Tribunal de première instance, 16 mars 2006, G. c/ SAM Ateliers de Constructions Mécaniques et Électriques (SACOME)

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Abstract🔗

Contrat de travail

Contrat à durée indéterminée - Licenciement motif valable : faute grave au regard des fonctions de directeur général adjoint occupées par le salarié ; manquement aux obligations de loyauté et de confiance, générateur de troubles sérieux dans l'entreprise - Licenciement : rupture immédiate justifiée en l'état de la gravité de la faute, caractère non abusif du licenciement, rejet des demandes d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts

Résumé🔗

D. G. a été engagé à compter du 4 janvier 1993 par la SAM Sacome, aux conditions définies dans un document du 22 décembre 1992, intitulé « Éléments annexes ou complémentaires à l'engagement de D. G. » en qualité de directeur général adjoint, moyennant paiement d'une rémunération annuelle de 510 000 francs pour l'année 1993 et 580 00 francs pour l'année 1994, d'une indemnité forfaitaire de déplacement de 4 200 francs par mois, susceptible d'être révisée dès la deuxième année d'exercice, tant que la société ne lui fournirait pas de véhicule de fonction ;

Le 12 mars 1998, D. G. se voyait notifier son licenciement pour les cinq motifs suivants :

- l'attitude passive qu'il aurait adoptée lors de la réunion du personnel,

- la politique commerciale aventureuse menée au cours des derniers mois,

- le non-respect de la limitation de ses délégations de pouvoir,

- l'absence de justification de sa rémunération et de ses frais de déplacement,

- l'organisation d'un voyage en Extrême-Orient avec un collaborateur de la société ;

La société Sacome a également fait état, postérieurement à la lettre de licenciement, d'autres griefs, tenant notamment à une violation par le salarié de son obligation de fidélité envers l'employeur, prenant la forme de tentatives de marginalisation des actionnaires pour tenter de prendre le contrôle de la société, de tentatives de débauchage du personnel, d'ordres visant à ralentir la production, de démarches auprès de partenaires de la société Sacome en vue de créer une société concurrente ;

À cet égard, et ainsi l'ont à juste titre précisé les premiers juges, l'employeur n'est pas lié, en droit positif monégasque, par le motif énoncé dans la lettre de licenciement, de sorte que la société Sacome s'avérerait fondée à invoquer dans le cadre de la procédure devant le Tribunal du travail des griefs non mentionnés lors de la rupture du contrat de travail, à la condition toutefois que ces faits soient également à l'origine du congédiement ;

Par ailleurs, les ordonnances de non-lieu n'ont pas l'autorité de la chose jugée et ne sauraient lier le tribunal, lequel doit vérifier s'il est démontré que le salarié a commis, dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, de graves manquements professionnels ;

D. G. fait grief de la décision entreprise d'avoir retenu l'existence d'un motif valable de licenciement, constitutif d'une faute grave ;

Il appartient dès lors à la société Sacome de démontrer tant la réalité des fautes qu'elle invoque que leur gravité, ayant justifié selon elle la rupture immédiate, sans préavis ni indemnité, du contrat de travail la liant à D. G. ;

Elle se fonde à cet égard, et principalement sur la disparition de la relation de confiance qu'elle avait établie avec son salarié, au regard des agissements de ce dernier, et compte tenu de la nature des fonctions ;

Les faits de la cause démontrent, ainsi que l'a justement analysé le Tribunal du travail, que D. G. a gravement contrevenu aux obligations de loyauté et de confiance inhérentes à toute relation de travail ;

La volonté d'écarter les actionnaires de la gestion quotidienne de la société, en ne leur donnant que des informations trimestrielles, assortie d'une interdiction virtuelle pour ces mêmes actionnaires de contacter les autres cadres, ajoutée aux manœuvres pour disposer des actions comme il l'entendait, caractérise à l'évidence l'entreprise de D. G. d'écarter à son profit les actionnaires du contrôle de la société ;

Dans le même temps, les pièces versées aux débats démontrent que D. G. a volontairement entretenu l'inquiétude du personnel quant à la situation de la société, leur faisant part d'informations alarmantes ;

