Tribunal de première instance, 26 janvier 2006, K.-K. c/ Syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Château »

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Abstract🔗

Responsabilité civile

Responsabilité du fait des choses - Accident dans un ascenseur : utilisateur blessé aux bras par les portes coulissantes se refermant - Absence d'anomalies dans le fonctionnement de l'ascenseur - - Faute de la victime non établie - Gardien de l'ascenseur : Syndicat des copropriétaires de l'immeuble ayant pouvoir d'usage, de direction et de contrôle de l'ascenseur - Responsabilité du gardien : article 1231 du Code civil

Résumé🔗

L'article 1231 du Code civil oblige toute personne à répondre du dommage causé par les choses qu'elle a sous sa garde ; il est de principe que le gardien d'une chose est celui qui exerce sur elle les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle ;

Il n'est pas discuté que l'ascenseur litigieux dépend des parties communes de l'immeuble « Château » dont l'administration appartient, conformément à l'article 5 de l'ordonnance-loi n° 662 du 23 mai 1959, au syndicat des copropriétaires ;

L'administration des parties communes implique à l'évidence le pouvoir d'en user, de les diriger et de les contrôler, de sorte que ce syndicat doit en être présumé gardien ;

Il appartient au syndicat, pour établir le contraire, de démontrer qu'il a transféré la garde de l'ascenseur à un tiers, et notamment qu'il n'exerce plus les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle sur la chose ;

Le contrat conclu le 7 novembre 2000 entre la copropriété « Château » et la société OTIS relatif à la rénovation des ascenseurs et notamment son paragraphe « conditions d'exécution des ouvrages » mentionne que l'entrepreneur est « responsable de la conservation des ouvrages pendant toute la durée du chantier jusqu'à la réception définitive des travaux. L'entrepreneur demeure responsable de tous les dommages occasionnés dans les lieux et ne pourra évoquer à ce titre la méconnaissance du chantier qu'il déclare par la présente parfaitement connaître et accepter en l'état » ; ces stipulations ne permettent pas d'établir qu'un transfert de garde a été contractuellement prévu par les parties ; le paragraphe intitulé « organisation du chantier » prévoit que « durant toute la durée du chantier, l'entrepreneur s'engage à maintenir en fonctionnement deux ascenseurs et le monte-charge par bloc ainsi qu'un ascenseur navette, afin de ne pas perturber la vie de l'immeuble » ; il ressort de ce contrat que les travaux devaient débuter le 8 janvier 2001 et du procès-verbal de réception des travaux du 27 mai 2004 qu' « une réception provisoire a été organisée le 14 avril 2003, mais n'a pu être consacrée compte tenu du mécontentement de la communauté immobilière » et qu' « il s'en est suivi une série d'interventions correctives de la part du groupe OTIS » ; il résulte ce qui précède qu'eu égard à la durée des travaux, la société OTIS n'avait pas constamment la maîtrise effective de l'ensemble des ascenseurs de la copropriété ; il n'est pas démontré qu'au moment de l'accident, qui est d'ailleurs postérieur à la réception provisoire du 14 avril 2003, la société OTIS exécutait spécifiquement des travaux sur l'ascenseur litigieux et exerçait ainsi les pouvoirs d'usage, de contrôle et de direction ;

Le syndicat des copropriétaires avait donc bien au moment des faits en cause la qualité de gardien de l'ascenseur litigieux ;

Pour l'application de l'article 1231 du Code civil, il suffit que la preuve soit rapportée par la victime que la chose a été, ne fût-ce que pour partie, l'instrument du dommage ; il n'est pas contesté que les portes de l'ascenseur se sont refermées sur les avant-bras de la demanderesse de telle sorte que l'ascenseur a été l'instrument du dommage ;

Le gardien d'une chose, tenu de réparer le dommage réalisé du fait de cette chose sur le fondement de l'article 1231 du Code civil, ne peut être exonéré de sa responsabilité que s'il démontre que le dommage a été causé par une cause étrangère revêtant un caractère irrésistible et imprévisible ;

Le syndicat des copropriétaires et son assureur estiment que la demanderesse a dû se blesser en retirant violemment ses bras en arrière lors de la fermeture des portes de l'ascenseur dans la mesure où aucun dysfonctionnement n'a été constaté et soutient que cette faute de la victime l'exonère totalement de sa responsabilité ;

