Tribunal de première instance, 14 juillet 2005, B. c/ Sté civile particulière SCI B.

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Abstract🔗

Société civile particulière

Gérant non associé - Révocation décidée par l'assemblée générale extraordinaire des associés - Régularité de cette décision, prise sans formalisme, s'agissant d'un gérant statutaire révocable ad nutum, auquel ne sont points applicables les conditions de l'article 1694 du Code civil

Résumé🔗

M. B. poursuit devant la présente juridiction la nullité de l'assemblée générale extraordinaire du 3 août 2001 ayant décidé du transfert de siège social de la société B. et révoqué son propre mandant de gérant ;

Force est en premier lieu de relever que M. B. était un simple gérant par la société civile particulière dénommée SCI B. dont il n'était pas l'un des associés ;

L'analyse des statuts de cette société versés aux débats ne révèle aucun formalisme particulier en ce qui concerne la convocation des assemblées générales et la révocation du gérant ;

L'article 5 relatif au siège social prévoit simplement que celui-ci pourra être transféré en tout endroit de la Principauté sur simple décision des associés, tandis que l'article 13 relatif à l'administration de la société dispose que le gérant - choisi ou non parmi les associés - sera nommé par décision unanime de ceux-ci ;

En l'espèce, après avoir demandé par lettre du 3 août 2001 à M. B. de les convoquer au siège social, il est patent que les associés de la société B. se sont eux-mêmes affranchis du formalisme qu'ils avaient ainsi prévu pour se réunir dans un autre lieu et hors la présence du gérant ;

Toutefois eu égard à l'absence de règle précise imposée par les statuts ou par la loi, il ne saurait en être excipé aucun grief valable à l'encontre des décisions prises lors de cette assemblée ;

Il est en effet constant et conforme au pacte social que les associés représentant l'intégralité du capital de la société B. pouvaient librement se réunir, selon les formes par eux choisies, pour décider à l'unanimité du transfert du siège social de leur société, de la révocation du gérant et du choix d'un nouveau gérant ;

Il doit être à cet égard rappelé que M. B. n'était pas un gérant associé et pouvait de la sorte être révoqué librement par les partenaires sociaux, comme simple mandataire, sans aucun formalisme et hors sa présence ;

En effet, les conditions de révocation édictées par l'article 1694 du Code civil ne concernent que le mandataire associé et non un gérant statutaire lequel demeure révocable ad natum.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Par acte sous seing privé du 16 octobre 1989, enregistré, était constituée la société civile particulière dénommée SCI B. avec pour objet principalement l'acquisition de tous terrains, immeubles ou droits immobiliers, l'administration et l'exploitation de ces immeubles ou droits immobiliers par bail, location ou autrement ;

Le siège social était originairement fixé à Monaco 74, boulevard d'Italie et le capital à 10 000 francs, divisé en 1 000 parts d'un montant nominal unitaire de 10 francs numérotées de 1 à 1 000, réparties comme suit :

au profit de G. G. 500 parts numérotées de 1 à 500 ............... 500 parts

au profit de la société de droit panaméen Stone and Hammersmith 500 parts numérotées de 501 à 1 000 ............... 500 parts

G. G. était alors nommé en qualité de gérant statutaire ;

Le 25 novembre 1994, la société B. conférait à M. B. un mandat de gestion, pour une durée de trois ans renouvelable à compter de sa date et en suite d'année en année, par tacite reconduction, sauf dénonciation par lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis de trois mois, des biens y désignés, savoir l'immeuble sis à Beausoleil 33, boulevard Général Leclerc « Le Forum » ;

Par assemblée générale extraordinaire du 14 décembre 1994, le siège social fut transféré à Monaco, M. B. étant alors nommé aux fonctions de gérant non associé à l'unanimité et pour une durée indéterminée ;

