Tribunal de première instance, 17 novembre 2005, M. c/ SAM BSI 1873 International Private Banking

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Abstract🔗

Banques

Mandat de gestion - Preuve du mandat à défaut d'écrit : autres moyens admis (art. 4 de l'Ord. n° 13-184 du 16 sept. 1997) - Exécution du mandat - Manquements fautifs du mandataire non établis quant à son devoir d'information et son mode de gestion - Obligation préalable à la conclusion du mandat de gestion : manquement à l'article 5 de l'ordonnance n° 13-184 du 16 septembre 1997 mais préjudice non prouvé

Résumé🔗

I - Sur l'existence d'un mandat de gestion

Il est constant que la société BSI 1873 a effectué les opérations ci-dessus relatées sans solliciter d'instructions spéciales de la part de L. M. ;

Il n'est pas non plus contesté qu'en dépit des exigences impératives de l'article 4 de l'ordonnance n° 13-184 du 16 septembre 1997, aucun mandat de gestion écrit n'a été conclu entre les parties ;

Mais le défaut d'un tel écrit ne fait pas obstacle à ce que la preuve du mandat soit apportée par d'autres moyens ;

Il ressort clairement des circonstances de la cause que L. M. a entendu donner à la société BSI 1873 la mission de procéder aux opérations litigieuses dans un cadre excédant la simple tenue de compte ;

La circonstance qu'elle ait fait créditer son compte, immédiatement après son ouverture, d'une somme de 750 000 francs révèle de façon certaine que, loin de laisser son portefeuille figé, elle souhaitait effectuer des investissements ;

Elle ne peut pas sérieusement prétendre qu'elle aurait été tenue dans l'ignorance de la gestion effectuée par la banque alors qu'ayant effectué des prélèvements importants, tout au long de la période de fonctionnement du compte, elle a nécessairement pris connaissance de son état pour s'assurer que ces sommes étaient disponibles, au moins en avril 2000, mai 2001 et septembre 2002 ;

Elle n'a alors exprimé aucune protestation écrite, attendant le 25 septembre 2002 pour se plaindre ;

Sa connaissance de la situation est d'autant plus certaine qu'elle a souscrit les 23 mai 2001 et 21 mai 2002 à des conventions d'ouverture de crédit qui avaient manifestement pour but de financer des placements à découvert ;

Notamment, L. M. n'ignorait pas l'existence de pertes importantes au moment de la convention de renouvellement de crédit du 21 mai 2002 puisqu'elle avait procédé le 7 mai précédent à un prélèvement en espèces alors que son compte présentait un découvert d'environ 70 000 euros, soit le montant prêté par la banque ; elle a encore utilisé ce crédit pour prélever 41 923,48 euros le 29 mai 2001 ;

Ces présomptions sont suffisamment graves, précises et concordantes pour établir que L. M. a laissé à la société BSI 1873 le soin de gérer son portefeuille et a convenu avec cette dernière qu'elle pouvait :

- investir ses avoirs sur des marchés spéculatifs susceptibles de l'exposer à des pertes importantes,

- et pouvait même recourir à des opérations à découvert dans les limites du montant de 70 000 euros envisagé dans les conventions de crédit ;

L. M. est donc mal fondée à reprocher à la banque d'avoir agi en dehors de tout mandat de gestion ;

En dépit de l'absence de mandat écrit, les parties apparaissent bien avoir convenu des objectifs de la gestion et des catégories d'instruments financiers que pouvait comporter le portefeuille ; L. M. n'est donc pas fondée à reprocher à la banque d'avoir manqué à l'obligation prévue à l'article 6 de l'ordonnance n° 13-184 du 16 septembre 1997 ;

II - Sur l'exécution du mandat de gestion

A. - Sur le devoir d'information

L. M. a convenu avec sa banque que la correspondance la concernant ne devait pas lui être expédiée par voie postale mais devait être conservée dans les locaux de la banque ; en pareil cas, selon l'article 4 des conditions générales annexées à la convention d'ouverture de compte, le courrier retenu doit être considéré comme délivré à la date qu'il porte ;

Ces stipulations instaurent, au profit de la banque, une présomption de mise à disposition des documents en cause dès la date dont ils sont revêtus ; la charge de la preuve contraire pèse donc sur son client ;

