Tribunal de première instance, 14 avril 2005, S. c/ SAM Segond Automobiles

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Abstract🔗

Vente

Obligation du vendeur : délivrance de la chose et de ses accessoires lesquels comprennent les documents nécessaires à l'obtention des titres de circulation exigés par la loi, article 1457 du Code civil - Inexécution de l'obligation de délivrance de documents permettant de circuler régulièrement - Résolution du contrat de vente : article 1038 du Code civil

Résumé🔗

La société anonyme monégasque Segond Automobiles a vendu en 2002 à K.-A. S. un véhicule automobile de marque Porsche, modèle 911 Turbo n° de série WP., mis en circulation en septembre 2001 ;

Cette vente a été constatée par une facture n° 3/200212/600008 du 17 décembre 2002, indiquant que le prix, toutes taxes comprises, était de 118 000 euros et que ce montant a été immédiatement réglé ;

L'acquéreur a rencontré des difficultés pour faire immatriculer et assurer le véhicule en Italie, où il s'était déclaré domicilié, et le véhicule a été saisi le 8 février 2003 à Vintimille par la Police de la Route italienne de Ligurie, Section d'Imperia ; cette saisie a été levée le 28 février 2003 par le Juge de Paix de Vintimille ;

Suivant l'exploit susvisé du 28 avril 2003, K.-A. S. a fait assigner la société Segond Automobiles ; il demande au Tribunal de :

• prononcer l'annulation du contrat de vente, avec toutes conséquences de droit,

• condamner cette société à lui restituer le prix, soit 118 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2002, et à lui payer une indemnité de 30 000 euros en réparation de ses préjudices,

• lui donner acte de ses réserves à agir pénalement contre d'éventuels auteurs de faits délictueux,

• et d'assortir le jugement à intervenir de l'exécution provisoire.

Il ressort de la facture établie le 17 décembre 2002 que le prix convenu de 118 000 euros a donné lieu

• au paiement, avant la livraison, d'un acompte de 10 000 euros,

• à compensation à hauteur de 18 000 euros avec le prix d'un autre véhicule cédé par K.-A. S. et « repris » par la société Segond Automobiles,

et au règlement à cette société, le 17 décembre 2002, du solde de 90 000 euros dont la facture porte quittance ;

La facture n'indique aucun numéro d'immatriculation, se bornant à énoncer dans la rubrique correspondante le mot « Italie » ;

La société Segond Automobiles a délivré le même jour au nom de N. S., mère de l'acquéreur, un certificat provisoire d'immatriculation provisoire monégasque attribuant au véhicule le numéro 7400 WW MC.

Le véhicule était porteur de plaques indiquant ce numéro lorsque J.-P. S., père de l'acquéreur, a été contrôlé le 8 février 2003 par la Police de la Route à Vintimille.

Jean-Pierre S. a adressé le 13 février 2003 un courrier recommandé à la société Segond Automobiles pour se plaindre du fait que les documents remis par cette société avaient été estimés insuffisants pour mettre le véhicule en situation régulière et que le véhicule avait été saisi ; qu'il a conséquence demandé le remboursement de son prix.

À la même date, la société Segond Automobiles a rédigé une attestation selon laquelle le véhicule était en cours d'immatriculation, l'immatriculation définitive devant intervenir au plus tard le 25 février 2003.

Un second certificat provisoire, au nom de la « SCI S. M. M. S. », a été établi, pour la période allant du 13 février au 5 mars 2003, parla société Menton Méditerranée Motors, ayant son siège à Menton ; que ce document administratif français a attribué au véhicule le numéro provisoire 15151WW06.

La société Segond Automobiles a remis le 18 février 2003 à N. S. une « carte provisoire italienne de Proteo Immobiliare » prenant effet le 16 juillet 2002, les plaques d'immatriculation correspondantes et la « copie de la facture faite par Proteo Immobiliare pour M. S. K. ».

Cette facture, datée du 23 janvier 2003, fait état de la vente du véhicule par la société Proteo Immobiliare pour le prix, toutes taxes comprises, de 104 813,12 euros.

Cette société a en outre souscrit le 17 février 2003 une déclaration de vente par laquelle elle attestait avoir vendu le véhicule le même jour à K.-A. S.