La nature des questions posées par les délégués du personnel aux actionnaires lors des réunions des 28 novembre 1997 et 12 février 1998 tend à démontrer qu'ils avaient eu connaissance de certains points qui n'avaient pourtant été débattus qu'entre D. G. et les actionnaires eux-mêmes ;

En outre, il résulte des attestations établies par R. S., M. D., C. É., G. P., L. G., F.-M. L. et B. A. M. (au demeurant toutes conformes aux dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile) que D. G., alléguant de prétendues difficultés financières de son employeur, a entrepris dès la fin de l'année 1997 des démarches auprès des partenaires de la société Sacome et du personnel de celle-ci, dans le but de créer une société directement concurrente et de solliciter leur participation ;

Cette entreprise de déstabilisation de la société Sacome par D. G. apparaît encore plus manifeste à la lecture de l'attestation de C. É., responsable de production auprès de la société intimée, qui révèle que D. G. lui a demandé fin février 2008 de ralentir sensiblement la production des machines, malgré l'existence d'un fort carnet de commandes à honorer ;

La notion de faute grave doit s'apprécier au regard des fonctions occupées par le salarié ; en l'espèce le comportement de D. G., qui bénéficiait, en sa qualité de directeur général adjoint, d'une large délégation de pouvoir et d'autorité quant à la gestion courante de la société Sacome, a été de nature à générer des troubles sérieux dans l'entreprise, de nature à nuire gravement aux intérêts de celle-ci ;

Au regard des faits qui précèdent, les manquements caractérisés de D. G. à son obligation de fidélité et de loyauté envers son employeur apparaissent de nature à faire disparaître la confiance que la société Sacome avait placée dans son salarié et justifiant la rupture immédiate de la relation de travail ;

Il n'y a pas lieu dès lors d'analyser les autres griefs formés par la société Sacome à l'encontre de son salarié ;

Il convient donc de confirmer le jugement du Tribunal du travail en ce qu'il a dit que le licenciement de D. G. reposait bien sur une faute grave ;

En outre, ce licenciement ne revêt, compte tenu des circonstances qui l'ont entouré, aucun caractère abusif, en sorte que D. G. n'est pas plus fondé à réclamer l'allocation de dommages-intérêts.


Motifs🔗

Le tribunal,

Considérant les faits suivants :

Par jugement du 26 septembre 2002 auquel il y a lieu de se référer pour plus ample exposé des faits de la cause, le Tribunal du travail, saisi de diverses demandes de D. G. à l'encontre de son ancien employeur la société anonyme monégasque Sacome, a :

- dit que le licenciement de D. G. reposait bien sur une faute grave et ne revêtait aucun caractère abusif,

- débouté D. G. de l'intégralité de ses prétentions,

- reçu la société Sacome en sa demande reconventionnelle,

- condamné D. G. à lui payer les sommes de 3 644,62 € représentant le montant des indemnités journalières indûment octroyées, et 1 524,49 € représentant le montant de l'avance abusivement accordée, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2001, outre celle de 7 500 € à titre de dommages-intérêts ;

Selon exploit du 14 novembre 2002, D. G. a régulièrement interjeté appel de cette décision, signifiée le 4 novembre 2002, à l'effet de voir la juridiction d'appel :

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- dire et juger que D. G. n'a commis aucune faute grave,

- dire et juger que le licenciement est intervenu pour un motif non valable et a présenté un caractère abusif,

- condamner la société Sacome à lui payer :

l'indemnité de licenciement : 36 533,19 €,

l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés : 31 603,60 €,

la prime contractuelle pour l'année 1997 : 9 604,29 €,

dommages-intérêts pour licenciement abusif : 218 002,09 €,

la somme de 2 128 269,60 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier correspondant à la perte de rémunération des années 1998 à 2015, à la perte de retraite après 2015 et à la perte des stocks options,

la somme de 762 245,09 € à titre de préjudice moral et familial,

- ordonner la remise d'une nouvelle attestation ASSEDIC portant la mention de la prime contractuelle de 63 000 francs pour l'année 1997 et d'un nouveau certificat de travail portant la mention de directeur général au lieu et place de directeur général adjoint,