Il appartient en conséquence à L. M. de venir régulièrement prendre possession du courrier à elle destiné ; elle n'offre pas de rapporter la preuve que les relevés de compte qu'elle produit n'auraient été établis que postérieurement à leur date, de sorte qu'elle ne peut pas faire grief à la société BSI 1873, ni d'avoir profité fautivement de son éloignement, ni d'avoir manqué à son devoir d'information sur les opérations effectuées sur le compte ;

B. - Sur le mode de gestion

L'absence de protestation de L. M., dans le délai d'un mois suivant l'établissement des relevés de comptes et d'opérations, n'est pas de nature à exonérer la banque de sa responsabilité ;

Mais L. M. ne démontre pas que la banque ait mal exécuté le mandat de gestion qu'elle lui a confié ;

En premier lieu, elle ne produit aucun justificatif pouvant établir que les titres introduits dans son portefeuille présentaient un caractère particulièrement spéculatif ; il n'appartient pas au juge de suppléer cette carence par ses connaissances personnelles, d'autant qu'il n'existe en pareille matière aucune notoriété ;

Elle ne prouve pas davantage que ces titres comportaient des risques qui auraient excédé les limites prévues dans les objectifs de gestion fixés verbalement avec la banque ;

Enfin, la simple lecture de la liste des titres acquis ne permet pas de présumer une absence de division des risques sur laquelle L. M. n'apporte aucune explication, se contentant de l'alléguer de façon générale sans la décrire par une analyse précise des titres litigieux ;

C. - Sur la recherche préalable à la conclusion du mandat de gestion

L'article 5 de l'ordonnance n° 13-184 du 16 septembre 1997 fait obligation aux sociétés bénéficiaires d'un mandat de gestion de s'enquérir, préalablement à la signature du mandat, des objectifs, de l'expérience en matière d'investissement et de la situation financière du mandant, et d'adapter les prestations proposées à cette situation financière ;

Conformément à l'article 1162 du Code civil, il appartient aux sociétés concernées d'apporter la preuve du fait susceptible de les avoir libérées de cette obligation ;

La convention d'ouverture de compte ne contient aucune information sur la personnalité et la situation financière de L. M. ;

La banque ne produit pas d'autres pièces, tels des questionnaires ou des bilans patrimoniaux, de nature à démontrer qu'elle a effectivement interrogé sa cliente pour se mettre en mesure d'apprécier l'état de ses ressources et de ses charges et de lui proposer en conséquence les placements les mieux adaptés à ses besoins ; ses seules affirmations à cet égard sont sans valeur probante, dès lors qu'elles sont contestées par la demanderesse ;

La société BSI 1873 doit donc répondre de ce manquement ;

Il appartient, cependant, à L. M. d'établir l'existence d'un lien de causalité entre ce manquement et le préjudice dont elle demande réparation ;

Elle n'apporte pourtant aucune explication sur sa situation patrimoniale et n'offre donc pas de prouver que le mandat de gestion que lui a proposé la banque était inadapté à cette situation ;

La convient, en définitive, de débouter L. M. de sa demande tendant à la compensation de la perte de valeur de son portefeuille ; il y a également lieu, en conséquence, de rejeter ses prétentions relatives au paiement d'intérêts, au sort des titres inscrits au crédit du compte litigieux et au devenir du gage.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Suivant acte sous seing privé du 20 mars 2000, L. M. et la société Banca Della Svizzera Italiana - Gérance Internationale - Monaco, devenue depuis Banca Della Svizzera 1873 International Private Banking (ci-après désignée en abrégé « BSI 1873 ») ont convenu de l'ouverture d'un compte de dépôt de titres n° 597321, intitulé « P. » ;

Ces parties ont ensuite conclu, le 23 mai 2001, une convention d'ouverture de crédit comportant prêt à L. M., pour une durée d'un an, d'une somme maximale de 70 000 euros, sous condition suspensive d'affectation en gage des sommes et valeurs inscrites au compte ;

La convention de gage correspondante a été signée le même jour ;

Le 21 mai 2002, le crédit a été renouvelé pour une seconde durée d'un an ;