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 août 2001 adressé à M. B., les associés de la SCI B. lui demandaient de convoquer sans délai une assemblée générale extraordinaire ayant pour objet, notamment, « la démission ou la révocation du gérant » et son remplacement ; cette lettre précisait qu'il était renoncé aux délais de convocation compte tenu de l'urgence et, qu'à l'issue de l'assemblée, M. B. serait tenu de remettre l'intégralité des pièces, documents et fonds en sa possession ;

Par un document intitulé « procès-verbal de l'assemblée générale » daté du 3 août 2001, les associés de la SCI B., dûment représentés en vertu de procurations versées aux débats, délivrées en vue de modifier le siège social et de remplacer le gérant, ont décidé de transférer le siège à Monaco et de nommer P. S. en qualité de gérant en remplacement de M. B. ;

Par courrier du 24 septembre 2001 notifié par exploit d'huissier du même jour et signé de P. S., intervenant en qualité de gérant de la SCI B. déclarant son siège à Monaco, avec bureau secondaire à Beausoleil, le mandat de gestion de M. B. était révoqué ;

Estimant que tous les actes régularisés à l'initiative de P. S. ou d'autres personnes que lui sont nuls et de nul effet, M. B. a suivant exploit du 27 septembre 2001, fait assigner la société civile particulière SCI B. à l'effet de voir :

- déclarer recevable sa demande,

- la déclarant bien fondée,

- dire nulle et de nul effet en toutes ses dispositions l'assemblée générale de la société civile particulière de droit monégasque dénommée SCI B. du 3 août 2001,

- dire en conséquence, sous réserve pour M. B. de connaître le contenu exhaustif du procès-verbal d'assemblée générale de cette date qui ne lui a pas été communiqué, qu'il est seul gérant de cette société et que son siège est sis à Monaco,

- donner acte à M. B. de se qu'il se réserve de formuler ultérieurement une demande indemnitaire,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- condamner la société civile particulière de droit monégasque dénommée « SCI B. » aux entiers dépens «

Aux termes d'écrits ultérieurs repris par des conclusions qualifiées de récapitulatives datées du 14 mai 2003, M. B., ajoutant à ses demandes initiales, forme les prétentions suivantes :

- dire et juger que la demande introduite par M. B. est recevable en la forme et bien fondée sur le fond,

En ce qui concerne les représentations

- ordonner à la SA Immoparko de produire le procès-verbal et les pièces justificatives afférentes visant son changement de domiciliation et de nomination des nouveaux administrateurs en remplacement de Maître Alain Lorang. Le tout avec production de la date d'enregistrement et légalisation,

- ordonner à M. P. de produire le mandat justifiant sa qualité de représentant et de donneur d'ordres avec étendue de ses pouvoirs pour le compte de la SA Immoparko, en remplacement de Maître Alain Lorang. Le tout avec production de la date d'enregistrement et légalisation ;

En ce qui concerne l'assemblée du 3 août 2001

- ordonner à P. S. de produire en consultation les originaux du procès-verbal de l'assemblée du 3 août 2001, les pouvoirs ainsi que la feuille de présence s'y rapportant. Uniquement après cela, s'en faire délivrer copies,

- ordonner à R. E. de produire les procès-verbaux l'ayant autorisé à rédiger les pouvoirs de représentation qui ont été annexés au procès-verbal de l'assemblée du 3 août 2001. Le tout avec production de la date d'enregistrement et légalisation,

- rejeter les pouvoirs rédigés par Ruiz Ezequiel qui ont été émis simultanément le même jour, l'un depuis le Panama, l'autre depuis le Luxembourg et les déclarer nuls,

- ordonner à M. P. en sa qualité de président ainsi qu'à A. M. en sa qualité de secrétaire d'indiquer le lieu où se serait tenue l'assemblée du 3 août 2001 à laquelle ils disent avoir participé et délibéré,

- constater que M. B. n'a jamais participé à cette réunion et encore moins donné sa démission au cours de cette assemblée qui se serait tenue au siège de la société. À savoir à son cabinet,

- prendre acte au vu du rapport Meunier, que les signatures de A. M. sont des faux,

