions fixées par arrêté ministériel, afin de désigner, comme le prévoit l'article 1er de cette loi, « les produits, objets ou les services d'une entreprise quelconque » ;

L'arrêté ministériel n° 83448 du 21 septembre 1983 prévoit à ce propos que la demande de dépôt comporte l'énumération des produits ou services que la marque sert à désigner et les classes correspondant à la classification résultant de l'Arrangement de Nice en date du 15 juin 1957, tel qu'il a été modifié ;

Pour justifier de son droit de propriété exclusif sur les marques Mc Donald's, Mc et M dont elle sollicite la protection et allègue la contrefaçon, la société MC Donald's démontre avoir procédé à l'enregistrement à Monaco de ces marques sous les n° R 92.14388 pour les classes 14, 16, 25 et 28, R 98.19921 pour les classes 20, 30, 32 et 42, R 94.15706 pour la classe 42, R 94.15708 pour les classes 14, 16, 25, 28 et 31 et R 95.16229 pour les classes 29, 30, 32 et 42 ;

Au fond, s'agissant de l'action en contrefaçon dont le tribunal est saisi, celle-ci suppose, pour être accueillie au fond, que les marques MC Aroni et MC Crony puissent être considérées comme la reproduction ou l'imitation de la marque dont la société MC Donald's requiert la protection, et comme étant susceptible de créer un danger de confusion avec elle ;

Il est en effet constant que les faits de contrefaçon impliquent seulement un élément objectif consistant à reproduire à l'identique ou au quasi identique les éléments de la marque d'autrui, de façon à s'en rapprocher au point de créer un danger de confusion avec la marque imitée, dans l'esprit d'un client courant, et eu égard à l'impression d'ensemble et à l'image simplifiée conservée dans la mémoire d'un tel consommateur d'attention moyenne ;

À cet égard, la bonne foi de l'imitateur est inopérante en matière civile, puisque le droit sur la marque est un droit de propriété, et que toute atteinte portée à ce droit par imitation constitue une faute, même si l'atteinte émane d'une personne de bonne foi ;

En l'espèce, il y a lieu de tenir compte du caractère de plus en plus distinctif de la marque déposée par la partie demanderesse, s'agissant de l'une des marques les plus célèbres dans le secteur de la restauration rapide, ce qui ouvre droit à une protection plus élargie ;

Le mot MC (ou Mc) est d'une originalité totale pour les services de restauration ; ce mot est séparable de l'ensemble de la marque complexe ;

En effet, la syllabe initiale identique des marques déposées a un effet signal si fort qu'elle amène le public à ne jeter qu'un bref regard aux autres syllabes, puisque le terme MC est également employé pour désigner une série d'autres produits diffusés par la société MC Donald's, combinant la racine MC avec une indication factuelle : Mc Chicken, Mc Pizza, Mc Sunday, voire Mc Spaghetti etc. ;

Les marques MC Aroni et MC Crony, qui visent également des services de restauration, empruntent dès lors à la marque MC Donald's un élément caractéristique de celle-ci, le mot MC, exerçant à tout le moins une partie de la fonction distinctive de la marque et protégeable en lui-même ;

L'argument de É. M. inhérent à la référence faite, au travers des initiales MC, à l'abréviation internationale pour désigner la Principauté de Monaco n'apparaît pas opérant, le défendeur reconnaissant lui-même la prononciation desdites initiales, comme étant « Mac », afin de permettre, par association avec le vocable Aroni, le jeu de mot avec une certaine qualité de pâte alimentaire ;

Les marques enregistrées par É. M. entraînent inévitablement un risque de confusion dans la mesure où l'adjonction des mots Aroni et Crony à la syllabe MC (prononcée dans tous les cas Mac) particularise le mot MC et le complète par un terme générique et descriptif de la nature du produit concerné, à l'instar des produits également commercialisés par la demanderesse ;

Ce faisant, le consommateur risque d'attribuer au titulaire de la marque MC Donald's les services de restauration imaginés par É. M. ;

En conséquence compte tenu de ce risque de confusion, la société MC Donald's s'avère fondée en son action en contrefaçon ;