Diverses opérations d'achat et de revente de titres ont été effectuées sur ce compte jusqu'à ce que L. M. se plaigne, par un courrier de son conseil en date du 25 septembre 2002, de la mauvaise gestion de ses avoirs ;

Suivant l'exploit susvisé du 8 juillet 2003, L. M. a fait assigner la société BSI 1873 et a demandé que le Tribunal condamne cette société à lui payer :

- la somme de 343 907,16 euros représentant la valeur des titres et espèces initialement déposés, déduction faite de quatre prélèvements représentant au total 82 756,21 euros,

- un « taux d'intérêts évalué à 4 % sur ce montant destiné à compenser le préjudice lié à la privation de la rentabilité raisonnable des fonds dilapidés, jusqu'à parfait paiement : (Mémoire) »,

- et une indemnité de 20 000 euros en réparation du préjudice causé par sa résistance, qualifiée d'abusive et d'injustifiée ;

Elle a, en outre, demandé au Tribunal :

- de dire que la société BSI 1873 ne saurait se prévaloir, à son encontre, d'une créance au titre du fonctionnement du compte litigieux,

- de donner mainlevée du gage ci-dessus décrit,

- et de lui donner acte, « en tant que de besoin, de ce qu'elle ne s'oppose pas à ce qu'en contrepartie des sommes ainsi réclamées, son adversaire conserve en pleine propriété des titres acquis sans son autorisation qui figurent au crédit du compte litigieux » ;

Elle a soutenu ces prétentions dans ses conclusions des 12 mai et 15 décembre 2004 ;

La société BSI 1873 a conclu les 11 février 2004, 13 octobre 2004 et 19 janvier 2005 au rejet des demandes formées contre elle ; à titre reconventionnel, elle a sollicité la condamnation de L. M. à lui payer :

- la somme de 68 403,53 euros correspondant au solde débiteur de son compte, arrêté au 23 mai 2003, outre intérêts contractuels à compter de la mise en demeure,

- et une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice occasionné par sa « résistance abusive » ;

Le débat qui s'est instauré entre les parties peut être ainsi résumé :

Sur l'existence d'un mandat de gestion

- la société BSI 1873 soutient que sa cliente l'a autorisée « à gérer ses avoirs en procédant pour son compte à des investissements sur le marché boursier » ; à défaut d'écrit sur ce point, elle prétend tirer la preuve d'un tel accord, tant sur le principe du mandat que sur les objectifs de gestion, de l'absence de contestation par L. M. des relevés d'opération qu'elle produit elle-même, qui faisaient apparaître, depuis l'ouverture du compte, à la fois la nature des titres acquis, le profil de gestion de ses avoirs et les objectifs poursuivis ; elle tire également argument du fait que le transfert de ses avoirs à Monaco ne peut s'expliquer que par le souhait de sa cliente de poursuivre un but spéculatif,

- L. M. affirme, au contraire, qu'elle n'a jamais eu l'intention de confier un mandat de gestion à la banque, indique qu'un mandat de gestion écrit est exigé par l'article 8 de la loi n° 1194 du 9 juillet 1997, texte d'ordre public, et nie avoir donné un accord verbal en ce sens ; elle estime, en outre, qu'il appartient à la banque, alors que les relevés de compte étaient laissés à sa disposition à ses guichets, d'établir qu'ils ont bien été édités à l'époque des placements, qu'ils lui ont été communiqués et qu'elle en a pris connaissance sur le moment,

- la société BSI 1873 réplique que, selon les conditions générales applicables à la convention d'ouverture de compte, le courrier laissé à disposition du client est considéré comme délivré à la date qu'il porte ;

Sur les manquements reprochés à la banque

- L. M. reproche à la banque de ne pas s'être préoccupée de ses attentes et du degré de risque qu'elle était prête à accepter, faute d'avoir établi une situation de son patrimoine, d'avoir procédé, sans on accord, à une « gestion de fait », de ne lui avoir apporté aucune information sur les titres acquis pour son compte, et d'avoir réalisé des opérations extrêmement spéculatives, sans aucune division des risques, sur des titres qui n'avaient pas été préalablement analysés ; elle précise que les placements litigieux paraissent résulter d'initiatives non contrôlées du préposé de la banque chargé du suivi de son compte, qui a profité de son éloignement pour agir à son insu ; elle considère également fautif le fait de lui avoir conseillé de solliciter l'ouverture d'une ligne de crédit qui, ne présentant aucun intérêt pour elle, a en réalité été utilisée pour effectuer des opérations spéculatives non autorisées, non portées à sa connaissance et, de surcroît, largement perdantes,