Les vérifications et contrôles effectués par la société Otis, le cabinet T. et l'architecte P. V. qui concluent au bon fonctionnement de l'ascenseur et à l'absence d'anomalie ne permettent pas à eux seuls d'établir l'existence d'une faute commise par la victime ;

Le rapport dressé par le cabinet T. le 12 février 2004 décrit le système de fermeture des portes de l'ascenseur litigieux, modernisé avant l'accident, et mentionne que les « cellules photoélectriques verticales et horizontales permettent d'assurer la réouverture des portes en phase de fermeture lorsqu'un objet ou une personne coupe le champ des cellules. Une sécurité supplémentaire permet la réouverture des portes lorsqu'elles viennent en contact (...) Lorsque les portes sont déjà largement avancées, la deuxième sécurité permet aux portes de venir en contact avec l'objet présenté et un palpeur commande la réouverture des portes » ; il résulte de ce qui précède que l'incident survenu le 14 mai 2003 a au moins nécessité l'intervention de la deuxième sécurité puisque les portes sont entrées en contact avec les avant-bras de la demanderesse ;

Le fait allégué que la victime aurait violemment retiré ses bras lors de la fermeture des portes de l'ascenseur, outre qu'il n'est pas établi, n'apparaît pas présenter le caractère d'imprévisibilité et d'irrésistibilité exonératoire de responsabilité ; en effet, le comportement visant à retirer ses bras dans un mouvement de réflexe et dans l'ignorance du fonctionnement du système de sécurité précédemment décrit et ce, à la suite de la rénovation de l'ascenseur, apparaît parfaitement prévisible ;

En conséquence le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Château » doit répondre envers R. K. épouse K. des conséquences dommageables de l'accident du 14 mai 2003.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Le 14 mai 2003, R. K. épouse K. a été victime d'un accident lors de la fermeture des portes de l'un des ascenseurs du bloc A de l'immeuble « Château » ;

Selon exploit en date du 3 août 2004, R. K. épouse K. a fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Château » aux fins de le voir condamner à lui payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, une indemnité de 14 232,82 euros en réparation de son préjudice corporel et moral consécutif à cet accident, ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Elle fait valoir que les portes de l'ascenseur se sont refermées sur elle violemment et de façon intempestive, lui occasionnant de profondes blessures au niveau des membres supérieurs ; elle recherche la responsabilité du syndicat en tant que gardien de cet appareil conformément à l'article 1231 du Code civil ;

Elle fait état de certificats établis par le docteur B. et d'un rapport d'expertise dressé par le docteur I. pour solliciter la somme de 1 232,82 euros au titre de l'incapacité temporaire de travail et la somme de 10 000 euros au titre du pretium doloris ; elle évalue par ailleurs son préjudice moral à la somme de 3 000 euros en expliquant que l'accident a été particulièrement traumatisant compte tenu de son âge et qu'elle a désormais le plus grand mal à prendre des ascenseurs sans éprouver des angoisses ;

Elle souligne que ses demandes de prise en charge et d'indemnisation adressées au syndic de copropriété, le cabinet G. sont demeurées sans suite, celui-ci n'ayant pas fait connaître sa position ni proposé un quelconque règlement dans le cadre de la présente affaire ;

Par jugement du 25 novembre 2004, ce Tribunal a autorisé le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Château » à appeler en garantie la société, membre du groupe AXA, couvrant sa responsabilité civile mais l'a débouté de son exception tendant à l'appel en garantie de la société Otis ;

Par des conclusions déposées le 24 février 2005, le défendeur sollicite la jonction de la présente instance avec celle introduite suivant exploit du 16 décembre 2004 à l'encontre de la compagnie AXA Assurances ainsi que celle introduite suivant exploit du 3 février 2005 à l'encontre de la société Otis et demande au Tribunal de :

- constater qu'il n'était pas le gardien de l'ascenseur litigieux au moment des faits et ne peut être tenu responsable de l'accident,

- débouter R. K. épouse K. de l'ensemble de ses demandes,

- à titre subsidiaire, dire et juger que la faute exclusive de la demanderesse dans la survenance de l'accident l'exonère totalement de toute responsabilité,