Pourtant le Bureau Provincial de Milan du département des transports a établi le 7 mars 2003 un certificat d'immatriculation provisoire, valable 180 jours, indiquant toujours pour propriétaire du véhicule la société Proteo Immobiliare ;

La société Segond Automobiles a remis ce document le 12 mars 2003 à Nicole S.

L'obligation, faite au vendeur par l'article 1457 du Code civil, de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui est destiné à son usage perpétuel ; les accessoires essentiels d'un véhicule automobile, soumis à une réglementation administrative, sont les documents sans lesquels l'acquéreur ne peut procéder aux démarches nécessaires à l'obtention des titres de circulation exigés par la loi ; de tels accessoires doivent être délivrés soit au moment même de la vente, soit dans un délai raisonnable.

Il ressort de ce qui précède que K.-A. S. n'a manifestement pas été mis en possession, lors de la vente du véhicule, d'un certificat d'immatriculation Italien. Il est ensuite apparu que la société Proteo Immobiliare, qui a prétendu être le précédent propriétaire de la voiture, ne disposait pas non plus de ce document puisque la délivrance d'un certificat provisoire a dû être sollicitée après la vente auprès de l'autorité italienne compétente.

La société Segond Automobiles a seulement remis à l'acquéreur un certificat d'immatriculation provisoire monégasque de la série WW ;


Motifs🔗

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

La société anonyme monégasque Segond automobiles a vendu en 2002 à K.-A. S. un véhicule automobile de marque Porsche, modèle 911 Turbo, n° de série WP., mis en circulation en septembre 2001 ;

Cette vente a été constatée par une facture n° 3/200212/60008 du 17 décembre 2002, indiquant que le prix, toutes taxes comprises, était de 118 000 euros et que ce montant a été immédiatement réglé ;

L'acquéreur a rencontré des difficultés pour faire immatriculer et assurer le véhicule en Italie, où il s'était déclaré domicilié, et le véhicule a été saisi le 8 février 2003 à Vintimille par la Police de la Route italienne de Ligurie, Section d'Imperia ; cette saisie a été levée le 28 février 2003 par le Juge de Paix de Vintimille ;

Suivant l'exploit susvisé du 28 avril 2003, K.-A. S. a fait assigner la société Segond Automobiles ; il demande au Tribunal de :

prononcer l'annulation du contrat de vente, avec toutes conséquences de droit,

condamner cette société à lui restituer le prix, soit 118 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2002, et à lui payer une indemnité de 30 000 euros en réparation de ses préjudices,

lui donner acte de ses réserves à agir pénalement contre d'éventuels auteurs de faits délictueux,

et d'assortir le jugement à intervenir de l'exécution provisoire ;

Statuant avant dire droit le 17 juin 2004, le Tribunal a débouté la société Segond Automobiles de son exception d'irrecevabilité des demandes fondée sur le prétendu défaut de qualité à agir du demandeur ;

Le Tribunal a estimé que K.-A. S. est bien l'acquéreur du véhicule, et non les membres de sa famille auquel il a donné mandat pour effectuer les démarches administratives nécessaires à son immatriculation ; il a en outre invité la société Segond Automobiles à conclure sur le fond de l'affaire à l'audience du 13 octobre 2004 ;

Concluant seulement le 15 décembre 2004, la société Segond Automobiles a sollicité l'autorisation d'appeler en cause la société italienne Proteo Immobiliare, « conformément aux dispositions de l'article 267 du Code de procédure civile » ; elle s'est cependant expliquée sur les prétentions de son adversaire ;

Les parties sont en désaccord sur plusieurs points :

Sur la propriété du véhicule,

- K.-A. S. soutient principalement qu'en réalité le véhicule n'appartenait pas à son adversaire, mais à la société italienne Proteo Immobiliare ; il fait valoir que la société Segond Automobiles, après lui avoir dolosivement caché cette réalité et lui avoir fourni des certificats provisoires d'immatriculation irréguliers, lui a remis une déclaration de vente, datée du 17 février 2003, et une facture du 23 janvier 2003 établies par un représentant de cette société italienne ;

- la société Segond Automobiles répond qu'elle a agi en qualité de mandataire de la société Proteo Immobiliare en vertu d'un contrat de « dépôt-vente » ; elle voit dans la déclaration de vente et la facture invoquées par son adversaire la preuve de cette thèse ;

