Tribunal de première instance, 25 mars 2004, Sté anonyme Industrie du Bâtiment (SAMIB) c/ Sté anonyme monégasque de Promotion Immobilière (SAMPI)

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Abstract🔗

Baux commerciaux

Clause résolutoire - Demande du bailleur d'exécuter des charges sans manifester expressément sa volonté de bénéficier de la clause résolutoire - Nullité des sommations de déguerpir ultérieures - Exigence de bonne foi : rendant inopérante les effets de la clause résolutoire art. 989 du Code civil

Résumé🔗

Aux termes de trois lettres recommandées avec accusé de réception du 10 février 2000, la SAMPI écrivait à la SAMIB :

« Notre courrier recommandé avec accusé de réception du 17 janvier 2000 est resté sans réponse à ce jour. Nous vous mettons en demeure de respecter les termes du paragraphe » Charges et Conditions - article 6 « et » Cautionnement et Garantie « du bail et de son avenant ci-dessus référencés, en vous rappelant la clause résolutoire : À défaut par le preneur d'exécuter une seule des charges et conditions du présent bail qui ont toutes été stipulées de rigueur notamment en ce qui concerne l'assurance des locaux contre les risques d'incendie et d'explosion consécutifs à la nature de son activité ou de payer exactement à son échéance un seul terme de loyer ou ses accessoires, le présent bail sera, si bon semble au bailler, résilié de plein droit et sans aucune formalité judiciaire, un mois après simple mise en demeure d'exécuter, qui lui sera signifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou un simple commandement de payer contenant déclaration par ledit bailleur de son intention du bénéfice de la présente clause et demeuré sans effet pendant ce délai. Et si le preneur refusait d'évacuer les lieux ; il suffirait, pour l'y contraindre sans délai, d'une simple ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de première instance de la Principauté de Monaco, exécutoire par provision et non susceptible d'appel » ;

Il n'est pas contestable qu'en dépit des prescriptions contractuelles précitées, la société SAMPI n'a pas expressément fait état de son intention d'user du bénéfice de la clause résolutoire aux cas où la mise en demeure serait infructueuse ;

À défaut d'une telle déclaration d'intention, qui ne saurait s'induire de la simple reproduction de la clause dans le courrier du 10 février 2000 et qui serait seule susceptible de dénuer de toute équivoque la véritable volonté de la bailleresse, en l'état des termes particulièrement clairs et précis qu'elle a fait insérer dans le bail à ce sujet, la SAMPI ne peut prétendre au bénéfice de cette clause résolutoire ; la SAMPI a de la sorte abusivement délivré à la SAMIB les deux sommations de déguerpir par actes du 17 mars 2000, lesquelles doivent être déclarées nulles pour avoir été signifiées sur le fondement d'une résiliation qui n'était pas acquise ;

Sans qu'il y ait lieu d'examiner le surplus des moyens invoqués, la SAMPI doit être déboutée des fins de sa demande reconventionnelle en expulsion, laquelle est expressément et exclusivement fondée sur le jeu de la clause résolutoire ;

En tout état de cause et de façon surabondante, le fait d'invoquer cette clause pour un simple ajustement du montant du cautionnement pourrait en l'espèce caractériser un abus de droit de la mettre en œuvre ou une exécution contractuelle contraire à l'exigence de bonne foi prévue par l'article 989 du Code civil, rendant ainsi inopérants les effets de ladite clause ;

S'agissant précisément de cette obligation de bonne foi imposée « aux co-contractants » pour l'exécution de leurs conventions, force est de constater qu'il appartenait au premier chef à la SAMPI de faire le calcul de l'augmentation du dépôt de garantie réclamée dans la mise en demeure ; les pièces produites démontrent cependant qu'il était impossible le 10 février 2000 de déterminer le montant de la majoration du cautionnement, dès lors qu'il était en fonction de l'indice du coût de la construction du 4e trimestre 1999, qui n'est paru qu'au Journal officiel le 20 avril 2000 ;

Il s'ensuit que le montant de l'augmentation ne pouvant être connu lors de la délivrance de la mise en demeure, ni même lors des sommations de déguerpir du 17 mars 2000, la mauvaise foi du bailleur apparaît établie et devait en tout état de cause lui interdire de se prévaloir de la clause résolutoire litigieuse.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

La SAMIB, exposant être bénéficiaire de divers baux commerciaux consentis par la société SAMPI dans l'immeuble Aigue Marine, et estimant infondée la notification de résiliation des baux effectuée par sa bailleresse, a, suivant exploit du 11 avril 2000, fait assigner la SAMPI à l'effet de voir :

- annuler les sommations de déguerpir signifiées le 17 mars 2000 à la requête de la SAMPI,

- déclarer bon et valable le procès-verbal d'offres réelles du 24 mars 2000 et la consignation opérée le 27 mars 2000.