- à titre infiniment subsidiaire, dire et juger que ses prétentions chiffrées ne sauraient être accueillies en ce qu'elles reposent sur un certificat médical non contradictoire ;

Il soutient que le jour de l'accident, la société Otis avait la maîtrise des pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle sur l'ascenseur dès lors qu'elle était en charge de travaux importants au sein de la copropriété et se trouvait sur les lieux ; il explique que pendant la durée de ces travaux d'envergure effectués sur les ascenseurs de la copropriété, dont la réception définitive n'est intervenue que le 27 mai 2004, la société Otis était gardienne de l'ascenseur litigieux ; il relève que cette société n'était pas en charge d'un simple contrat de maintenance et d'entretien mais de la modernisation totale des ascenseurs, comme le justifie le contrat signé le 7 novembre 2000 ;

Il estime par ailleurs que la cause du dommage est exclusivement due à une faute d'imprudence de la demanderesse qui a paniqué lors de la fermeture des portes coulissantes de l'ascenseur et a voulu extraire violemment ses bras ; il souligne en effet que la société Otis qui a procédé à des vérifications après l'accident a conclu à une absence de défectuosité du système de fermeture des portes ; il ajoute qu'aux termes d'un courrier du 15 décembre 2003, cette société a précisé qu'aucune anomalie n'avait été enregistrée ou transmise sur le système de télésurveillance REM et qu'un de ses techniciens, présent sur le site, avait « très rapidement (...) effectué les contrôles de l'installation et constaté que toutes les sécurités étaient en bon état de fonctionnement » ; il précise que le rapport établi par P. V., architecte chargé du contrôle des travaux en cours au sein de la copropriété à l'époque des faits a indiqué qu' « aucune anomalie en date du 14 mai 2003 n'apparaît dans les listings se rapportant aux ascenseurs du bloc A » ;

Il fait valoir que l'accident est ainsi dû à une cause qui lui est étrangère et qui revêt un caractère imprévisible et irrésistible ; il rappelle que le système de fermeture des portes de l'ascenseur litigieux a été modernisé et que la demanderesse n'y était donc pas habituée ; il explique que les portes coulissantes, qui ont installées, sont équipées d'un système de détecteur de pression qui permet la réouverture automatique, dès que la fermeture ne s'opère pas correctement après une certaine temporisation ; il indique que la demanderesse n'a pas attendu cette temporisation automatique et a tenté d'extraire ses bras lors de la fermeture des portes, ce qui lui a causé les dommages allégués ;

Il ajoute que la réparation du préjudice sollicitée ne repose sur aucun fondement qui lui soit opposable dès lors que le rapport établi par le docteur I. n'est pas contradictoire ; il souligne que l'assignation en référé du 31 octobre 2003 par laquelle la demanderesse a sollicité la désignation d'un expert judiciaire pour évaluer son préjudice a été rayée à sa demande ;

Il précise qu'il a effectué le nécessaire pour faire immédiatement contrôler l'ascenseur litigieux et a procédé à une déclaration de sinistre auprès de son assureur, de telle sorte qu'il ne peut lui être reproché une inertie dans le traitement du présent litige ;

Par des conclusions déposées le 11 mai 2005, R. K. épouse K. demande au Tribunal :

- de constater que le défendeur était bien gardien de l'ascenseur au moment de l'accident et qu'elle n'a commis aucune faute imprévisible et irrésistible de nature à exonérer le syndicat des copropriétaires de sa responsabilité,

- de constater que les pièces médicales versées aux débats sont suffisantes pour évaluer son préjudice,

- à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale en lui allouant une provision de 2 500 euros,

- à titre plus subsidiaire, d'ordonner la jonction de la présente procédure avec celle introduite suivant exploit du 3 février 2005 par le syndicat des copropriétaires à l'encontre de la société Otis, de lui donner de ce qu'elle reprend le bénéfice de ses demandes et conclusions à l'encontre de la société Otis et le cas échéant, d'ordonner la réouverture des débats et enfin de lui donner acte de ce qu'elle se réserve le droit de conclure ultérieurement au fond contre la société Otis ;