- désigner tel expert en écritures et aux fins d'expertiser les multiples signatures de A. M.,

- dire et juger que pour toutes ces raisons, l'assemblée du 3 août 2001 est nulle et de nul effet ;

En ce qui concerne la lettre commune du 3 août 2001

- ordonner à A. M. et à P. S. de justifier de leur pouvoir pour demander la convocation d'une assemblée relevant de leur lettre commune du 3 août 2001,

- ordonner à P. S. de préciser qui a rédigé ce faux et a signé en sa présence en se faisant passer pour A. M.,

- constater que M. B. n'avait plus de pouvoir pour convoquer cette assemblée, alors qu'il venait d'être » démissionné « quelques instants avant par les demandeurs ;

En général

- constater que M. P. n'a jamais répondu aux courriers de M. B.,

- ordonner à M. P. de justifier sa demande d'honoraires de 50 000 USD,

- dire et juger que de l'ensemble des rapports de M. M., expert comptable de la SCI B., régulièrement transmis tant à la SA Immoparko qu'à M. P. et qui lui ont permis l'approbation des comptes des divers exercices, apportent la preuve que M. B. a rempli ses obligations conformément aux mandats qu'ils lui avaient confiés. Dire et juger que les arguments avancés par la SCI B. dans ses conclusions sont non seulement mal fondés mais tendancieux,

- en tant que de besoin entendre Maître Kraus avocat fiscaliste et représentant fiscal de la SCI B. ainsi que de la société Immoparko,

- en tant que de besoin entendre M. M., expert-comptable et commissaire aux comptes,

- dire et juger que l'attitude de la SCI B. est malicieuse, infondée, vexatoire et a causé à M. B. un préjudice moral distinct du préjudice financier que l'on ne saurait évaluer à moins de 20 000 euros,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir » ;

Aux termes de ses écrits judiciaires du 27 février 2003 modifiant à la baisse le quantum de ses demandes d'indemnisation formulées le 12 décembre 2001, la société B. conclut comme suit en réponse :

- Dire que l'assemblée générale extraordinaire du 3 août 2001 est valable dans toutes ses dispositions,

- dire que la procédure engagée par M. B. est abusive,

- dire que M. B. a causé un grave préjudice à la SCI B. de par son attitude,

dans ces conditions,

- débouter M. B. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. B. à verser à la SCI B. la somme de 352 406,27 euros répartie de la façon suivante :

* remboursement des cautions perçues........ 5 385,74 euros

salaires non réglés............... 4 573,47 euros

perte de loyers............... 34 396,00 euros

changement des clés............... 1 000,00 euros

non restitution............... 10 000,00 euros

sommes perçues indûment............... 122 896,66 euros

charges payées non justifiées........... 174 154,40 euros

Total............... 352 406,27 euros

- condamner sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard M. B. à restituer la totalité des dépôts de garantie et l'intégralité des documents relatifs à la SCI B. en sa possession,

- condamner M. B. à verser à la SCI B. la somme de 10 000 euros en raison des frais exposés par la présente procédure,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir « ;

Par des écritures récapitulatives datées du 10 novembre 2004, la société B. soutient pour l'essentiel :

- qu'en 2001, M. B. était le gérant statutaire de la SCI B., laquelle était alors composée de deux associés : la société Nultium (de droit panaméen) et la société Immoparko (de droit luxembourgeois) représentée elle-même par la société Norconsulting,

- que dès le début de l'année 2001, les nouveaux associés de la SCI B., prenant conscience de l'existence de nombreuses anomalies dans la gestion de M. B. demandaient, par le biais de la société Norconsulting, à M. B. de démissionner de ses fonctions,

- qu'après deux semaines de pourparlers infructueux, les associés demandaient à M. B. de convoquer une assemblée générale extraordinaire et de ne plus effectuer aucune opération de retrait de fonds,