Sur l'appel en cause de la société Proteo Immobiliare,

- la société Segond Automobiles estime légitime que cette société « soit présente aux débats et ce aux fins notamment de pouvoir prendre position quant aux prétentions de K.-A. S. et relever et garantir le cas échéant Segond Automobiles de toutes condamnations qui pourraient être éventuellement prononcées à son encontre » ;

Sur l'exécution par la société Segond de ses obligations,

- le demandeur considère, à titre subsidiaire, que son adversaire s'est montrée incapable de « livrer la chose acquise plusieurs mois auparavant afin d'usage auquel elle était destinée » et que les manquements répétés à ses obligations justifient à tout le moins la résolution du contrat pour inexécution,

- la société Segond Automobiles estime au contraire qu'elle a fourni à son client les documents qui lui permettaient de circuler en Italie et qu'elle ne peut pas être tenue pour responsable des longs délais nécessaires dans ce pays pour obtenir la délivrance d'un certificat d'immatriculation ; selon elle, K.-A. S. ne cherche qu'à se libérer d'un véhicule qui ne lui convient plus ;

Sur le sort du véhicule,

- le demandeur expose qu'il a restitué le véhicule à la société Segond Automobiles dès le 14 mars 2003 ;

Sur les dommages-intérêts,

- K.-A. S. prétend avoir subi un préjudice financier et moral constitué par la privation de jouissance du véhicule consécutive à sa saisie, les tracas de la procédure judiciaire italienne, les frais de déplacement et les honoraires d'avocats qu'il a dû exposer pour se défendre face à la résistance abusive et à l'inertie injustifiée opposées à la restitution amiable du véhicule et à l'annulation de la vente ;

Sur l'exécution provisoire,

Il fonde sa demande tendant au prononcé de l'exécution provisoire sur le « caractère incontestable de la dette invoquée » ;

Sur quoi,

I. - Sur l'exception d'appel en garantie

Attendu que la société Segond Automobiles soulève une nouvelle exception fondée sur la nécessité, selon elle, de faire intervenir la société Proteo Immobiliare aux débats ;

Attendu que cette exception, quoiqu'improprement qualifiée d'appel en cause, ce qui pourrait être assimilé à l'assignation en déclaration de jugement commun régie par l'article 386 du Code de procédure civile, est en réalité une exception dilatoire d'appel en garantie puisque la société Segond Automobiles invoque expressément l'article 267 du même code et sollicite l'autorisation prévue par ce texte ;

Attendu cependant qu'il appartient à la partie défenderesse qui prétend avoir le droit d'appeler un tiers en garantie d'exposer les moyens de fait et de droit susceptible de fonder ce recours afin de mettre le Tribunal en mesure d'apprécier, eu égard aux intérêts en présence, l'opportunité d'autoriser l'appel en garantie et de retarder ainsi le règlement de l'instance principale engagée par le demandeur ;

Attendu que la société Segond Automobiles invoque l'existence d'un contrat de mandat entre elle et la société Proteo Immobiliare, mais n'explique aucunement en quoi cette dernière aurait manqué aux obligations nées de ce contrat ou aurait commis un manquement à l'égard de K.-A. S. ; qu'elle soutient au contraire que cet acquéreur a été mis en possession de tous les documents permettant l'immatriculation du véhicule ;

Attendu qu'en cet état, le Tribunal ne peut pas présumer que la société Segond Automobiles est susceptible de disposer d'un recours effectif contre la société Proteo Immobiliare ;

Attendu en outre que l'appel en garantie qu'elle entend exercer apporterait un trop grand retard au jugement de l'affaire principale alors que la société Segond Automobiles n'a conclu pour la première fois que huit mois après le premier appel de l'affaire, a alors opposé une exception d'irrecevabilité jugée infondée, et a encore attendu deux mois après la date initialement fixée par le Tribunal pour conclure enfin, dix-neuf mois après l'engagement de l'instance, sur le fond des demandes de son adversaire ;

Attendu qu'il convient au contraire de statuer sans plus attendre sur ces demandes, le Tribunal disposant des éléments nécessaires à son appréciation et la société Segond Automobiles s'étant suffisamment expliquée dans ses écritures judiciaires ;