- dire la SAMIB quitte et libérée des causes desdites offres ;

Au soutien de son argumentation, la SAMIB exposé notamment :

- qu'elle est bénéficiaire suivant acte sous seing privé du 22 octobre 1981 d'un bail commercial consenti par la SAMPI, portant sur un local représentant les 2/3 du lot n° 62 au sixième étage de l'immeuble dénommé Aigue Marine sis à Monaco 24 boulevard de Fontvielle,

- que par acte sous seing privé du 1er septembre 1987, un bail commercial lui a été consenti pour la moitié des lots n° 60 et 61, au sixième étage de l'immeuble sus-désigné,

- que par acte sous seing privé du 16 mars 1988, la SAMPI lui a consenti un autre bail commercial portant sur les 5/11 du lot n° 10 au rez-de-chaussée du même immeuble,

- que ces baux prévoient la variation du loyer en fonction de celle de l'indice du coût de la construction, et partant celle du dépôt de garantie,

- que par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 17 janvier 2000 adressée à Seamaster Sam par la SAMPI, l'attestation d'assurance pour l'année 2000 était réclamée ;

- que par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 février 2000, la SAMPI rappelait à la SAMIB sa missive du 17 janvier 2000 restée sans réponse la mettant en demeure de respecter les termes du bail, et reproduisait la clause résolutoire contractuelle,

- que le paragraphe intitulé « Charges et Conditions », article 6 de l'ensemble des baux liant la SAMPI à la SAMIB, est relatif à l'obligation d'assurance du preneur,

- que par deux lettres recommandées avec demande d'accusé de réception du 9 mars 2000, concernant le lot n° 62 et la moitié du lot n° 60, de même que le lot n° 61, la SAMIB adressait à la SAMPI le loyer correspondant à la période du 1er mars au 31 mai 2000 en lui indiquant qu'elle lui ferait parvenir la caution afférente à chacun de ces lots dès que sa banque la lui aurait transmise,

- que le même jour, la SAMIB a procédé au calcul de l'augmentation du cautionnement et adressait à la SAMPI un chèque de 3 491,05 francs représentant l'augmentation du montant du cautionnement,

- qu'également le 9 mars 2000, la SAMIB adressait à la SAMPI la dernière quittance d'assurance Multirisques Professionnelle ; la SAMPI ayant allégué ne pas avoir reçu le chèque précité, la SAMIB a fait opposition à son paiement le 20 mars 2000 et a fait dresser procès-verbal d'offres réelles le 24 mars 2000, la consignation ayant été effectuée le 27 mars 2000,

- que le 7 avril 2000, la SAMPI notifiait à la SAMIB, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, ne pas accepter ce mode de règlement et considérait la résiliation des baux acquise,

- que le 17 mars 2000 furent signifiées deux sommations de déguerpir portant sur les lots n° 60, 61 et 62, la SAMPI rappelant que par courrier du 17 janvier 2000, elle avait sollicité communication du cautionnement bancaire dûment revalorisé, demeuré sans réponse,

- qu'à défaut pour la SAMPI d'avoir indiqué le montant de l'augmentation de cautionnement pour chacun des baux liant les parties, ainsi que les modalités de calcul, la mise en demeure du 10 février 2000 est inopérante,

- que par ailleurs, la SAMPI n'a pas expressément indiqué qu'elle entendait se prévaloir de la clause résolutoire dans son courrier du 10 février 2000,

- que dès lors, l'offre réelle et la consignation doivent être considérées comme valables et irrégulières les sommations de déguerpir ;

La SAMPI en réponse entend pour sa part voir :

