Tribunal de première instance, 21 avril 2005, Sté T. Fleurs c/ K.

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Abstract🔗

Contrat de Travail

Reçu pour solde de tout compte : art. 7 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958 - Son absence de motivation ne le prive pas d'effets - Rupture illégitime - Dommages-intérêts dus par l'employeur pour le préjudice subi par l'employé

Résumé🔗

Selon l'article 7 alinéa 1 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958, le reçu pour solde de tout compte délivré par le salarié à l'employeur peut être dénoncé dans les deux mois de sa signature, la dénonciation devant être dûment motivée et faite par lettre recommandée ;

Comme l'a relevé à juste titre le Tribunal du Travail, la forclusion prévue par ce même article sanctionne nécessairement le défaut de respect d'un délai et non une éventuelle irrégularité formelle ;

La SCS T. Fleurs est donc mal fondée à soutenir que « la dénonciation du reçu pour solde de tout compte inexactement motivée a fait courir le délai de forclusion de deux mois et que l'instance judiciaire engagée (...) se trouvait être forclose » ;

Par ailleurs les formes édictées par l'article 7 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958 n'ont pas été prévues à peine de nullité de la dénonciation ;

La SCS T. Fleurs est donc mal fondée à soutenir que cette dénonciation devrait être privée d'effets ;

En conséquence l'action de J. K. est recevable ;

Sur la rupture du contrat de travail

Aux termes de l'article 12 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, le contrat de travail à durée déterminée ne peut cesser avant terme par la volonté d'une seule partie que pour de justes motifs ou dans le cas d'une faute grave, de force majeure ou dans ceux prévus au contrat ou déterminés par le règlement intérieur ;

Il incombe à la partie qui soutient avoir rompu à bon droit le contrat de travail d'apporter la preuve des faits qu'elle invoque ;

Il résulte de la lettre adressée le 27 décembre 2000 par la SCS T. Fleurs à J. K. qu'elle lui reprochait une « attitude totalement délétère et irrespectueuse à [son] égard et à l'endroit de nombreuses personnes dont [son] Avocat, [son] Syndic et quelques clients comme par exemple les responsables du service de sécurité de la SBM », attitude constitutive d'une « faute grave » ;

L'existence d'une « attitude délétère et irrespectueuse » antérieure au 27 décembre 2000, de nature à justifier la rupture anticipée du contrat de travail, n'est donc nullement rapportée ;

En revanche l'existence d'un incident le 27 décembre 2000, à l'origine de la rupture du contrat de travail, est certaine ;

Selon J. K., jamais contredit par la SCS T. Fleurs, l'incident a commencé par le refus de l'épouse de M. T. de rembourser le prix d'un achat de carburant fait par le salarié pour un véhicule de l'employeur, au motif qu'il appartenant au salarié d'utiliser les espèces mises à sa disposition par l'employeur, et que cet incident a ensuite dégénéré en une altercation verbale ;

Si l'existence d'une altercation verbale le 27 décembre 2000 est vraisemblable, il n'est en revanche nullement démontré que J. K. a proféré à cette occasion des propos injurieux susceptibles d'être qualifiés de faute grave eu égard aux circonstances et de nature à justifier la rupture anticipée du contrat de travail ;

Il convient donc de considérer que le contrat de travail a été rompu sans motif valable par l'employeur ;

J. k. est de ce fait bien fondé à réclamer à la SCS T. Fleurs, qui n'a pu se libérer valablement de son obligation de payer les salaires pour la durée convenue, une indemnité légale au montant des salaires qui auraient dû être versés de la date de rupture anticipée jusqu'à celle du terme prévu par le contrat ;

La SCS T. Fleurs sera en conséquence condamnée à payer à J. K. la somme de 7 927,35 euros à ce titre ;

La SCS T. Fleurs n'apporte pas la preuve de la faute reprochée à J. K. et ne caractérise d'ailleurs nullement le préjudice dont elle aurait pu souffrir de ce fait ;

Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;

L'article 13 de l'alinéa 1 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 s'applique au cas d'abus dans l'exercice du droit de rupture consacré par la loi et non à la rupture illégitime d'un contrat à durée déterminée, laquelle ne peut, en l'absence de droit de rompre, être qualifiée d'abusive ;

En revanche la faute commise par l'employeur en rompant sans juste motif le contrat à durée déterminée l'oblige à réparer l'intégralité du préjudice subi par le salarié, notamment en ce qu'il excède le cas échéant la perte de rémunération ;

En l'espèce, les circonstances de la rupture sont révélatrices d'une brutalité particulière dans la mesure où le salarié a été sommé de quitter sur le champ son poste de travail, sans même pouvoir reprendre ses effets personnels ;

Le préjudice moral ainsi occasionné à J. K. du fait de la rupture unilatérale du contrat doit donc être réparé par une indemnité de 2 500 euros, eu égard aux éléments d'appréciation dont le Tribunal dispose ;

Par ailleurs, J. K. démontre avoir travaillé en moyenne 60 heures par semaine durant cinq mois, et près de 320 heures au cours des 27 premiers jours du mois de décembre 2000.

La SCS T. Fleurs a donc manifestement manqué aux obligations légales concernant la durée du travail et le repos hebdomadaire, destinées à préserver la vie privée et la santé des salariés ;

J. K. démontre par la production de pièces médicales les conséquences néfastes sur son état de santé du rythme de travail auquel il était astreint ;

Le préjudice moral causé de ce fait au salarié par l'employeur sera réparé par l'octroi d'une somme également estimée à 2 500 euros, à titre de dommages-intérêts.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Suivant jugement du 27 novembre 2003, le Tribunal du Travail a :

ordonné la jonction de deux procédures enrôlées sous les numéros 55 de l'année judiciaire 2000-2001 et 13 de l'année judiciaire 2002-2003,

rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'absence de motivation de la lettre de dénonciation du reçu pour solde de tout compte,

dit que la rupture anticipée par la société en commandite simple T. Fleurs, le 27 décembre 2000, du contrat de travail à durée déterminée consenti le 15 juillet 2000 à J. K. ne reposait ni sur une faute grave ni sur un juste motif,

dit que cette rupture revêtait un caractère abusif,

condamné la SCS T. Fleurs à payer à J. K., à titre de dommages et intérêts, la somme de 7 927,35 euros correspondant aux salaires dus jusqu'au terme du contrat de travail, et celle de 1 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la violation des dispositions de l'ordonnance-loi n° 677 du 2 décembre 1959 et de la loi n° 822 du 23 juin 1967,

ordonné à la SCS T. Fleurs de restituer à J. K. ses effets personnels, dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement et sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

ordonné à la SCS T. Fleurs de remettre à J. K. une attestation ASSEDIC rectifiée conformément au dispositif du jugement, dans un délai d'un mois à compter de la signification,

débouté J. K. du surplus de ses prétentions,

après s'être déclaré compétent pour en connaître, débouté la SCS T. Fleurs de sa demande de dommages et intérêts ;

Par acte d'huissier du 28 janvier 2004, la SCS T. Fleurs a interjeté appel des jugements en toutes ses dispositions à l'exception de celles emportant débouté de J. K. ; elle demande au Tribunal de dire que le salarié était forclos faute d'avoir motivé sa dénonciation du reçu pour solde de tout compte, ou, subsidiairement, de dire que la rupture anticipée du contrat de travail était fondée sur de justes motifs ; elle sollicite 1 524,49 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice que lui a causé le comportement répréhensible de son salarié durant le contrat de travail ;