- la société BSI 1873 répond qu'elle connaissait la situation financière de sa cliente, que la nature du portefeuille litigieux démontre que cette dernière avait une « indiscutable expérience » des risques liés aux investissements en actions et qu'elle ne démontre nullement que sa situation était incompatible avec une gestion sous mandat ; relevant que son adversaire ne précise pas le fondement juridique de sa demande, elle soutient que la seule constatation d'une perte importante ne suffit pas, en soi, à démontrer l'existence d'une faute du gestionnaire ;

Sur le préjudice

- L. M. expose qu'alors que ses actifs représentaient, au début de la gestion litigieuse une valeur de 411 739,75 euros, cette valeur s'est trouvée réduite, à la date du 23 octobre 2002, à 58 018,86 euros, soit, compte tenu de ses prélèvements, une perte de 70 % égale à la somme qu'elle réclame ; elle sollicite en conséquence la « reconstitution » de ses avoirs, outre un intérêt « raisonnable »,

- à titre subsidiaire, la société BSI 1873 prétend que le préjudice invoqué ne pourrait correspondre qu'à une perte de chance sur laquelle son adversaire ne fournit aucun élément d'évaluation ;

Sur la demande reconventionnelle

- L. M. prétend que la créance invoquée par la banque ne résulte que d'une gestion de fait irrégulière qui lui est inopposable ;

Sur la résistance abusive

- L. M. fait valoir que la banque, après lui avoir répondu, le 27 septembre 2002, que l'examen de son dossier allait être confié à son « Service de Révision Interne », puis avoir indiqué le 20 décembre 2002 que cet examen ne pourrait être entrepris immédiatement en l'absence de son contrôleur interne, ne s'est plus jamais manifestée ;

Sur quoi,

Attendu qu'il résulte des relevés d'opérations produits aux débats que le portefeuille de L. M. comportait, lors de l'ouverture du compte litigieux, 5 actions Finmeccanica SPA, 3, 5 actions Eni SPA, une action Autostrade Concessioni, une action Telecom Italia SPA, 15 titres Bat. International Finance PLC, 2,5 actions Cir Cie Industriali Riunite SPA, 3 actions Unicredito Italiano SPA, 100 certificats d'option (warrants) Unicredito Italiano SPA, une action Mediobanca SPA, 5 000 actions Banca Intesa SPA, 10 actions Commerzbank AG et 20 titres Toyota Motor Credit Corp ;

Que L. M. a fait porter au crédit de son compte, dès le 22 mars 2000, la somme de 750 000 francs, payée au moyen d'un chèque tiré sur le Crédit Lyonnais de Monaco ;

Qu'elle a ensuite fait transférer sur son compte :

le 11 avril 2000 : 600 actions Assicuriazoni Generali SPA,

le 21 avril 2000 : 500 actions International Business Machines Corp. IBM,

le 28 avril 2000 : 180 actions Valeo SA,

le 5 mai 2000 : 250 actions Michelin SA ;

Que les relevés de compte relatent de nombreuses opérations d'achat et de revente de titres :

Achats Reventes Résultat

(en euros sauf

indication contraire)