Il y a lieu, ainsi qu'elle le sollicite, et par application de l'article 30 alinéa 3 de la loi n° 1058 précitée, de prononcer l'annulation de l'enregistrement des marques MC Aroni et MC Crony déposées sous le n° 03.23402 et 03.23401 auprès de la direction de l'expansion économique de Monaco.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

La société MC Donald's Corporation, se disant propriétaire de différentes marques déposées en Principauté de Monaco, a assigné É. M. à l'effet de voir :

- prononcer l'annulation du dépôt des marques MC Aroni et MC Crony respectivement déposées sous les n° 03.23402 et 03.23401,

- dire et juger que la contrefaçon est constituée vis à vis des marques protégées M, MC et MC Donald's,

- condamner É. M. à payer la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts ;

La société MC Donald's soutient pour l'essentiel que la notoriété et la renommée de sa marque est indiscutable, de sorte que l'utilisation de « MC » par É. M. fait ressortir sa volonté manifeste de tirer avantage du pouvoir attractif de la marque sans se soucier du risque de confusion, lequel est entretenu par des similitudes phonétiques, visuelles et intellectuelles, et touche au même secteur d'activité relatif à la restauration ;

En réponse, É. M. fait valoir qu'il n'a jamais tenté d'opérer une confusion entre les marques qu'il a déposées et la société demanderesse, en indiquant :

- que les lettres MC renvoient à l'abréviation internationale habituellement utilisée pour désigner la Principauté de Monaco, où il entend ouvrir un restaurant de pâtes alimentaires, en sorte qu'il s'agit d'un jeu de mot faisant référence à une qualité de pâtes ;

- ces initiales ne présentent aucun caractère distinctif et aucune originalité qui les rendent susceptibles d'appropriation indépendamment de tout autre paramètre ;

- il n'existe aucun risque de confusion entre les marques, puisque la société demanderesse est spécialisée dans le service de sandwichs américains, salades et autres plats de restauration rapide, tandis que le restaurant projeté par le défendeur serait spécialisé dans les pâtes alimentaires ;

- il n'y a aucune correspondance d'ordre figuratif entre les marques,

- la société MC Donald's ne subit aucun préjudice puisque les marques déposées n'ont pas encore été exploitées par É. M. ;

M. demande au Tribunal de débouter la société MC Donald's de l'ensemble de ses prétentions, y compris sa demande de dommages-intérêts, et de la condamner au paiement d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;

La société MC Donald's reprenant les termes de son exploit introductif d'instance, et répondant à l'argumentation du défendeur, soutient que la notoriété de sa marque n'est pas contestable, et que le préfixe « MC » est un constituant distinctif et essentiel de cette marque, dont il est l'emblème ;

Elle prétend qu'eu égard à la similitude des marchandises diffusées, l'utilisation par É. M. du préfixe MC en combinaison avec un mot générique rend la probabilité de confusion évidente ; indépendamment du contenu descriptif des syllabes supplémentaires des marques déposées contestées (Aroni et Crony) la syllabe initiale prévaut à un tel degré dans les marchandises et services du secteur en question que le public croit presque obligatoirement qu'il a identifié une marque déposée détenue par la société MC Donald's ;

Elle expose en dernier lieu que son action est d'autant plus fondée que É. M. a fait état d'un projet de création d'un groupe international, la marque MC Aroni ayant fait l'objet d'une demande de dépôt d'enregistrement au plan communautaire ;

M. rétorque enfin que la société MC Donald's ne peut raisonnablement prétendre être seule titulaire d'un droit sur toute marque ayant pour préfixe le phonème Mac ou les lettes MC ; L'adjonction des mots Aroni et Crony fait disparaître, selon le défendeur, l'individualité de la dénomination MC, étant précisé que la calligraphie utilisée pour les marques qu'il a déposées est totalement différente de celle utilisée par la société MC Donald's ;

Sur ce,

Attendu que l'analyse des écrits judiciaires de la société MC Donald's permet d'observer que l'instance dont le tribunal se trouve présentement saisi procède tant de l'action en contrefaçon par imitation de la marque appartenant à cette société, que de l'action en annulation de dépôt des marques nominatives MC Aroni et MC Crony effectuées en Principauté de Monaco par É. M. ;

