Tribunal de première instance, 3 mars 2005, Copropriété de l'Immeuble « Le S.-A. » c/ Mme D., M. D.

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Transaction

Jugement non transcrit déclarant un bien immobilier commun à deux époux, alors que le même bien avait été acquis antérieurement par l'épouse comme lui étant propre du fait qu'elle ait été, à ses dires, séparée de biens - Inopposabilité de ce jugement aux tiers (en l'espèce la copropriété créancière) article 1901 CC - Conséquences : action en recouvrement de créance (de la Copropriété) recevable contre l'ex-épouse seule - Inscription de l'hypothèque judiciaire (de la Copropriété) régulière, bien qu'elle n'ait point été modifiée à l'ex-mari

Résumé🔗

S. D. est enregistrée au Bureau des hypothèques comme propriétaire, dans l'immeuble dénommé S.-A., sis à Monaco [adresse] et [adresse], d'un appartement et d'un emplacement de voiture constituant les lots [numéro] et [numéro] de cet ensemble immobilier, organisé en copropriété ;

I. - Instance engagée par la copropriété contre S. D. (n° 396 du rôle de l'année judiciaire 2003-2004)

Autorisée par ordonnance du 7 janvier 2004, la copropriété de l'immeuble le S.-A. a fait inscrire le 14 janvier 2004 (volume 192, numéro 76) une hypothèque provisoire sur ces droits immobiliers pour avoir sûreté de sa créance, correspondant à des charges de fonctionnement et à des appels de fonds pour travaux, provisoirement évaluée à la somme de 35 000 euros ;

Par exploit susvisé du 22 janvier 2004, la copropriété à ensuite dénoncé cette inscription à S. D. et l'a fait assigner pour obtenir :

• sa condamnation à lui payer la somme de 27 527,62 euros « sous réserve des pénalités et intérêts aux taux contractuels... et des frais à déchoir à compter du 6 novembre 2003 », outre une indemnité de 2 500 euros destinée à réparer le dommage « correspondant aux frais de justice exposés par la requérante pour faire valoir ses droits en justice compte tenu de la résistance abusive de la requise »,

• la validation de l'inscription d'hypothèque et l'autorisation de procéder à la vente aux enchères des droits immobiliers concernés, conformément aux articles 762 et suivants du Code de procédure civile ;

Ayant procédé à une réévaluation de sa créance dans ses conclusions du 8 septembre 2004, elle réclame désormais, sous réserve « de toutes autres charges qui seraient jusqu'au prononcé du jugement à intervenir » :

• autre titre des charges : ................... 6 240,71 euros

• au titre des provisions sur travaux en cours ................................................. 29 857,75 euros

suivant le décompte arrêté au 20 juillet 2004, outre les dommages-intérêts ;

Par conclusions du 20 janvier 2005, S. D. s'est opposée à ces prétentions ;

Elle sollicite d'abord l'annulation de l'inscription au motif qu'elle n'a pas été notifiée à son ancien époux M. D. ;

Elle demande ensuite au Tribunal de :

• constater que le passif de l'indivision communautaire existant à la suite du divorce prononcé entre elle et M. D. s'élevait en septembre 2004 à 36 098,46 euros,

• constater que M. D. est redevable envers la copropriété de la somme de 19 867,46 euros tandis qu'elle-même n'est débitrice que de 9 276 euros,

• surseoir à statuer « du fait de la procédure de liquidation d'indivision pendante devant le Tribunal de première instance » ou, à titre subsidiaire, dire que M. D. devra être condamné à payer la somme de 19 867 euros à la copropriété,

• condamner « en outre » M. D. à la relever et garantir de toute condamnation,

• dire que ce dernier sera seul tenu des frais, pénalités et intérêts éventuels dus à la copropriété, soit 6 955 euros en septembre 2004,

• condamner M. D. à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par son attitude négligente consistant à refuser de participer aux frais et de régler le moindre centime en exécution de ses obligations ;

S. D. fait valoir qu'elle a été mariée à M. D. sous le régime français de la communauté et que les lots immobiliers litigieux sont en réalité des biens communs entre eux, ainsi qu'elle l'a signalé au syndic de la copropriété ;

Elle en déduit notamment que, par application de l'article 815-17 du Code civil français, les créanciers personnels d'un indivisaire, ne pouvant saisir sa part dans un bien indivis, ne peuvent pas non plus prendre des mesures conservatoires sur ce bien ;