actions Infineon Technol. 12.05.2000 + 1 492,63

actions Seat Pagine 23.02.2001 - 46 162,59

actions E. Biscom SPA 05.04.2000 + 1 760,7

Actions Banca Intesa SPA transférées 13.04.2000

Actions Eni SPA transférées 18.04.2000 : 2,5 actions

une action

Actions Unicredito Italiana transférées 26.04.2000

Actions Assicurazioni Generali transférées 26.04.2000

Actions Finmeccanica SPA transférées 26.04.2000

actions Bipop-Carire 04.05.2000 + 176,45

Actions Valeo SA transférées 03.05.2000

Action Telecom Italia transférée 04.05.2000

Actions Michelin SA transférées 11.05.2000

une action Telecom Italia 16.05.2000 + 108,56

Action Autostrade Concessioni transférée 15.05.2000

Action Médiobanca SPA transférée 16.05.2000

une action Telecom Italia 30.05.2000 + 128,11

actions Dalmine SPA 10.08.2000 + 831,82

actions Seat Pagine 22.08.2000 - 9 254,13

actions Ing. C. Olivetti 01.06.2000 + 3 937,19

actions Ing. C. Olivetti 14.07.2000 + 224,33

actions Bipop-Carire 23.08.2000 - 81,50

actions Telecom Italia 10.07.2000 + 41,83

actions Stmicroelectronics 07.07.2000 + 304,17

actions Ing. C. Olivetti 21.05.2002 - 27 951,8

actions Telefonica SA 20.07.2000 + 244,11

actions Deutsche Télekom 06.02.2002 - 20 595,68

actions Telefonica SA 10.08.2000 + 217,66

actions Stmicroelectronics 18.08.2000 + 93,07

actions Nokia 18.08.2000 + 573,41

actions Telefonica 18.09.2000 + 1 246,15

Actions Cir Cie Ind. Riunite transférées 22.08.2000

actions Partecipazioni

Industriale Hpi SPA 05.09.2000 + 560,94

actions Vivendi 15.09.2000 + 3 430,04

actions Telefonica 14.09.2000 + 2 194,88

actions Telefonica 04.09.2001 : 520 actions environ - 6 000

actions Telefonica 03.10.2000 + 390,24

actions Vivendi 05.10.2000 + 1 067,32

actions Seat Pagine 03.11.2000 + 242,45

actions Telefonica 22.09.2000 + 341,59

actions Telefonica 02.10.2000 + 184,18

actions Équant NV 10.10.2000 + 771,96

actions Vivendi 24.09.2001 - 21 593,24

actions Deutsche Telekom 23.10.2000 + 2 006,83

actions Équant NV 31.07.2001 - 8 422,25

actions Cap Gemini 17.01.2000 + 434,42

actions Alcatel

Warrants Unicredito Italiano transférés 22.11.2000

actions Telecom Italia

actions Yahoo Inc. 26.11.2001 environ - 6 000 $

actions Nortel Networks

actions Sun Microsystems 27.06.2001 + 285,06 $

actions Nortel Networks

actions France Telecom 31.07.2001

actions Koninklijke 09.10.2001 + 178,11

actions Cisco Systems 11.10.2001 + 3 017,17 $

actions Sun Microsystems 15.10.2001 + 958,98 $

actions Yahoo Inc. 26.11.2001 environ + 3 000 $

actions Oracle 16.10.2001 + 2 114,31 $

actions Sun Microsystems 06.11.2001 + 2 313,97 $

actions Enron 22.10.2001 - 924,60 $

actions Yahoo 26.11.2001 environ + 6 000 $

actions Worldcom 07.11.2001 + 955,39 $

Actions Business Corp. transférées 07.11.2001

actions Sun Microsystems 05.12.2001 + 1 879,15 $

actions Lucent Techn. 05.12.2001 + 535,52 $

actions AOL Time Warner 25.07.2002 - 14.238,91 $

actions Oracle 05.12.2001 + 147,57 $

actions AOL Time Warner 17.12.2001 + 118,93 $

actions Lucent Techn.

actions Sun Microsystems 08.04.2002 : 3 000 actions environ - 12 000 $

actions Lucent Techn. 03.01.2002 + 797,35 $

actions Worldcom 08.04.2002 : 2 000 actions environ - 6 000 $

actions environ - 7 000 $

actions Équant 26.03.2002 - 34,93 $

actions Lucent Techn. 08.04.2002 - 385,95 $

actions Int. Business 21.05.2002 - 2 002,62 $

actions Dell Computer

actions Nokia

Titres Bat. International Finance transférés 24.05.2002 ;

Attendu que le Tribunal n'est pas en mesure de déterminer le résultat des opérations concernant les titres déjà existants au moment de l'ouverture du compte, faute de connaître leur cours d'achat ;

Attendu qu'en ce qui concerne les titres acquis et revendus par la banque, le bilan s'est avéré largement déficitaire :