- qu'eu égard à l'urgence et au comportement préoccupant de M. B., les associés décidaient de procéder le même jour à l'assemblée générale extraordinaire susvisée à l'effet de modifier le siège social de la société, de révoquer le gérant M. B. et de nommer P. S. comme gérant ;

- que le 16 août 2001, la modification relative au transfert de siège social et au changement de gérant était régularisée au Répertoire spécial des sociétés civiles monégasques,

- que s'agissant d'un gérant » non associé «, M. B. était en tout état de cause révocable ad nutum,

- que le formalisme de l'assemblée générale du 3 août 2001 n'a jamais été contesté : ni la révocation de M. B., ni la nomination de P. S. à sa place, ni mêmes les conditions de tenue de l'assemblée, la validité du procès-verbal, les convocations des associés ou les pouvoirs donnés aux différents représentants,

- qu'à tout le moins, la SCI B. justifie par des éléments objectifs des raisons qui ont entraîné le changement de gérance,

- que M. B. tente d'enliser le débat, en affirmant vouloir demeurer le gérant d'une société qui ne veut plus de lui et avec laquelle il n'avait d'autre lien que celui d'en être le gérant non associé,

- que si M. B. produit à la procédure un rapport - non contradictoire - d'un expert graphologue qui met en doute la validité de la signature de A. M. sur le procès-verbal de l'assemblée générale du 3 août 2001, la concluante produit en réponse l'attestation de A. M. qui confirme qu'il s'agit bien de sa signature,

- que cependant, si le Tribunal considérait qu'il n'est pas suffisamment éclairé, la SCI B. entend se prévaloir des dispositions de l'article 365 du Code de procédure civile qui dispose :

En toute matière et en tout état de cause, le tribunal pourra ordonner, soit sur la requête d'une des parties, soit d'office, que les parties seront par lui interrogées sur les faits du procès, à l'audience qu'il fixera », A. M. se tenant dans ces conditions à la disposition du tribunal pour confirmer si besoin est qu'il est bien l'auteur de la signature figurant sur le procès-verbal du 3 août 2001,

- que la demande d'expertise graphologique est sans objet,

- que les erreurs commises par M. B. et les fautes perpétrées dans le cadre de sa gestion ont justifié sa révocation,

- qu'il a refusé de communiquer régulièrement et de restituer les documents de la SCI B. jusqu'à ce qu'une décision de référé le lui ordonne sous astreinte, en partie suivie d'effet, en dépit de son infirmation en appel,

- que certaines sommes ont été payées indûment à M. B., tandis que ses carences et ses fautes ont causé un préjudice certain à la SCI B. ;

La société B. forme en définitive ces demandes :

Avant tout jugement au fond,

- ordonner, si le tribunal de céans le juge utile, l'interrogatoire de Antonio M., conformément aux dispositions des articles 365 et suivants du Code de procédure civile,

- débouter M. B. de sa demande d'expertise graphologique,

Sur le fond,

- dire et juger que M. B. n'est pas fondé à contester la validité de l'assemblée générale du 3 août 2001,

- dire que l'assemblée générale extraordinaire du 3 août 2001 est valable dans toutes ses dispositions,

- dire que la procédure engagée par M. B. est abusive,

Dans ces conditions,

- débouter M. B. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

titre reconventionnel,

- dire que M. B. a commis de nombreuses fautes de gestions,

- dire et juger que M. B. ne produit aucun justificatif des sommes dépensées pour le compte de la SCI B. pour les années 1999-2000-2001,

- dire et juger que M. B. devra sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir fournir les factures et justificatifs des postes des bilans 1999 et 2000 suivants :

- charges locatives et de copropriété

francs

francs

- rémunérations intermédiaires et honoraires

francs

francs

- services extérieurs

francs

francs

dire que M. B. a causé un grave préjudice à la SCI B. de par son attitude,

- condamner M. B. à verser à la SCI B. la somme de 352 406,27 euros à titre de dommages-intérêts répartie de la façon suivante :