- « débouter la Société Anonyme Monégasque Industrielle du Bâtiment su sigle SAMIB, de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- déclarer recevable la demande reconventionnelle de la concluante et la déclarant bien fondée,

- constater le jeu des clauses résolutoires et la résiliation des baux dont s'agit,

- ordonner l'expulsion de la Société Anonyme Monégasque Industrie du Bâtiment en abrégé SAMIB, des locaux susvisés, dépendant d'un ensemble immobilier dénommée l'Aigue Marine sis à Monaco 24 avenue de Fontvielle savoir :

au rez-de-chaussée les 5/11 du lot n° 10,

au 6e étage la moitié des lots 60 et 61 ainsi que les 2/3 du lot n° 62,

- dire que l'expulsion pourra avoir lieu au besoin avec le concours de la force publique, sous astreinte non comminatoire journalière de 1 500 euros, à compter de la signification du jugement à intervenir,

- condamner en outre la Société Anonyme Monégasque Industrie du Bâtiment en abrégé SAMIB, à verser à la Société Anonyme Monégasque de Promotion Immobilière en abrégé SAMPI, la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant toute voie de recours suspensive d'exécution » ;

La SAMPI rappelle à cet égard qu'aux termes des trois baux commerciaux des 28 octobre 1981, 1er septembre 1987 et 31 janvier 1988, la SAMIB avait, outre le paiement des loyers, deux obligations majeures :

souscrire une assurance couvrant tous les risques pouvant provenir de l'activité exercée dans les lieux loués, et justifier au bailleur, à première réquisition, du paiement régulier des primes,

garantir le paiement du loyer et des charges, et l'exécution des conditions du bail par un dépôt de garantie (bail du 22 octobre 1981 et avenant du 1er septembre 1987) ou une caution bancaire (baux des 1er septembre 1987 et 31 janvier 1988) ;

Elle rappelle qu'à la date du 17 janvier 2000, elle avait elle-même adressé des courriers à tous les locataires de l'immeuble, parmi lesquels :

- une lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à Seamster, sollicitant la production de l'attestation d'assurance pour l'année 2000,

- une lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à la SAMIB demandant l'attestation d'assurance pour l'année 2000 et la caution bancaire dûment revalorisée, ce dernier courrier constituant une première demande, et non une mise en demeure, et ne faisant pas état de la clause résolutoire ;

La SAMPI estime en outre avoir - par trois courriers recommandés avec demande d'avis de réception en date du 10 février 2000, reçus le 11 février 2000, correspondant à chacun des baux souscrits, et rappelant la lettre du 17 janvier 2000 - mis en demeure la SAMIB de respecter les termes du paragraphe « Charges et conditions - Article 6 », c'est-à-dire les clauses relatives à l'assurance, et la rubrique « Cautionnement et Garantie », la clause résolutoire étant expressément rappelée et reproduite ;

Elle en déduit que le délai d'un mois ouvert par les mises en demeure le 11 février 2000 s'est terminé le 11 mars 2000 ;

Dès lors, elle considère que les lettres recommandées avec accusé de réception du 9 mars 2000 émanant de la SAMIB ont été sans effet et ce, dès lors que l'attestation d'assurance adressée le 9 mars 2000 par la locataire est trop imprécise et qu'aucun dépôt de garantie ni caution bancaire n'ont été adressés au bailleur dans le délai contractuel ;

La SAMIB, répliquant aux termes de la demande reconventionnelle, entend quant à elle voir :

- « débouter la société SAMPI de toutes ses demandes,

- constater que dans les trois mises en demeure en date du 10 février 2000 la société SAMPI n'a pas déclaré son intention d'user du bénéfice de la clause résolutoire,

- dire et juger en conséquence que faute par la société SAMPI d'avoir déclaré dans sa mise en demeure du 10 février 2000 qu'elle entendait user du bénéfice de la clause résolutoire, cette dernière ne peut se prévaloir de ladite clause résolutoire,

- constater que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 9 mars 2000 portant la date de la poste du 10 mars 2000, la société SAMIB a adressé à la société SAMPI sa dernière quittance d'assurance pour la période du 27 mai 1999 au 26 mai 2000 relative aux risques locatifs,