Suivant les exploits susvisés des 17 mars et 3 mai 2004, S. D. a fait assigner M. D., en présence de la copropriété, en intervention forcée « afin qu'il prenne parti au litige qui l'oppose à la Copropriété, le jugement à intervenir devant leur être déclaré commun » ;

Elle demande en outre que les dépens soient mis à la charge de la copropriété ;

Elle a ensuite, par des conclusions du 25 janvier 2005, repris les demandes formées en dernier lieu dans l'instance précédemment relatée, comportant notamment condamnation de M. D. aux dépens ;

M. D. a conclu le 13 octobre 2004 pour solliciter :

• le renvoi de l'affaire au rôle général et sa jonction avec la procédure de partage de communauté pendante devant le Tribunal,

• à titre subsidiaire, si une contribution devait lui être imputée, sa limitation à « la moitié des charges incombant aux deux propriétaires, à l'exclusion des charges » locatives « ;

Il s'est en outre opposé à sa condamnation personnelle à des dommages-intérêts fondés sur la résistance abusive que lui impute S. D. ;

Le 25 janvier 2005, il a ajouté à ses prétentions en demandant :

• la compensation des sommes qui pourraient être mises à sa charge en tant que co-propriétaire avec celles dont S. D. lui est redevable au titre du partage de la communauté ;

• sa condamnation à lui payer une indemnité de 1 500 euros ;

Le conseil de la copropriété a déclaré s'en rapporter à justice à l'audience du 13 mai 2004 ;

Il est constant que S. D. et M. D. ont contracté mariage à Monaco le 26 mars 1977 en déclarant se soumettre au régime matrimonial légal français ; leur divorce a été prononcé le 18 juillet 2000 par le Tribunal de première instance de Monaco ;

Cependant S. D. a acquis seule de l'État, suivant acte reçu le 8 juillet 1985 par Maître Jean-Charles Rey, notaire à Monaco, les lots [numéro] et [numéro] dépendant de la copropriété de l'immeuble dénommé S.-A. ; elle a alors déclaré être mariée sous le régime de la séparation de biens ; cette manœuvre paraît avoir eu pour cause la volonté de bénéficier du régime de vente des biens dépendant des Domaines de l'État, réservé aux personnes de nationalité monégasque conformément au règlement spécial publié au Journal de Monaco du 16 décembre 1977 ;

Cet acte a été transcrit le 22 juillet 1985 au Bureau des hypothèques de Monaco (volume 730, numéro 39) ;

S. D. a ultérieurement déclaré au syndic de la copropriété, dans un courrier du 12 mai 2003, que ces lots dépendaient de sa communauté matrimoniale et a maintenu cette thèse à l'occasion de la présente instance ;

M. D. a adopté la même position ;

Le tribunal a statué dans le même sens dans son jugement du 25 mars 2004 en décidant que la loi française a vocation à régir la liquidation de leur régime matrimonial et que l'appartement sis dans l'immeuble S.-A. est un bien commun ;

Il ressort de l'article 1901 du Code civil que les droits qui résultent d'un acte portant translation de propriété immobilière ne peuvent pas être opposés aux tiers qui ont des droits sur l'immeuble avant d'avoir donné lieu à transcription ;

Il n'est pas allégué que S. D. et M. D. aient fait procéder à la transcription du jugement du 25 mars 2004, ou d'un acte rectificatif, pour rendre public et opposable aux tiers que l'immeuble dépendrait en réalité de leur prétendue communauté ;

Le caractère commun des lots litigieux n'est donc pas opposable à la copropriété, de simples notifications par courrier étant inopérantes ; celle-ci est en conséquence recevable à agir contre la seule S. D. en règlement des créances dont cette dernière peut être débitrice en sa qualité de copropriétaire ;

Le Tribunal a retenu que le caractère commun des lots enregistrés au Bureau des hypothèques sous le seul nom de S. D. n'est pas opposable à la copropriété ;

Aucune irrégularité ne peut donc résulter du fait que la copropriété n'a pas fait notifier à M. D., conformément à l'article 762 quater du Code de procédure civile, l'ordonnance ayant autorisé l'inscription de l'hypothèque ;

De même, le moyen tiré de l'article 815-17 du Code civil français, selon lequel les créanciers personnels d'un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, est inopérant :

À supposer même ce texte opposable à la copropriété, la Cour de cassation française a jugé qu'il n'interdit pas aux créanciers de prendre des sûretés sur le bien indivis, notamment une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire (arrêts respectivement rendus par la 2e chambre civile le 17 février 1983, publié au Bulletin des arrêts de la cour, n° 42, p. 29, et par la 3e chambre civile le 2 novembre 1983, publié au Bulletin, n° 212, p. 162) ;

L'exception de nullité présentée par S. D. doit en conséquence être rejetée.