Titres en euros Titres en dollars

Gains 23 183,15 22 123,40 $

Pertes 140 096,12 48 587,01 $

Attendu que cette tendance se trouve confirmée par les états de situation patrimoniale, établis chaque semestre par la banque, qui montrent que des pertes ont également affecté les titres préexistants ; que la valeur globale du portefeuille a ainsi évalué :

20.03.2000 : 411 739,75 30.06.2001 : 226 735,74

Que L. M. a, cependant, procédé à quatre prélèvements : 10 380,78 euros le 3 avril 2000 ; 25 951,95 euros le 7 mai 2001, 41 923,58 euros le 29 mai 2001 et 4 500 euros le 24 septembre 2002 ;

Qu'en ajoutant ces montants à ceux énoncés par les états de situation, on parvient aux résultats suivants qui donnent une vision plus exacte du montant des pertes :

20.03.2000 : 411 739,75 CE 30.06.2001 : 304 991,95

Attendu que la dépréciation du portefeuille est donc apparue dès le début des relations entre les parties et s'est sensiblement accentuée entre janvier et juin 2002 ;

I. - Sur l'existence d'un mandat de gestion

Attendu qu'il est constant que la société BSI 1873 a effectué les opérations ci-dessus relatées sans solliciter d'instructions spéciales de la part de L. M. ;

Attendu qu'il n'est pas non plus contesté qu'en dépit des exigences impératives de l'article 4 de l'ordonnance n° 13-184 du 16 septembre 1997, aucun mandat de gestion écrit n'a été conclu entre les parties ;

Mais attendu que le défaut d'un tel écrit ne fait pas obstacle à ce que la preuve du mandat soit apportée par d'autres moyens ;

Attendu qu'il ressort clairement des circonstances de la cause que L. M. a entendu donner à la société BSI 1873 la mission de procéder aux opérations litigieuses dans un cadre excédant la simple tenue de compte ;

Attendu que la circonstance qu'elle ait fait créditer son compte, immédiatement après son ouverture, d'une somme de 750 000 francs révèle de façon certaine que, loin de laisser son portefeuille figé, elle souhaitait effectuer des investissements ;

Attendu qu'elle ne peut pas sérieusement prétendre qu'elle aurait été tenue dans l'ignorance de la gestion effectuée par la banque alors qu'ayant effectué des prélèvements importants, tout au long de la période de fonctionnement du compte, elle a nécessairement pris connaissance de son état pour s'assurer que ces sommes étaient disponibles, au moins en avril 2000, mai 2001 et septembre 2002 ;

Qu'elle n'a alors exprimé aucune protestation écrite, attendant le 25 septembre 2002 pour se plaindre ;

Attendu que sa connaissance de la situation est d'autant plus certaine qu'elle a souscrit les 23 mai 2001 et 21 mai 2002 à des conventions d'ouverture de crédit qui avaient manifestement pour but de financer des placements à découvert ;

Attendu, notamment, que L. M. n'ignorait pas l'existence de pertes importantes au moment de la convention de renouvellement de crédit du 21 mai 2002 puisqu'elle avait procédé le 7 mai précédent à un prélèvement en espèces alors que son compte présentait un découvert d'environ 70 000 euros, soit le montant prêté par la banque ; qu'elle a encore utilisé ce crédit pour prélever 41 923,48 euros le 29 mai 2001 ;

Attendu que ces présomptions sont suffisamment graves, précises et concordantes pour établir que L. M. a laissé à la société BSI 1873 le soin de gérer son portefeuille et a convenu avec cette dernière qu'elle pouvait :

- investir ses avoirs sur des marchés spéculatifs susceptibles de l'exposer à des pertes importantes,

- et pouvait même recourir à des opérations à découvert dans les limites du montant de 70 000 euros envisagé dans les conventions de crédit ;

Attendu que L. M. est donc mal fondée à reprocher à la banque d'avoir agi en dehors de tout mandat de gestion ;

Attendu qu'en dépit de l'absence de mandat écrit, les parties apparaissent bien avoir convenu des objectifs de la gestion et des catégories d'instruments financiers que pouvait comporter le portefeuille ; que L. M. n'est donc pas fondée à reprocher à la banque d'avoir manqué à l'obligation prévue à l'article 6 de l'ordonnance n° 13-184 du 16 septembre 1997 ;