- dire et juger en conséquence que la société SAMIB a justifié dans le délai qui lui était imparti auprès de la société SAMPI, conformément à l'article 6 des » Charges et Conditions « des trois baux commerciaux liant les parties, du paiement régulier de la prime d'assurance,

- constater que l'avenant enregistré le 22 décembre 1987 au bail commercial du 22 octobre 1981 relatif au lot n° 62 a remplacé l'article du bail initial intitulé » Cautionnement et Garantie « par une stipulation ne prévoyant pas de révision annuelle du montant du cautionnement,

- dire et juger en conséquence en ce qui concerne le bail commercial afférent au lot n° 62 que la société SAMPI ne peut prétendre que ledit bail aurait été résilié au motif du prétendu non versement de la majoration du montant du cautionnement,

- dire et juger en toute occurrence que la variation du montant du cautionnement si elle était applicable ne pouvait intervenir en ce qui concerne le lot n° 62 qu'après qu'ait été connu l'indice du coût de la construction relatif au 4e trimestre 1999 qui n'est pas paru qu'au Journal officiel du 20 avril 2000,

- dire et juger en conséquence que la société SAMPI ne peut valablement se prévaloir de la mise en demeure qu'elle a adressée à la société SAMIB le 10 février 2000 à une époque où l'augmentation du montant du cautionnement ne pouvait être calculée faute de parution de l'indice du coût de la construction relatif au 4e trimestre 1999,

- constater que la variation du montant du cautionnement prévu par le bail commercial du 30 janvier 1988 relatif aux 5/11e du lot n° 10 ne pouvait être déterminée qu'après la parution de l'indice du coût de la construction relatif au 4e trimestre 1999 publié le 20 avril 2000,

- dire et juger en conséquence que la société SAMPI ne pouvait valablement adresser une mise en demeure le 10 février 2000 à la société SAMIB au titre de la révision du montant du cautionnement,

- constater que la société SAMIB a adressé par lettre du 9 mars 2000 à la société SAMPI un chèque de 3 491,05 francs tiré sur la BNP à titre de provision relative à l'augmentation du cautionnement, incluant notamment l'augmentation du cautionnement afférente au bail portant sur le lot n° 61 et la moitié du lot n° 60 en date du 1er septembre 1987,

- dire et juger en conséquence que la société SAMPI ne peut valablement prétendre que le bail du 1er septembre 1987 relatif au lot n° 61 et à la moitié du lot n° 60 a été résilié à la suite de cette mise en demeure du 10 février 2000,

- dire et juger en toute occurrence qu'il convient d'écarter le jeu de la clause résolutoire dont se prévaut la société SAMPI, faute par cette dernière d'en avoir invoqué le bénéfice de bonne foi, dès lors que la société SAMPI a imaginé d'adresser le 10 février 2000 à la société SAMIB deux demandes d'augmentation du montant du loyer concernant d'une part le lot n° 62 et d'autre part le lot n° 61 et la moitié du lot n° 60, et a le même jour adressé à la société SAMIB trois lettres recommandées avec demandes d'avis de réception la mettant en demeure de façon particulièrement sommaire de respecter les termes du paragraphe » Cautionnement et Garantie « du bail,

- dire et juger que la clause résolutoire dont se prévaut la société SAMPI n'a aucunement joué et que cette dernière a de façon abusive fait délivrer à la société SAMIB deux sommations de déguerpir portant d'une part sur le lot n° 62 et d'autre part sur le lot n° 60 et la moitié du lot n° 61,

- annuler les sommations de déguerpir signifiées le 17 mars 2000 à la requête de la société SAMPI à la société SAMIB,

- constater que la société SAMPI a délivré à la société SAMIB le 22 avril 2002 un congé sans réserve en ce qui concerne le bail portant sur les 5/11e du lot n° 10,

- dire et juger en conséquence que la société SAMPI a renoncé à se prévaloir de la résiliation au demeurant non acquise du bail commercial portant sur les 5/11e du lot n° 10,

- déclarer en toute occurrence bon et valable le procès-verbal d'offre réelle du 24 mars 2000 et la consignation opérée le 27 mars 2000 » ;

Par d'ultimes écrits en réponse, la SAMPI fait valoir :