- débouter la société Sacome de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles et la condamner aux dépens de première instance et d'appel ;

Par conclusions du 16 mars 2005, D. G. ne réclamera plus, au titre de son préjudice financier, que la somme de 211 604,42 euros et 690 975 euros, se désistant de ses demandes relatives aux pertes de salaires et retraite pour les années 2001 à 2015 et après 2015 ;

Au soutien de son appel, D. G. reproche aux premiers juges :

- d'avoir considéré que le Tribunal n'était pas lié par l'ordonnance de non-lieu rendue par le premier juge d'instruction,

- de s'être fondé, outre sur les griefs articulés dans la plainte du 22 juillet 1998, sur d'autres griefs tardivement invoqués par l'employeur, et reposant essentiellement sur des attestations établies par ses salariés ou des distributeurs étrangers dépendant économiquement de la société Sacome,

- d'avoir retenu la perte de confiance de l'employeur, laquelle n'est pas avérée puisque quelques jours avant le licenciement, les administrateurs de la société renouvelaient leur confiance à leur directeur général ;

La position des parties peut être résumée pour l'essentiel ainsi qu'il suit :

D. G. conteste avoir commis une faute grave justifiant la rupture immédiate des relations de travail, en ce que :

- il n'a jamais tenté de prendre le contrôle de la société Sacome, et a expressément refusé le pacte proposé par C. V. pour l'aider à évincer son beau-frère ;

- il considère que les premiers juges ont forgé leur conviction sur une mauvaise interprétation du projet de mandat demandé par le président et sur une attestation rédigée par un salarié de Sacome quatre ans après les faits ;

- il n'a jamais eu une attitude ambiguë avec le personnel puisque ce sont en réalité les délégués du personnel qui sont à l'origine de la convocation à l'inspection du travail,

- il n'a jamais entrepris la création d'une société concurrente dès la fin 1997, et soutient que l'attestation du distributeur autrichien S. a été rédigée à la demande de la société Sacome et écartée par le magistrat instructeur ; il en est de même pour l'attestation rédigée par le distributeur tunisien ;

- il conteste également les autres reproches qualifiés d'accessoires par le Tribunal du travail, quant à la suppression de l'indemnité de 5 % la limitation de ses pouvoirs et la perception des indemnités d'assurance ;

D. G. prétend au contraire que les administrateurs de la société lui ont toujours renouvelé leur totale satisfaction quant aux résultats obtenus, et ont constamment et à l'unanimité approuvé ses choix et décisions ; il fait observer à cet égard que le résultat net d'exploitation obtenu par la société Sacome entre 1994 et 1997 est passé d'un déficit de moins de 4 % du chiffre d'affaire en 1992 à plus 11 % en 1997 ;

Sur le préjudice, D. G. affirme que le Tribunal n'a pas tenu compte de ses observations sur le rapport de J.-P. S. du 8 mai 2001, ni du préjudice subi du fait de la dénonciation calomnieuse dont il a fait l'objet de la part de son employeur, ni des calomnies de ce dernier auprès des milieux économiques et de son nouvel employeur VMC ;

La société Sacome entend pour sa part voir confirmer le jugement rendu par le Tribunal du travail du 26 septembre 2002, se désiste du chef du remboursement de frais indus à hauteur de la somme de 142 842 francs, et forme un appel incident tendant à voir condamner D. G. à lui payer la somme de 15 244,90 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour procédure abusive ;

Elle maintien que le recrutement de D. G. a été réalisé dans un contexte de confiance, concrétisé par une délégation de pouvoirs suffisamment large pour agir au quotidien selon les instructions du conseil d'administration ; selon elle, D. G. a maintes fois abusé de cette confiance, profitant de celle-ci pour faire nombre d'actes anormaux qu'il pouvait dissimuler aux actionnaires, lesquels ne se sont pas immédiatement donnés les moyens de vérifier les agissements de leur directeur général adjoint ;