La SCS T. Fleurs soutient que, conformément à l'article 7 de la loi n° 468 du 11 janvier 1958, la dénonciation d'un reçu pour solde de tout compte doit être dûment motivée et faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et que, à défaut, elle doit être jugée sans effet quant à l'interruption du délai de forclusion ; par ailleurs elle fait valoir que le Tribunal du Travail a, à tort, refusé de prendre en considération des attestations dont il relevait l'irrégularité formelle alors que, même si des moyens de nullité sont invoqués dans la motivation des conclusions des parties, le Tribunal ne peut statuer sur ces moyens s'ils n'ont été repris dans le dispositif des conclusions ;

Au fond, la SCS T. Fleurs affirme que les attestations versées aux débats, qui relatent les insultes proférées par J. K. à l'encontre du gérant de la société, Marco T., démontrent la réalité de fautes particulièrement graves ; par ailleurs, ces insultes justifieraient l'octroi de dommages et intérêts ;

Enfin, la SCS T. Fleurs affirme avoir restitué à J. K. tous ses effets personnels ;

J. K. répond que Tribunal du Travail a estimé à juste titre que le défaut éventuel de motivation de la dénonciation du reçu pour solde de tout compte n'emporte pas d'irrecevabilité et que, au surplus, l'absence de dénonciation formelle du reçu n'interdit pas au salarié d'agir contre son employeur dans le délai de prescription qui est de cinq ans en matière salariale ;

Au fond, J. K. conteste avoir tenu des propos « injurieux, calomnieux et menaçants » comme le lui reproche la SCS T. Fleurs ; il fait valoir que le Tribunal du Travail a non seulement soulevé la nullité des attestations mais a également considéré que, du fait de leur contenu délibérément partisan, elles ne présentaient pas les garanties d'impartialité et d'objectivité nécessaires pour emporter la conviction de la juridiction ; J. K. ajoute que la SCS T. Fleurs n'invoque aucun fait précis et se réfère seulement au contenu d'attestations établies par des personnes unies à l'employeur par des liens étroits d'intérêt, voire de parenté ; il fait valoir que l'employeur lui a imposé une période d'essai particulièrement longue, qu'il ne lui a jamais adressé le moindre avertissement et n'a jamais manifesté la moindre insatisfaction à son égard ; il affirme par ailleurs que, contrairement à l'affirmation de son employeur, ses effets personnels ne lui ont jamais été restitués ;

Formant appel incident, J. K. sollicite 10 000 euros en réparation du préjudice causé par la brutalité du licenciement ainsi que 10 000 euros en réparation de celui causé par les conditions de travail qui lui ont été imposées, en faisant valoir que les dispositions légales relatives à la durée du travail et au repos hebdomadaire n'ont pas été respectées ;

En outre par ses dernières conclusions, J. K. demande au Tribunal d'annuler cinq attestations produites par la SCS T. Fleurs ;

Sur quoi,

Sur la recevabilité

Attendu que selon l'article 7 alinéa 1 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958, le reçu pour solde de tout compte délivré par le salarié à l'employeur peut être dénoncé dans les deux mois de sa signature, la dénonciation devant être dûment motivée et faite par lettre recommandée ;

Attendu que, comme l'a relevé à juste titre le Tribunal du Travail, la forclusion prévue par ce même article sanctionne nécessairement le défaut de respect d'un délai et non une éventuelle irrégularité formelle ;

Attendu que la SCS T. Fleurs est donc mal fondée à soutenir que « la dénonciation du reçu pour solde de tout compte inexactement motivée a fait courir le délai de forclusion de deux mois et que l'instance judiciaire engagée (...) se trouvait être forclose » ;

Attendu par ailleurs que les formes édictées par l'article 7 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958 n'ont pas été prévues à peine de nullité de la dénonciation ;

Attendu que la SCS T. Fleurs est donc mal fondée à soutenir que cette dénonciation devrait être privée d'effets ;

Attendu en conséquence que l'action de J. K. est recevable ;

Sur la régularité des attestations

Attendu que la SCS T. Fleurs reproche au Tribunal du Travail d'avoir statué sur la validité des attestations produites en première instance sans avoir été formellement saisi d'une demande en ce sens ;