* remboursement des cautions perçues ............... 5 385,74 euros

salaires du gardien non réglés ............... 4 573,47 euros

perte de loyers ............... 34 396,00 euros

changement des clés ............... 1 000,00 euros

non restitution des documents et chèques ............... 10 000,00 euros

sommes perçues indûment .............. 122 896,66 euros

charges payées non justifiées........... 174 154,40 euros

Total……………….............. 352 406,27 euros

- condamner sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard, M. B. à restituer la totalité des dépôts de garantie et l'intégralité des documents relatifs à la SCI B. en sa possession, outre les sommes de 8 501,62 euros et 20 725,22 euros,

- condamner M. B. à verser à la SCI B. la somme de 10 000 euros en raison des frais exposés par la présente procédure,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir « ;

M. B., reprenant quant à lui le bénéfice de ses précédents écrits, demande acte de ce qu'il entend procéder à la rectification d'une erreur matérielle contenue dans ses conclusions des 15 janvier 2002 et 14 mai 2003 puisqu'il convient de lire, en page 14, 15, 19 et 21 des conclusions du 15 janvier 2002 et en pages 14, 15, 22, 23, 25 et 26 de celles du 14 mai 2003, » la SCI B. « au lieu de » Maître Richard « ;

Ce demandeur, après avoir sollicité la désignation d'un expert graphologue avec mission de se faire communiquer tous documents utiles et notamment le procès-verbal de l'assemblée générale litigieuse et les signatures de référence aux fins de vérifier la signature de A. M., entend voir :

- dire et juger que l'attitude de la SCI B. a causé au cabinet Bulla un préjudice important consistant dans la perte de ses honoraires, sur les loyers, le 4e trimestre 2001, puis les 4 trimestres de l'année 2002, soit 5 trimestres ou en francs et HT, la somme de 123 000 francs, soit 17 750 euros HT ou 22 425 euros TTC, la condamner à payer cette somme,

- dire et juger que par des manœuvres que le tribunal qualifiera lui-même, il a été mis fin au contrat de gestion par la SCI dont bénéficiait le concluant et pour lequel il percevait 5 000 francs HT par mois,

- dire et juger un préjudice extrêmement important a été causé à M. B., dont il demande réparation et qu'il chiffre à la somme de 15 000 euros,

- condamner la SCI à payer cette somme,

- dire et juger que l'attitude de la SCI lui a causé un préjudice, la condamner à lui payer la somme de 20 000 euros » ;

Aux termes de ses conclusions récapitulatives et de synthèse en date du 16 juin 2004, M. B. fait valoir :

- qu'aucune assemblée ne s'est réunie dans les bureaux du concluant contrairement aux indications portées sur le procès-verbal,

- que ceci est confirmé par un courrier émanant de T. B., en date du 9 septembre 2003,

- que cette personne précise qu'un rendez-vous a eu lieu au cabinet du conseil de la SCI, au Forum à Beausoleil, le 3 août 2001, en présence de la secrétaire de ce conseil, de P. S., de la SCI B. et de L. S., de la société Gaulinvest et de lui-même,

- que selon ce témoin, il n'y avait personne d'autre et sûrement pas A. M., qui selon le procès-verbal était le secrétaire, ni M. P.,

- que selon lui, le conseil de la SCI, P. S. et L. S. ont parlé de la façon dont il fallait gérer l'ensemble du Forum, bureaux et parkings et remplacer M. B. par P. S.,

- que d'ailleurs, le conseil de la SCI a rédigé une lettre signée par P. S., que le témoin a posté lui-même Place des Moulins vers 17 heures, ce 3 août 2001, demandant la convocation d'une assemblée générale qui n'a donc pu se tenir antérieurement,

- que l'expert graphologue Menier, invité à examiner la signature apposée sur le procès-verbal par A. M., précise qu'il s'agit d'un faux grossier,

- qu'il est certain qu'aucune assemblée générale ne s'est réunie au cabinet de M. B., contrairement à la relation du procès-verbal versé aux débats,