II. - Sur la demande d'annulation du contrat de vente

Attendu qu'il ressort de la facture établie le 17 décembre 2002 que le prix convenu de 118 000 euros a donné lieu :

au paiement, avant la livraison, d'un acompte de 10 000 euros,

compensation à hauteur de 18 000 euros avec le prix d'un autre véhicule cédé par K.-A. S. et « repris » par la société Segond Automobiles,

et au règlement à cette société, le 17 décembre 2002, du solde de 90 000 euros dont la facture porte quittance ;

Que la facture n'indique aucun numéro d'immatriculation, se bornant à énoncer dans la rubrique correspondante le mot « Italie » ;

Que la société Segond Automobiles a délivré le même jour au nom de N. S., mère de l'acquéreur, un certificat provisoire d'immatriculation provisoire monégasque attribuant au véhicule le numéro 7400 WW MC ;

Que le véhicule était porteur de plaques indiquant ce numéro lorsque J.-P. S., père de l'acquéreur, a été contrôlé le 8 février 2003 par la Police de la Route à Vintimille ;

Que J.-P. S. a adressé le 13 février 2003 un courrier recommandé à la société Segond Automobiles pour se plaindre du fait que les documents remis par cette société avaient été estimés insuffisants pur mettre le véhicule en situation régulière et que le véhicule avait été saisi ; qu'il a en conséquence demandé le remboursement de son prix ;

Qu'à la même date, la société Segond Automobiles a rédigé une attestation selon laquelle le véhicule était en cours d'immatriculation, l'immatriculation définitive devant intervenir au plus tard le 25 février 2003 ;

Qu'un second certificat provisoire, au nom de la « SCI S. M. M. S. », a été établi, pour la période allant du 13 février au 5 mars 2003, par la société Menton Méditerranée Motors, ayant son siège à Mention ; que ce document administratif français a attribué au véhicule le numéro provisoire 1515 WW 06 ;

Que la société Segond Automobiles a remis le 18 février 2003 à N. S. une « carte provisoire italienne CB 944 SP de Proteo Immobiliare » prenant effet le 16 juillet 2002, les plaques d'immatriculation correspondantes et la « copie de la facture faite par Proteo Immobiliare pour M. S. K. » ;

Que cette facture, datée du 23 janvier 2003, fait état de la vente du véhicule par la société Proteo Immobiliare pour le prix, toutes taxes comprises, de 104 813,12 euros ;

Que cette société a en outre souscrit le 17 février 2003 une déclaration de vente par laquelle elle attestait avoir vendu le véhicule le même jour à K.-A. S. ;

Que pourtant le Bureau Provincial de Milan du département des transports a établi le 7 mars 2003 un certificat d'immatriculation provisoire, valable 180 jours, indiquant toujours pour propriétaire du véhicule la société Proteo Immobiliare ;

Que la société Segond Automobiles a remis ce document le 12 mars 2003 à N. S. ;

Attendu que l'obligation, faite au vendeur par l'article 1457 du Code civil, de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui est destiné à son usage perpétuel ; que les accessoires essentiels d'un véhicule automobile, soumis à une réglementation administrative, sont les documents sans lesquels l'acquéreur ne peut procéder aux démarches nécessaires à l'obtention des titres de circulation exigés par la loi ; que de tels accessoires doivent être délivrés soit au moment même de la vente, soit dans un délai raisonnable ;

Attendu qu'il ressort de ce qui précède que K.-A. S. n'a manifestement pas été mis en possession, lors de la vente du véhicule, d'un certificat d'immatriculation italien ; qu'il est ensuite apparu que la société Proteo Immobiliare, qui a prétendu être le précédent propriétaire de la voiture, ne disposait pas non plus de ce document puisque la délivrance d'un certificat provisoire a dû être sollicitée après la vente auprès de l'autorité italienne compétente ;

Que la société Segond Automobiles a seulement remis à l'acquéreur un certificat d'immatriculation provisoire monégasque de la série WW ;

Attendu que ce certificat était irrégulier à un double titre, au regard de l'arrêté ministériel n° 78-5 du 9 janvier 1978 relatif à l'immatriculation des véhicules automobiles, puisque :

d'une part les véhicules d'occasion destinés à l'exportation vers des pays autres que la France ne peuvent donner lieu qu'à une carte WW2,

d'autre part la durée de validité des cartes WW ou WW2 est limitée à un délai non prorogeable de 15 jours et ne peut être étendue aux deux mois indiqués par la société Segond Automobiles,

et enfin les véhicules relevant de la carte WW2 doivent, à l'issue de ce délai de 15 jours, avoir quitté définitivement la Principauté ou la France ;