Pour le lot n° 10 : que la SAMIB a simulé une régularisation, au moyen d'un chèque à la place d'une caution bancaire, des demandes de la SAMPI ignorées depuis trois ans, en sorte qu'elle a failli à ses obligations contractuelles,

Pour le lot n° 62 : que l'avenant du 1er septembre 1987 n'a pas modifié la clause du cautionnement, mais seulement son montant, en sorte que les conditions du bail étaient inchangées,

Pour les lots n° 61 et 1/2 60 : que la SAMIB était en mesure d'honorer les demandes de sa bailleresse et a au demeurant payé la facture de revalorisation des loyers établie à la suite de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Monaco le 2 mai 2000 ;

Sur ce,

Attendu qu'il s'induit de l'analyse des pièces produites les faits suivants :

Par acte sous seing privé du 22 octobre 1981, enregistré le 28 octobre 1981, la Société Anonyme Monégasque de Promotion Immobilière, en abrégé la SAMPI, a consenti à la Société Anonyme Monégasque Industrie du Bâtiment, en abrégé la société SAMIB, un bail commercial pour une durée de six années à compter du 1er avril 1981, renouvelable par tacite reconduction, portant sur un local à usage commercial constitué pour les deux tiers du lot n° 62 situé au 6e étage de l'immeuble dénommé « Aigue Marine » sis à Monaco, quartier de Fontvieille ;

Le bail commercial du 22 octobre 1981 stipulait (page 8), dans le paragraphe consacré au loyer :

De convention expresse et à compter du premier avril mil neuf cent quatre vingt un, le loyer ainsi fixé variera en augmentation comme en diminution, chaque trimestre, en fonction directe des variations de l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE (base 100 au quatrième trimestre mil neuf cent cinquante trois), l'indice de base et de référence étant celui du 4e trimestre mil neuf cent quatre vingt, et celui à prendre en considération étant l'indice de la fin de chaque trimestres ; le montant relatif à cette variation sera réglé quinze jours après la publication dudit indice, et ce, à la diligence du bailleur « ;

Le bail commercial du 22 octobre 1981 prévoyait également dans le paragraphe intitulé » Cautionnement et Garantie « (page 8) :

la garantie du paiement régulier des loyers et des charges et de l'exécution des conditions du présent bail, le preneur a remis au bailleur, qui le reconnaît, une somme de sept mille cinq cent HT, égale à un trimestre de loyer HT à titre de cautionnement ; lequel ne sera en aucun cas productif d'intérêts, pour être restitué à la Société Anonyme Monégasque Industrie du Bâtiment en fin de location, après justification que tous les paiements ou charges lui incombant auront été effectués et que toutes les conditions de son bail auront été exécutées ;

Chaque année, le montant de ce cautionnement sera révisé pour correspondre à un trimestre de loyer » ;

Le bail commercial du 22 octobre 1981 renfermait par ailleurs une clause résolutoire précisant qu'à défaut pour le preneur d'exécuter une seule des charges et conditions du bail, ledit bail sera, si bon semble au bailleur, résilié de plein droit et sans aucune formalité judiciaire un mois après une simple mise en demeure d'exécuter qui lui sera signifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou un simple commandement de payer contenant déclaration par ledit bailleur de son intention d'user du bénéfice de la présente clause et demeuré sans effet pendant ce délai ;

Par acte sous seing privé enregistré le 22 décembre 1987, la société SAMIB et la société SAMPI ont établi un avenant au bail énonçant notamment que le bail porterait désormais sur la totalité du lot n° 62 et que l'article « Cautionnement et Garantie » serait modifié par le texte suivant :

Le preneur a remis au bailleur qui le reconnaît une somme de 11 250 francs égale à un trimestre de loyer hors taxe à titre de cautionnement « ;

La société SAMPI a par ailleurs consenti à la société SAMIB un bail commercial le 1er septembre 1987 portant sur le lot n° 61 et la moitié du lot n° 60, situés au 6e étage de l'immeuble » Aigue marine « sis à Monaco, 24 avenue de Fontvielle, et ce, pour une durée de six années à compter du 1er septembre 1987, renouvelable par tacite reconduction ;

Ce bail en date du 1er septembre 1987 portant sur le lot n° 61 et la moitié du lot n° 60 stipulait dans le paragraphe consacré au loyer (page 6) :