Sur les faits et circonstances ayant abouti au licenciement, la société Sacome considère que le comportement de D. G. a été la cause de troubles dans l'entreprise, du fait d'une attitude délibérée visant à marginaliser les administrateurs dans le but de nuire aux actionnaires ;

Elle prétend également que l'insistance de D. G. pour se voir conférer les pleins pouvoirs sur le plan commercial notamment, s'expliquait par le fait qu'il était lui-même, par ses actes, la cause d'une grande partie de la baisse du chiffre d'affaire de la société ; les manœuvres de D. G. pour écarter les administrateurs s'expliquent encore, d'après l'intimée, par la découverte ultérieure de faits qui établissent la réalité du plan de destruction de la société Sacome (attestations S. et D.), et tenant à l'emprunt non autorisé des registres de la société, à la dissimulation d'une assignation, au débauchage de cadres dans le but de la création d'une entreprise concurrente, au maintien d'un privilège personnel s'agissant de la prime de 5 %, à l'octroi d'une prime et d'une avance injustifiées et au détournement d'une somme de 23 907,15 francs ;

Sur ce,

Attendu que D. G. a été engagé à compter du 4 janvier 1993 par la SAM Sacome, aux conditions définies dans un document du 22 décembre 1992, intitulé « Éléments annexes ou complémentaires à l'engagement de D. G. » en qualité de directeur général adjoint, moyennant paiement d'une rémunération annuelle de 510 000 francs pour l'année 1993 et 580 000 francs pour l'année 1994, d'une indemnité forfaitaire de déplacement de 4 200 francs par mois, susceptible d'être révisée dès la deuxième année d'exercice, tant que la société ne lui fournirait pas de véhicule de fonction ;

Attendu que le 12 mars 1998, D. G. se voyait notifier son licenciement pour les cinq motifs suivants :

- l'attitude passive qu'il aurait adoptée lors de la réunion du personnel,

- la politique commerciale aventureuse menée au cours des derniers mois,

- le non-respect de la limitation de ses délégations de pouvoir,

- l'absence de justification de sa rémunération et de ses frais de déplacement,

- l'organisation d'un voyage en Extrême Orient avec un collaborateur de la société ;

Que la société Sacome a également fait état, postérieurement à la lettre de licenciement, d'autres griefs, tenant notamment à une violation par le salarié de son obligation de fidélité envers l'employeur, prenant la forme de tentatives de marginalisation des actionnaires pour tenter de prendre le contrôle de la société, de tentatives de débauchage du personnel, d'ordres visant à ralentir la production, de démarches auprès de partenaires de la société Sacome en vue de créer une société concurrente,

Attendu à cet égard, et ainsi que l'ont à juste titre précisé les premiers juges, que l'employeur n'est pas lié, en droit positif monégasque, par le motif énoncé dans la lettre de licenciement, de sorte que la société Sacome s'avérait fondée à invoquer dans le cadre de la procédure devant le Tribunal du travail des griefs non mentionnés lors de la rupture du contrat de travail, à la condition toutefois que ces faits soient également à l'origine du congédiement ;

Attendu par ailleurs, que les ordonnances de non-lieu n'ont pas l'autorité de la chose jugée et ne sauraient lier le tribunal, lequel doit vérifier s'il est démontré que le salarié a commis, dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, de graves manquements professionnels ;

Attendu que D. G. fait grief à la décision entreprise d'avoir retenu l'existence d'un motif valable de licenciement, constitutif d'une faute grave ;

Qu'il appartient dès lors à la société Sacome de démontrer tant la réalité des fautes qu'elle invoque sur leur gravité, ayant justifié selon elle la rupture immédiate, sans préavis ni indemnité, du contrat de travail la liant à D. G. ;

Qu'elle se fonde à cet égard, et principalement sur la disparition de la relation de confiance qu'elle avait établie avec son salarié, au regard des agissements de ce dernier, et compte tenu de la nature de ses fonctions ;

Attendu que les faits de la cause démontrent, ainsi que l'a justement analysé le Tribunal du travail, que D. G. a gravement contrevenu aux obligations de loyauté et de confiance inhérentes à toute relation de travail dans la mesure où :