Motifs🔗

Le Tribunal

Considérant les faits suivants :

S. D. est enregistrée au Bureau des hypothèques comme propriétaire, dans l'immeuble dénommé S.-A., sis à Monaco [adresse] et [adresse], d'un appartement et d'un emplacement de voiture constituant les lots [numéro] et [numéro] de cet ensemble immobilier, organisé en copropriété ;

I. - Instance engagée par la copropriété contre S. D. (n° 396 du rôle de l'année judiciaire 2003-2004)

Autorisée par ordonnance du 7 janvier 2004, la copropriété de l'immeuble le S.-A. a fait inscrire le 14 janvier 2004 (volume 192, numéro 76) une hypothèque provisoire sur ces droits immobiliers pour avoir sûreté de sa créance, correspondant à des charges de fonctionnement et à des appels de fonds pour travaux, provisoirement évaluée à la somme de 35 000 euros ;

Par l'exploit susvisé du 22 janvier 2004, la copropriété a ensuite dénoncé cette inscription à S. D. et l'a fait assigner pour obtenir :

sa condamnation à lui payer la somme de 27 527,62 euros » sous réserve des pénalités et intérêts au taux contractuel... et des frais à échoir à compter du 6 novembre 2003 «, outre une indemnité de 2 500 euros destinée à réparer le dommage » correspondant aux frais de justice exposés par la requérante pour faire valoir ses droits en justice compte tenu de la résistance abusive de la requise «,

la validation de l'inscription d'hypothèque et l'autorisation de procéder à la vente aux enchères des droits immobiliers concernés, conformément aux articles 762 et suivants du Code de procédure civile ;

Ayant procédé à une réévaluation de sa créance dans ses conclusions du 8 septembre 2004, elle réclame désormais, sous réserve » de toutes autres charges qui seraient dues jusqu'au prononcé du jugement à intervenir « :

• au titre des charges .......... 6 240,71 euros

au titre des provisions sur travaux en cours ...... 29 857,75 euros,

suivant décompte arrêté au 20 juillet 2004, outre les dommages-intérêts ;

Par conclusions du 20 janvier 2005, S. D. s'est opposée à ces prétentions ;

Elle sollicite d'abord l'annulation de l'inscription au motif qu'elle n'a pas été notifiée à son ancien époux M. D. ;

Elle demande ensuite au Tribunal de :

constater que le passif de l'indivision communautaire existant à la suite du divorce prononcé entre elle et M. D. s'élevait en septembre 2004 à 36 098,46 euros,

constater que M. D. est redevable envers la copropriété de la somme de 19 867,46 euros tandis qu'elle-même n'est débitrice que de 9 276 euros ;

surseoir à statuer » du fait de la procédure de liquidation d'indivision pendante devant le Tribunal de première instance « ou, à titre subsidiaire, dire que M. D. devra être condamné à payer la somme de 19 867 euros à la copropriété,

condamner » en outre « M. D. à la relever et garantir de toute condamnation,

dire que ce dernier sera seul tenu des frais, pénalités et intérêts éventuels dus à la copropriété, soit 6 955 euros en septembre 2004,

condamner M. D. à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par son attitude négligente consistant à refuser de participer aux frais et de régler le moindre centime en exécution de ses obligations ;

S. D. fait valoir qu'elle a été mariée à M. D. sous le régime français de la communauté et que les lots immobiliers litigieux sont en réalité des biens communs entre eux, ainsi qu'elle l'a signalé au syndic de la copropriété ;

Elle en déduit notamment que, par application de l'article 815-17 du Code civil français, les créanciers personnels d'un indivisaire, ne pouvant saisir sa part dans un bien indivis, ne peuvent pas non plus prendre des mesures conservatoires sur ce bien ;