- que contrairement à cette pièce, A. M., pourtant le prétendu rédacteur, n'était pas présent ce jour-là, pas plus que M. P., également signataire de la pièce litigieuse ;

M. B., affirmant avoir subi un grave préjudice du fait du comportement de la SCI B., expose à l'appui de sa demande d'indemnisation ;

- que pour les trois trimestres 2001, il a encaissé, en francs, la somme de 1 486 599,36 francs,

- que sur cette somme, il recevait conformément à son mandat de gestion, 5 % HT, soit 74 329,96 francs ou 24 776,65 francs par trimestre,

- que la SCI B. reste donc devoir sur le mandat de gestion au concluant, le 4e trimestre 2001, puis les 4 trimestres de l'année 2002, soit 5 trimestres ou en francs et HT, la somme de 123 000 francs, soit 17 750 euros HT ou 22 425 euros TTC,

- qu'il a été mis fin à son mandat dans des conditions brusques qui lui ont causé un grave préjudice moral, aggravé par la publicité donnée par la SCI B. à ce différend,

- que la société B. devra dès lors réparer ce préjudice en lui octroyant une somme de 20 000 euros de dommages-intérêts outre les honoraires perdus sur la gestion des biens, soit 15 000 euros ;

Faisant enfin valoir, par d'ultimes conclusions du 19 janvier 2005, que la procédure de liquidation d'astreinte introduite par la SCI B. selon exploit du 7 mai 2002 a fait l'objet d'une radiation mais n'en a pas moins eu un caractère vexatoire et abusif, M. B. sollicite de ce chef une réparation complémentaire chiffrée à 6 000 euros ;

Sur ce,

Attendu que M. B. poursuit devant la présente juridiction la nullité de l'assemblée générale extraordinaire du 3 août 2001 ayant décidé du transfert de siège social de la société B. et révoqué son propre mandat de gérant ;

Attendu que force est en premier lieu de relever que M. B. était un simple gérant mandaté par la SCI B. dont il n'était pas l'un des associés ;

Attendu que l'analyse des statuts de cette société versés aux débats ne révèle aucun formalisme particulier en ce qui concerne la convocation des assemblées générales et la révocation du gérant ;

Que l'article 5 relatif au siège social prévoit simplement que celui-ci pourra être transféré en tout endroit de la Principauté sur simple décision des associés, tandis que l'article 13 relatif à l'administration de la société dispose que le gérant - choisi ou non parmi les associés - sera nommé par décision unanime de ceux-ci ;

Attendu qu'en l'espèce, après avoir demandé par lettre du 3 août 2001 à M. B. de les convoquer au siège social, il est patent que les associés de la société B. se sont eux-mêmes affranchis du formalisme qu'ils avaient ainsi prévu pour se réunir dans un autre lieu et hors la présence du gérant ;

Attendu toutefois qu'eu égard à l'absence de règle précise imposée par les statuts ou par la loi, il ne saurait en être excipé aucun grief valable à l'encontre des décisions prises lors de cette assemblée ;

Attendu qu'il est en effet constant et conforme au pacte social que les associés représentant l'intégralité du capital de la société B. pouvaient librement se réunir, selon les formes par eux choisies, pour décider à l'unanimité du transfert du siège social de leur société, de la révocation du gérant et du choix d'un nouveau gérant ;

Attendu qu'il doit être à cet égard rappelé que M. B. n'était pas un gérant associé et pouvait de la sorte être révoqué librement par les partenaires sociaux, comme un simple mandataire, sans aucun formalisme et hors sa présence ;

Attendu, en effet, que les conditions de révocation édictées par l'article 1694 du Code civil ne concernent que le mandataire associé et non un gérant statutaire lequel demeure révocable ad nutum ;

Attendu que M. B. soutient par ailleurs que les pièces correspondantes à l'assemblée générale extraordinaire du 3 août 2001 seraient fausses ;

Qu'il explique en fait que la signature apposée sur le procès-verbal du 3 août 2001 n'est pas celle de A. M., ce dont attesterait l'expert graphologue Menier ;