Attendu cependant que la lecture du dispositif du jugement révèle que le Tribunal du Travail n'a pas annulé les pièces litigieuses ;

Qu'il ressort au contraire des motifs du jugement que le Tribunal du Travail a certes considéré comme fondé l'argument développé par J. K. concernant la régularité formelle des attestations, mais a néanmoins examiné leur force probante sans s'arrêter au vice de forme relevé ;

Attendu que si l'emploi des termes « doivent être déclarés nuls » prête à confusion, la SCS T. Fleurs, dont l'argumentation démontre qu'elle connaît la distinction à opérer entre les motifs, en l'espèce non décisoires, et le dispositif d'un jugement, ne saurait donc faire appel d'une disposition inexistante ;

Attendu au surplus que la SCS T. Fleurs produit en cause d'appel de nouvelles attestations rédigées par les mêmes personnes ; que la contestation portant sur le sort de celles produites devant le Tribunal du Travail est donc désormais sans objet ;

Attendu que par conclusions déposées le 9 décembre 2004, J. K. a demandé au Tribunal d'annuler, par application de l'article 324 du Code de procédure civile, les attestations de l. LA G.du 21 décembre 2004, de M.-H. P. du 28 juin 2004 et du 2 octobre 2004, de Maître S. J. du 30 juin 2004, et d'A. B. du 30 février 2004 ;

Attendu cependant que, s'agissant de l'attestation de l. La G., J. K. n'invoque aucune irrégularité formelle mais conteste la valeur même du témoignage et qu'il s'agit là d'une question de fond ;

Attendu que les attestations établies par M.-H. P. le 28 juin 2004 et le 2 octobre 2004 mentionnent à la fois que celle-ci n'a aucun lien de subordination avec les parties et qu'elle est « employée par la société T. depuis le 11 mai 1999 en tant que fleuriste » ;

Que si cette circonstance peut jeter un doute sur le sérieux d'une attestation dont les termes ne sont pas compris par son auteur, en revanche, il ne s'agit pas d'une irrégularité formelle justifiant de l'annuler dans la mesure où l'existence d'un lien de subordination est clairement affirmée ;

Attendu que, de même, l'attestation établie par Maître S. J. décrit le lien qui l'unissait à la SCS T. Fleurs jusqu'au début de l'année 2001, puisqu'elle précise qu'elle était l'avocat de cette société et chargée de la gestion du personnel ; qu'une irrégularité formelle ne saurait donc être relevée de ce chef ;

Attendu enfin qu'il n'existe aucune preuve de ce que l'attestation d'A. B. établie en français n'aurait pas été entièrement rédigée de sa main ;

Attendu qu'il n'y a donc pas lieu d'annuler lesdites attestations ;

Sur la rupture du contrat de travail

Attendu qu'aux termes de l'article 12 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, le contrat de travail à durée déterminée ne peut cesser avant terme par la volonté d'une seule partie que pour de justes motifs ou dans les cas de faute grave, de force majeure ou dans ceux prévus au contrat ou déterminés par le règlement intérieur ;

Attendu qu'il incombe à la partie qui soutient avoir rompu à bon droit le contrat de travail d'apporter la preuve des faits qu'elle invoque ;

Attendu qu'il résulte de la lettre adressée le 27 décembre 2000 par la SCS T. Fleurs à J. K. qu'elle lui reprochait une « attitude totalement délétère et irrespectueuse à [son] égard et à l'endroit de nombreuses personnes dont [son] Avocat, [son] Syndic et quelques clients comme par exemple les responsables du service de sécurité de la SBM », attitude constitutive d'une « faute grave » ;