Elle rappelle les motifs du jugement du 25 novembre 2004 en indiquant que la juridiction a retenu implicitement mais nécessairement que le défendeur était légitimement gardien des parties communes et des éléments d'équipement s'y trouvant et ne démontrait pas que la garde aurait pu être transférée ; elle soutient que celui-ci tente désormais de s'exonérer de sa responsabilité en versant une nouvelle pièce aux débats s'agissant d'un contrat de rénovation des ascenseurs du 7 novembre 2000 ; elle estime cependant que ce document ne démontre pas un transfert de garde au moment de l'accident du 14 mai 2003 dès lors que sa clause 7 stipule « l'entrepreneur s'engage à débuter les travaux à la date du 8 janvier 2001. Ceux-ci seront terminés pour le vendredi 29 novembre 2002 » ; elle fait valoir que la société Otis ne pouvait être gardienne dès lors que le contrat avait été pleinement exécuté ; elle relève que le défendeur ne démontre par ailleurs pas qu'il était totalement déchargé de la garde de l'ascenseur et qu'il ne pouvait plus « prévenir lui-même le préjudice que la chose peut causer », ni même qu'il aurait satisfait envers elle à l'obligation d'information imposée par la jurisprudence ; elle ajoute que le transfert de garde suppose que l'ascenseur se soit trouvé dans des conditions de chantier au moment de l'accident, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ;

Elle indique qu'il ne peut être déduit de la seule constatation de l'absence de dysfonctionnement de l'ascenseur que l'accident a été provoqué par le fait qu'elle a soi-disant paniqué ; elle relève qu'au regard de la jurisprudence constante en la matière, le comportement de panique invoqué ne revêt pas un caractère imprévisible et irrésistible susceptible d'exonérer le défendeur de sa responsabilité ;

Par des conclusions déposées le 30 juin 2005, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Château » demande au Tribunal, dans le cas où une condamnation pécuniaire devait être prononcée à son encontre, de condamner d'une part la société Otis et d'autre part la compagnie AXA Assurances à le garantir de toutes les sommes qui pourraient être mises à sa charge ;

Il précise que le contrat de rénovation complète des ascenseurs n'était absolument pas exécuté à la date de l'accident litigieux ; il souligne que la date mentionnée dans ce contrat n'était qu'une date prévisionnelle d'achèvement des travaux et qu'en réalité, la réception définitive est intervenue le 27 mai 2004, comme le démontre le procès-verbal versé aux débats ; il estime que la demanderesse ne peut ainsi prétendre que l'ascenseur n'était plus en travaux au jour de l'accident ;

Il ajoute que l'expert de la compagnie AXA Assurances a conclu que « la responsabilité de la copropriété n'a pas été démontrée et le dossier peut être classé sans suite » et que l'accident n'a donc pu survenir que par suite d'une manœuvre de l'usager ;

Selon exploit en date du 16 décembre 2004, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Château » a fait assigner R. K. épouse K. et la société anonyme dénommée AXA Courtage lard aux fins de voir condamner son assureur à le relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ; il sollicite en outre la jonction de la présente avec celle introduite suivant exploit du 3 août 2004 par R. K. épouse K. à son encontre ;

Par des conclusions déposées le 11 mai 2005, la société AXA France lard demande au Tribunal de lui donner acte de ce qu'elle vient aux droits et obligations de la société AXA Courtage lard, de dire que la responsabilité du syndicat ne peut être recherché par R. K. épouse K. sur le fondement de l'article 1231 du Code civil et par voie de conséquence, de débouter ce syndicat de son assignation d'appel en garantie ;