II. - Instance en déclaration de jugement commun engagée par S. D. (n° 610 de l'année judiciaire 2003-2004)

Suivant les exploits susvisés des 17 mars et 3 mai 2004, S. D. a fait assigner M. D., en présence de la copropriété, en intervention forcée » afin qu'il prenne parti au litige qui l'oppose à la Copropriété, le jugement à intervenir devant leur être déclaré commun « ;

Elle demande en outre que les dépens soient mis à la charge de la copropriété ;

Elle a ensuite, par des conclusions du 25 janvier 2005, repris les demandes formées en dernier lieu dans l'instance précédemment relatée, comportant notamment condamnation de M. D. aux dépens ;

M. D. a conclu le 13 octobre 2004 pour solliciter :

le renvoi de l'affaire au rôle général et sa jonction avec la procédure de partage de communauté pendante devant le Tribunal,

titre subsidiaire, si une contribution devait lui être imputée, sa limitation à » la moitié des charges incombant aux deux propriétaires, à l'exclusion des charges locatives « ;

Il s'est en outre opposé à sa condamnation personnelle à des dommages-intérêts fondés sur la résistance abusive que lui impute S. D. ;

Le 25 janvier 2005, il a ajouté à ses prétentions en demandant :

la compensation des sommes qui pourraient être mises à sa charge en tant que co-propriétaire avec celles dont S. D. lui est redevable au titre du partage de la communauté,

sa condamnation à lui payer une indemnité de 1 500 euros ;

Le conseil de la copropriété a déclaré s'en rapporter à justice à l'audience du 13 mai 2004 ;

Sur quoi,

Attendu que les deux instances apparaissent connexes, à tout le moins dans la mesure où S. D. prétend appeler M. D. en déclaration de jugement commun ;

Que la jonction des procédures n'est pas de nature à retarder le jugement de l'affaire ;

Qu'il y a donc lieu de l'ordonner ;

Attendu en revanche qu'il n'apparaît pas conforme à une bonne administration de la justice de lier le traitement des demandes présentées par la copropriété au règlement du régime matrimonial ayant existé entre S. D. et M. D. ;

Que la liquidation préalable de ce régime n'est pas nécessaire à l'examen de la créance invoquée par la copropriété et à la détermination des obligations de S. D. ;

Attendu qu'il n'y a donc lieu ni à la jonction, ni au renvoi sollicités par M. D. ;

I. - Sur la recevabilité des prétentions de S. D.

Attendu que l'objet de la demande se trouve fixé, selon les articles 156 et 379 du Code de procédure civile, par l'exploit introductif d'instance et les demandes incidentes régulièrement formées par des conclusions ultérieures ;

Attendu que S. D. n'a fait assigner M. D., selon l'intitulé même de son exploit d'assignation, qu'en déclaration de jugement commun, conformément à l'article 386 du Code de procédure civile ;

Que cet exploit ne comportait donc ni demande de condamnation, ni demande de garantie ;

Attendu que les demandes formulées ensuite par conclusions contre M. D. ont un objet radicalement distinct, puisqu'elles tendent à des condamnations pécuniaires, et ne peuvent donc pas être considérées comme des demandes incidentes ;

Attendu que seule la demande de déclaration de jugement commun apparaît donc recevable ;

Qu'en revanche les autres prétentions visant M. D. doivent être déclarées irrecevables et ne pourront être examinées qu'en tant qu'elles constituent des moyens de défense contre les demandes de la copropriété ;

II. - Sur la recevabilité des demandes de M. D.

Attendu que toute demande doit, selon l'article 156 du Code de procédure civile, être accompagnée à peine de nullité de l'exposé sommaire des moyens sur lesquels elle est fondée ;

Que cette règle doit également s'appliquer aux demandes formées par voie de conclusions ;

Attendu que M. D. sollicite la condamnation de S. D. à lui payer une indemnité de 1 500 euros ;

Attendu que cette prétention, qui n'est formulée que dans le dispositif de ses dernières écritures, n'est assortie d'aucune explication au sujet tant du fait générateur de la responsabilité ainsi implicitement invoquée que de la nature ou de la consistance du préjudice que l'indemnité devrait réparer ;

Que ce chef de demande doit en conséquence être déclaré irrecevable ;