Attendu que ces motifs rendent dès lors inutile toute recherche au sujet des modalités selon lesquelles L. M. a pu prendre connaissance des relevés de compte et d'opérations tenus à sa disposition dans les locaux de la banque, conformément à la convention d'ouverture de compte ;

II. - Sur l'exécution du mandat de gestion

A. - Sur le devoir d'information

Attendu que L. M. a convenu avec sa banque que la correspondance la concernant ne devait pas lui être expédiée par voie postale mais devait être conservée dans les locaux de la banque ; qu'en pareil cas, selon l'article 4 des conditions générales annexées à la convention d'ouverture de compte, le courrier retenu doit être considéré comme délivré à la date qu'il porte ;

Attendu que ces stipulations instaurent, au profit de la banque, une présomption de mise à disposition des documents en cause dès la date dont ils sont revêtus ; que la charge de la preuve contraire pèse donc sur son client ;

Attendu qu'il appartenait en conséquence à L. M. de venir régulièrement prendre possession du courrier à elle destiné ; qu'elle n'offre pas de rapporter la preuve que les relevés de compte qu'elle produit n'auraient été établis que postérieurement à leur date, de sorte qu'elle ne peut pas faire grief à la société BSI 1873, ni d'avoir profité fautivement de son éloignement, ni d'avoir manqué à son devoir d'information sur les opérations effectuées sur le compte ;

B. - Sur le mode de gestion

Attendu que l'absence de protestation de L. M., dans le délai d'un mois suivant l'établissement des relevés de comptes et d'opérations, n'est pas de nature à exonérer la banque de sa responsabilité ;

Attendu qu'il est exact que, selon l'article 7 des conditions générales annexées à la convention d'ouverture de compte litigieuse, les contestations concernant les relevés de compte et de dépôts doivent être formulées par écrit dans le délai d'un mois et qu'à défaut, ces relevés devront être considérés comme approuvés et « reconnus exacts » par le client qui sera alors « déchu du droit de rechercher la responsabilité de la banque » ;

Attendu, cependant, que ces stipulations ne peuvent s'appliquer qu'aux seules opérations de tenue de compte envisagées dans la convention et ne sauraient emporter déchéance du droit d'agir contre la banque en raison de manquements aux obligations du mandat de gestion distinct, conclu verbalement par les parties ;

Qu'en outre, la déchéance ainsi envisagée ne peut atteindre que les contestations tendant à discuter l'exactitude des relevés ;

Mais attendu que L. M. ne démontre pas que la banque ait mal exécuté le mandat de gestion qu'elle lui a confié ;

Attendu, en premier lieu, qu'elle ne produit aucun justificatif pouvant établir que les titres introduits dans son portefeuille présentaient un caractère particulièrement spéculatif ; qu'il n'appartient pas au juge de suppléer cette carence par ses connaissances personnelles, d'autant qu'il n'existe en pareille matière aucune notoriété ;

Attendu qu'elle ne prouve pas davantage que ces titres comportaient des risques qui auraient excédé les limites prévues dans les objectifs de gestion fixés verbalement avec la banque ;

Attendu, enfin, que la simple lecture de la liste des titres acquis ne permet pas de présumer une absence de division des risques sur laquelle L. M. n'apporte aucune explication, se contentant de l'alléguer de façon générale sans la décrire par une analyse précise des titres litigieux ;

III. - Sur les autres manquements reprochés à la banque

A. - Sur le défaut d'écrit contractuel

Attendu qu'aucun lien de causalité n'apparaît établi entre les pertes dont se plaint L. M. et l'omission, principalement imputable à la banque, d'avoir donné une forme écrite à leur convention portant mandat de gestion ;

Qu'en effet, l'absence d'écrit n'a pas, en l'espèce, fait obstacle à la définition suffisamment précise d'objectifs de gestion et n'a pas empêché L. M., ni de surveiller cette gestion, ni d'y mettre fin ;

B. - Sur la recherche préalable à la conclusion du mandat de gestion

Attendu que l'article 5 de l'ordonnance n° 13-184 du 16 septembre 1997 fait obligation aux sociétés bénéficiaires d'un mandat de gestion de s'enquérir, préalablement à la signature du mandat, des objectifs, de l'expérience en matière d'investissement et de la situation financière du mandant, et d'adapter les prestations proposées à cette situation financière ;