Attendu, qu'il est de l'essence de l'action en contrefaçon de marques de permettre la cessation, pour l'avenir, des troubles causés au demandeur par l'auteur de la contrefaçon incriminée, de sorte qu'il appartient au Tribunal de première instance, lorsqu'il en est requis et qu'il constate une contrefaçon ou une imitation frauduleuse de marque, d'imposer au demandeur toute injonction utile afin de réglementer l'usage par celui-ci de sa marque litigieuse, de lui en interdire l'usage, ou même d'ordonner l'annulation totale ou partielle de tout enregistrement qui serait contraire aux prescriptions de la loi n° 1058 du 10 juin 1983, comme le prévoit l'article 30 de celle-ci ;

Qu'ainsi, l'action en annulation de dépôt ou en interdiction d'usage n'est réservée au seul titulaire d'une marque notoirement connue, au sens des conventions internationales, comme le prévoit l'article 5 de ladite loi, qu'à défaut d'enregistrement de la marque à Monaco ;

Qu'il convient dès lors d'examiner l'action en contrefaçon introduite par la société MC Donald's, sans égard à l'incidence qu'aurait par ailleurs la notoriété des marques dont elle est titulaire, quant à l'éventualité d'une action fondée sur les dispositions de l'article 5 de la loi précitée ;

Attendu qu'aux termes de l'article 3 de la loi n° 1058 du 10 juin 1983, le droit de se prévaloir de la propriété exclusive d'une marque prétendument contrefaite, suppose que celle-ci ait été préalablement enregistrée dans les conditions fixées par arrêté ministériel, afin de désigner, comme le prévoit l'article 1er de cette loi, « les produits, objets ou les services d'une entreprise quelconque » ;

Que l'arrêté ministériel n° 83448 du 21 septembre 1983 prévoit à ce propos que la demande de dépôt comporte l'énumération des produits ou services que la marque sert à désigner et les classes correspondant à la classification résultant de l'Arrangement de Nice en date du 15 juin 1957, tel qu'il a été modifié ;

Attendu que pour justifier de son droit de propriété exclusif sur les marques Mc Donald's, Mc et M dont elle sollicite la protection et allègue la contrefaçon, la société MC Donald's démontre avoir procédé à l'enregistrement à Monaco de ces marques sous les n° R 92.14388 pour les classes 14, 16, 25 et 28, R 98.19921 pour les classes 29, 30, 32 et 42, R 94.15706 pour la classe 42, R 94.15708 pour les classes 14, 16, 25, 28, et 31 et R 95.16229 pour les classes 29, 30, 32 et 42 ;

Attendu au fond, que s'agissant de l'action en contrefaçon dont le tribunal est saisi, celle-ci suppose, pour être accueillie au fond, que les marques MC Aroni et MC Crony puissent être considérées comme la reproduction ou l'imitation de la marque dont la société MC Donald's requiert la protection, et comme étant susceptible de créer un danger de confusion avec elle ;

Qu'il est en effet constant que les faits de contrefaçon impliquent seulement un élément objectif consistant à reproduire à l'identique ou au quasi identique les éléments de la marque d'autrui, de façon à s'en rapprocher au point de créer un danger de confusion avec la marque imitée, dans l'esprit d'un client courant, et eu égard à l'impression d'ensemble et à l'image simplifiée conservée dans la mémoire d'un tel consommateur d'attention moyenne ;

Qu'à cet égard, la bonne foi de l'imitateur est inopérante en matière civile, puisque le droit sur la marque est un droit de propriété, et que toute atteinte portée à ce droit par imitation constitue une faute, même si l'atteinte émane d'une personne de bonne foi ;

Attendu qu'en l'espèce, il y a lieu de tenir compte du caractère de plus en plus distinctif de la marque déposée par la partie demanderesse, s'agissant de l'une des marques les plus célèbres dans le secteur de la restauration rapide, ce qui ouvre droit à une protection plus élargie ;

Attendu que le mot MC (ou Mc) est d'une originalité totale pour les services de restauration ; que ce mot est séparable de l'ensemble de la marque complexe ;