Attendu que les demandes relatives à la répartition des charges et à la compensation doivent suivre le sort des prétentions de S. D. contre lesquelles elles constituent des moyens de défense ; que leur irrecevabilité doit également être prononcée ;

III. - Sur les demandes de la copropriété

A. - Sur la division des poursuites entre S. D. et M. D.

Attendu qu'il est constant que S. D. et M. D. ont contracté mariage à Monaco le 26 mars 1977 en déclarant se soumettre au régime matrimonial légal français ; que leur divorce a été prononcé le 18 juillet 2000 par le Tribunal de première instance de Monaco ;

Attendu cependant que S. a acquis seule de l'État, suivant acte reçu le 8 juillet 1985 par Maître Jean-Charles Rey, notaire à Monaco, les lots [numéro] et [numéro] dépendant de la copropriété de l'immeuble dénommé S.-A. ; qu'elle a alors déclaré être mariée sous le régime de la séparation de biens, que cette manœuvre paraît avoir eu pour cause la volonté de bénéficier du régime de vente des biens dépendant des Domaines de l'État, réservé aux personnes de nationalité monégasque conformément au règlement spécial publié au Journal de Monaco du 16 décembre 1977 ;

Attendu que cet acte a été transcrit le 22 juillet 1985 au Bureau des hypothèques de Monaco (volume 730, numéro 39) ;

Que S. D. a ultérieurement déclaré au syndic de la copropriété, dans un courrier du 12 mai 2003, que ces lots dépendaient de sa communauté matrimoniale et a maintenu cette thèse à l'occasion de la présente instance ;

Que M. D. a adopté la même position ;

Que le Tribunal a statué dans le même sens dans son jugement du 25 mars 2004 en décidant que la loi française a vocation à régir la liquidation de leur régime matrimonial et que l'appartement sis dans l'immeuble S.-A. est un bien commun ;

Attendu qu'il ressort de l'article 1901 du Code civil que les droits qui résultent d'un acte portant translation de propriété immobilière ne peuvent pas être opposés aux tiers qui ont des droits sur l'immeuble avant d'avoir donné lieu à transcription ;

Attendu qu'il n'est pas allégué que S. D. et M. D. aient fait procéder à la transcription du jugement du 25 mars 2004, ou d'un acte rectificatif, pour rendre public et opposable aux tiers que l'immeuble dépendrait en réalité de leur prétendue communauté ;

Attendu que le caractère commun des lots litigieux n'est donc pas opposable à la copropriété, de simples notifications par courrier étant inopérantes ; que celle-ci est en conséquence recevable à agir contre la seule S. D. en règlement des créances dont cette dernière peut être débitrice en sa qualité de copropriétaire ;

Qu'il appartiendra à S. D., le cas échéant, d'exercer tout recours utile contre M. D. ;

B. - Sur la créance de la copropriété

Attendu que la copropriété poursuit le règlement de créances échues depuis le 1er mai 2003 ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que l'article 62 du règlement de la copropriété, opposable à S. D., met à la charge de tout copropriétaire défaillant tous les frais et honoraires exposés pour le recouvrement des sommes dues ; que ce texte prévoit en outre l'application d'une pénalité calculée à partir du taux des avances sur titres consenties par la Banque de France augmenté de deux points, avec un minimum de 2 % par mois ;

Attendu qu'en l'absence de justification du taux des avances de la Banque de France, il y a lieu de retenir le taux minimal mensuel de 2 % ;

Attendu qu'au vu des décomptes produits qui n'ont pas été contestés, S. D. doit être déclarée débitrice des sommes suivantes :

- au titre des charges de copropriété :

• solde antérieur au 1er mai 2003 ............ 550,32 euros

intérêts au 20 juillet 2004 (2 % x 14,66 mois) .............. 131,35 euros

charges arrêtées au 30 avril 2004 ........ 3 282,80 euros

intérêts au 20 juillet 2004 (2 % x 2,66 mois) ...................... 174,64 euros

appel de provision du 28 mai 2004 pour le lot n° 83 .................... 97,74 euros

appel de provision pour le lot n° 259 .... 1 517,49 euros

intérêts sur ces deux sommes (2 % x 2,66 mois) .............. 85,93 euros

- au titre des appels de fonds pour les travaux sur la façade :