Attendu que, même si J. K. fait valoir à juste titre que les conclusions de la SCS T. Fleurs n'apportent aucune précision sur la matérialité des faits qui lui sont reprochés mais se contentent de se référer à diverses attestations, il convient de constater que selon la lettre de rupture, l'employeur a estimé que l'attitude irrespectueuse résultait d'insultes proférées à l'encontre du gérant lors d'un incident du 27 décembre 2000, et également de faits similaires constatés par le passé et sanctionnés par des avertissements ;

Attendu cependant que l'existence d'avertissements écrits alléguée dans la lettre de rupture n'est corroborée par aucun élément de preuve et n'est même pas reprise dans les conclusions de l'employeur ; qu'il convient donc de considérer cette affirmation de l'employeur comme inexacte et en tous cas non établie ;

Attendu que les incidents évoqués par l'employeur concernant son « Syndic » ou des clients tels que « les responsables du service de sécurité de la SBM », ne sont démontrés par aucun élément précis et circonstancié ;

Attendu que Maître S.J., avocat à Nice, atteste que lors d'une livraison à son cabinet, J. K. a déclaré à voix haute « pour qui elle se prend celle-là » ;

Attendu cependant que cette attestation n'est pas précise, notamment en ce qui concerne la date des faits rapportés, ni circonstanciée ;

Attendu en outre que l'exactitude du fait relaté n'est corroborée par aucun autre élément de preuve alors que l'attestation émane du conseil habituel de la SCS T. Fleurs à l'époque des faits, lequel conseil s'occupait selon ses propres affirmations « de la gestion du personnel », à telle enseigne que la formulation des reproches faits au salarié dans la lettre de licenciement, notamment l'expression « votre champ sémantique est réduit à (...) », correspond exactement aux termes employés par Maître S. J. dans son attestation ;

Attendu que cette attestation ne saurait donc faire à elle seule la preuve des faits qui y sont relatés, d'autant que si Maître S. J. qualifie d'inacceptable le comportement qu'elle relate, elle ne justifie en rien des mesures qu'elle aurait prises pour le faire sanctionner ;

Attendu que les autres attestations, établies par des salariés de la SCS T. Fleurs dont la propre mère de M. T., ne décrivent aucun fait précis et circonstancié antérieur au 27 décembre 2000 et susceptible de caractériser une attitude irrespectueuse ;

Attendu qu'il convient au contraire de constater que J. K. a été maintenu dans son emploi à l'expiration d'une période d'essai de trois mois, qui laissait à l'employeur un temps largement suffisant pour apprécier le caractère de son salarié, et qu'il n'a jamais fait l'objet du moindre avertissement ;

Attendu que l'existence d'une « attitude délétère et irrespectueuse » antérieure au 27 décembre 2000, de nature à justifier la rupture anticipée du contrat de travail, n'est donc nullement rapportée ;

Attendu en revanche que l'existence d'un incident le 27 décembre 2000, à l'origine de la rupture du contrat de travail, est certaine ;

Attendu que selon J. K., jamais contredit par la SCS T. Fleurs, l'incident a commencé par le refus de l'épouse de Marco T. de rembourser le prix d'un achat de carburant fait par le salarié pour un véhicule de l'employeur, au motif qu'il appartenait au salarié d'utiliser les espèces mises à sa disposition par l'employeur, et que cet incident a ensuite dégénéré en une altercation verbale ;

Attendu que la SCS T. Fleurs reproche à J. K., qui le conteste, d'avoir tenu des propos injurieux lors de cette altercation, notamment d'avoir employé les termes « con » et « enculé » à l'égard du gérant, et se réfère aux attestations qu'elle verse aux débats ;

Attendu toutefois que l'attestation établie par l. LA G., restaurateur établi en face du magasin de la SCS T. Fleurs et en relations d'affaires habituelles avec celle-ci, décrit des faits qui se seraient passés sur le trottoir aux alentours de midi, moment choisi par ledit restaurateur pour promener son chien, alors qu'il résulte de toutes les autres déclarations que l'incident s'est déroulé à l'intérieur du magasin, la SCS T. Fleurs soutenant d'ailleurs que la police y est intervenue pour mettre fin à l'incident ;