Qu'en effet, la syllabe initiale identique des marques déposées a un effet signal si fort qu'elle amène le public à ne jeter d'un bref regard aux autres syllabes, puisque le terme MC est également employé pour désigner une série d'autres produits diffusés par la société MC Donald's, combinant la racine MC avec une indication factuelle : Mc Chicken, Mc Pizza, Mc Sunday, voire Mc Spaghetti etc. ;

Attendu que les marques MC Aroni et MC Crony, qui visent également des services de restauration, empruntent dès lors à la marque MC Donald's un élément caractéristique de celle-ci, le mot MC, exerçant à tout le moins une partie de la fonction distinctive de la marque et protégeable en lui-même ;

Que l'argument de É. M. inhérent à la référence faite, au travers des initiales MC, à l'abréviation internationale pour désigner la Principauté de Monaco n'apparaît pas opérant, le défendeur reconnaissant lui-même la prononciation desdites initiales comme étant « Mac », afin de permettre, par association avec le vocable Aroni, le jeu de mot avec une certaine qualité de pâte alimentaire ;

Attendu que les marques enregistrées par É. M. entraînent inévitablement un risque de confusion dans la mesure où l'adjonction des mots Aroni et Crony à la syllabe MC (prononcée dans tous les cas Mac) particularise le mot MC et le complète par un terme générique et descriptif de la nature du produit concerné, à l'instar des produits également commercialisés par la demanderesse ;

Que ce faisant, le consommateur risque d'attribuer au titulaire de la marque MC Donald's les services de restauration imaginés par É. M. ;

Attendu en conséquence que compte tenu de ce risque de confusion, la société MC Donald's s'avère fondée en son action en contrefaçon ;

Qu'il y a lieu, ainsi qu'elle le sollicite, et par application de l'article 30 alinéa 3 de la loi n° 1058 précitée, de prononcer l'annulation de l'enregistrement des marques MC Aroni et MC Crony déposées sous les n° 03.23402 et 03.23401 auprès de la direction de l'expansion économique de Monaco ;

Attendu s'agissant de la demande au paiement de dommages-intérêts, qu'il n'est pas contesté que É. M. n'a pas commercialisé de produits ou de services sous les dénominations MC Aroni ou MC Crony ;

Que de la sorte, aucun préjudice n'a pu directement résulter de l'existence de ces deux enregistrements pour la société MC Donald's, sauf, dans la mesure où cette partie s'est vue contrainte de faire valoir ses droits en justice pour prévenir en l'espèce, tout usage illégitime envisagé par É. M. d'une reproduction par imitation de sa marque, à son détriment, sur le territoire de la Principauté ;

Qu'il convient en conséquence d'accueillir la société MC Donald's en sa demande en paiement de dommages-intérêts à concurrence d'une somme de 3 000 € compte tenu des éléments dont le tribunal dispose ;

Et attendu que la partie qui succombe doit supporter les dépens de l'instance, par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, STATUANT CONTRADICTOIREMENT,

Déclare É. M. responsable des faits de contrefaçon des marques déposées à Monaco par la société MC Donald's Corporation ;

Prononce l'annulation de l'enregistrement des marques MC Aroni et MC Crony déposées par É. M. sous les n° 03.23402 et 03.23401 auprès de la direction de l'expansion économique de Monaco ;

Condamne É. M. à payer à la société MC Donald's Corporation la somme de 3 000 à titre de dommages-intérêts ;

Ordonne que le présent jugement sera notifié par voie de greffe au service de la propriété intellectuelle du Département des Finances et de l'Économie, et que dès signification du jugement au Directeur de ce service à la diligence de la société demanderesse, il sera procédé aux formalités inhérentes à l'annulation prononcée ;

Composition🔗

Mme Grinda-Gambarini, prés. ; Mme Gonelle, prem. subst. proc. gén. ; Mes Licari et Michel, av. déf.

Note🔗

Décision sélectionnée par la Revue de Droit Monégasque pour son intérêt jurisprudentiel, Revue de Droit Monégasque, 2006, n° 8, p. 132 à 136.

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