- à la date du 26 mai 1997, D. G. proposait aux actionnaires de signer un « acte d'engagement et de mandat à donner » visant à confier mandat à l'appelant de rechercher des acquéreurs et négocier avec eux la cession de 1 600 de leurs actions actuelles dans la société Sacome ;

- invité à présenter un rapport sur l'activité et les résultats provisoires de la société au 30 juin 1997, D. G. a, lors de la réunion du conseil d'administration du 11 septembre 1997, et après avoir fait état d'une détérioration de la situation financière et commerciale de la société Sacome, proposé de remplacer les visites hebdomadaires du président délégué par des réunions trimestrielles du conseil d'administration ; il précisait que cette mesure permettrait au président délégué et au directeur général (c'est-à-dire lui-même) de se concentrer davantage sur leurs responsabilités, c'est-à-dire, pour ce qui le concernait, « sur la direction de la Sacome sans interférence des actionnaires auprès des autres cadres de la société »,

- il préconisait ainsi un projet de résolution au terme duquel le conseil d'administration lui aurait délégué les pouvoirs nécessaires à la direction de la société, et approuverait le principe d'augmentation du capital à faire souscrire à de nouveaux actionnaires ; il annonçait, pour ce faire, la présentation d'un mandat l'autorisant à rechercher et à négocier avec eux ;

- une nouvelle proposition de mandat, datée du 2 décembre 1997 était alors adressée par D. G. à tous les actionnaires, sauf M. et Mme V., par laquelle il s'octroyait un véritable blanc seing pour vendre 50,13 % des actions de la société (soit la majorité du capital), étant précisé que le mandataire conviendrait lui-même du nombre d'actions à céder, et que le reliquat des titres non cédés reviendrait à titre de rémunération audit mandataire ;

Attendu que la volonté d'écarter les actionnaires de la gestion quotidienne de la société, en ne leur donnant que des informations trimestrielles, assortie d'une interdiction virtuelle pour ces mêmes actionnaires de contacter les autres cadres, ajoutée aux manœuvres pour disposer des actions comme il l'entendait, caractérise à l'évidence l'entreprise de D. G. d'écarter à son profit les actionnaires du contrôle de la société ;

Attendu que dans le même temps, les pièces versées aux débats démontrent que D. G. a volontairement entretenu l'inquiétude du personnel quant à la situation de la société, leur faisant part d'informations alarmantes ;

Que la nature des questions posées par les délégués du personnel aux actionnaires lors des réunions des 28 novembre 1997 et 12 février 1998 tend à démontrer qu'ils avaient eu connaissance de certains points qui n'avaient pourtant été débattus qu'entre D. G. et les actionnaires eux-mêmes ;

Que par courrier du 9 février 1998 destiné à D. G., l'administrateur délégué C. V. adressait un avertissement formel à son salarié, faisait état de son comportement équivoque et de ses prises de position excessives, de nature à favoriser un antagonisme entre le personnel et la direction d'une part, le conseil d'administration d'autre part ;

Attendu, dans le même sens, que la démarche de l'appelant auprès de l'Inspection du travail, visant, après annulation de l'élection des délégués du personnel, à présenter sa candidature pour le collège des cadres (afin de bénéficier d'une protection en cas de licenciement, cf. attestation C. G.) apparaît pour le moins ambiguë ;

Attendu en outre, qu'il résulte d'attestations établies par R. S., M. D., C. É., G. P., L. G., F.-M. L. et B. A. M. (au demeurant toutes conformes aux dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile) que D. G., alléguant de prétendues difficultés financières de son employeur, a entrepris dès la fin de l'année 1997 des démarches auprès des partenaires de la société Sacome et du personnel de celle-ci, dans le but de créer une société directement concurrente et de solliciter leur participation ;

Que cette entreprise de déstabilisation de la société Sacome par D. G. apparaît encore plus manifeste à la lecture de l'attestation de C. É., responsable de production auprès de la société intimée, qui révèle que D. G. lui a demandé fin février 1998 de ralentir sensiblement la production des machines, malgré l'existence d'un fort carnet de commandes à honorer ;