Elle explique que suite à la déclaration de sinistre effectuée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Château », elle a missionné le cabinet d'expertise T. qui a dressé son rapport le 12 février 2004 ; elle précise que l'expert y décrit le système de fermeture de l'ascenseur litigieux qui, muni d'une double porté métallique à ouverture latérale et de cellules photoélectriques verticales et horizontales, permet d'assurer la réouverture des portes en phase de fermeture lorsqu'un objet ou une personne coupe le champ des cellules et indique que les nombreux tests pratiqués n'ont révélé aucun dysfonctionnement dès lors que les cellules ont assuré leur rôle dans la phase initiale de fermeture ; elle ajoute que le rapport relève que les ascenseurs venaient d'être remplacés et avaient été réceptionnés par le bureau de contrôle SOCOTEC au mois d'avril 2003 alors qu'aucun incident de même nature ne s'était produit depuis cette date ; elle fait valoir que le Cabinet T. a ainsi abouti à la seule conclusion logique à savoir que l'accident n'a pu survenir que par suite d'une manœuvre de l'usager qui a dû se blesser « en retirant violemment les bras en arrière lors de la fermeture des portes » dans la mesure où aucun dysfonctionnement n'a été constaté ; elle estime que l'accident a été causé par un mouvement brusque de l'utilisatrice qui doit s'analyser comme une cause extérieure et par sa nature irrésistible et imprévisible ;

Elle s'associe par ailleurs aux conclusions du syndicat quant à l'inopposabilité du certificat établi par le docteur I. dans la mesure où il ne revêt pas un caractère contradictoire et ne lui a pas été communiqué ; elle soutient que la demande d'indemnisation ne saurait prospérer dès lors qu'elle ne repose sur aucune donnée concrète et objective ;

Par des conclusions déposées le 19 octobre 2005, la société AXA demande au Tribunal de dire que le syndicat des copropriétaires n'était pas gardien de l'ascenseur au moment des faits et ne peut être tenu responsable de l'accident survenu le 14 mai 2003, à titre subsidiaire, de dire que la faute exclusive de R. K. épouse K. exonère le syndicat de toute responsabilité ;

Elle souligne que contrairement à ce qu'affirme la demanderesse, les travaux ne se sont pas achevés le 29 novembre 2002 mais le 27 mai 2004, comme le démontre le procès-verbal de réception des travaux produit aux débats et estime que le transfert de garde avait donc bien eu lieu au moment des faits ; elle précise que le certificat médical du docteur I. ne lui a été communiqué que le 21 septembre 2005 ;

Sur quoi

Attendu qu'il convient, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction des instances manifestement connexes enrôlées sous les numéros 51 et 314 de l'année judiciaire 2004-2005 ; que le présent litige est en état d'être jugé alors que l'appel en garantie de la société Otis n'a pas été autorisé de telle sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de jonction des instances précitées avec celle introduite suivant exploit du 3 février 2005 par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Château » contre la société Otis ;

Attendu que l'article 1231 du Code civil oblige toute personne à répondre du dommage causé par les choses qu'elle a sous sa garde ; qu'il est de principe que le gardien d'une chose est celui qui exerce sur elle les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle ;

Attendu qu'il n'est pas discuté que l'ascenseur litigieux dépend des parties communes de l'immeuble « Château » dont l'administration appartient, conformément à l'article 5 de l'ordonnance-loi n° 662 du 23 mai 1959, au syndicat des copropriétaires ;

Attendu que l'administration des parties communes implique à l'évidence le pouvoir d'en user, de les diriger et de les contrôler, de sorte que ce syndicat doit en être présumé gardien ;

Attendu qu'il appartient au syndicat, pour établir le contraire, de démontrer qu'il a transféré la garde de l'ascenseur à un tiers, et notamment qu'il n'exerce plus les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle sur la chose ;

Attendu que le contrat conclu le 7 novembre 2000 entre la copropriété « Château » et la société Otis relatif à la rénovation des ascenseurs et notamment son paragraphe « conditions d'exécution des ouvrages » mentionne que l'entrepreneur est « responsable de la conservation des ouvrages pendant toute la durée du chantier jusqu'à la réception définitive des travaux. L'entrepreneur demeure responsable de tous les dommages occasionnés dans les lieux et ne pourra évoquer à ce titre la méconnaissance du chantier qu'il déclare par la présente parfaitement connaître et accepter en l'état » ; que ces stipulations ne permettent pas d'établir qu'un transfert de garde a été contractuellement prévu par les parties ; que le paragraphe intitulé « organisation du chantier » prévoit que « durant toute la durée du chantier, l'entrepreneur s'engage à maintenir en fonctionnement deux ascenseurs et le monte-charge par bloc ainsi qu'un ascenseur navette, afin de ne pas perturber la vie de l'immeuble » ; qu'il ressort de ce contrat que les travaux devaient débuter le 8 janvier 2001 et du procès-verbal de réception des travaux du 27 mai 2004 qu' « une réception provisoire a été organisée le 14 avril 2003, mais n'a pu être consacrée compte tenu du mécontentement de la communauté immobilière » et qu' « il s'en est suivi une série d'interventions correctives de la part du groupe Otis » ; qu'il résulte ce qui précède qu'eu égard à la durée et à l'organisation des travaux, la société Otis n'avait pas constamment la maîtrise effective de l'ensemble des ascenseurs de la copropriété ; qu'il n'est pas démontré qu'au moment de l'accident, qui est d'ailleurs postérieur à la réception provisoire du 14 avril 2003, la société Otis exécutait spécifiquement des travaux sur l'ascenseur litigieux et exerçait ainsi les pouvoirs d'usage, de contrôle et de direction ;