Attendu que force est de constater sur ce point que les conditions du faux civil édictées par l'article 279 du Code civil ne sont pas remplies en l'espèce, dès lors que l'écriture « déni » par M. B. n'est pas la sienne mais celle d'un tiers, A. M., lequel confirme pour sa part en être l'auteur ;

Qu'il résulte en effet de l'attestation émanant de ce signataire, représentant de la société Nultium, associée de la société B., que la signature figurant sur le procès-verbal du 3 août 2001 est bien la sienne ; qu'il est ainsi mis fin à toute discussion sur ce point ;

Attendu qu'il apparaît en conséquence que la délibération du 3 août 2001 est régulière, tant en la forme qu'au fond ;

Attendu qu'il convient en outre de préciser que les nullités ont pour objet la protection d'intérêts particuliers et ne peuvent être invoquées que par les personnes dont la loi assure la protection ;

Qu'en l'occurrence, seuls les associés auraient en effet été recevables à invoquer la violation des dispositions régissant leur convocation aux assemblées générales ou à contester la validité des pouvoirs de la personne ayant représenté un associé à de telles assemblées ;

Attendu que l'analyse qui précède conserve toutefois son utilité dans la mesure où elle permet de démontrer qu'aucune faute ou manœuvre n'a été à l'origine de la révocation contestée qui ne présente aucun caractère abusif mais procède de la volonté concertée et librement exprimée des associés de la SCI B. ;

Attendu que les termes du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 5 juin 2004 confirment en tant que de besoin cette manifestation de volonté, claire et non équivoque, des associés de la SCI B., ainsi que de l'absence de toute fraude ou manœuvre dans l'exercice de leurs droits à l'égard du gérant M. B. ;

Attendu que M. B. doit dès lors être débouté de l'ensemble de ses demandes de production de pièces, vérification d'écritures, voire délation de serment, auditions de tiers et autres..., toutes destinées à établir la nullité de l'assemblée générale du 3 août 2001 (assignation du 27 septembre 2001) voire l'attitude fautive de la société B. (conclusions ultérieures) ;

Attendu, par voie de conséquence, que M. B. doit également être débouté de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation liées tant au caractère abusif et prématuré de sa révocation qu'à la radiation de la procédure tendant à la liquidation d'astreinte ;

Qu'en effet, l'introduction de cette procédure et sa radiation ultérieure procèdent d'une cause distincte de celle du présent litige, en sorte que la demande reconventionnelle tendant à l'indemnisation de ce chef pour action abusive n'apparaît pas recevable ;

Attendu que la société B. forme pour sa part une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts, chiffrée à une somme globale de 352 406,27 euros au titre du préjudice qui serait, selon elle, résulté des manquements et fautes commis par M. B. dans le cadre de sa gérance ;

Attendu que la société B. sollicite en premier lieu l'octroi d'une somme de 122 896,66 euros au titre des sommes qui auraient été dépensées par la société au cours des années 2000 et 2001 sans aucun justificatif ;

Attendu qu'il y a lieu cependant de constater que les comptes de la société ont toujours été approuvés entre 1995 et 1998, tandis que la preuve d'anomalies imputables à M. B. pour les années de gestion postérieures n'est nullement rapportée par les pièces produites ;

Attendu, s'agissant du caractère abusif des charges de copropriété, notamment créées par l'existence de la SCI Forum, qu'il résulte d'une décision du Tribunal de grande instance de Nice en date du 22 février 2005 que M. B., gérant de la SCI B. et administrateur de la société La Gaulinvest, a outrepassé les termes de ces deux mandats en prenant la liberté de constituer une copropriété « CI Le Forum », à l'insu des copropriétaires B. et Gaulinvest, dont il s'est proclamé syndic ;

Que s'il est indiqué dans cette décision que les charges de copropriété ont été payées indûment, aucune pièce ne permet d'en établir le montant la juridiction française ayant simplement réparé le préjudice moral lié à l'atteinte à l'image et au sérieux des associés B. et Gaulinvest par l'octroi d'une indemnité de 15 000 euros ;