De convention expresse et à compter du premier septembre 1987, le loyer ainsi fixé variera en augmentation comme en diminution, chaque année, en fonction directe des variations de l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE (base 100 au quatrième trimestre mil neuf cent cinquante trois), l'indice de base et de référence étant celui du troisième trimestre mil neuf cent quatre vingt sept et celui à prendre en considération étant l'indice du troisième trimestre de chaque année. Le montant relatif à cette variation sera réglé quinze jours après la publication dudit indice, et ce, à la diligence du bailleur » ;

Le bail commercial afférent au lot n° 61 et la moitié du lot n° 60 énonçait par ailleurs (page 6) dans un paragraphe intitulé « Cautionnement et Garantie » :

la garantie du paiement régulier des loyers et des charges et de l'exécution des conditions du présent bail, le preneur a remis au bailleur une « caution bancaire » égale à trois mois de loyer, qui sera restituée à la société SAMIB en fin de location, après justification que tous les paiements ou charges lui incombant auront été effectués et que toutes les conditions de son bail auront été exécutées ;

Chaque année, le montant de ce cautionnement sera révisé pour correspondre à un trimestre de loyer «

Le bail relatif au lot n° 61 et à la moitié du lot n° 60 renferme également une clause résolutoire indiquant qu'à défaut par le preneur d'exécuter une seule des charges et conditions du bail, le bail sera, si bon semble au bailleur, résilié de plein droit et sans aucune judiciaire un mois après une simple mise en demeure d'exécuter qui lui sera signifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou un simple commandement de payer contenant déclaration par ledit bailleur de son intention d'user du bénéfice de la présente clause et demeuré sans effet pendant ce délai ;

Enfin, par acte sous seing privé du 31 janvier 1988, enregistré le 16 mars 1988, la société SAMPI consentait à la société SAMIB un bail commercial de trois ans à compter du 31 janvier 1988, renouvelable par tacite reconduction, portant sur un local commercial constitué par les cinq onzièmes du lot n° 10 situé au rez-de-chaussée de l'immeuble dénommé » Aigue Marine « sis à Monaco, 24 avenue de Fontvielle ;

Ce bail énonce dans le paragraphe consacré au loyer (page 6) :

De convention expresse et à compter du premier septembre 1987, le loyer ainsi fixé variera en augmentation comme en diminution, chaque année, en fonction directe des variations de l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE (base 100 au quatrième trimestre mil neuf cent cinquante trois), l'indice de base et de référence étant celui du quatrième trimestre mil neuf cent quatre vingt sept et celui à prendre en considération étant l'indice du quatrième trimestre de chaque année ; le montant relatif à cette variation sera réglé quinze jours après la publication indice, et ce, à la diligence du bailleur » ;

Le bail afférent aux cinq onzièmes du lot n° 10 stipule également dans un paragraphe intitulé « Cautionnement et Garantie » :

la garantie du paiement régulier des loyers et des charges et de l'exécution des conditions du présent bail, le preneur a remis au bailleur une « caution bancaire » égale à trois mois de loyer, qui sera restituée à la société SAMIB en fin de location, après justification que tous les paiements ou charges lui incombant auront été effectués et que toutes les conditions de son bail auront été exécutées ;

Chaque année, le montant de ce cautionnement sera révisé pour correspondre à un semestre de loyer « ;

Ce bail renfermait également la même clause résolutoire énonçant qu'à défaut par le preneur d'exécuter une seule des charges et conditions du bail, ledit bail sera, si bon semble au bailleur, résilié de plein droit et sans aucune formalité judiciaire, un mois après une simple mise en demeure d'exécuter ou un simple commandement de payer contenant déclaration par le bailleur de son intention d'user du bénéfice de la présente clause et demeurée sans effet pendant ce délai ;

Attendu que par lettre recommandée avec accusé réception du 17 janvier 2000, adressée notamment à la SAMIB, la SAMPI indiquait :

Conformément aux termes des baux qui nous lient, nous vous saurions gré de bien vouloir nous faire parvenir :

- votre attestation d'assurance pour l'année 2000,

- votre caution bancaire dûment revalorisée » ;