Attendu que la notion de faute grave doit s'apprécier au regard des fonctions occupées par le salarié ; qu'en l'espèce le comportement de D. G., qui bénéficiait, en sa qualité de directeur général adjoint, d'une large délégation de pouvoir et d'autorité quant à la gestion courante de la société Sacome, a été de nature à générer des troubles sérieux dans l'entreprise, de nature à nuire gravement aux intérêts de celle-ci ;

Attendu qu'au regard des faits qui précèdent, les manquements caractérisés de D. G. à son obligation de fidélité et de loyauté envers son employeur apparaissent de nature à faire disparaître la confiance que la société Sacome avait placée dans son salarié et justifient la rupture immédiate de la relation de travail ;

Qu'il n'y a pas lieu dès lors d'analyser les autres griefs formés par la société Sacome à l'encontre de son salarié ;

Qu'il convient donc de confirmer le jugement du Tribunal du travail en ce qu'il a dit que le licenciement de D. G. reposait bien sur une faute grave ;

Attendu qu'en outre, ce licenciement ne revêt, compte tenu des circonstances qui l'ont entouré, aucun caractère abusif, en sorte que D. G. n'est pas plus fondé à réclamer l'allocation de dommages-intérêts ;

Attendu, sur les autres demandes formées par D. G., que le Tribunal entend reprendre l'argumentation développée par les premiers juges quant à l'absence de justification, par l'appelant, d'une modification qui serait intervenue dans sa qualification professionnelle de directeur général adjoint ; que d'ailleurs, et ainsi qu'il le reconnaît lui-même dans un courrier adressé à l'ASSEDIC des Alpes-Maritimes le 26 mars 1996, aucun procès-verbal du conseil d'administration n'a décidé sa nomination au poste de directeur général de la société ;

Que le jugement du Tribunal du travail déboutant D. G. de sa demande tendant à obtenir la délivrance d'un nouveau contrat de travail doit être confirmé ;

Qu'il en est de même s'agissant de ses prétentions au titre de la prime annuelle de résultats pour l'année 1997, dans la mesure où il ressort de l'attestation de Jean-Paul Samba, expert-comptable, que le profit courant réalisé au cours de l'exercice 1997 n'a pas atteint le seuil fixé pour la perception de ladite prime ;

Attendu, sur l'appel incident formé par la société Sacome, que le Tribunal ne statue que dans la limite de sa saisine ; que l'employeur n'ayant pas fait appel du chef de sa demande au titre des frais de déplacement, laquelle a fait l'objet d'un débouté en première instance, la demande de désistement s'avère sans objet ;

Attendu que les premiers juges ont effectué une juste appréciation du montant des dommages-intérêts à allouer à la société Sacome pour procédure abusive, en tenant compte du contexte particulier dans lequel est intervenue la rupture du contrat de travail ; que faute pour l'intimée de justifier d'autres préjudices dans le cadre de son appel, sa demande tendant à obtenir paiement d'une somme de 15 244,90 € doit être rejetée ;

Attendu en définitive qu'il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal du travail en date du 26 septembre 2002 ;

Et attendu que D. G. qui succombe doit supporter les dépens de l'instance d'appel, par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS, ET CEUX NON CONTRAIRES DES PREMIERS JUGES,

LE TRIBUNAL, STATUANT CONTRADICTOIREMENT, DANS LES LIMITES DE L'APPEL, COMME JURIDICTION D'APPEL DU TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Déboute D. G. et la société anonyme monégasque Sacome de leurs appels principal et incident ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal du travail en date du 26 septembre 2002 ;

Composition🔗

Mme Grinda-Gambarini, prés. ; Mme Gonelle, prem. subst. proc. gén. ; Mmes Pasquier-Ciulla et Mullot, av. déf. ; Zabaldano, av.

Note🔗

Ce jugement confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal du travail en date du 26 septembre 2002.

Décision sélectionnée par la Revue de Droit Monégasque pour son intérêt jurisprudentiel, Revue de Droit Monégasque, 2006, n° 8, p. 123 à 127.

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