Attendu qu'il convient donc d'écarter ce témoignage ;

Attendu que les attestations des employés de la SCS T. Fleurs, Marie-Hélène Place, A. B. et M.-C. T., laquelle est de surcroît la mère du gérant, ne relatent nullement les circonstances de l'incident et ne sauraient être prises pour des témoignages objectifs dans la mesure où les auteurs s'efforcent essentiellement de dénigrer la personne de J. K. en se livrant à des considérations étrangères à la matérialité des faits qui lui sont reprochés, relatives aux relations qu'il aurait avec son épouse ou à la peur qu'il leur inspirerait ;

Attendu que le Tribunal du Travail a d'ailleurs relevé à juste titre que la partialité de ces témoignages était particulièrement outrancière lorsque les auteurs des attestations soulignent la « méchanceté » du salarié pour l'opposer à la « gentillesse » de l'employeur, et affirment que seule la bienveillance de celui-ci à l'égard de celui-là est à l'origine des nombreuses heures supplémentaires effectuées par J. K., dont il peut être constaté par ailleurs qu'il travaillait depuis cinq mois plus de soixante heures en moyenne par semaine et qu'il avait effectué, du 1er au 27 décembre 2000 à midi, près de 320 heures de travail, soit l'équivalent de deux temps plein mensuels ;

Attendu que si l'existence d'une altercation verbale le 27 décembre 2000 est vraisemblable, il n'est en revanche nullement démontré que J. K. a proféré à cette occasion des propos injurieux susceptibles d'être qualifiés de faute grave eu égard aux circonstances et de nature à justifier la rupture anticipée du contrat de travail ;

Attendu qu'il convient donc de considérer que le contrat de travail a été rompu sans motif valable par l'employeur ;

Attendu que J. K. est de ce fait bien fondé à réclamer à la SCS T. Fleurs, qui n'a pu se libérer valablement de son obligation de payer les salaires pour la durée convenue, une indemnité égale au montant des salaires qui auraient dû être versés de la date de rupture anticipée jusqu'à celle du terme prévu par le contrat ;

Attendu que la SCS T. Fleurs sera en conséquence condamnée à payer à J. K. la somme de 7 927,35 euros à ce titre ;

Sur la restitution d'effets personnels

Attendu que conformément à l'article 1162 alinéa 2 du Code civil, il appartient à la SCS T. Fleurs, qui se prétend libérée de son obligation de restituer à son ancien salarié les effets personnels déposés dans ses locaux, d'apporter la preuve du fait qu'elle invoque ;

Attendu que la SCS T. Fleurs soutient que lors de la signature du reçu pour solde de tout compte, J. K. est allé prendre lui-même ses affaires dans son vestiaire ;

Attendu cependant que le seul élément de preuve en ce sens est une attestation établie par Marie-Hélène Place, salariée de la SCS T. Fleurs, plus de trois ans après les faits et qui n'est ni précise ni circonstanciée, notamment en ce qu'elle n'indique pas la nature des effets que J. K. aurait repris ni la manière dont le témoin a pu s'assurer qu'il reprenait « toutes ses affaires » ;

Attendu que la SCS T. Fleurs n'apporte donc pas la preuve de l'exécution de son obligation de restitution ;

Attendu toutefois que, conformément à l'article 997 du Code civil, l'inexécution d'une obligation de faire se résout en principe en dommages-intérêts ;

Attendu que J. K., qui n'a pas évalué son préjudice éventuel mais se contente de solliciter l'exécution en nature de l'obligation, ne démontre pas pour sa part que les effets personnels qu'il énumère sont toujours en la possession de la SCS T. Fleurs ;

Attendu qu'il sera en conséquence débouté de sa demande de restitution sous astreinte, dès lors qu'il n'est pas établi que cette société détient encore les effets de faible valeur dont s'agit ;