Attendu que le syndicat des copropriétaires avait donc bien au moment des faits en cause la qualité de gardien de l'ascenseur litigieux ;

Attendu que pour l'application de l'article 1231 du Code civil, il suffit que la preuve soit rapportée par la victime que la chose a été, ne fût-ce que pour partie, l'instrument du dommage ; qu'il n'est pas contesté que les portes de l'ascenseur se sont refermées sur les avant-bras de la demanderesse de telle sorte que l'ascenseur a été l'instrument du dommage ;

Attendu que le gardien d'une chose, tenu de réparer le dommage réalisé du fait de cette chose sur le fondement de l'article 1231 du Code civil, ne peut être exonéré de sa responsabilité que s'il démontre que le dommage a été causé par une cause étrangère revêtant un caractère irrésistible et imprévisible ;

Attendu que le syndicat des copropriétaires et son assureur estiment que la demanderesse a dû se blesser en retirant violemment ses bras en arrière lors de la fermeture des portes de l'ascenseur dans la mesure où aucun dysfonctionnement n'a été constaté et soutient que cette faute de la victime l'exonère totalement de sa responsabilité ;

Attendu que les vérifications et contrôles effectués par la société Otis, le cabinet T. et l'architecte Pierre V. qui concluent au bon fonctionnement de l'ascenseur et à l'absence d'anomalie ne permettent pas à eux seuls d'établir l'existence d'une faute commise par la victime ;

Attendu que le rapport dressé par le cabinet T. le 12 février 2004 décrit le système de fermeture des portes de l'ascenseur litigieux, modernisé avant l'accident, et mentionne que les « cellules photoélectriques verticales et horizontales permettent d'assurer la réouverture des portes en phase de fermeture lorsqu'un objet ou une personne coupe le champ des cellules. Une sécurité supplémentaire permet la réouverture des portes lorsqu'elles viennent en contact (...) Lorsque les portes sont déjà largement avancées, la deuxième sécurité permet aux portes de venir en contact avec l'objet présenté et un palpeur commande la réouverture des portes » ; qu'il résulte de ce qui précède que l'incident survenu le 14 mai 2003 a au moins nécessité l'intervention de la deuxième sécurité puisque les portes sont entrées en contact avec les avant-bras de la demanderesse ;

Attendu que le fait allégué que la victime aurait violemment retiré ses bras lors de la fermeture des portes de l'ascenseur, outre qu'il n'est pas établi, n'apparaît pas présenter le caractère d'imprévisibilité et d'irrésistibilité exonératoire de responsabilité ; qu'en effet, le comportement visant à retirer ses bras dans un mouvement de réflexe et dans l'ignorance du fonctionnement du système de sécurité précédemment décrit et ce, à la suite de la rénovation de l'ascenseur, apparaît parfaitement prévisible ;

Attendu en conséquence que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Château » doit répondre envers R. K. épouse K. des conséquences dommageables de l'accident du 14 mai 2003 ;

Attendu que les données de l'expertise effectuée par le docteur I., à laquelle le syndicat des copropriétaires et son assureur n'ont pas été parties, sont corroborées par les certificats médicaux du docteur B. produits aux débats dont la nature et la valeur n'ont pas été contestées ; qu'au demeurant, ce rapport d'expertise en date du 5 février 2004 a été soumis dans le cadre de la présente instance à la discussion contradictoire des parties qui n'ont présenté aucun grief à son encontre ; qu'il sera dès lors examiné avec les autres éléments médicaux pour asseoir la conviction du Tribunal sur l'évaluation du préjudice subi par la demanderesse sans qu'il y ait lieu à organisation d'une expertise judiciaire ;