Attendu que, conformément à l'article 1162 du Code civil, il appartient aux sociétés concernées d'apporter la preuve du fait susceptible de les avoir libérées de cette obligation ;

Attendu que la convention d'ouverture de compte ne contient aucune information sur la personnalité et la situation financière de L. M. ;

Attendu que la banque ne produit pas d'autres pièces, tels des questionnaires ou des bilans patrimoniaux, de nature à démontrer qu'elle a effectivement interrogé sa cliente pour se mettre en mesure d'apprécier l'état de ses ressources et de ses charges et de lui proposer en conséquence les placements les mieux adaptés à ses besoins ; que ses seules affirmations à cet égard sont sans valeur probante, dès lors qu'elles sont contestées par la demanderesse ;

Attendu que la société BSI 1873 doit donc répondre de ce manquement ;

Attendu qu'il appartient, cependant, à L. M. d'établir l'existence d'un lien de causalité entre ce manquement et le préjudice dont elle demande réparation ;

Attendu qu'elle n'apporte pourtant aucune explication sur sa situation patrimoniale et n'offre donc pas de prouver que le mandat de gestion que lui a proposé la banque était inadapté à cette situation ;

Attendu qu'il convient, en définitive, de débouter L. M. de sa demande tendant à la compensation de la perte de valeur de son portefeuille ; qu'il y a également lieu, en conséquence, de rejeter ses prétentions relatives au paiement d'intérêts, au sort des titres inscrits au crédit du compte litigieux et au devenir du gage ;

IV.- Sur la demande reconventionnelle de la banque

Attendu que l'extrait de relevé de compte produit par la banque fait apparaître, à la date du 28 juin 2002, un solde débiteur de 67 767,23 euros, porté depuis à 68 403,53 euros ;

Attendu que L. M. ne discute pas l'exactitude de ce montant, dont elle prétend seulement ne pas être redevable en raison de l'absence de mandat de gestion ;

Attendu que le Tribunal n'a pas retenu ce moyen de défense ; qu'il convient, en conséquence, de faire droit à la demande reconventionnelle de la banque et de condamner L. M. à lui payer la somme correspondante ;

Attendu que les parties ont convenu, dans la convention de renouvellement de crédit du 21 mai 2002, que les sommes dues en vertu de cette convention devaient porter intérêt au taux défini par l' « Euro inter bank offered rate » (Libor), majoré de 1 % ;

Attendu qu'il y a lieu, conformément à la demande de la banque, de fixer le point de départ des intérêts à la date de la mise en demeure de payer ;

Que cette mise en demeure résulte bien des termes d'un courrier en date du 5 juin 2003, par lequel la banque, sollicitant couverture à hauteur de la somme litigieuse, annonce qu'elle réalisera, à défaut, le gage convenu à son profit ; que les intérêts devront donc courir à la date de réception de ce courrier, soit le 25 juin 2003 ;

V. - Sur les demandes indemnitaires fondées sur la résistance abusive

Attendu que la résistance de la banque ne saurait être qualifiée d'abusive alors que les demandes formées contre elle s'avèrent mal fondées ;

Attendu que L. M. a cependant pu, à défaut du mandat de gestion écrit qu'il appartenait à la banque d'établir, se méprendre sur la véritable étendue de ses droits ;

Attendu qu'il convient, en conséquence, de débouter les parties de leurs demandes indemnitaires respectives ;

Et attendu que l'article 231 du Code de procédure civile met les dépens à la charge de la partie qui succombe ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, STATUANT CONTRADICTOIREMENT,

Déboute L. M. de l'ensemble de ses prétentions ;

La condamne à payer à la société Banca Della Svizzera 1873 International Private Banking la somme de Soixante Huit Mille Quatre Cent Trois Euros Et Cinquante Trois Centimes (68 403,53 €), montant des causes susénoncées ;

Dit que cette somme portera intérêts, à compter du 25 juin 2003, au taux de l' « Euro inter bank offered rate » (Libor), majoré de 1 % ;

Déboute la société Banca Della Svizzera 1873 International Private Banking du surplus de ses demandes ;

Composition🔗

M. Narmino, prés. ; Mme Gonelle, prem. subst. proc. gén. ; Mes Michel et Licari, av. déf.

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