Sur les demandes respectives de dommages et intérêts

Attendu que la SCS T. Fleurs n'apporte pas la preuve de la faute reprochée à J. K. et ne caractérise d'ailleurs nullement le préjudice dont elle aurait pu souffrir de ce fait ;

Attendu qu'elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;

Attendu que l'article 13 alinéa 1 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 s'applique au cas d'abus dans l'exercice du droit de rupture consacré par la loi et non à la rupture illégitime d'un contrat à durée déterminée, laquelle ne peut, en l'absence de droit de rompre, être qualifiée d'abusive ;

Attendu en revanche que la faute commise par l'employeur en rompant sans juste motif le contrat à durée déterminée l'oblige à réparer l'intégralité du préjudice subi par le salarié, notamment en ce qu'il excède le cas échéant la perte de rémunération ;

Attendu qu'en l'espèce, les circonstances de la rupture sont révélatrices d'une brutalité particulière dans la mesure où le salarié a été sommé de quitter sur le champ son poste de travail, sans même pouvoir reprendre ses effets personnels ;

Attendu que le préjudice moral ainsi occasionné à J. K. du fait de la rupture unilatérale du contrat doit donc être réparé par une indemnité de 2 500 euros, eu égard aux éléments d'appréciation dont le Tribunal dispose ;

Attendu par ailleurs que J. K. démontre avoir travaillé en moyenne 60 heures par semaine durant cinq mois, et près de 320 heures au cours des 27 premiers jours du mois de décembre 2000 ;

Attendu que la SCS T. Fleurs a donc manifestement manqué aux obligations légales concernant la durée du travail et le repos hebdomadaire, destinées à préserver la vie privée et la santé des salariés ;

Attendu que J. K. démontre par la production de pièces médicales les conséquences néfastes sur son état de santé du rythme de travail auquel il était astreint ;

Attendu que le préjudice moral causé de ce fait au salarié par l'employeur sera réparé par l'octroi d'une somme également estimée à 2 500 euros, à titre de dommages-intérêts ;

Sur les dépens

Attendu que la partie qui succombe doit supporter les dépens de l'instance, par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS, ET CEUX NON CONTRAIRES DES PREMIERS JUGES,

LE TRIBUNAL, STATUANT CONTRADICTOIREMENT COMME JURIDICTION D'APPEL DU TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Déclare les appels principal et incident recevables ;

Dit n'y avoir lieu d'annuler les attestations produites par la société en commandite simple T. Fleurs en cause d'appel ;

Confirme le jugement rendu par le Tribunal du Travail le 27 novembre 2003 en ce qu'il a :

1) rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'absence de motivation de la lettre de dénonciation du reçu pour solde de tout compte,

2) dit que la rupture anticipée par la SCS T. Fleurs, le 27 décembre 2000, du contrat de travail à durée déterminée consenti le 15 juillet 2000 à J. K. ne reposait ni sur une faute grave ni sur un juste motif,

3) condamné la SCS T. Fleurs à payer à J. K. la somme de 7 927,35 euros correspondant aux salaires dus jusqu'au terme du contrat de travail,

4) ordonné à la SCS T. Fleurs de remettre à J. K. une attestation ASSEDIC rectifiée conformément au dispositif du jugement, dans un délai d'un mois à compter de la signification,

5) débouté la SCS T. Fleurs de sa demande de dommages et intérêts,

6) condamné la SCS T. Fleurs aux dépens de première instance ;

Le réformant pour le surplus et, statuant à nouveau,

Déboute J. K. de sa demande de restitution d'effets personnels ;

Condamne la SCS T. Fleurs à payer à J. K., à titre de dommages-intérêts complémentaires,

1) la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice moral causé par la rupture anticipée du contrat de travail,

2) la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice moral causé par le rythme de travail auquel le salarié était astreint ;

Composition🔗

M. Narmino, prés. ; Mme Dollmann, subst. proc. gén., Mes Escaut, Rey, av. déf.

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