Attendu que le certificat du 14 mai 2003 établi par le docteur B. mentionne que la victime « présente une plaie avec perte de substance par arrachement de la peau de l'avant-bras gauche (7 cm x 1 cm) et de l'avant-bras droit (5 cm x 1 cm) » et fixe l'incapacité temporaire de travail à 15 jours ; que le docteur I. précise dans son rapport que la demanderesse « a eu de gros problèmes dans la vie courante, pour la toilette, impossibilité de prendre un bain ou une douche, donc se laver morceau par morceau, pour faire ses courses et tous les gestes de la vie courante, la cuisine, ne pouvant pas soulever des grosses casseroles remplies d'eau, des paquets lourds » et conclut à une incapacité totale de travail pendant quinze jours, à une incapacité partielle de 50 % pendant une semaine et de 25 % la semaine suivante ; que ces éléments justifient l'allocation de la somme de 1 000 euros au titre de l'incapacité temporaire de travail ;

Attendu que le docteur B., dans un certificat médical du 17 juin 2003, indique que « les plaies ont nécessité le premier jour des points de rapprochement et de soins de nettoyage de plaie, puis des pansements pratiquement tous les jours en soins externes jusqu'au 10 juin 2003 » ; que le docteur I. souligne que la victime a été extrêmement gênée par les douleurs quasi constantes, qu'elle a été contrainte de prendre des traitements anti-douleur et qu'au niveau des cicatrices, il persiste essentiellement des problèmes de douleur ; que le pretium doloris doit ainsi être réparé par une indemnité de 5 000 euros, eu égard aux éléments suffisants d'appréciation dont dispose le Tribunal ;

Attendu que le préjudice moral invoqué par la victime, actuellement âgée de 86 ans, justifie l'allocation de la somme de 1 000 euros, la réalité du traumatisme subi et de la peur désormais ressentie n'étant pas contestable ;

Attendu qu'il convient en définitive de condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Château » à payer à R. K. épouse K. la somme de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice corporel et moral ;

Attendu par ailleurs, que la demanderesse a subi un préjudice en se trouvant contrainte d'agir en justice et d'exposer des frais pour ce faire, de telle sorte qu'il y a lieu de condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Château » à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts, compte tenu des éléments dont dispose le Tribunal pour l'appréciation du préjudice subi ;

Attendu qu'il n'est pas justifié des conditions nécessaires au prononcé de l'exécution provisoire en application de l'article 202 du Code de procédure civile ;

Attendu que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Château », qui succombe, doit supporter les dépens de l'instance enrôlée sous le numéro 51 de l'année judiciaire 2004-2005 par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte des conditions générales et particulières du contrat conclu entre la copropriété du « Château » et la société AXA Courtage lard que les garanties s'exerceront en matière de responsabilité civile du propriétaire lorsque les dommages causés aux tiers entraînent la responsabilité de l'assuré et résultent directement du fait « des biens immobiliers et du contenu ainsi que des cours, jardins, plantations et de toutes les installations intérieures ou extérieures » ; qu'en tout état de cause, la société AXA France lard, venant aux droits et obligations de la société AXA Courtage lard, n'a nullement dénié sa garantie dans le cadre de la présente instance de telle sorte qu'il convient de la condamner à relever et garantir le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Château » de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;

Attendu que la société France lard, qui succombe, doit supporter les dépens de l'instance enrôlée sous le numéro 314 de l'année judiciaire 2004-2005, par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL statuant contradictoirement

Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les numéros 51 et 314 de l'année judiciaire 2004-2005 ;

Déclare le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Château » tenu de réparer les conséquences dommageables de l'accident subi le 14 mai 2003 par R. K. épouse K. ;

Condamne ce syndicat à payer à R. K. épouse K. la somme de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice corporel et moral, outre la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Composition🔗

Mme Grinda-Gambarini, prem. v. prés. ; Mme Gonelle, prem. subst. proc. gén. ; Mes Mullot et Karczag-Mencarelli, av. déf.

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