Que la société SAMIB conteste pour sa part avoir reçu un tel courrier, estimant n'avoir été destinataire à la même date que d'une demande de production de l'attestation d'assurance pour l'année 2000, à l'exclusion de la caution bancaire revalorisée ;

Attendu qu'il est toutefois constant qu'aux termes de trois lettres recommandées avec accusé réception du 10 février 2000, la SAMPI écrivait à la SAMIB :

Notre courrier recommandé avec accusé réception du 17 janvier 2000 est resté sans réponse à ce jour. Nous vous mettons en demeure de respecter les termes du paragraphe « Charges et Conditions - article 6 » et « Cautionnement et Garantie » du bail et de son avenant ci-dessus référencés, en vous rappelant la clause résolutoire : À défaut par le preneur d'exécuter une seule des charges et conditions du présent bail qui ont toutes été stipulées de rigueur notamment en ce qui concerne l'assurance des locaux contre les risques d'incendie et d'explosion consécutifs à la nature de son activité ou de payer exactement à son échéance un seul terme de loyer ou ses accessoires, le présent bail sera, si bon semble au bailleur, résilié de plein droit et sans aucune formalité judiciaire, un mois après simple mise en demeure d'exécuter, qui lui sera signifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou un simple commandement de payer contenant déclaration par ledit bailleur de son intention d'user du bénéfice de la présente clause et demeuré sans effet pendant ce délai. Et si le preneur refusait d'évacuer les lieux, il suffirait, pour l'y contraindre sans délai, d'une simple ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de première instance de la Principauté de Monaco, exécutoire par provision et non susceptible d'appel « ;

Attendu qu'il n'est pas contestable qu'en dépit des prescriptions contractuelles précitées, la société SAMPI n'a pas expressément fait état de son intention d'user du bénéfice de la clause résolutoire au cas où la mise en demeure serait infructueuse ;

Qu'à défaut d'une telle déclaration d'intention qui ne saurait s'induire de la simple reproduction de la clause dans le courrier du 10 février 2000 et qui serait seule susceptible de dénuer de toute équivoque la véritable volonté de la bailleresse, en l'état des termes particulièrement clairs et précis qu'elle a fait insérer dans le bail à ce sujet, la SAMPI ne peut prétendre au bénéfice de cette clause résolutoire ; que la SAMPI a de la sorte abusivement délivré à la SAMIB les deux sommations de déguerpir par actes du 17 mars 2000, lesquelles doivent être déclarées nulles pour avoir été signifiées sur le fondement d'une résiliation qui n'était pas acquise ;

Attendu que sans qu'il y ait lieu d'examiner le surplus des moyens invoqués, la SAMPI doit être déboutée des fins de sa demande reconventionnelle en expulsion, laquelle est expressément et exclusivement fondée sur le jeu de la clause résolutoire ;

Attendu en tout état de cause et de façon surabondante, que le fait d'invoquer cette clause pour un simple ajustement du montant du cautionnement pourrait en l'espèce caractériser un abus du droit de la mettre en œuvre ou une exécution contractuelle contraire à l'exigence de bonne foi prévue par l'article 989 du Code civil, rendant ainsi inopérants les effets de ladite clause ;

Attendu, s'agissant précisément de cette obligation de bonne foi imposée » aux co-contractants « pour l'exécution de leurs conventions, force est en effet de constater qu'il appartenait au premier chef à la SAMPI de faire le calcul de l'augmentation du dépôt de garantie réclamée dans la mise en demeure ; que les pièces produites démontrent cependant qu'il était impossible le 10 février 2000 de déterminer le montant de la majoration du cautionnement, dès lors qu'il était fonction de l'indice du coût de la construction du 4e trimestre 1999, qui n'est paru qu'au journal officiel du 20 avril 2000 ;

Qu'il s'ensuit que le montant de l'augmentation ne pouvant être connu lors de la délivrance de la mise en demeure, ni même lors des sommations de déguerpir du 17 mars 2000, la mauvaise foi du bailleur apparaît établie et devait en tout état de cause lui interdire de se prévaloir de la clause résolutoire litigieuse ;