Attendu qu'un tel manquement, mis en exergue par la juridiction niçoise, commande de réparer le seul préjudice moral éprouvé par la défenderesse, à défaut de preuve de la consistance du préjudice matériel ; qu'une réparation chiffrée à 5 000 euros apparaît équitable pour indemniser ce préjudice, au regard des éléments d'appréciation dont le Tribunal dispose ;

Attendu que la société B. allègue un certain nombre d'autres préjudices liés à un contentieux fiscal, à la nécessité de changer les serrures, clefs et portes de garage, mais ne produit aucune pièce permettant d'établir les faits qui auraient pu être commis de ce chef par son ancien gérant, non plus que le préjudice qui en serait résulté ;

Attendu enfin qu'il est constant et établi par de nombreuses attestations de clients et du nouveau gérant, P. S., que M. B. a résisté pendant une longue période avant de restituer les documents relatifs à la société B. (papiers comptables, baux), cette carence ayant contraint la société à initier une procédure de référé en vue d'obtenir la restitution de ces pièces ;

Que si à ce jour, la remise de la plupart de ces pièces n'est plus contestée, M. B. indique lui-même qu'il détient toujours les dépôts de garantie remis par les clients locataires de la société B. ;

Attendu qu'à cet égard, M. B. devra être condamné à restituer les sommes ayant fait l'objet des dépôts de garantie toujours en sa possession et à juste titre réclamées par la société B., aux titres des contrats passés avec M. R., Madame de F., Madame S. et la société Telerate, et ce, sans qu'il y ait lieu d'assortir la condamnation d'une astreinte, s'agissant d'une obligation de payer et non de faire ;

Attendu que la rétention injustifiée par M. B. de la plupart des documents susvisés notamment des chèques, indispensables au bon fonctionnement de cette société, n'a pu que générer de nombreuses difficultés de gestion, les pièces produites établissant même que certains clients en ont profité pour ne plus payer les loyers pendant quelques mois ;

Attendu que le Tribunal estime devoir sanctionner ce comportement par l'octroi à la société B. d'une indemnisation chiffrée à 10 000 euros que M. B. doit être condamné à lui payer, au regard du préjudice occasionné à cette société ;

Attendu qu'aucune pièce n'étant par ailleurs produite pour étayer le surplus des demandes inhérentes à la perte de loyers, aux salaires des gardiens et à la restitution de certaines sommes, la société B. doit en être déboutée ;

Attendu, sur la demande d'exécution provisoire formulée par la SCI B., qu'il y a lieu d'y faire droit seulement du chef de la demande de restitution des dépôts de garantie dès lors qu'il est incontestable que l'urgence est caractérisée à ce titre ; que la décision sur ce point n'apparaît nullement être de nature à produire des effets irréparables, au sens de l'article 202 du Code de procédure civile ;

Attendu que M. B. devra supporter les entiers dépens de l'instance, en raison de sa succombance, par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, STATUANT CONTRADICTOIREMENT,

Déboute M. B. de l'ensemble de ses demandes ;

Dit et juge que M. B. a été régulièrement révoqué de son mandat de gérant de la société B. ;

Dit et juge que M. B. a retenu indûment diverses pièces nécessaires à la gestion de la société B. qu'il a tardé à lui restituer et a outrepassé les termes de son mandat ;

Le condamne à payer à la société civile immobilière B. la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudice confondues ;

Condamne M. B. à restituer à la société B. les dépôts de garantie restés en sa possession au titre des contrats R., de F., S. et Telerate ;

Ordonne l'exécution provisoire de ce chef du présent jugement uniquement ;

Déboute la société B. du surplus de ses prétentions ;

Composition🔗

M. Narmino, prés. ; Mme Dollmann, subst. proc. gén., Mes Karczag-Mencarelli et Mullot, av. déf. ; Jouvin et Richard, av. bar. de Nice.

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