• au 10 février 2003, 2e appel .......... 4 165,09 euros

au 28 mai 2003, 3e appel .......... 4 165,09 euros

au 1er octobre 2003 (4 705,01 x 3) ...... 14 115,03 euros

au 20 juillet 2004 .......... 578,48 euros

intérêts de retard (721,90 + 3 591,23) .. 4 313,13 euros

- au titre des frais de recouvrement :

• frais de relance du 8 mai 2002 ....... 39,47 euros

frais de commandement de payer du 10 novembre 2003 ................ 82 euros

frais de secrétariat d'avocat .......... 2 500,00 euros

Soit un total général de ............. 35 828,56 euros

Attendu que S. D. doit être condamnée au paiement de cette somme ;

Attendu que la créance ainsi évaluée comprend les frais nécessités par le présent procès, inscrits au titre des » frais d'avocat " ;

Qu'il y a donc lieu, le préjudice causé par la résistance de S. D. étant ainsi déjà réparé, de débouter la copropriété de sa demande de dommages-intérêts ;

C. - Sur le sort de l'inscription d'hypothèque

Sur la demande d'annulation de l'inscription

Attendu que le Tribunal a retenu que le caractère commun des lots enregistrés au Bureau des hypothèques sous le seul nom de S. D. n'est pas opposable à la copropriété ;

Attendu qu'aucune irrégularité ne peut donc résulter du fait que la copropriété n'a pas fait notifier à M. D., conformément à l'article 762 quater du Code de procédure civile, l'ordonnance ayant autorisé l'inscription de l'hypothèque ;

Que de même, le moyen tiré de l'article 815-17 du Code civil français, selon lequel les créanciers personnels d'un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, est inopérant ;

Qu'à supposer même ce texte opposable à la copropriété, la Cour de cassation française a jugé qu'il n'interdit pas aux créanciers de prendre des sûretés sur le bien indivis, notamment une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire (arrêts respectivement rendus par la 2e chambre civile le 17 février 1983, publié au Bulletin des arrêts de la cour, n° 42, p. 29, et la 3e chambre civile le 2 novembre 1983, publié au Bulletin, n° 212, p. 162) ;

Attendu que l'exception de nullité présentée par S. D. doit en conséquence être rejetée ;

Sur les demandes de la copropriété

Attendu que selon l'article 762 ter du Code de procédure civile, une inscription définitive d'hypothèque peut être prise, dans les trois mois du jour où la décision qui donne un titre au créancier a acquis l'autorité de la chose jugée ; que cette inscription se substitue alors rétroactivement à l'inscription provisoire, dans la limite des sommes conservées par celle-ci, de telle sorte que son rang se trouve fixé à la date de cette inscription provisoire ;

Attendu que la loi ne prévoit donc pas de validation de l'inscription provisoire ;

Attendu qu'il n'y a pas non plus lieu d'autoriser la copropriété à faire saisir l'immeuble affecté par l'inscription alors que cette prérogative lui est reconnue de plein droit par l'article 480 du Code de procédure civile ;

Qu'il suffit de constater la régularité de l'inscription et de dire qu'elle pourra produire tous ses effets ;

Et attendu que l'article 231 du Code de procédure civile met les dépens à la charge de la partie qui succombe ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, STATUANT CONTRADICTOIREMENT,

Ordonne la jonction des deux instances respectivement enregistrées sous les n° 396 et 610 du rôle de l'année judiciaire 2003-2004 ;

Déclare irrecevables :

• les demandes additionnelles par S. D. contre M. D. dans ses conclusions du 25 janvier 2005,

• les demandes présentées par M. D. ;

Dit que le caractère commun à S. D. et M. D. des lots n° 83 et 259 dépendant de l'immeuble dénommé S.-A. est inopposable à la copropriété de cet immeuble ;

Condamne S. D. à payer à la copropriété de l'immeuble S.-A. la somme de trente cinq mille huit cent vingt huit euros et cinquante six centimes (35 828,56 euros), montant des causes sus-énoncées ;

Déclare régulière l'inscription provisoire d'hypothèque prise le 14 janvier 2004 sur les lots immobiliers précités et dit que le présent jugement produira, dans les limites des montants qu'il fixe, les effets prévus à l'article 762 ter du Code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

Composition🔗

M. Narmino, prés. ; Mme Dollmann, subst. proc. gén., Mes Brugnetti, Pasquier-Ciulla et Escaut, av. déf.

  • Consulter le PDF