Attendu qu'en tout cas, ce document ne permettait pas de circuler régulièrement en Italie et que la société Segond Automobiles paraît avoir commis sur ce point une grave erreur de droit ;

Attendu que la délivrance à Menton du second certificat provisoire paraît due à l'initiative de la société Segond Automobiles puisqu'elle a été concomitante aux réclamations de J.-P. S. ; qu'elle ne constitue qu'une tentative illicite de proroger les effets du certificat établi à Monaco et n'a aucunement pu régulariser la situation du véhicule ;

Attendu que loin de mettre en mesure l'acquéreur d'utiliser immédiatement en Italie le véhicule vendu, la société Segond Automobiles ne lui a procuré les documents nécessaires que le 12 mars 2003, soit près de trois mois après la vente ;

Que cette remise a été trop tardive pour constituer une délivrance utile ;

Attendu que K.-A. S. est donc en droit de se prévaloir de l'inexécution par le vendeur de son obligation de délivrance ;

Que cette inexécution a été suffisamment grave pour justifier l'annulation de la vente puisqu'il s'est trouvé, à son insu, en situation irrégulière durant plusieurs semaines, puis a été privé du véhicule à la suite du contrôle de police du 8 février 2003 ;

Attendu qu'il reste à déterminer si l'action en annulation peut être dirigée contre la société Segond Automobiles ou si elle aurait dû être engagée contre la société Proteo Immobiliare ;

Attendu que la société Segond Automobiles ne justifie pas avoir reçu un quelconque mandat de la société Proteo Immobiliare ;

Qu'elle ne produit aux débats ni le contrat de « dépôt-vente » dont elle allègue l'existence, ni aucune pièce de nature à démontrer son exécution ;

Qu'à aucun moment, elle n'a fait état d'un tel contrat ni dans la facture du 17 décembre 2002, ni dans les différents courriers qu'elle a échangés avec K.-A. S. ;

Que notamment, lorsque ce dernier lui a écrit, le 24 mars 2003, qu'il ignorait tout de la société Proteo Immobiliare et considérait avoir acquis le véhicule du concessionnaire à Monaco de la marque Porsche, la société Segond Automobiles s'est bornée, dans sa réponse du 11 avril 2003, à indiquer que la voiture était désormais en règle et qu'elle n'entendait pas rentrer dans « une polémique stérile », sans s'expliquer sur ses liens avec la société italienne ;

Attendu que le fait que la société Segond Automobiles ait retiré du véhicule ses plaques d'immatriculation italiennes, remises seulement le 18 février 2003 à N. S., et n'ait même jamais indiqué, sur aucun document, son numéro d'immatriculation italien vient confirmer qu'elle n'a pas souhaité révéler à K.-A. S. l'identité de son précédent possesseur et établit en outre qu'elle a entendu se comporter comme nouveau propriétaire ;

Qu'en définitive, la société Segond Automobiles apparaît seulement avoir voulu, après avoir requis la voiture, se dispenser des formalités exigées en Italie et à Monaco pour l'enregistrement de cette mutation ;

Attendu qu'en supposer même que le contrat de mandat allégué ait existé, le mandataire qui traite en son propre nom avec un tiers, sans lui faire connaître qu'il agit pour le compte du mandat, s'engage personnellement envers ce tiers et devient son débiteur direct, sauf son recours contre le mandant ;

Attendu que la société Segond Automobiles, faute d'avoir fait connaître à K.-A. S. qu'elle n'agissait qu'au nom d'autrui, doit en tout état de cause être considérée comme son seul cocontractant ;

Attendu que le demandeur est ainsi à la fois recevable et bien fondé à poursuivre, conformément aux articles 1038 et 1039 du Code civil, la résolution de la vente du 17 décembre 2002 pour inexécution par le vendeur de son obligation de délivrance ;

III. - Sur les conséquences de la résolution

Attendu que la résolution d'un contrat emporte, selon l'article 1038 du Code civil, révocation de l'obligation et remet les choses au même état que si l'obligation n'avait pas existé ;