Attendu, sur les autres formulées par la SAMIB, qu'il convient en premier lieu de constater que par lettre recommandée avec accusé réception du 9 mars 2000, portant le cachet de la poste du 10 mars 2000, cette locataire a adressé à la SAMPI la dernière quittance d'assurance relative à la période comprise entre le 27 mai 1999 et le 26 mai 2000 relative aux risques locatifs ;

Qu'à cet égard, la preuve d'aucun manquement du preneur à ses obligations contractuelles n'est rapportée par la SAMPI, étant rappelé que le délai d'un mois imparti par le bailleur dans les mises en demeure du 10 février 2000 reçues le 11 février par SAMIB a été respecté ;

Attendu qu'aucun fait fautif ni abus de procédure n'étant par ailleurs imputables à la SAMIB, il convient également de débouter la SAMPI des fins de sa demande de dommages-intérêts à son encontre ;

Attendu que le fait que la SAMIB ait, par erreur, repris la terminologie employée par la SAMPI s'agissant des loyers, qualifiés d'indemnités d'occupation, apparaît inopérant compte tenu de l'analyse qui précède, la clause résolutoire n'ayant pu jouer pour aucun des trois baux dont s'agit ;

Attendu qu'il y a également lieu de constater que la SAMPI a délivré le 22 avril 2002 un congé sans réserve en ce qui concerne le bail portant sur les 5/11e du lot n° 10 et qu'elle a de la sorte renoncé à se prévaloir de la résiliation - au demeurant non acquise - du bail dont s'agit ;

Attendu, s'agissant enfin du procès-verbal d'offres réelles du 24 mars 2000 et de la consignation opérée le 27 mars 2000 portant sur une somme de 3 491,05 francs soit 532,21 euros, qu'il y a lieu de les déclarer valables conformément aux dispositions de l'article 750 du Code de procédure civile, les conditions de forme prescrites par l'article 746 du Code de procédure civile ayant été respectées ; que ces offres valent à titre provisionnel en l'attente du compte à faire sur le montant de l'augmentation du cautionnement, aucun débat chiffré n'ayant été instauré par les parties de ce chef dans le cadre de cette instance et le Tribunal n'étant pas en mesure en l'état de déclarer la SAMIB libérée à ce titre ;

Attendu, s'agissant enfin de la demande de constatation formulée par la SAMIB relative à l'avenant du 22 décembre 1987, qu'il convient en effet de relever que par cette nouvelle convention, le bail du 22 octobre 1981 portant sur le lot n° 62 a été modifié, notamment en ce qui concerne le cautionnement ;

Qu'il est en fait au 3° de cet avenant que le cautionnement prévu au bail à l'article » Cautionnement et Garantie « est modifié et remplacé par le texte suivant :

Le preneur a remis au bailleur qui le reconnaît, une somme de 11 250 francs égale à un trimestre de loyer hors taxe, à titre de cautionnement » ;

Attendu qu'il doit en être déduit que l'ancienne clause du bail de 1981 prévoyant tant le cautionnement initial que la révision de son montant est remplacée par le texte précité porté dans l'avenant, en sorte que le cautionnement égal à un trimestre de loyer n'a plus à faire l'objet d'une révision annuelle ;

Attendu que la SAMPI qui succombe doit être condamnée aux dépens de l'instance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

statuant contradictoirement,

Dit et juge que la SAMPI n'a pas manifesté son intention d'user du bénéfice des clauses résolutoires insérées dans les baux susvisés ;

Constatant qu'aucune résiliation n'était acquise, déclare nulles et sans effet les sommations de déguerpir signifiées le 17 mars 2000 à la requête de la SAMPI ;

Déboute la SAMPI des fins de sa demande reconventionnelle ;

Déclare valable le procès-verbal d'offres réelles et la consignation opérée le 27 mars 2000 par la SAMIB ;

Dit que cette offre a un caractère provisionnel en l'attente de tout compte à faire entre les parties sur ce point ;

Constate que par l'effet de l'avenant du 22 décembre 1987, le cautionnement prévu dans le bail du 22 octobre 1981 n'a plus lieu d'être révisé annuellement ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Composition🔗

M. Narmino prés. ; Mlle Le Lay prem. sust. proc. gén. ; Mes Blot, Escaut, Lorenzi av. déf., Rivoir et Gorra av. bar. de Nice.

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