Attendu que la société Segond Automobiles n'a pas contesté l'affirmation du demandeur selon laquelle ce dernier lui a restitué le véhicule le 14 mars 2003 ; qu'elle a elle-même reconnu ce fait en lui écrivant le 17 mars 2003 qu'elle le tenait à sa disposition en ses ateliers ;

Attendu que K.-A. S. est donc bien fondé à demander la restitution du prix versé ;

Attendu qu'il ne sollicite pas la restitution en nature du véhicule qu'il a lui-même remis en paiement partiel de ce prix ; qu'il convient donc d'ordonner la remise en état en valeur et de condamner la société Segond Automobiles à lui payer la somme de 118 000 euros ;

Attendu que l'obligation de restitution ne peut pas être assimilée à la répétition de l'indu régie par l'article 1225 du Code civil, mais demeure liée au contrat résolu dont elle découle de sorte que les intérêts, conformément au principe général exprimée à l'article 1008 du Code civil, ne courent que du jour de la sommation de payer ;

Attendu que le courrier de réclamation adressé le 13 février 2003 par J.-P. S. contenait sommation de rembourser le prix ; que cette sommation a été faite pour le compte de son fils en vertu d'un mandat du 9 février 2003 dont la régularité n'a pas été discutée ;

Que les intérêts devront donc courir à compter de la date de réception de ce courrier, soit le 14 février 2003 ;

Attendu que l'article 1039 du Code civil permet en outre à la partie qui obtient la résolution judiciaire d'un contrat de solliciter des dommages-intérêts ; qu'il lui appartient cependant de justifier que le préjudice allégué est bien la conséquence des manquements imputés à son cocontractant ;

Attendu qu'il ressort du procès-verbal établi le 8 février 2003 par la Police de la Route de Ligurie que la saisie et la mise en garde judiciaire du véhicule ont été ordonnées en raison du fait qu'il n'était pas assuré ; que cette mesure a donc eu pour cause une carence de K.-A. S. qui s'est lui-même placé dans une situation illégale ; que la réparation du préjudice résultant des conséquences de la saisie, notamment la procédure de mainlevée engagée en Italie, ne peut donc pas incomber à la société Segond Automobiles ;

Attendu en revanche que les manquements commis par cette société ont empêché K.-A. S. de jouir paisiblement du véhicule ;

Qu'en outre, en ne répondant pas à ses protestations relatives à la société Proteo Immobiliare, la société Segond Automobiles a effectivement fait preuve d'une inertie fautive qui a rendu nécessaire l'engagement du présent procès et a contraint le demandeur à exposer des frais pour le soutenir ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, d'allouer à K.-A. S. une indemnité de 12 000 euros en réparation de ces chefs de préjudice ;

Attendu que la réserve faite par le demandeur au sujet de l'engagement d'éventuelles poursuites pénales n'est pas indispensable à la préservation de ses droits ; qu'il n'est donc pas nécessaire de lui en donner acte ;

Attendu qu'il incombe à la partie qui demande le prononcé de l'exécution provisoire d'alléguer et de justifier l'existence d'une des circonstances prévues à l'article 202 du Code de procédure civile ; que l'allégation du caractère incontestable d'une prétention ne figure pas parmi les circonstances limitativement énumérées par ce texte ; que K.-A. S. doit en conséquence être débouté de ce chef de demande ;

Et attendu que la charge des dépens de l'instance doit être attribuée, conformément à l'article 231 du Code de procédure civile, à la partie qui succombe ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, STATUANT CONTRADICTOIREMENT,

Déboute la société Segond Automobiles de son exception dilatoire d'appel en garantie ;

Prononce la résolution du contrat, tel qu'il est constaté par la facture n° 3/200212/600008 du 17 décembre 2002, conclu entre K.-A. S. et la société Segond Automobiles portant vente d'un véhicule de marque Porsche, modèle 911 Turbo, n° de série WP. ;

Condamne la société Segond Automobile à payer à K.-A. S. :

* à titre de restitution du prix, la somme de Cent Dix Huit Mille Euros (118 000 euros), avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2003,

* et à titre de dommages-intérêts la somme de Douze Mille Euros (12 000 euros), avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Déboute K.-A. S. du surplus de ses demandes ;

Composition🔗

M. Narmino, prés. ; Mme Dollmann, subst. proc. gén., Mes Escaut, Rey, av. déf.

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